vendredi 3 octobre 2025 : journée de solitude pour la communauté, messe vers 6h45 après Laudes.

Commentaires sur la Règle



Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 51-54 Quels sont les instruments des bonnes œuvres ? écrit le 13 septembre 2019
Verset(s) :

51. Garder sa bouche des paroles mauvaises et déshonnêtes,

52. ne pas aimer à beaucoup parler ;

53. ne pas dire des paroles vaines ou qui portent à rire,

54. ne pas aimer le rire prolongé ou aux éclats.

Commentaire :

Je fais le lien entre ces instruments autour de la parole et du rire, et l'invitation entendue hier à vivre l'ouverture du cœur, en brisant les mauvaises pensées et en les découvrant à l'ancien spirituel. Nous avons là deux types de paroles : les paroles faciles, légères, voire mauvaises, et les paroles gui coûtent parce qu'elles nous entrainent à parler en vérité devant un autre. Nous sommes capables des deux. Mais si nous pouvons nous distraire et nous égarer, voire nous perdre dans les premières, assurément nous nous trouverons dans la parole vraie et simple vécue dans l'ouverture du cœur. Nous nous trouverons. Oui, peut-être est-ce une constante pour chacun de nous : lorsque nous parlons, quel que soit le type de parole, nous cherchons à advenir à notre vrai visage autant que nous attendons de notre interlocuteur une parole qui vienne confirmer ou bien corriger ce que nous pensons, l'image nous avons de nous-mêmes. Pour une part, nous nous cherchons, car nous restons une énigme à nous-mêmes. Même dans les paroles mauvaises qui dénigrent les autres, nous cherchons vainement à régler les points obscurs avec lequel nous nous battons plus ou moins consciemment. On projette dans l'autre ce qu'on ne parvient pas à regarder en face chez soi.... Si nous prenons conscience de ce mécanisme, nous pouvons apercevoir la part faible en nous qui crie et qui peine, et qui ressemble étrangement à celle que je dénonce chez l'autre. St Benoit invite aussi à laisser les paroles vaines ou qui portent à rire. Je ne crois qu'il refuse toute occasion de rire et de se détendre, mais plutôt cette façon de nous nous chercher nous-mêmes en nous installant dans un personnage. Je n'existe face aux autres qu'à travers les bons mots et j'attends en retour une illusoire reconnaissance qui me place au centre. Si nos relations fraternelles se cantonnent dans ce registre, elles restent de surface.

Dans l'ouverture du cœur, nous cherchons et nous pouvons trouver notre vrai visage humain. notre vrai visage de fils de Dieu. Dire ce que nous vivons concrètement, ce qui est difficile comme ce qui est heureux, ce qui résiste en nous, la manière avec laquelle nous percevons les appels du Seigneur à travers la Parole de Dieu semée quotidiennement... L'ouverture du cœur peut m'apprendre à mettre des mots sur ma relation non seulement avec les autres, mais aussi avec le Seigneur, à travers la prière. Qu'est-ce que je vis dans la lectio, dans la liturgie ou la prière silencieuse? Que se passe-t-il? Le Seigneur me parle, qu'est-ce que j'entends, comment je lui réponds? Il nous cherche et nous le cherchons.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 50 Quels sont les instruments des bonnes œuvres ? écrit le 12 septembre 2019
Verset(s) :

50. Quand des pensées mauvaises se présentent au cœur, les briser aussitôt contre le Christ et les découvrir à l'ancien spirituel.

Commentaire :

De tous les instruments nécessaires à une progression fructueuse dans la vie monastique, celui-ci figure dans le peloton de tête. L'ouverture du cœur... Un exercice délicat, parfois pénible qui demande du courage, et toujours de l'humilité. Parler d'exercice, c'est souligner la part de responsabilité qui revient à chacun. Nous pouvons ou non ouvrir notre cœur, nous dévoiler ou non, tel que nous sommes à un ancien spirituel ou à l'abbé. Comme nous l'entendions hier dans la lecture du midi, déjà les Egyptiens considéraient le cœur comme le lieu essentiel de l'être humain. C'est lui qu'ils imaginaient être pesé avant d'entrer dans la vie éternelle... Sur la balance, nous disait-on, le cœur est lourd de ses fautes, de ses péchés ou de tout ce qui le souille ou le blesse. Dans un contexte spirituel différent, nous pourrions cependant dire de manière analogue, que l'ouve1ture du cœur contribue à rendre le cœur plus léger, à lui ôter des fardeaux de ruminations, de fausses idées sur soi ou sur les autres, de pensées obsédantes qui peuvent conduire au mal, ou encore de culpabilités morbides... N'étant souvent pas très fier de certaines pensées qui nous habitent, on les tait. .. et par ce mutisme, elles font leur nid en nous... Elles peuvent alors devenir une manière habituelle de penser, ou bien un ennemi qui, tel un cheval de Troie, demeure une menace perpétuelle ... Et notre cœur se durcit dans la lutte contre lui-même, ou bien il se divertit pour oublier son propre combat... L'ouverture du cœur, au contraire nous humanise. Elle nous rend à nous même, en tant qu'être de parole. Telle est notre dignité. Nous sommes des êtres de parole, créés libre pour parler et devenir pleinement nous-mêmes dans la relation à autrui et avec Dieu. La parole dite à un ancien ou à l'abbé nous permet de quitter ce qui n'est que l'ombre de nous-mêmes, pour oser être tel que nous sommes avec nos pauvretés assumées et nos limites reconnues sans honte, mais aussi avec nos forces, nos désirs profonds. Se tenir ainsi sous le regard d'un autre qui nous écoute au nom de Dieu, c'est nous offrir à l'action salvifigue du Seigneur. Venu sauver les pécheurs, il reste impuissant devant nous tant que nous nous cachons derrière une façade de perfection illusoire. Quand la vitre se brise, et qu'apparait l'enfant blessé et pécheur que nous sommes, alors il peut agir parce que nous lui permettons de nous inonder de sa lumière...

Chacun peut se demander: où en suis-je dans l'ouverture de mon cœur? Est-il léger pour courir sur la voie des commandements de Dieu ou bien est-il lourd de mille tracas, pensées, inquiétudes qui me contraignent hésitant à sans cesse regarder mes pieds, au lieu de lever les yeux vers le Seigneur? Ne négligeons pas cet instrument de vie et de salut. ..

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 42-49 Quels sont les instruments des bonnes œuvres ? écrit le 11 septembre 2019
Verset(s) :

42. Quand on voit quelque bien en soi, l'attribuer à Dieu, non à soi-même ;

43. quant au mal, savoir qu'on en est toujours l'auteur et se l'imputer.

44. Craindre le jour du jugement,

45. redouter la géhenne,

46. désirer la vie éternelle de toute sa convoitise spirituelle,

47. avoir chaque jour la mort présente devant ses yeux.

48. Surveiller à toute heure les actions de sa vie,

49. en tout lieu tenir pour certain que Dieu nous regarde.

Commentaire :

Dans leur concision, ces instruments ont un abord abrupt. voire tranchant. Ils vont à l'essentiel, sans préoccupation de nuances. lis nous replacent face à notre condition finie et mortelle devant Dieu l'auteur de tout l'univers, celui qui porte nos vies si éphémères... La distinction fortement soulignée entre le bien et le mal, la vie éternelle et la géhenne, l'enfer, se retrouve ici comme en d'autres passages de la RB. Je cite juste le début du beau chapitre 72 :

« il existe un zèle mauvais et amer qui sépare de Dieu et conduit en enfer, il existe un bon zèle

qui sépare des vices et conduit à Dieu,,. Le thème de l'enfer ou de la géhenne n'a pas beaucoup de place dans notre intelligence de la foi chrétienne aujourd'hui. L'abus outrancier dans le but de faire peur, fait par certains prédicateurs du passé a pu contribuer fortement, et avec raison, à sa relégation. St Benoit appartient à une autre époque. S'il fait un usage assez significatif du thème de l'enfer opposé à la vie éternelle, sans exagération cependant, on peut penser que c'est dans le but que s'opère un discernement dans la vie de chacun. Ainsi pouvons-nous reconnaitre dans son enseignement le bienfait spirituel qu'il y a à regarder les choses en face, notre mort, notre finitude, l'éternité promise. Loin de nous faire peur, ce réalisme voudrait nous enraciner dans la foi, dans la confiance totalement remise au Christ qui fait passer de la mort à la vie. Ensuite, ces instruments nous éclairent sur notre désir le plus profond. Si crainte et désir nous habitent, « désirer la vie éternelle de toute !'ardeur de sa convoitise spirituelle » l'emporte en nous largement sur la crainte du jugement et de la géhenne. En nous, le désir de vivre, d'aimer et d'être aimé est viscéral. Il est comme un moteur puissant qui suscite un élan et aussi un combat. Car il peut se disperser et se perdre en trop de futiles objets. L'horizon de la vie éternelle est alors pour nous chrétien, non un illusoire refuge, comme l'ont dénoncé les philosophes du soupçon, mais une boussole. Tendu vers la vie éternelle, vers la vie vraie, notre désir cultive non ce qui peut le combler ici-bas, mais ce gui le creuse pour l'éternité. N'est-ce pas le sens profond de notre prière régulière qui, dans ses moments de joie comme dans sa monotonie ou ses aspérités. creuse en nous la fidélité persévérante ? N'est-ce pas le sens de toutes nos fidélités dans le travail, le service du frère, les relations, la présence silencieuse à l'autre dans l'écoute ... Elles creusent notre désir pour l'éternité...

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 34-41 Quels sont les instruments des bonnes œuvres ? écrit le 10 septembre 2019
Verset(s) :

34. Ne pas être orgueilleux,

35. ni adonné au vin,

36. ni grand mangeur,

37. ni ami du sommeil,

38. ni paresseux,

39. ni murmurateur,

40. ni médisant.

41. Confier son espoir à Dieu.

Commentaire :

Comment recevoir ces instruments alors qu'il parait évident au regard de la morale chrétienne qu'un disciple de Jésus ne peut se complaire dans l'orgueil, le vin ou la médisance? Quel rôle peuvent-ils jouer ? Une comparaison me vient : celle du code de la route. Tous les conducteurs savent qu'il ne faut pas dépasser les 80 km/h, qu'on s'arrête à un stop ou à un feu rouge, qu'on fait du 50 km/h dans les villages, voire du 30 km/h etc... Effectivement, nous le savons. Mais curieusement, il peut nous arriver de ne pas avoir envie d'en tenir compte, et pas toujours pour de justes motifs. Alors sur la route, interviennent d'autres signaux : par ex lorsqu'on entre dans les villages, un écran affiche à quelJe vitesse on arrive, et si la vitesse dépasse les 50 km/h, l'affichage est rouge avec un petit émoticône, (ces images qui expriment une émotion), par ex ici l'image d'un visage contrarié... N'en va-t-il pas de même avec les instruments entendus ce matin ? Dans notre mémoire, ils sont comme des émoticônes qui peuvent venir réveiller notre conscience assoupie, ou bien notre désir de progresser dans tel domaine. lis nous rappellent à la vigilance, à cette part de responsabilité qui revient à chacun dans la gestion de sa vie. L'orgueil est de tous les vices le plus sérieux, mais aussi peut-être le plus subtilement et le plus sournoisement mêlé à notre condition humaine. La vie se charge, souvent à nos dépends, de nous le révéler à travers toutes nos prétentions illusoires. Par ex. en ces moments où l'on conclue : « Làj 'aurai mieux.fait de m'abstenir ou de me taire». Pour le combattre, il nous faut assurément « confier notre espoir à Dieu », le seul qui est vraiment humble, comme il nous l'a montré en Jésus. La liberté vis-à-vis du vin, de la nourriture, ou du sommeil relève, selon les personnes et leur histoire, d'une lutte plus ou moins forte. Lutte tout à fait respectable qui interdit tout jugement extérieur, mais qui renvoie à l'humble attention pour soi-même. Et pour celui qui a davantage reçu, la vigilance pourra prendre la forme du jeûne ou de la veilJe. « Ne pas être paresseux. ni murmurateur ni médisant» ... Ces instruments viennent réveiller la part de nous-même incline à l'esquive, à la dérobade... Face à une tâche à faire, un travail à accomplir, on fuit. Et au lieu de dire en face ce qu'on pense, on murmure, on rumine intérieurement et sans aucun fruit, sinon des fruits amers. Ou alors, on déblatère sur les autres. Et par la médisance, on pique les autres à distance, espérant peut-être, mais en vain, régler nos comptes avec nous-mêmes. Car le murmure ou la médisance manifeste bien plus notre mal-être que celui des autres. Couper court avec ces mouvements qui nous rongent, c'est comme percer un abcès afin de permettre la guérison d'une plaie.« .Mets une garde à mes lèvres, veille au seuil de ma bouche. Ne laisse pas mon cœur pencher vers le mal. » (Ps 140, 3-4).

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 29-33 Quels sont les instruments des bonnes œuvres ? écrit le 07 septembre 2019
Verset(s) :

29. Ne pas rendre le mal pour le mal,

30. ne pas faire d'injustice, et de plus supporter patiemment celles qui nous sont faites,

31. aimer ses ennemis,

32. quand on nous maudit, ne pas répondre en maudissant, mais bénir au contraire,

33. souffrir persécution pour la justice.

Commentaire :

Dans les instuments entendus ce matin, il y a une sorte de progression qui est instructive. Leur point commun est la lutte spirituelle à mener dans l'adversité. Un jour ou l'autre, dans la vie commune ou bien à l'extérieur, nous pouvons rencontrer de fortes injustices, être victime d'un mal injuste. A l'image et à la suite de Jésus, s'engage alors un rude combat, le combat contre le mal qui se présente à visage découvert, étant habituellement souvent caché ou mélangé. « Ne pas rendre le mal pour le mal» s'offre à nous comme une maxime de base. Si l'épreuve peut devenir source de dépassement d'un conflit ou d'un mal être, ce ne sera qu'en sortant de la spirale de la vengeance qui ne fait qu'augmenter le mal. Non seulement,« ne pas fàire d'injustice, mais supporter patiemment celles qui nous sontfàites ». A la suite de Jésus, dans cette lutte contre le mal à sa racine, il nous faut accepter de supporter avec patience. Ne rien dire gui attise, ne rien faire qui envenime. Supporter l'injustice dans la conviction que la patience est un moyen plus sûr de résolution que la violence. Notre foi nous l'apprend en Jésus. Sur ce chemin, l'instrument suivant : « aimer ses ennemis», nous indique jusqu'où il nous faut aller. Si la résistance à l'iqjustice consiste uniquement à serrer les dents, elle sera de courte durée. En nous engageant à aimer nos ennemis, Jésus nous montre, et en même temps il nous fait la grâce d'aller chercher la force là où elle se trouve: dans l'amour. L'Esprit Saint qui est

en nous semence d'amour, nous entraine à aimer nos ennemis. N'est-ce pas lui déjà qui nous apprend à prier pour eux, pour le frère avec je n'arrive pas à m'entendre? N'est-ce pas lui qui vient changer mon regard, et sur mon frère et sur ma propre complicité avec le mal ? Un des fruits de l'amour sera de« bénir alors qu'on nous maudit». Seul l'amour répandu par !'Esprit Saint peut venir guérir notre cœur blessé par l'offense et l'injustice, et le rendre capable de bénir, d'aimer en retour. Comme le témoignage de certaines personnes nous le fait entendre, dans l'adversité il nous faut demander dans la prière, la grâce d'une attitude nouvelle faite de pardon et d'accueil de l'autre... Par nous-même, nous en sommes incapables, trop enclins aux réflexes de vengeance ou de repli indigné sur son bon droit. Le dernier instrument, « soL{f/hr persécution pour lajustice » inspiré de la béatitude « heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, le Royaume des cieux est à eux ,, nous redit que tout ce combat ouvre un chemin vers le bonheur, déjà sur cette terre parfois, dans le Royaume sûrement.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 22-28 Quels sont les instruments des bonnes œuvres ? écrit le 30 août 2019
Verset(s) :

22. Ne pas accomplir l'acte qu'inspire la colère,

23. ne pas réserver un temps pour le courroux.

24. Ne pas entretenir la tromperie dans son cœur,

25. ne pas donner une paix mensongère,

26. ne pas se départir de la charité.

27. Ne pas jurer, de peur de se parjurer,

28. émettre la vérité de son cœur et de sa bouche.

Commentaire :

Ces instruments me font penser aux propos d'une intervenante lors d'une session entre abbés sur l'affectivité. Psychanalyste, elle comparait l'ensemble de nos affects à un chaudron, à un potentiel d'énergies qui est là en nous. Ce chaudron peut soit exploser en tout sens au risque de brùler tout autour de lui, soit il peut devenir générateur d'énergie parce que sa puissance est canalisée et dirigée dans un but précis... Qu'on pense aux machines à vapeur d'autrefois qui pouvaient faire tourner des trains ou des métiers à tisser, etc...

Les instruments, proposés ce matin à notre méditation, veulent nous apprendre au moins à canaliser ces énergies, en mettant des limites. La colère est un puissant chaudron en nous. St Benoit nous demande de ne pas la laisser exploser, en accomplissant l'acte qu'elle inspire. La colère comme la peur n'est jamais bonne conseillère. Elle est toujours aveugle. Mais que faire de cette énergie dévorante ? Là refouler pour la déverser plus tard ? Non, dit St Benoit, on « ne réserve pas un temps pour le courroux » et on « n'entretient pas la tromperie dans son cœur ». Donc pas de colère rentrée... St Benoit ne donne-t-il pas une manière de transformer en énergie positive la colère, lorsqu'il recommande de « ne pas se départir de la charité»? La charité, l'amour du frère reste le seul dernier mot possible, parce seul l'amour peut restaurer et consolider la communion. L'amour peut dès lors aider à prendre de la distance avec la colère et à comprendre ce qui se passe. La colère puise son énergie dans le désir profond en nous de défendre la vie, et d'assurer la justice. Pas de vie possible entre humains, sans justice. Et pas de justice sans pardon, ajoutait le Pape Jean Paul IL Que la vie et la justice soient en danger, nait en nous un sentiment gui s'insurge pour les défendre. Mais cette indignation est-elle seulement l'expression plus ou moins épidermique d'un mouvement d'auto-défense (type action-réaction)

? Ou bien s'enracine-t-elle dans un sens plus large du bien-être de tous ? Plus notre regard s'élargit sur les besoins des autres, plus notre désir de défendre la vie et la justice devra aller chercher profondément en nous son énergie. Je pense ici aux grandes figures de la non-violence Gandhi, Martin Luther King, Jean Goss... qui ont su défendre la justice et la vie en donnant à leur colère des formes et une énergie non-violentes capables de désarmer leurs adversaires : le jeùne, la prière, la résistance pacifique, le dialogue... Leur exemple peut inspirer toute vie communautaire pour peu à peu apprendre à passer de la colère auto-défense immédiate, à la colère gui est lutte contre les racines du mal en soi et chez les autres... par la prière pour les autres, par le jeùne, par l'écoute patiente...

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 21 Quels sont les instruments des bonnes œuvres ? écrit le 29 août 2019
Verset(s) :

21. ne rien préférer à l'amour du Christ.

Commentaire :

« Ne rien préférer à l'amour du Christ».... Je ne sais pas comment vous entendez cette formule si chère à nos oreilles de moines... S'agit-il de mon amour pour le Christ auquel je ne dois rien préférer, ou s'agit-il de l'amour que le Christ me porte et que je dois préférer entre tous ? Dans son commentaire, Michaela Puzicha opte pour la seconde option : « Benoit ne parle pas d'abord de l'amour du moine pour le Christ, mais, selon l'Evangile, il montre que le Christ a devancé le moine par son amour» (p 86)... Pris dans cet ordre, c'est tout le chemin spirituel du chrétien qui s'esquisse, chemin fait d'abord d'accueil puis de don de soi. L'amour du Christ nous précède. « Voilà à quoi se reconnait l'amour, ce n'est pas nous qui avons aimé Dieu, c'est lui qui nous a aimés, et il a envoyé son Fils qui est la victime offerte pour nos péchés» (Jn 4,10). Reconnaitre cet amour n'est-ce pas le premier pas que nous proposent la liturgie et les sacrements offerts comme un cadeau. Le Christ nous aime avant même de nous demander de le suivre... Son amour vient nous chercher, il se pose sur nous, comme son regard sur le jeune homme riche (Mc 10, 21). Le croyons-nous assez? L'accueillons-nous vraiment? N'est-ce pas une bonne part de notre labeur spirituel que de permettre à notre Dieu, au Christ notre Seigneur de nous aimer et de nous rejoindre. Le jeune homme riche a-t-il perçu l'amour du Clu·ist pour lui? En tout cas, il ne s'est pas laissé rejoindre par lui, de telle façon à emboiter le pas de Jésus. Dans la lectio divina, nous avons un lieu privilégié pour accueillir le regard et la parole de Jésus afin d'y reconnaitre et d'y entendre la force de son amour, _la paix qui accompagne la confiance qu'il nous porte, et la joie qu'il peut éveiller dans notre cœur. Aux confins de l'œuvre de grâce et de notre labeur spirituel, cet accueil nous ouvre les yeux et le cœur peu à peu sur l'identité de Jésus. Qui est-il pour nous et qui sommes-nous pour lui ? Sur le chemin de la relation avec lui, ses appels, depuis l'appel initial jusqu'aux appels quotidiens qui en cessent pas, font moins peur. S'ils nous bousculent toujours, Jésus se révèle comme un Père gui guide et accompagne autant que comme un Maitre qui enseigne et demande, et se propose de devenir notre Ami (Jn 15). Il donne dans le même temps qu'il demande. Quand St Benoit nous appelle à préférer son amour immense à ceux plus éphémères qui peuvent nous retenir, il nous entraine sur les chemins de l'éternité. Il veut nous préparer à cette vie et à cet amour sans cesse accueillis et sans cesse découverts que nous expérimenterons. Le chant de louange et d'action de grâce que nous balbutions avec plus ou moins d'aisance sont déjà la première réponse que nous pouvons offrir en réponse à l'amour du Christ. Lui dire notre merci émerveillé.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 20 Quels sont les instruments des bonnes œuvres ? écrit le 28 août 2019
Verset(s) :

20. Se rendre étranger aux actions du monde,

Commentaire :

« Se rendre étranger aux actions du monde »... Comment bien entendre cet instrument qui peut toujours comporter le risque d'une erreur de discernement, en jetant à priori le discrédit sur les réalités humaines ? La question est délicate, jamais facile à trancher. Le monde duquel nous sommes issus et dans lequel nous vivons est à la fois ,ton puisque sorti des mains de Dieu, et à la fois blessé par le péché comme le rappelait si bien Paul dans l'épitre aux Romains hier. Vivre en ce monde demande une vigilance incessante au chrétien, une sorte de prise de distance perpétuelle pour évaluer si l'orientation prise est bien la bonne. Se rendre étranger, pourrait dès lors s'entendre comme savoir prendre du recul. ... Il ne s'agit pas de se rendre indifférent, comme si nous n'en étions pas, ni de regarder de haut comme si nous étions nous-mêmes les juges de ce monde... La posture juste est certainement délicate à tenir. Elle ne peut que se recevoir comme le fruit de la grâce alliée à une vigilance bienveillante. La lettre à Diognète offre à ce titre de précieux repères. J'en cite quelques extraits : « Les Chrétiens ne sont distingués du reste des hommes ni par leurs pays, ni par leur langage, ni par leur manière de vivre : ils n'ont pas d'autres villes que les vôtres, d'autre langage que celui que vous parlez ; rien de singulier dans leurs habitudes : seulement ils ne se livrent pas à l'étude de vains systèmes, fruit de la curiosité des hommes, et ne s'attachent pas, comme plusieurs, à défendre des doctrines humaines» (5). La singularité du chrétien repose sur la Parole Divine qui lui tient de repère premier autour duquel s'ordonne toute sa vie.

L'auteur poursuit : « Ils habitent leurs cités comme étrangers, ils prennent part à foui comme citoyens, ils souffrent tout comme voyageurs. Pour eux, toute région étrangère est une patrie, el Ioule patrie ici-bas est une région étrangère (5). Le chrétien et le moine peuvent prendre du recul vis-à-vis de la cité parce qu'ils se savent« de passage», des voyageurs dont le voyage ici-bas n'est qu'une étape. C'est la cité à venir qui donne sens et qui juge la cité d'ici­ bas. En prenant la comparaison de l'âme qui soutient le corps, l'auteur continue: « L'âme immortelle habite un tabernacle périssable ; les chrétiens, qui attendent la vie incorruptible des cieux, habitent comme des étrangers les demeures corruptibles d'ici-bas. L'âme se fortifie par les jeûnes, les chrétiens se multiplient par les persécutions : le poste que Dieu leur a confié est si glorieux, qu'ils regardent comme un crime de l'abandonner» (6). Abandonner le combat sur cette terre pour fuir est un crime.:.car il s'agit de d'aimer jusqu'au bout.« Les chrétiens n'ont que de l'amour pour ceux qui ne leur montrent que de la haine» (6) dit encore l'auteur.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 14-19 Quels sont les instruments des bonnes œuvres ? écrit le 27 août 2019
Verset(s) :

14. Restaurer les pauvres,

15. vêtir les gens sans habits,

16. visiter les malades,

17. ensevelir les morts,

18. secourir ceux qui sont dans l'épreuve,

19. consoler les affligés.

Commentaire :

« Restaurer les pauvres, vêtir les gens sans habits, visiter les malades, ensevelir les morts ... » Il est heureux que dans notre règle monastique prennent place ces recommandations, toutes tirées des Ecritures. Elles nous rappellent que notre vie monastique qui a sa spécificité propre d'une vie retirée ordonnée à la recherche de Dieu, n'est pas exempte des devoirs de tout homme envers son prochain. Le chapitre 25 de St Mt reste en filigrane des instruments entendus... Le Christ est présent en chaque être rencontré, particulièrement des plus souffrants. Nous les moines, nous sommes aussi convoqués et personnellement et communautairement à ouvrir notre table et notre vestiaire aux pauvres, à donner une place dans notre temps aux malades, aux affligés. li pourrait y avoir un écueil d'entrer dans une vision un peu trop mondaine qui vise à séparer les rôles par souci d'efficacité... et du coup de renvoyer aux autres

ces personnes dans la détresse : les pauvres au Secours Catholique, les malades à l'hôpital, les migrants aux associations spécialisés etc... Il est sûr que nous ne pouvons tout faire et nous mesurons que nos forces ne nous permettent pas de tout assumer. Parfois, il apparait nécessaire de confier un ancien à l'Ephad comme nous l'avons fait pour f. Noël. Mais il est important que nous puissions accueillir les passagers ou encore donner un espace à Jessy qui a passé plusieurs mois. Je remercie les frères hôteliers qui sont en première ligne, ainsi que f. Placide... Il peut arriver aussi que la visite à l'extérieur, à une personne malade s'impose... Voilà donc quelques instruments entendus qui ne sont pas à prendre à la légère. Ils viennent nous mettre en alerte afin de ne jamais nous considérer comme quitte vis-à-vis des détresses humaines. Heureux sommes-nous si demeure en notre cœur une sorte d'inquiétude qui nous rende accueillant au pauvre qui se présente, lui offrant un sourire ou la parole juste. Nous ne pouvons alléguer notre situation de moine pour nous fermer aux détresses qui arrivent. Si nous ne pouvons répondre à toutes les sollicitations, les accueillir et les écouter sans peur, ni faux-semblants, sera pour ces personnes, parfois un vrai baume sur le cœur... Demandons à !'Esprit Saint de nous assouplir toujours davantage afin de nous laisser déranger. Et dans la prière, « portons vers le Seigneur tout chair tout esprit blessé » que nous croisons, dont nous entendons parler.

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 04, v 11-13 Quels sont les instruments des bonnes œuvres ? écrit le 24 août 2019
Verset(s) :

11. Châtier le corps,

12. ne pas rechercher les plaisirs,

13. aimer le jeûne.

Commentaire :

Ces trois instruments semblent expliciter le renoncement à la suite du Christ :

« Châtier son corps. Ne pas rechercher les plaisirs. Aimer le jeûne. »

Châtier son corps : c'est une expression qui sonne mal aujourd'hui ! Nous craignons de nous retrouver devant une spiritualité portée à mépriser le corps, à le traiter comme un ennemi embarrassant, secondaire. Comme s'il fallait s'évader de son corps. Alors que notre Foi est basée sur l'Incarnation de Dieu !

Châtier, en latin, c'est« castigare ». Ce verbe est dérivé de CASTUS : pur, chaste. Châtier a la même racine. Le contraire de castus est incastus, qui, en français, a donné incestueux. « Châtier son corps », ce sera donc, de façon positive, le garder dans la pureté de son emploi, de son service. Emonder les instincts. En évitant le double écueil : le mépris du corps, et l'exaltation du corps. Charles Péguy avait scandalisé, en rappelant que « le spirituel est aussi charnel ». Notre corps peut aussi nous aider à prier. Nous avons à mieux habiter notre corps.

« Ne pas rechercher les plaisirs. Aimer le jeûne. » li y a une loi, dans notre corps, qui nous invite à aimer les délices. A ne pas aimer le jeûne ! St Paul le dit : « Malheureux homme que je suis ! Le bien que je veux faire, je ne le réalise pas... Je prends plaisir à la Loi de Dieu, mais je découvre en moi une autre loi. » Rom 7/18-25. St Benoit nous invite à un renversement des valeurs, qui fixe les délices de l'amour, là où nous n'irions pas les chercher: dans le jeûne ! Aimer le jeûne, comme moyen d'aller à Dieu. Se laisser nourrir par Lui. Jésus nous donne la clé du jeune chrétien :

« L'homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » Mat 4/4. Le jeûne nous met en face de nos désirs. De quelle nature sont les nostalgies qui vont naître dans notre cœur, quand il sentira la privation ? Les oignons d'Egypte ? Ou la Parole de Dieu ? Nous ne devons pas oublier non plus l'enseignement d'lsaïe sur le jeûne qui plait à Dieu, celui qu'il préfère. ls 58/6-7 : « Le jeûne que Je préfère, n'est-ce pas ceci : dénouer les liens provenant de la méchanceté, détacher les courroies du joug, renvoyer libres ceux qui étaient

écrasés. N'est-ce pas partager ton pain avec l'affamé ? Et encore : Les pauvres sans abri, tu les hébergeras. Si tu vois quelqu'un qui est nu, tu le couvriras... » Aimer le

jeûne est affaire divine. Cela s'exprime en œuvres de charité, où se dépasse tout égoïsme. Pour nous, concrètement : prendre notre part des services communs est certainement un jeûne qui plaît au Seigneur !

Se renoncer, châtier son corps, aimer le jeûne, se garder de l'amour du confort... Pas de vie monastique, pas de vie chrétienne, si nous ne mettons pas en œuvre ces moyens qui nous rebutent d'abord. Les faire entrer dans notre vie. Ne soyons pas des amateurs. Mais des hommes qui aiment, qui mettent toute leur énergie au service de l'amour du Christ.