vendredi 15 août 2025 : fête de l’Assomption, horaire des dimanches (vigiles la veille à 20h45, messe à 10h) + concert à 16h.

Nota : L’office de None (14h45) sera prié au dolmen de ND de la Pierre-qui-Vire.

Commentaires sur la Règle



Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 3,1-7 De l'appel des frères en conseil écrit le 25 août 2016
Verset(s) :

1. Chaque fois qu'il sera question au monastère de quelque chose d'important, l'abbé convoquera toute la communauté et dira lui-même de quoi il est question.

2. Une fois entendu le conseil des frères, il en délibérera à part soi et fera ce qu'il juge le meilleur.

3. Or si nous avons dit que tous seraient appelés au conseil, c'est que souvent le Seigneur révèle à un inférieur ce qui vaut le mieux.

4. Or donc les frères donneront leur avis en toute soumission et humilité, et ils ne se permettront pas de défendre leur opinion effrontément,

5. mais la décision dépendra de l'abbé : celle qu'il juge être plus opportune, tous y obéiront.

6. Toutefois, s'il sied aux disciples d'obéir au maître, il convient que celui-ci dispose toute chose avec prévoyance et justice.

7. Tous suivront donc en tout la règle comme leur maîtresse, et nul n'aura la témérité de s'en écarter.

Commentaire :

Ce petit chapitre est particulièrement riche pour nous faire saisir la belle et forte

structure de notre vie cénobitigue qui prend appui sur trois piliers majeurs: l'abbé, la

communauté et la règle. Il est intéressant de remarquer que de l'abbé, comme de la règle,

Benoit dit qu'ils sont « maître » et « maîtresse». J'aurai envie d'ajouter, même si le mot n'y

ait pas, que le plus jeune à qui le Seigneur révèle ce qui vaut le mieux, est aussi « maître » à

ce moment de sa prise de parole en communauté. Ainsi je crois qu'on peut dire sans exagérer

que tour à tour, l'abbé, la communauté et la règle, se trouvent en position de maître, de celui

qui a quelque chose à dire pour le bien du monastère. Ces trois piliers se reçoivent les uns des

autres dans une continuelle interaction. L'abbé a la responsabilité de guider la communauté,

de donner l'impulsion et la direction; en même temps il demeure sous la règle comme

chacun, et il est à l'écoute de la communauté qui cherche Dieu avec lui. La communauté obéit

à la règle et à l'abbé, mais elle prend la parole lors des grandes décisions et participent ainsi

au discernement de la marche à suivre. Nos Constitutions élaborées dans le temps ont même,

peu à peu, donné à la communauté plus de poids dans la prise des décisions, par les votes

auxquels elle doit être soumise. Enfin la règle demeure la référence première de notre genre

de vie requérant l'obéissance fondamentale et de l'abbé et de la communauté. En même

temps, la règle est sujette à interprétation par l'abbé à l'écoute de la communauté; elle

connait ainsi les mutations dont témoignent nos coutumes évolutives. Ce trépied -abbé,

communauté, règle - sur lequel repose notre vie monastique cénobitique est gage d'une

profonde solidité. Et cette solidité n'est pas rigide ou fixée une fois pour toute. Elle trouve sa

force et son ancrage dans l'écoute de l'Esprit Saint qui informe chacun: l'abbé, la

communauté et la règle. C'est lui, le vrai Maître de notre recherche monastique. Lorsque nous

nous écoutons dans un chapitre conventuel, dans un conseil ou une commission, c'est à Lui

que nous désirons être dociles pour chercher ce qui est juste. Peut-être qu'une de nos

difficultés majeures dans nos lieux d'échange et de concertation est de l'oublier. Nous

risquons alors de nous attacher à nos points de vue, ou pire de prêter aux autres des intentions

présumées. Cultiver l'écoute de l'Esprit Saint est inséparablement cultiver une prise de

distance par rapport à ses propres opinions, pour développer une réelle attention aux opinions

des autres, à ce qu'elles peuvent avoir de constructif dans le sujet abordé ... (25-08-2016)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 2, 30-40 Ce que doit être l'abbé écrit le 24 août 2016
Verset(s) :

30. L'abbé doit toujours se rappeler ce qu'il est, se rappeler le titre qu'on lui donne, et savoir que « plus on commet à la garde de quelqu'un, plus on lui réclame ».

31. Et qu'il sache combien difficile et ardue est la chose dont il s'est chargé, de diriger les âmes et de se mettre au service de caractères multiples : l'un par la gentillesse, un autre par la réprimande, un autre par la persuasion... ;

32. et selon la nature et l’intelligence d’un chacun, il se conformera et s’adaptera à tous, de façon non seulement à ne pas subir de perte dans le troupeau commis à sa garde, mais aussi à se féliciter de l’accroissement d’un bon troupeau.

33. Avant tout, qu'il ne laisse point de côté ni ne compte pour peu de chose le salut des âmes commises à sa garde, en prenant plus de soin des choses passagères, terrestres et temporaires,

34. mais qu'il songe sans cesse qu'il est chargé de diriger des âmes, dont il devra aussi rendre compte.

35. Et pour ne pas se plaindre d'un éventuel manque de ressources, qu'il se souvienne qu'il est écrit : « Cherchez d'abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît » ;

36. et encore : « Rien ne manque à ceux qui le craignent. »

37. Et qu'il sache que, quand on se charge de diriger les âmes, on doit se préparer à en rendre compte.

38. Et autant il sait avoir de frères confiés à ses soins, qu'il soit bien certain qu'il devra rendre compte au Seigneur de toutes ces âmes au jour du jugement, sans parler de sa propre âme, bien entendu.

39. Et ainsi, craignant sans cesse l'examen que le pasteur subira un jour au sujet des brebis qui lui sont confiées, en prenant garde aux comptes d'autrui, il se rend attentif aux siens,

40. et en procurant aux autres la correction par ses avertissements, lui-même se corrige de ses vices.

Commentaire :

Rendre compte, rendre des comptes: tel est l'horizon sous lequel est placé l'abbé. Hier

soir, nous avions la remise des comptes annuels, remise que tous attendent d'une certaine

manière. Mystérieusement quelque chose d'analogue se vivra pour l'abbé. Car sa mission

auprès des frères, n'est pas fondamentalement son affaire, mais celle de Dieu. Il n'est qu'un

intendant, un pasteur du troupeau de Dieu qui lui est confié. Dès lors l'abbé est invité à

exercer le bon zèle à l'égard de tous. Et qui mieux que le Christ a fait preuve d'un tel zèle?

En effet, le Christ s'est adapté aux caractères de ses disciples très différents: il a enseigné

chacun, il a rabroué Pierre, il a interrogé Jacques et Jean pour savoir s'ils pourraient boire la

coupe, proposé des paraboles en guise de réponse à des questions. Il a appelé Matthieu et

encouragé ses amis publicains. Face à tous ceux qui s'adressaient à lui sur la route, il savait

s'adapter: soit en restant à distance quand le piège était insinué, soit en se laissant conduire

comme avec Jaïre pour aller guérir sa fille, soit en ne comptant pas sa peine pour enseigner

comme au bord du lac ou au sommet de la montagne. Le zèle de Jésus, à l'image de celui de

Dieu pour son peuple, a toujours été entier et généreux pour rejoindre chacun et lui annoncer

le Royaume. De même, l'abbé est appelé, en vertu du nom qu'on lui donne, à dépenser toute

son énergie pour soutenir ses frères dans leur quête de Dieu et de son Royaume. Epreuve de

patience et persévérance pour lui, mais aussi pour chacun des frères, conviés à ne pas s'arrêter

en chemin. La tentation est toujours là de perdre le sens de la quête pour laquelle on est entré

initialement. Comment dans les méandres des tâches quotidiennes, garder les yeux fixés sur

le Royaume à venir, pour travailler dès maintenant à sa justice ? Nous avons la chance d'avoir

dans notre vie monastique les repères de 1 'horaire des offices, mais aussi du temps dédié à la

lectio et à l'oraison du soir. Ces rendez-vous nous permettent de revenir sous le regard de

Dieu, quand l'intensité des activités ou des soucis peut alourdir et obscurcir le cœur. Déposer

nos fardeaux en présence de Dieu, lui confier nos difficultés de relations, implorer sa force

pour demander pardon ou pardonner à un frère, laisser sa lumière redonner du goût et du sens

à ce que nous vivons, écouter sa Parole nous redire son appel et son amour toujours premier.

Sous le regard de Dieu, nos vies parfois éreintées reprennent des couleurs et du souffle. (24-08-2016)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 2, 23-29 Ce que doit être l'abbé écrit le 23 août 2016
Verset(s) :

23. Dans son enseignement, d'autre part, l'abbé doit toujours observer la norme que l'Apôtre exprime ainsi : « Reprends, supplie, réprimande »,

24. c'est-à-dire que, prenant successivement des attitudes diverses, mêlant les amabilités aux menaces, il se montrera farouche comme un maître et tendre comme un père.

25. C'est dire qu'il doit reprendre durement les indisciplinés et les turbulents, supplier d'autre part les obéissants, les doux et les patients de faire des progrès ; quant aux négligents et aux méprisants, nous l'avertissons de les réprimander et de les reprendre.

26. Et qu'il ne laisse point passer les fautes des délinquants, mais qu'il les retranche jusqu'à la racine dès qu'elles commencent à se montrer, pendant qu'il en a encore le pouvoir, se souvenant de la condamnation d'Héli, le prêtre de Silo.

27. Les âmes bien nées et intelligentes, qu'il les reprenne une et deux fois par des admonitions verbales,

28. mais les mauvais sujets, durs, orgueilleux, désobéissants, que les coups et le châtiment corporel les arrêtent dès le début de leur faute, vu qu'il est écrit : « On ne corrige pas un sot avec des mots »,

29. et encore : « Frappe ton fils de la verge et tu délivreras son âme de la mort. »

Commentaire :

Pour commenter ce passage de la Règle, je voudrais repartir de la citation plus large de

Paul à Timothée que Benoit n'utilise que partiellement: « Je t'adjure devant Dieu et devant le

Christ Jésus qui doit juger les vivants et les morts, au nom de son Apparition et de son

Règne: proclame la parole, insiste à temps et à contretemps, reprends, supplie, exhorte, avec

une patience inlassable et le souci d'instruire. Car un temps viendra où les hommes ne

supporteront plus la saine doctrine, mais au contraire, au gré de leurs passions et l'oreille les

démangeant, ils se donneront des maîtres en quantité et détourneront l'oreille de la vérité ... »

(2 Tm 4,1-3). On peut penser qu'en reprenant simplement les mots « reprends supplie

exhorte », Benoit a en arrière fond l'ensemble des versets de ce début de chapitre 4. Paul

presse Timothée de déployer toute son ardeur apostolique dans l'attente de la Venue du Christ

et son Règne. Il n'y a pas de temps à perdre pour faire connaitre la parole, pour instruire, et

reprendre, avant que n'arrive Celui qui doit juger les vivants et les morts. Il est bon pour

l'abbé et, je pense pour chacun d'entre nous, d'accueillir cette exhortation à ne pas perdre de

temps en vue de notre conversion. L'abbé doit s'en faire l'écho dans son ministère. Cette note

de hâte tournée vers la venue du Seigneur est heureuse, car bien plus profonde que le seul

souci d'une perfection plus ou moins idéalisée. Si l'abbé doit supplier, exhorter et reprendre

ses frères, c'est qu'il n'y a pas à traîner pour se convertir et changer de vie. Ici, nous

retrouvons la hâte si perceptible dans le prologue qui invite le moine à courir. .. Je me confie à

votre prière pour que je sache remplir ce rôle d’entraîneur et d'éveilleur. Chaque minute est

précieuse pour demeurer en éveil. Le Christ nous attend et en même temps il accompagne nos

pas plus ou moins hésitants. La parole du P. Abbé, mais aussi celle d'un frère capable de

reprendre avec bonté, peuvent en être des instruments. Notre risque aujourd'hui serait de nous

taire. Derrière ce silence peut se cacher nos peurs, notre faiblesse, et parfois un manque

d'amour fraternel. Oser dire une parole nous coûte, car elle nous dévoile dans notre faiblesse.

Demandons la force de l'Esprit Saint et prions pour le frère à qui nous sentons devoir dire une

parole qui pourra libérer, remettre de la lumière, faire justice. « Que le juste me reprenne et

me corrige avec bonté », invoque le psalmiste (Ps 140,5). Que l'Esprit Saint nous inspire

cette bonté. (23-08-2016)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 2, 16-22 Ce que doit être l'abbé écrit le 13 août 2016
Verset(s) :

16. Il ne fera pas de distinction entre les personnes dans le monastère.

17. Il n'aimera pas l'un plus que l'autre, à moins qu'il ne l'ait reconnu meilleur dans les bonnes œuvres ou l'obéissance.

18. A l'homme venu de l'esclavage qui entre en religion, il ne préférera pas l'homme libre, à moins qu'il n'existe une autre cause raisonnable.

19. Que si l'abbé en décide ainsi, la justice l'exigeant, il fera de même pour le rang de qui que ce soit ; sinon, ils garderont leur place normale,

20. car « esclave ou libre, nous sommes tous un dans le Christ », et sous un même Seigneur nous portons d'égales obligations de service, car « Dieu ne fait pas acception de personnes. »

21. Notre seul titre à être distingués par lui, c'est d'être reconnus meilleurs que les autres en bonnes œuvres et humbles.

22. L'abbé doit donc témoigner une charité égale à tous, avoir les mêmes exigences dans tous les cas suivant les mérites.

Commentaire :

L'abbé peut-il aimer tous et chacun « d'une égale charité» ? D'une certaine manière,

St Benoit ne lui en donne pas le choix. Il pose devant ses yeux cette exigence comme un

horizon sur lequel guider sa façon de vivre les relations avec chacun. Un aimer chacun qui

n'exclut pas de distinguer.A deux reprises, Benoit utilise le verbe « discernere », discerner

traduit par les mots « distinction» et « distinguer». Si l'abbé est conduit à distinguer, ce ne

sera pas les personnes en leur niveau culturel, en leur origine ou en leur capacité. Non, s'il

distingue, ce sera en raison des bonnes œuvres, de l'humilité ou de l'obéissance... Dieu ne

regarde pas aux apparences mais au coeur, l'abbé est invité à faire de même.

Comment aimer chacun d'une égale charité et pouvoir dans le même temps distinguer

selon l'humilité et l'obéissance? En associant le fait d'aimer et celui de distinguer, Benoit

laisse entendre que l'égalité de charité n'a rien à voir avec « du copié collé» où la relation

avec l'un serait identique à celle vécue avec un autre. Aimer l'un et aimer l'autre restera

toujours quelque chose d'unique, sans que l'on sache bien ni le mesurer ni l'exprimer

nécessairement. De plus l'amour qui distingue les qualités de cœur est un amour qui manifeste

que tout n'a pas la mêfi?e valeur.La recherche monastique a ainsi en horreur tout ce qui est

amour de la mondanité et de la superficialité. L'abbé est ainsi appelé à être le témoin auprès

de ses frères de cet amour divin qui préfère se révéler aux petits davantage qu'aux sages et

aux savants. L'amour divin préfère d'emblée ce qui est petit, simple et vrai ... comme en

témoigne si bien toutes les personnes qui ont été choisies pour des missions un peu

extraordinaires : qu'on pense à Jeanne d'Arc ou à Ste Bernadette de Lourdes. En ce sens si

l'amour préfère, c'est parce qu'il se tourne spontanément vers ce qui lui est naturellement

ouvert : la simplicité, la vérité et l'humilité. Mais finalement, l'amour divin ne désire-t-il pas

rejoindre chacun de nous en son lieu de petitesse, en ce sanctuaire virginal où tout est encore à

naitre ... Là l'amour se présente égal pour tous, pauvres et riches, petits et grands, chacun

pécheurs aimés et pardonnés. A tous l'amour est offert sans compter. Heureux qui peut le

reconnaitre, heureux qui sait s'y ouvrir. La charité divine ne craint pas nos pauvretés ou nos

faiblesses, il les recherche même pour les irriguer d'une lumière nouvelle. Lumière qui se

transmet comme le feu pour nous apprendre à aimer à notre tour du creux de notre petitesse. (13-08-2016)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 2, 11-15 Ce que doit être l'abbé écrit le 12 août 2016
Verset(s) :

11. Quand donc quelqu'un prend le titre d'abbé, il doit diriger ses disciples par un double enseignement,

12. c'est-à-dire qu'il montrera tout ce qui est bon et saint par les actes plus encore que par la parole. Ainsi, aux disciples réceptifs il exposera les commandements du Seigneur par la parole, aux cœurs durs et aux plus simples il fera voir les préceptes divins par ses actes.

13. Inversement, tout ce qu'il enseigne aux disciples à regarder comme interdit, qu'il fasse voir par ses actes qu'on ne doit pas le faire, « ;de peur qu'en prêchant aux autres, il ne soit lui-même réprouvé »,

14. et qu'un jour Dieu ne lui dise, à cause de ses péchés : « ;Pourquoi proclames-tu mes ordonnances et recueilles-tu dans ta bouche mon alliance, alors que tu hais la discipline et que tu as rejeté mes paroles derrière toi ? ;»

15. Et : « Toi qui voyais le fétu dans l'œil de ton frère, dans le tien tu n'as pas vu la poutre. »

Commentaire :

A travers ces lignes, on peut entendre, et une grande confiance faite à un homme

chargé de conduire une communauté, et une grande prudence pour le rappeler à ses

responsabilités. Grande confiance dans la charge de transmettre les enseignements divins et en

même temps grande vigilance au regard de la fragilité toujours possible. L'exhortation faite à

l'abbé d'enseigner et par ses paroles et par ses actes, rappelle qu'il reste un moine sur le

chemin de la conversion. Frère parmi ses frères, il s'enseigne autant qu'il enseigne ses frères

quand il parle. Le P. Denis me disait cela souvent: quand l'abbé enseigne, c'est d'abord à lui

qu'il enseigne. Si les frères sont enseignés par les actes de l'abbé qui laisse voir dans sa vie la

cohérence de ce qu'il enseigne, l'inverse est vrai aussi. L'abbé est enseigné lui-même et par

les paroles et par les exemples des frères. Ce n'est pas une petite grâce du ministère abbatial

de beaucoup recevoir des frères, soit à travers les échanges où chacun parle de son combat

monastique, soit à travers les exemples des uns et des autres. Comme chacun, je suis touché

par les paroles en vérité et par la recherche de chacun en vue de mener une vie plus fidèle à

l'évangile. Une parole vraie, très humble et une vie en quête d'une cohérence toujours plus

évangélique est une aide pour l'abbé comme pour chacun.

On peut se demander pourquoi les actes nous enseignent-ils davantage que les

paroles? Je pense que c'est lié à notre condition chamelle. La parole enseignée, entendue,

proclamée passe vite ... demeurent les actes et les engagements concrets qui prennent chair

dans notre existence. Cette dernière a besoin pour s'édifier d'incarner les décisions ainsi que

toutes les bonnes paroles. Et pour nous moines chrétiens, nous mesurons au fur et à mesure de

notre vie le grand bonheur qu'il y a à laisser la Parole de Dieu, celle de la Règle, et celle des

frères, nous illuminer, nous faire agir de telle manière, nous rendre plus fort par une bonne

habitude prise. Obéir à la Parole et la laisser s'incarner dans une nouvelle manière de vivre

nous rend plus solide, plus ouvert, plus disponible. Au contraire, résister aux paroles que nous

entendons, ou aux élans intérieurs que nous sentons, nous laisse souvent malheureux, divisés,

sans force. Essayons durant cette journée d'être davantage à l'écoute des paroles dites et

davantage attentifs aux mouvements intérieurs qui nous engagent à donner chair à la Parole,

pour changer tel défaut, pour s'ouvrir plus aux frères, pour donner davantage de son temps,

pour résister à une tentation ... L'amour veut s'incarner dans notre vie. Il nous communiquera

lajoie qu'il y a à aimer toujours plus. (12-08-2016)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 2, 1-10 Ce que doit être l'abbé écrit le 10 août 2016
Verset(s) :

1. L'abbé qui est digne de gouverner le monastère, doit toujours se rappeler le titre qu'on lui donne, et vérifier par ses actes le nom du supérieur.

2. Il apparaît en effet comme le représentant du Christ dans le monastère, puisqu'on l'appelle d’un des noms de celui-ci,

3. selon le mot de l'Apôtre : « Vous avez reçu l'esprit d'adoption filiale, dans lequel nous crions : abba, père ! »

4. Aussi l'abbé ne doit-il rien enseigner, instituer ni commander qui soit en-dehors du précepte du Seigneur,

5. mais son commandement et son enseignement s'inséreront dans l'esprit de ses disciples comme un levain de justice divine.

6. L'abbé se rappellera toujours que son enseignement et l'obéissance des disciples, l'une et l'autre chose, feront l'objet d'un examen au terrible jugement de Dieu.

7. Et l'abbé doit savoir que le pasteur portera la responsabilité de tout mécompte que le père de famille constaterait dans ses brebis.

8. En revanche, si le pasteur a mis tout son zèle au service d'un troupeau turbulent et désobéissant, s'il a donné tous ses soins à leurs actions malsaines,

9. leur pasteur sera absous au jugement du Seigneur et il se contentera de dire au Seigneur avec le prophète : « Je n'ai pas caché ta justice dans mon cœur, j'ai dit ta vérité et ton salut. Mais eux s'en sont moqués et ils m'ont méprisé. »

10. Et alors, les brebis qui auront désobéi à ses soins auront enfin pour châtiment la mort triomphante.

Commentaire :

Cette manière de parler de l'abbé peut surprendre par la prévention et le ton de grande

réserve qui se dégage au commencement de ce chapitre. Dès le début, sont signifiées des

limites, invitant le supérieur à ne pas oublier d'où lui viennent le pouvoir et la charge qu'il a

reçus. Là où notre vision moderne cherche à situer le pouvoir à sa juste place en lui opposant

les contre pouvoirs garants d'un certain équilibre, Benoit propose une vision de foi. L'autorité

de l'abbé vient de la foi de ses frères qui croient (creditur) qu'il représente pour eux le Christ,

sur leur chemin. Il n'est pas le Christ, mais ils croient qu'à travers sa parole et son

enseignement, le Christ leur parle et les guide. Leur confiance au Christ se vit concrètement

dans la confiance en cet homme. Dans ce sens se comprend mieux la recommandation,

« l'abbé ne doit rien enseigner, instituer ni commander qui soit en dehors du précepte du

Seigneur ... » Si l'abbé veut enseigner ses frères, il doit lui-même se mettre à l'écoute de la

Parole du Seigneur.Son enseignement n'a pas d'autres prétentions que de conduire les frères

vers une écoute plus attentive et toujours plus féconde de cette même Parole. Benoit pousse

plus loin la vision de foi en faisant un lien étroit entre la vie présente et la vie à venir.

« L'abbé se rappellera toujours que son enseignement et l'obéissance des disciples feront

l'objet d'un examen au terrible jugement de Dieu ». Phrase un peu redoutable. L'abbé est

tellement au service du Christ qu'il aura des comptes à rendre: pour son enseignement

comme pour les effets produits chez les frères. Si à la fin, Benoit prend bien soin de dire que

les frères ont aussi leur responsabilité propre devant Dieu, il entend montrer combien

l'enseignement de l'abbé ou son absence n'est pas sans conséquence. Selon qu'il est juste, ou

selon qu'il est trop faible ou incohérent, la vie des frères s'en ressentira et pourra conduire à

des excès dommageables, avant tout pour les frères eux-mêmes. Ces paroles abruptes de

Benoit nous remettent chacun devant notre responsabilité: comme abbé et comme frère.

L'abbé doit écouter la Parole de Dieu et ses frères, parfois il doit dire des paroles plus fortes

qui interpellent. Avec les frères, il est en marche sur le chemin de la conversion. La

perspective du jugement, plus simplement celle de notre mort, nous remet devant l'évidence

du temps qui passe. Le temps est précieux, à ne pas gaspiller. Sans devenir jaloux de notre

temps, comme s'il était nôtre, soyons heureux de le donner, et à Dieu en toute chose et aux

frères. Le donner est le meilleur moyen de ne pas le perdre. (10-08-2016)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 1, 6-13 Des espèces de moines écrit le 09 août 2016
Verset(s) :

6. La troisième et détestable espèce de moines est celle des sarabaïtes. Aucune règle ne les a éprouvés, grâce aux leçons de l'expérience, comme l'or dans la fournaise, mais ils sont devenus mous comme du plomb.

7. Par leurs œuvres, ils restent encore fidèles au siècle, et on les voit mentir à Dieu par leur tonsure.

8. A deux ou trois, voire seuls, sans pasteur, enfermés non dans les bergeries du Seigneur, mais dans les leurs, ils ont pour loi la volonté de leurs désirs.

9. Tout ce qu'ils pensent et décident, ils le déclarent saint ; ce qu'ils ne veulent pas, ils pensent que c'est interdit.

10. La quatrième espèce de moines est celle que l'on nomme gyrovague. Toute leur vie, allant par les différentes provinces, ils se font héberger trois ou quatre jours par les celles des différents moines,

11. toujours errants et jamais stables, asservis à leurs propres volontés et aux tentations de la bouche, et en tout plus détestables que les sarabaïtes.

12. La misérable conduite de tous ces gens-là, mieux vaut la passer sous silence que d'en parler.

13. Laissons-les donc et venons-en, avec l'aide du Seigneur, à organiser la valeureuse espèce des cénobites.

Commentaire :

«Aucune règle ne les a éprouvés, grâce aux leçons de l'expérience» ... Ainsi se

caractérisent les sarabaïtes. N'acceptant pas de vivre sous une règle, « ils ont pour loi la

volonté de leurs désirs». En contre-point des sarabaïtes décrits par Benoit, on peut se

souvenir du P. Muard qui cherchait à tout prix une règle pour mieux asseoir son intuition de

fondation. Il avait conscience de devoir s'appuyer sur une tradition éprouvée. Venu à Rome

cherchant tout d'abord du côté de St François, il s'est orienté vers Subiaco où Dom de Fazy

lui a donné la Règle de St Benoit. Il fut heureux d'y trouver notamment la place de choix

donnée au travail manuel.De nos jours, le f. Zacharie à Buta a suivi une démarche similaire.

Cherchant la vie monastique, venant l'éprouver parmi nous, il a adopté la règle de St Benoit.

Vivant depuis toujours dans un cadre précis et stable comme le nôtre, nous ne

mesurons pas toujours l'importance d'être appuyés sur une Règle, et particulièrement sur celle

de Benoit. Elle est riche des leçons de l'expérience transmise de génération de moines en

génération. De même nos Constitutions de Subiaco sont elles-mêmes porteuses de toute une

richesse d'expériences accumulées depuis des siècles. Ces usages digérés offrent un cadre de

vie qui se veut toujours plus adapté au temps présent. La manière avec laquelle nos

Constitutions prévoient, par ex, les modalités de consultation et de délibération pour les

diverses décisions à prendre (accueil de personnes, finances, travaux, modification etc ... ) est

le fruit d'un ensemble d'expériences qui ont enseigné la prudence ainsi que la prise en compte

des aspirations nouvelles de prendre part aux décisions.

Au regard de ces structures d'organisation, on peut mieux entendre l'expression de

Benoit: « la valeureuse espèce des cénobites». « Valeureux» traduit le latin « fortissimus »

« la très forte espèce des cénobites ». La vie cénobitique est très forte en vertu de ces éléments

structurants qui rendent la vie commune non seulement possible, mais plus adéquate pour

atteindre son but: mettre le service de Dieu et celui de nos frères au centre de nos

préoccupations, pour la plus grande Gloire de Dieu et pour une féconde annonce de

l'Evangile. Du même coup, chacun se trouve conforté dans son propre chemin. Il est porté

dans ses faiblesses personnelles mais aussi soutenu dans son désir de suivre le Christ pour lui

ressembler davantage. Rendons grâce à Dieu d'être les bénéficiaires d'un tel soutien. (09-08-2016)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 0, 45-50 Prologue écrit le 04 août 2016
Verset(s) :

45. Il nous faut donc instituer une école pour le service du Seigneur.

46. En l'organisant, nous espérons n'instituer rien de pénible, rien d'accablant.

47. Si toutefois une raison d'équité commandait d'y introduire quelque chose d'un peu strict, en vue d'amender les vices et de conserver la charité,

48. ne te laisse pas aussitôt troubler par la crainte et ne t'enfuis pas loin de la voie du salut, qui ne peut être qu'étroite au début.

49. Mais en avançant dans la vie religieuse et la foi, « le cœur se dilate et l'on court sur la voie des commandements » de Dieu avec une douceur d'amour inexprimable.

50. Ainsi, n'abandonnant jamais ce maître, persévérant au monastère dans son enseignement jusqu'à la mort, nous partagerons les souffrances du Christ par la patience, afin de mériter de prendre place en son royaume. Amen.

Commentaire :

Il y a un contraste dans le prologue de la RB, qui apparaît bien en sa fin, entre les

verbes d'élan (se lever 8, courir 13,22,44,49, avancer 21,49 ... ) et les verbes plus statiques

(habiter 22,39 ; bâtir sur le roc 33 ; instituer 45,46). D'un côté, il s'agit de se hâter vers le

Royaume, le vrai lieu où l'on habitera, et de l'autre il s'agit d'établir une manière de vivre,

une école qui soit stable et dans laquelle on va persévérer jusqu'à la mort. D'un côté, une

exhortation impatiente à ne pas traîner et de l'autre une invitation à demeurer dans la

patience ... jusqu'au bout au monastère. Ce contraste étonnant est heureux pour nous dire la

richesse et la profondeur de notre vie monastique. Sans élan que serait-elle? Un parcours sans

goût ni désir. Mais sans patience, ne risquerait-elle pas de n'être qu'une joyeuse et passagère

excitation spirituelle? Pour prendre une image, nous avons deux jambes: une pour courir et

l'autre pour être stable. Toute notre vie monastique tient dans ce mystérieux exercice qui

consiste à courir en demeurant sur place. Courir est le fait d'un cœur touché un jour par

l'amour, et qui n'a de cesse de s'exercer pour vivre dans l'amour. Demeurer dans la patience

est le fait d'un cœur qui regarde le Christ pour apprendre de Lui, qu'il n'y a pas de Vie

éternelle sans passage par la mort.

Il est heureux que nous soyons appelés à vivre ensemble ce mystérieux équilibre où

plus on court dans l'amour plus on devient stable dans le Christ.Tous nous sommes dans le

Christ, remplis de son Esprit et des charismes qu'il suscite en chacun. La vie commune est

une très belle manifestation de cette vie du Christ à l'œuvre. Nous avons besoin les uns des

autres pour nous la révéler. Souvent l'un saura mieux exprimer et vivre l'élan, le dynamisme,

l'enthousiasme, la diligence; tandis que l'autre manifestera mieux la stabilité, la patience, la

fidélité, la persévérance ... Plutôt que de râler spontanément quand l'autre ne fonctionne pas

comme nous, essayons de reconnaitre la qualité qui est la sienne et dont j'ai besoin pour vivre.

Aucun de nous n'est parfait au point d'incarner toutes les qualités. Apprenons les uns des

autres ce partage des dons. Soyons d'abord bienveillant dans le regard sur les faiblesses des

autres. (04-08-2016)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 0, 39-44 Prologue écrit le 03 août 2016
Verset(s) :

39. Nous avons donc interrogé le Seigneur, frères, au sujet de celui qui habitera dans sa demeure, et nous avons entendu le précepte donné pour y habiter, mais pourvu que nous remplissions les devoirs incombant à l'habitant.

40. Il nous faut donc tenir nos cœurs et nos corps prêts à servir sous la sainte obéissance due aux préceptes.

41. Et pour ce que la nature en nous trouve impossible, prions le Seigneur d'ordonner au secours de sa grâce de nous l'accorder.

42. Et si, fuyant les châtiments de la géhenne, nous voulons parvenir à la vie perpétuelle,

43. tandis qu'il en est encore temps et que nous sommes en ce corps et qu'il reste le temps d'exécuter tout cela à la lumière de cette vie,

44. il nous faut à présent courir et accomplir ce qui nous profitera pour toujours.

Commentaire :

« Il nous faut donc tenir nos cœurs et nos corps prêts à servir sous la sainte

obéissance » ... Comment tenir prêts nos cœurs et nos corps, sans oublier notre corps, qu'on

risque sinon de maltraiter. Je parlais une fois avec un supérieur, et nous partagions sur nos

équilibres de vie, et notamment physique. Comment vivre la charge de supérieur - mais je

crois qu'on peut élargir à chacun de nos emplois - comment vivre nos charges diverses dans

un équilibre juste? Il est un fait que les charges ont tendance à s'alourdir. Et dans notre

contexte monastique avec son emploi du temps très mesuré peut s'insinuer une sorte de

course après le temps. Il en résulte une tension psychologique. Mais jusqu'où est-il juste de

« se mettre la pression» pour caser le maximum de choses dans le minimum de temps? C'est

ici que la recommandation de Benoit de « tenir nos cœurs et nos corps prêts à servir sous la

sainte obéissance» peut être précieuse. Elle nous rappelle le but que nous cherchons dans la

vie monastique: vivre une « sainte obéissance» de tout notre être. Il ne s'agit pas seulement

de l'obéissance au P. Abbé ou aux frères, mais de l'obéissance de toute notre personne à Dieu

qui nous parle aussi bien à travers les Ecritures qu'à travers les évènements et les rencontres

impromptues. Nous désirons être à l'écoute de Dieu à tout moment et lui répondre par notre

disponibilité de cœur et de corps. Le supérieur avec qui je parlais, me disait par exemple que

pour éviter de foncer tête baissée dans les mails à répondre, il essayait, entre chaque courrier,

de suspendre son élan en priant quelques instants pour la personne à qui il s'adressait.

Suspendre notre élan, c'est retrouver l'harmonie du cœur et du corps. S'ouvre alors un espace

de respiration où notre corps n'est pas continuellement sous la pression. Mieux, il peut

s'accorder au cœur par cette brève pause. Apparait mieux aussi le sens de ce que nous

sommes en train de faire, dans le cas cité : il s'agit de nous adresser à une personne, et non

pas seulement d'abattre du travail. Et le supérieur ajoutait: « Finalement en faisant ainsi, je

suis bien plus efficace dans ce que je fais, et plus présent aux personnes », Chacun peut

examiner dans ses activités la manière avec laquelle corps et cœur s'accordent. Quel espace je

ménage à un équilibre corporel, pour ne pas me laisser emporter par un désir de toute

puissance? Car tôt ou tard, le corps devra porter plus qu'il ne peut. Et le cœur s’asséchera

faute de goût et de sens. Il nous faut non pas abattre du travail, mais vivre notre travail, dont

la visée profonde est de nous mettre en relation avec Dieu et avec les autres. (03-08-2016)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 0, 33-38 Prologue écrit le 02 août 2016
Verset(s) :

33. De là aussi la parole du Seigneur dans l'Évangile : « Celui qui écoute ce que je viens de dire et le met en pratique, je le comparerai à un homme sage, qui a bâti sa maison sur la pierre.

34. Les eaux sont venues, les vents ont soufflé et ont heurté cette maison, et elle n'est pas tombée, parce qu'elle était fondée sur la pierre. ;»

35. Achevant ainsi son discours, le Seigneur attend que nous répondions chaque jour par des actes aux saints enseignements qu'il vient de nous donner.

36. Voilà pourquoi les jours de cette vie nous sont accordés comme un sursis en vue de l'amendement de notre mauvaise conduite,

37. selon le mot de l'Apôtre : « Ne sais-tu pas que la patience de Dieu te conduit à la pénitence ? »

38. Car le Seigneur dit, dans sa bonté : « Je ne veux pas la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse et qu'il vive. »

Commentaire :

Que faire quand le découragement nous menace devant les difficultés et que la

tentation nous assaille pour déserter? Le passage entendu nous donne une première réponse:

« mettre en pratique la Parole»-« répondre chaque jour par des actes ». Alors que parfois

nous ne voyons plus bien le sens du chemin, il nous reste à nous ancrer dans une pratique

fidèle à ce qui nous est demandé. Dans le passé, on l'a fait et cela nous a rendus plus vivant.

Aujourd'hui, on continue de faire, même si on ne voie plus bien clair. Faire notre devoir

d'état, faire ce qui est demandé, c'est déjà accomplir la Parole de Dieu et répondre à son

appel. De manière très modeste, mais aussi très profonde, notre maison continue alors de se

construire sur le Roc, le Roc de la Parole.

« Je ne veux pas la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse et qu'il vive» nous dit

encore St Benoit en citant le prophète Ezéchiel. Au cœur même de nos aridités, de nos

infidélités peut-être, cette parole veut nous assurer de manière irrévocable du désir de Dieu

pour chacun de nous. Si le chemin est rude, si l'exigence nous enserre, ce n'est pas parce que

Dieu nous aurait menés dans une impasse. Car il veut que nous vivions et que nous devenions

plus vivants. Son appel veut faire revivre le pécheur qui meurt sous le poids de la culpabilité,

de l'aveuglement ou de l'autosuffisance. Si le chemin se révèle ardu, c'est plutôt le signe de

notre épaisseur humaine encore à convertir. Le début du chemin nous a trouvés plein d'élan,

mais la longueur des jours convoque tout notre être. Et celui-ci vient avec son histoire, et

toute l'épaisseur de sa chair. Il est normal qu'il y ait en nous des parts qui résistent.Que peut-

on entendre dès lors par « se convertir» ? Non pas changer d'un seul coup et ôter comme par

magie les difficultés. Ce serait faire fi de la maturation humaine qui ne peut se faire que dans

le temps. Se convertir, n'est-ce pas reconnaitre et accepter d'abord notre incapacité foncière à

nous en sortir par nous-mêmes? N'est-ce pas cela auquel il nous faut consentir, une fois, puis

encore une fois, et de nouveau aujourd'hui puis encore demain? Mystérieux abandon du

souci de soi à Celui qui seul nous donne la Vie: Jésus le Christ. « Dieu viens à mon aide»

chantons-nous au début de chaque office. « Seigneur, sauve-moi », dira aujourd'hui Pierre,

s'enfonçant dans les eaux. Ces cri libérateur nous sortent de nous-mêmes et nous tournent

vers l'unique source de notre salut: Jésus. (02-08-2016)