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1. En premier lieu, « aimer le Seigneur Dieu de tout son cœur, de toute son âme, de toutes ses forces » ;
2. ensuite « son prochain comme soi-même ».
Pour commenter ces deux premiers instruments, fondements de notre foi chrétienne, je
voudrais citer les propos reçus d'une sœur il y a peu ... Elle me parlait de son travail qui avait
pris beaucoup de retard pour des raisons indépendantes de sa volonté. Elle concluait :
« Allons, rien n'est grave, disait frère Roger, sinon perdre l'amour (une merveilleuse
maxime ... que je me répète souvent) ». J'ai apprécié cette réflexion. D'une part, elle met bien
en évidence combien la maxime de f. Roger joue pour elle le rôle d'un bon instrument qu'elle
se répète. Ainsi dans le cas présent, parvient-elle à dépasser le mouvement d'impatience et le
murmure légitime qui pourraient s'installer. D'autre part, cette maxime toute simple de f.
Roger, éclaire à sa manière les deux commandements de l'amour. D'un point de vue humain,
et à fortiori en christianisme, rien ne serait pire que de perdre l'amour.« La seule chose
importante, c'est d'aimer », renchérit le f. Yvan dans la vidéo PqV. Aimer, tout le monde en
parle, parce que tous nous avons un besoin vital et existentiel d'aimer et d'être aimé. Le
cinéma et la littérature ne se lassent pas d'explorer le thème de l'amour, comme s'il échappait
toujours au moment même où il surgit comme une exigence lancinante. Notre foi chrétienne
et notre vie monastique rejoignent le cœur de cette quête humaine en proposant « en premier
lieu» ces deux commandements. Ce faisant, elles apportent une triple lumière à la quête de
l'amour. La première, le cœur de l'homme peut déployer des potentialités insoupçonnées en
aimant de toutes ses facultés Dieu qu'il ne voit pas. Celui qui est Amour nous fait l'honneur
de quémander notre amour.Il nous entraîne dans la richesse de son amour infini, nous ses si
petites créatures. Seconde lumière: tous nos prochains, proches ou lointains, sont dignes de
notre amour.Ils l'attendent et en ont besoin, comme nous-mêmes avons besoin du leur.Aimer
les autres comme on s'aime soi-même, balaie toutes les limites qu'on pourrait être tenté de
mettre à l'amour. Troisième lumière apportée par la foi chrétienne: amour de Dieu et amour
de l'homme, c'est tout un. Si par faiblesse, ou par confort, on était tenté de séparer ou de
hiérarchiser l'un par rapport à l'autre, amour de Dieu et amour des hommes se rappellent à
nous comme une exigence unique en Jésus. Alors, allant à l'église, dans le silence de notre
cellule, dans le service du frère, dans la visite au malade, dans le sourire démuni, dans
l'accueil de la parole acide, dans le pardon de l'offense, « aujourd'hui, aimons ... » (2016-08-31)
1. En premier lieu, « aimer le Seigneur Dieu de tout son cœur, de toute son âme, de toutes ses forces » ;
2. ensuite « son prochain comme soi-même ».
Au début de ce chapitre, je voudrais m'arrêter sur le titre: « quels sont les instruments
des bonnes œuvres?» Voilà les instruments que Benoit propose en puisant dans la tradition
biblique, patristique et monastique comme des repères pour baliser le chemin spirituel.
Chacun pourrait se demander: « et pour moi, quels sont mes instruments des bonnes œuvres?
». Quelles sont les sentences tirées peut-être de ce chapitre, ou bien de la bible, ou bien de la
tradition spirituelle qui m'aident sur mon chemin ... Ces phrases sont celles qui reviennent à la
mémoire quand nous sommes face à une difficulté, ou bien quand, à un croisement, il y a un
discernement à faire pour avancer. Ces phrases peuplent notre mémoire et la nourrissent aussi
pour éclairer notre agir. Quelles sont les phrases qui comptent pour moi, que je garde comme
une référence ?
En espérant ne pas être indiscret, je me suis plié à l'exercice et je vous livre ces
phrases qui me sont venues car elles m'inspirent toujours à un moment ou à un autre ...
Ecoute, Israël, le Seigneur Ton Dieu est l'unique ... en lien avec le: Ecoute, mon
fils ... Tu parviendras de la RB.
Dieu premier servi (Ste Jeanne d'Arc)
Se réconcilier avec son frère avant le coucher du soleil (RB 4, 73)
Ne jamais désespérer de la Miséricorde de Dieu (RB 4, 74)
Tu as vu ton frère tu as vu ton Dieu (St Augustin)
Venez à moi, je suis doux et humble de cœur (Mt Il,28-29)
Une minute de patience vaut mieux que trois jours de jeûne (St Curé d'Ars)
Voulez-vous me faire la grâce de venir en ce lieu? (la Vierge Marie à Ste Bernadette)
Vivre en mourant pour mourir en vivant (D. Vasse)
La mort, ce n'est ce qui est à la fin de notre existence, mais ce qui nous empêche de
naitre (D. Vasse)
Cela pourrait être un beau partage fraternel en groupe, de se dire les uns aux autres,
quelles sont les 10 instruments, les 10 sentences qui me viennent spontanément comme des
repères utiles et précieux pour m'aider à avancer ... en sachant qu'il y en a d'autres ... (30-08-2016)
8. Personne au monastère ne suivra la volonté de son propre cœur,
9. et nul ne se permettra de contester avec son abbé insolemment ou en dehors du monastère.
10. Si quelqu'un se le permet, il subira les sanctions de règle.
11. De son côté, cependant, l'abbé fera tout dans la crainte de Dieu et le respect de la règle, sachant qu'il devra sans aucun doute rendre compte de tous ses jugements au juge souverainement équitable qu'est Dieu.
12. S'il est question de choses moins importantes pour le bien du monastère, il aura recours seulement au conseil des anciens,
13. comme il est écrit : « Fais tout avec conseil, et quand ce sera fait, tu ne le regretteras pas. »
« Personne ne suivra la volonté de son propre cœur». L'avertissement est net, pour
chaque frère, et pour l'abbé comme le suggère la recommandation qui lui est faite de ne rien
faire sans prendre conseil. Le meilleur moyen pour éviter de suivre la volonté de son propre
cœur n'est-il pas de tout faire avec conseil? Telle est une des forces de notre vie monastique
cénobitique, tel est aussi un des lieux de notre combat spirituel. Force parce qu'à plusieurs on
est toujours plus intelligent. Combat parce qu'il y a toujours en nous une résistance à
soumettre une décision ou une opinion à l'avis d'un autre. Notre cœur a une part tenace qui
l'incline à penser qu'il est autonome, adulte et qu'il peut mener sa vie comme il l'entend.
Inclination forte qui répugne à s'ouvrir au regard d'un autre. Au monastère, nous sommes
venus pour chercher à faire la Volonté d'un Autre, celle de Dieu, et pour unir notre volonté à
la sienne. Notre propos de vie religieuse est de mettre tout notre cœur, toute notre volonté à la
disposition de Dieu. Notre choix de vie nous entraine à vivre ce pari un peu fou de renoncer à
gouverner notre vie comme on l'entendrait pour la laisser être gouverné par le Christ, à
travers la médiation d'une règle, d'une communauté et d'un abbé. Voilà un des points
scandaleux pour l'esprit humain qui a conduit les révolutionnaires français de 1789 à
supprimer les vœux religieux. Cette aliénation de la liberté de la personne à l'autorité d'un
supérieur, reconnue comme médiation de la volonté divine, leur était intolérable. Au nom de
la liberté, l'obéissance religieuse est inadmissible. Scandale et folie pour celui qui ne croit
pas, mais sagesse et force pour celui qui a la foi, pourrait-on dire en paraphrasant Paul. La foi
nous fait reconnaitre dans la Volonté divine, manifestée dans le Christ, et traduite dans la
pédagogie monastique, un chemin de grande sagesse. Ce chemin de l'obéissance prend en
compte notre faiblesse humaine si prompte à s'égarer lorsqu'elle est laissée à elle-même. Plus
profondément, l'obéissance nous insère dans le projet de Dieu pour toute l'humanité. Projet
d'alliance où l'homme n'est plus laissé à son isolement, mais où il peut s'ouvrir à une relation
renouvelée avec Dieu, avec les autres, mais aussi avec lui-même. Sous l'impulsion de l'Esprit.
de Dieu, écouté, discerné et cherché avec soin, toute ma vie s'élargit et prend sens d'une
manière bien plus grande et bien plus cohérente que si je voulais tout gérer par moi-même.
Lorsque modestement, concrètement, je veille à demander conseil, ou à soumettre ma vie sous
le regard d'un autre, c'est dans ce grand mouvement de vie divine que je m'insère. «Justice
éternelle tes exigences, éclaire-moi et je vivrai» pouvons-nous dire avec le Ps 118, 144. - (26-08-2016)
1. Chaque fois qu'il sera question au monastère de quelque chose d'important, l'abbé convoquera toute la communauté et dira lui-même de quoi il est question.
2. Une fois entendu le conseil des frères, il en délibérera à part soi et fera ce qu'il juge le meilleur.
3. Or si nous avons dit que tous seraient appelés au conseil, c'est que souvent le Seigneur révèle à un inférieur ce qui vaut le mieux.
4. Or donc les frères donneront leur avis en toute soumission et humilité, et ils ne se permettront pas de défendre leur opinion effrontément,
5. mais la décision dépendra de l'abbé : celle qu'il juge être plus opportune, tous y obéiront.
6. Toutefois, s'il sied aux disciples d'obéir au maître, il convient que celui-ci dispose toute chose avec prévoyance et justice.
7. Tous suivront donc en tout la règle comme leur maîtresse, et nul n'aura la témérité de s'en écarter.
Ce petit chapitre est particulièrement riche pour nous faire saisir la belle et forte
structure de notre vie cénobitigue qui prend appui sur trois piliers majeurs: l'abbé, la
communauté et la règle. Il est intéressant de remarquer que de l'abbé, comme de la règle,
Benoit dit qu'ils sont « maître » et « maîtresse». J'aurai envie d'ajouter, même si le mot n'y
ait pas, que le plus jeune à qui le Seigneur révèle ce qui vaut le mieux, est aussi « maître » à
ce moment de sa prise de parole en communauté. Ainsi je crois qu'on peut dire sans exagérer
que tour à tour, l'abbé, la communauté et la règle, se trouvent en position de maître, de celui
qui a quelque chose à dire pour le bien du monastère. Ces trois piliers se reçoivent les uns des
autres dans une continuelle interaction. L'abbé a la responsabilité de guider la communauté,
de donner l'impulsion et la direction; en même temps il demeure sous la règle comme
chacun, et il est à l'écoute de la communauté qui cherche Dieu avec lui. La communauté obéit
à la règle et à l'abbé, mais elle prend la parole lors des grandes décisions et participent ainsi
au discernement de la marche à suivre. Nos Constitutions élaborées dans le temps ont même,
peu à peu, donné à la communauté plus de poids dans la prise des décisions, par les votes
auxquels elle doit être soumise. Enfin la règle demeure la référence première de notre genre
de vie requérant l'obéissance fondamentale et de l'abbé et de la communauté. En même
temps, la règle est sujette à interprétation par l'abbé à l'écoute de la communauté; elle
connait ainsi les mutations dont témoignent nos coutumes évolutives. Ce trépied -abbé,
communauté, règle - sur lequel repose notre vie monastique cénobitique est gage d'une
profonde solidité. Et cette solidité n'est pas rigide ou fixée une fois pour toute. Elle trouve sa
force et son ancrage dans l'écoute de l'Esprit Saint qui informe chacun: l'abbé, la
communauté et la règle. C'est lui, le vrai Maître de notre recherche monastique. Lorsque nous
nous écoutons dans un chapitre conventuel, dans un conseil ou une commission, c'est à Lui
que nous désirons être dociles pour chercher ce qui est juste. Peut-être qu'une de nos
difficultés majeures dans nos lieux d'échange et de concertation est de l'oublier. Nous
risquons alors de nous attacher à nos points de vue, ou pire de prêter aux autres des intentions
présumées. Cultiver l'écoute de l'Esprit Saint est inséparablement cultiver une prise de
distance par rapport à ses propres opinions, pour développer une réelle attention aux opinions
des autres, à ce qu'elles peuvent avoir de constructif dans le sujet abordé ... (25-08-2016)
30. L'abbé doit toujours se rappeler ce qu'il est, se rappeler le titre qu'on lui donne, et savoir que « plus on commet à la garde de quelqu'un, plus on lui réclame ».
31. Et qu'il sache combien difficile et ardue est la chose dont il s'est chargé, de diriger les âmes et de se mettre au service de caractères multiples : l'un par la gentillesse, un autre par la réprimande, un autre par la persuasion... ;
32. et selon la nature et l’intelligence d’un chacun, il se conformera et s’adaptera à tous, de façon non seulement à ne pas subir de perte dans le troupeau commis à sa garde, mais aussi à se féliciter de l’accroissement d’un bon troupeau.
33. Avant tout, qu'il ne laisse point de côté ni ne compte pour peu de chose le salut des âmes commises à sa garde, en prenant plus de soin des choses passagères, terrestres et temporaires,
34. mais qu'il songe sans cesse qu'il est chargé de diriger des âmes, dont il devra aussi rendre compte.
35. Et pour ne pas se plaindre d'un éventuel manque de ressources, qu'il se souvienne qu'il est écrit : « Cherchez d'abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît » ;
36. et encore : « Rien ne manque à ceux qui le craignent. »
37. Et qu'il sache que, quand on se charge de diriger les âmes, on doit se préparer à en rendre compte.
38. Et autant il sait avoir de frères confiés à ses soins, qu'il soit bien certain qu'il devra rendre compte au Seigneur de toutes ces âmes au jour du jugement, sans parler de sa propre âme, bien entendu.
39. Et ainsi, craignant sans cesse l'examen que le pasteur subira un jour au sujet des brebis qui lui sont confiées, en prenant garde aux comptes d'autrui, il se rend attentif aux siens,
40. et en procurant aux autres la correction par ses avertissements, lui-même se corrige de ses vices.
Rendre compte, rendre des comptes: tel est l'horizon sous lequel est placé l'abbé. Hier
soir, nous avions la remise des comptes annuels, remise que tous attendent d'une certaine
manière. Mystérieusement quelque chose d'analogue se vivra pour l'abbé. Car sa mission
auprès des frères, n'est pas fondamentalement son affaire, mais celle de Dieu. Il n'est qu'un
intendant, un pasteur du troupeau de Dieu qui lui est confié. Dès lors l'abbé est invité à
exercer le bon zèle à l'égard de tous. Et qui mieux que le Christ a fait preuve d'un tel zèle?
En effet, le Christ s'est adapté aux caractères de ses disciples très différents: il a enseigné
chacun, il a rabroué Pierre, il a interrogé Jacques et Jean pour savoir s'ils pourraient boire la
coupe, proposé des paraboles en guise de réponse à des questions. Il a appelé Matthieu et
encouragé ses amis publicains. Face à tous ceux qui s'adressaient à lui sur la route, il savait
s'adapter: soit en restant à distance quand le piège était insinué, soit en se laissant conduire
comme avec Jaïre pour aller guérir sa fille, soit en ne comptant pas sa peine pour enseigner
comme au bord du lac ou au sommet de la montagne. Le zèle de Jésus, à l'image de celui de
Dieu pour son peuple, a toujours été entier et généreux pour rejoindre chacun et lui annoncer
le Royaume. De même, l'abbé est appelé, en vertu du nom qu'on lui donne, à dépenser toute
son énergie pour soutenir ses frères dans leur quête de Dieu et de son Royaume. Epreuve de
patience et persévérance pour lui, mais aussi pour chacun des frères, conviés à ne pas s'arrêter
en chemin. La tentation est toujours là de perdre le sens de la quête pour laquelle on est entré
initialement. Comment dans les méandres des tâches quotidiennes, garder les yeux fixés sur
le Royaume à venir, pour travailler dès maintenant à sa justice ? Nous avons la chance d'avoir
dans notre vie monastique les repères de 1 'horaire des offices, mais aussi du temps dédié à la
lectio et à l'oraison du soir. Ces rendez-vous nous permettent de revenir sous le regard de
Dieu, quand l'intensité des activités ou des soucis peut alourdir et obscurcir le cœur. Déposer
nos fardeaux en présence de Dieu, lui confier nos difficultés de relations, implorer sa force
pour demander pardon ou pardonner à un frère, laisser sa lumière redonner du goût et du sens
à ce que nous vivons, écouter sa Parole nous redire son appel et son amour toujours premier.
Sous le regard de Dieu, nos vies parfois éreintées reprennent des couleurs et du souffle. (24-08-2016)
23. Dans son enseignement, d'autre part, l'abbé doit toujours observer la norme que l'Apôtre exprime ainsi : « Reprends, supplie, réprimande »,
24. c'est-à-dire que, prenant successivement des attitudes diverses, mêlant les amabilités aux menaces, il se montrera farouche comme un maître et tendre comme un père.
25. C'est dire qu'il doit reprendre durement les indisciplinés et les turbulents, supplier d'autre part les obéissants, les doux et les patients de faire des progrès ; quant aux négligents et aux méprisants, nous l'avertissons de les réprimander et de les reprendre.
26. Et qu'il ne laisse point passer les fautes des délinquants, mais qu'il les retranche jusqu'à la racine dès qu'elles commencent à se montrer, pendant qu'il en a encore le pouvoir, se souvenant de la condamnation d'Héli, le prêtre de Silo.
27. Les âmes bien nées et intelligentes, qu'il les reprenne une et deux fois par des admonitions verbales,
28. mais les mauvais sujets, durs, orgueilleux, désobéissants, que les coups et le châtiment corporel les arrêtent dès le début de leur faute, vu qu'il est écrit : « On ne corrige pas un sot avec des mots »,
29. et encore : « Frappe ton fils de la verge et tu délivreras son âme de la mort. »
Pour commenter ce passage de la Règle, je voudrais repartir de la citation plus large de
Paul à Timothée que Benoit n'utilise que partiellement: « Je t'adjure devant Dieu et devant le
Christ Jésus qui doit juger les vivants et les morts, au nom de son Apparition et de son
Règne: proclame la parole, insiste à temps et à contretemps, reprends, supplie, exhorte, avec
une patience inlassable et le souci d'instruire. Car un temps viendra où les hommes ne
supporteront plus la saine doctrine, mais au contraire, au gré de leurs passions et l'oreille les
démangeant, ils se donneront des maîtres en quantité et détourneront l'oreille de la vérité ... »
(2 Tm 4,1-3). On peut penser qu'en reprenant simplement les mots « reprends supplie
exhorte », Benoit a en arrière fond l'ensemble des versets de ce début de chapitre 4. Paul
presse Timothée de déployer toute son ardeur apostolique dans l'attente de la Venue du Christ
et son Règne. Il n'y a pas de temps à perdre pour faire connaitre la parole, pour instruire, et
reprendre, avant que n'arrive Celui qui doit juger les vivants et les morts. Il est bon pour
l'abbé et, je pense pour chacun d'entre nous, d'accueillir cette exhortation à ne pas perdre de
temps en vue de notre conversion. L'abbé doit s'en faire l'écho dans son ministère. Cette note
de hâte tournée vers la venue du Seigneur est heureuse, car bien plus profonde que le seul
souci d'une perfection plus ou moins idéalisée. Si l'abbé doit supplier, exhorter et reprendre
ses frères, c'est qu'il n'y a pas à traîner pour se convertir et changer de vie. Ici, nous
retrouvons la hâte si perceptible dans le prologue qui invite le moine à courir. .. Je me confie à
votre prière pour que je sache remplir ce rôle d’entraîneur et d'éveilleur. Chaque minute est
précieuse pour demeurer en éveil. Le Christ nous attend et en même temps il accompagne nos
pas plus ou moins hésitants. La parole du P. Abbé, mais aussi celle d'un frère capable de
reprendre avec bonté, peuvent en être des instruments. Notre risque aujourd'hui serait de nous
taire. Derrière ce silence peut se cacher nos peurs, notre faiblesse, et parfois un manque
d'amour fraternel. Oser dire une parole nous coûte, car elle nous dévoile dans notre faiblesse.
Demandons la force de l'Esprit Saint et prions pour le frère à qui nous sentons devoir dire une
parole qui pourra libérer, remettre de la lumière, faire justice. « Que le juste me reprenne et
me corrige avec bonté », invoque le psalmiste (Ps 140,5). Que l'Esprit Saint nous inspire
cette bonté. (23-08-2016)
16. Il ne fera pas de distinction entre les personnes dans le monastère.
17. Il n'aimera pas l'un plus que l'autre, à moins qu'il ne l'ait reconnu meilleur dans les bonnes œuvres ou l'obéissance.
18. A l'homme venu de l'esclavage qui entre en religion, il ne préférera pas l'homme libre, à moins qu'il n'existe une autre cause raisonnable.
19. Que si l'abbé en décide ainsi, la justice l'exigeant, il fera de même pour le rang de qui que ce soit ; sinon, ils garderont leur place normale,
20. car « esclave ou libre, nous sommes tous un dans le Christ », et sous un même Seigneur nous portons d'égales obligations de service, car « Dieu ne fait pas acception de personnes. »
21. Notre seul titre à être distingués par lui, c'est d'être reconnus meilleurs que les autres en bonnes œuvres et humbles.
22. L'abbé doit donc témoigner une charité égale à tous, avoir les mêmes exigences dans tous les cas suivant les mérites.
L'abbé peut-il aimer tous et chacun « d'une égale charité» ? D'une certaine manière,
St Benoit ne lui en donne pas le choix. Il pose devant ses yeux cette exigence comme un
horizon sur lequel guider sa façon de vivre les relations avec chacun. Un aimer chacun qui
n'exclut pas de distinguer.A deux reprises, Benoit utilise le verbe « discernere », discerner
traduit par les mots « distinction» et « distinguer». Si l'abbé est conduit à distinguer, ce ne
sera pas les personnes en leur niveau culturel, en leur origine ou en leur capacité. Non, s'il
distingue, ce sera en raison des bonnes œuvres, de l'humilité ou de l'obéissance... Dieu ne
regarde pas aux apparences mais au coeur, l'abbé est invité à faire de même.
Comment aimer chacun d'une égale charité et pouvoir dans le même temps distinguer
selon l'humilité et l'obéissance? En associant le fait d'aimer et celui de distinguer, Benoit
laisse entendre que l'égalité de charité n'a rien à voir avec « du copié collé» où la relation
avec l'un serait identique à celle vécue avec un autre. Aimer l'un et aimer l'autre restera
toujours quelque chose d'unique, sans que l'on sache bien ni le mesurer ni l'exprimer
nécessairement. De plus l'amour qui distingue les qualités de cœur est un amour qui manifeste
que tout n'a pas la mêfi?e valeur.La recherche monastique a ainsi en horreur tout ce qui est
amour de la mondanité et de la superficialité. L'abbé est ainsi appelé à être le témoin auprès
de ses frères de cet amour divin qui préfère se révéler aux petits davantage qu'aux sages et
aux savants. L'amour divin préfère d'emblée ce qui est petit, simple et vrai ... comme en
témoigne si bien toutes les personnes qui ont été choisies pour des missions un peu
extraordinaires : qu'on pense à Jeanne d'Arc ou à Ste Bernadette de Lourdes. En ce sens si
l'amour préfère, c'est parce qu'il se tourne spontanément vers ce qui lui est naturellement
ouvert : la simplicité, la vérité et l'humilité. Mais finalement, l'amour divin ne désire-t-il pas
rejoindre chacun de nous en son lieu de petitesse, en ce sanctuaire virginal où tout est encore à
naitre ... Là l'amour se présente égal pour tous, pauvres et riches, petits et grands, chacun
pécheurs aimés et pardonnés. A tous l'amour est offert sans compter. Heureux qui peut le
reconnaitre, heureux qui sait s'y ouvrir. La charité divine ne craint pas nos pauvretés ou nos
faiblesses, il les recherche même pour les irriguer d'une lumière nouvelle. Lumière qui se
transmet comme le feu pour nous apprendre à aimer à notre tour du creux de notre petitesse. (13-08-2016)
11. Quand donc quelqu'un prend le titre d'abbé, il doit diriger ses disciples par un double enseignement,
12. c'est-à-dire qu'il montrera tout ce qui est bon et saint par les actes plus encore que par la parole. Ainsi, aux disciples réceptifs il exposera les commandements du Seigneur par la parole, aux cœurs durs et aux plus simples il fera voir les préceptes divins par ses actes.
13. Inversement, tout ce qu'il enseigne aux disciples à regarder comme interdit, qu'il fasse voir par ses actes qu'on ne doit pas le faire, « ;de peur qu'en prêchant aux autres, il ne soit lui-même réprouvé »,
14. et qu'un jour Dieu ne lui dise, à cause de ses péchés : « ;Pourquoi proclames-tu mes ordonnances et recueilles-tu dans ta bouche mon alliance, alors que tu hais la discipline et que tu as rejeté mes paroles derrière toi ? ;»
15. Et : « Toi qui voyais le fétu dans l'œil de ton frère, dans le tien tu n'as pas vu la poutre. »
A travers ces lignes, on peut entendre, et une grande confiance faite à un homme
chargé de conduire une communauté, et une grande prudence pour le rappeler à ses
responsabilités. Grande confiance dans la charge de transmettre les enseignements divins et en
même temps grande vigilance au regard de la fragilité toujours possible. L'exhortation faite à
l'abbé d'enseigner et par ses paroles et par ses actes, rappelle qu'il reste un moine sur le
chemin de la conversion. Frère parmi ses frères, il s'enseigne autant qu'il enseigne ses frères
quand il parle. Le P. Denis me disait cela souvent: quand l'abbé enseigne, c'est d'abord à lui
qu'il enseigne. Si les frères sont enseignés par les actes de l'abbé qui laisse voir dans sa vie la
cohérence de ce qu'il enseigne, l'inverse est vrai aussi. L'abbé est enseigné lui-même et par
les paroles et par les exemples des frères. Ce n'est pas une petite grâce du ministère abbatial
de beaucoup recevoir des frères, soit à travers les échanges où chacun parle de son combat
monastique, soit à travers les exemples des uns et des autres. Comme chacun, je suis touché
par les paroles en vérité et par la recherche de chacun en vue de mener une vie plus fidèle à
l'évangile. Une parole vraie, très humble et une vie en quête d'une cohérence toujours plus
évangélique est une aide pour l'abbé comme pour chacun.
On peut se demander pourquoi les actes nous enseignent-ils davantage que les
paroles? Je pense que c'est lié à notre condition chamelle. La parole enseignée, entendue,
proclamée passe vite ... demeurent les actes et les engagements concrets qui prennent chair
dans notre existence. Cette dernière a besoin pour s'édifier d'incarner les décisions ainsi que
toutes les bonnes paroles. Et pour nous moines chrétiens, nous mesurons au fur et à mesure de
notre vie le grand bonheur qu'il y a à laisser la Parole de Dieu, celle de la Règle, et celle des
frères, nous illuminer, nous faire agir de telle manière, nous rendre plus fort par une bonne
habitude prise. Obéir à la Parole et la laisser s'incarner dans une nouvelle manière de vivre
nous rend plus solide, plus ouvert, plus disponible. Au contraire, résister aux paroles que nous
entendons, ou aux élans intérieurs que nous sentons, nous laisse souvent malheureux, divisés,
sans force. Essayons durant cette journée d'être davantage à l'écoute des paroles dites et
davantage attentifs aux mouvements intérieurs qui nous engagent à donner chair à la Parole,
pour changer tel défaut, pour s'ouvrir plus aux frères, pour donner davantage de son temps,
pour résister à une tentation ... L'amour veut s'incarner dans notre vie. Il nous communiquera
lajoie qu'il y a à aimer toujours plus. (12-08-2016)
1. L'abbé qui est digne de gouverner le monastère, doit toujours se rappeler le titre qu'on lui donne, et vérifier par ses actes le nom du supérieur.
2. Il apparaît en effet comme le représentant du Christ dans le monastère, puisqu'on l'appelle d’un des noms de celui-ci,
3. selon le mot de l'Apôtre : « Vous avez reçu l'esprit d'adoption filiale, dans lequel nous crions : abba, père ! »
4. Aussi l'abbé ne doit-il rien enseigner, instituer ni commander qui soit en-dehors du précepte du Seigneur,
5. mais son commandement et son enseignement s'inséreront dans l'esprit de ses disciples comme un levain de justice divine.
6. L'abbé se rappellera toujours que son enseignement et l'obéissance des disciples, l'une et l'autre chose, feront l'objet d'un examen au terrible jugement de Dieu.
7. Et l'abbé doit savoir que le pasteur portera la responsabilité de tout mécompte que le père de famille constaterait dans ses brebis.
8. En revanche, si le pasteur a mis tout son zèle au service d'un troupeau turbulent et désobéissant, s'il a donné tous ses soins à leurs actions malsaines,
9. leur pasteur sera absous au jugement du Seigneur et il se contentera de dire au Seigneur avec le prophète : « Je n'ai pas caché ta justice dans mon cœur, j'ai dit ta vérité et ton salut. Mais eux s'en sont moqués et ils m'ont méprisé. »
10. Et alors, les brebis qui auront désobéi à ses soins auront enfin pour châtiment la mort triomphante.
Cette manière de parler de l'abbé peut surprendre par la prévention et le ton de grande
réserve qui se dégage au commencement de ce chapitre. Dès le début, sont signifiées des
limites, invitant le supérieur à ne pas oublier d'où lui viennent le pouvoir et la charge qu'il a
reçus. Là où notre vision moderne cherche à situer le pouvoir à sa juste place en lui opposant
les contre pouvoirs garants d'un certain équilibre, Benoit propose une vision de foi. L'autorité
de l'abbé vient de la foi de ses frères qui croient (creditur) qu'il représente pour eux le Christ,
sur leur chemin. Il n'est pas le Christ, mais ils croient qu'à travers sa parole et son
enseignement, le Christ leur parle et les guide. Leur confiance au Christ se vit concrètement
dans la confiance en cet homme. Dans ce sens se comprend mieux la recommandation,
« l'abbé ne doit rien enseigner, instituer ni commander qui soit en dehors du précepte du
Seigneur ... » Si l'abbé veut enseigner ses frères, il doit lui-même se mettre à l'écoute de la
Parole du Seigneur.Son enseignement n'a pas d'autres prétentions que de conduire les frères
vers une écoute plus attentive et toujours plus féconde de cette même Parole. Benoit pousse
plus loin la vision de foi en faisant un lien étroit entre la vie présente et la vie à venir.
« L'abbé se rappellera toujours que son enseignement et l'obéissance des disciples feront
l'objet d'un examen au terrible jugement de Dieu ». Phrase un peu redoutable. L'abbé est
tellement au service du Christ qu'il aura des comptes à rendre: pour son enseignement
comme pour les effets produits chez les frères. Si à la fin, Benoit prend bien soin de dire que
les frères ont aussi leur responsabilité propre devant Dieu, il entend montrer combien
l'enseignement de l'abbé ou son absence n'est pas sans conséquence. Selon qu'il est juste, ou
selon qu'il est trop faible ou incohérent, la vie des frères s'en ressentira et pourra conduire à
des excès dommageables, avant tout pour les frères eux-mêmes. Ces paroles abruptes de
Benoit nous remettent chacun devant notre responsabilité: comme abbé et comme frère.
L'abbé doit écouter la Parole de Dieu et ses frères, parfois il doit dire des paroles plus fortes
qui interpellent. Avec les frères, il est en marche sur le chemin de la conversion. La
perspective du jugement, plus simplement celle de notre mort, nous remet devant l'évidence
du temps qui passe. Le temps est précieux, à ne pas gaspiller. Sans devenir jaloux de notre
temps, comme s'il était nôtre, soyons heureux de le donner, et à Dieu en toute chose et aux
frères. Le donner est le meilleur moyen de ne pas le perdre. (10-08-2016)
6. La troisième et détestable espèce de moines est celle des sarabaïtes. Aucune règle ne les a éprouvés, grâce aux leçons de l'expérience, comme l'or dans la fournaise, mais ils sont devenus mous comme du plomb.
7. Par leurs œuvres, ils restent encore fidèles au siècle, et on les voit mentir à Dieu par leur tonsure.
8. A deux ou trois, voire seuls, sans pasteur, enfermés non dans les bergeries du Seigneur, mais dans les leurs, ils ont pour loi la volonté de leurs désirs.
9. Tout ce qu'ils pensent et décident, ils le déclarent saint ; ce qu'ils ne veulent pas, ils pensent que c'est interdit.
10. La quatrième espèce de moines est celle que l'on nomme gyrovague. Toute leur vie, allant par les différentes provinces, ils se font héberger trois ou quatre jours par les celles des différents moines,
11. toujours errants et jamais stables, asservis à leurs propres volontés et aux tentations de la bouche, et en tout plus détestables que les sarabaïtes.
12. La misérable conduite de tous ces gens-là, mieux vaut la passer sous silence que d'en parler.
13. Laissons-les donc et venons-en, avec l'aide du Seigneur, à organiser la valeureuse espèce des cénobites.
«Aucune règle ne les a éprouvés, grâce aux leçons de l'expérience» ... Ainsi se
caractérisent les sarabaïtes. N'acceptant pas de vivre sous une règle, « ils ont pour loi la
volonté de leurs désirs». En contre-point des sarabaïtes décrits par Benoit, on peut se
souvenir du P. Muard qui cherchait à tout prix une règle pour mieux asseoir son intuition de
fondation. Il avait conscience de devoir s'appuyer sur une tradition éprouvée. Venu à Rome
cherchant tout d'abord du côté de St François, il s'est orienté vers Subiaco où Dom de Fazy
lui a donné la Règle de St Benoit. Il fut heureux d'y trouver notamment la place de choix
donnée au travail manuel.De nos jours, le f. Zacharie à Buta a suivi une démarche similaire.
Cherchant la vie monastique, venant l'éprouver parmi nous, il a adopté la règle de St Benoit.
Vivant depuis toujours dans un cadre précis et stable comme le nôtre, nous ne
mesurons pas toujours l'importance d'être appuyés sur une Règle, et particulièrement sur celle
de Benoit. Elle est riche des leçons de l'expérience transmise de génération de moines en
génération. De même nos Constitutions de Subiaco sont elles-mêmes porteuses de toute une
richesse d'expériences accumulées depuis des siècles. Ces usages digérés offrent un cadre de
vie qui se veut toujours plus adapté au temps présent. La manière avec laquelle nos
Constitutions prévoient, par ex, les modalités de consultation et de délibération pour les
diverses décisions à prendre (accueil de personnes, finances, travaux, modification etc ... ) est
le fruit d'un ensemble d'expériences qui ont enseigné la prudence ainsi que la prise en compte
des aspirations nouvelles de prendre part aux décisions.
Au regard de ces structures d'organisation, on peut mieux entendre l'expression de
Benoit: « la valeureuse espèce des cénobites». « Valeureux» traduit le latin « fortissimus »
« la très forte espèce des cénobites ». La vie cénobitique est très forte en vertu de ces éléments
structurants qui rendent la vie commune non seulement possible, mais plus adéquate pour
atteindre son but: mettre le service de Dieu et celui de nos frères au centre de nos
préoccupations, pour la plus grande Gloire de Dieu et pour une féconde annonce de
l'Evangile. Du même coup, chacun se trouve conforté dans son propre chemin. Il est porté
dans ses faiblesses personnelles mais aussi soutenu dans son désir de suivre le Christ pour lui
ressembler davantage. Rendons grâce à Dieu d'être les bénéficiaires d'un tel soutien. (09-08-2016)