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72. Dans l'amour du Christ, prier pour ses ennemis,
73. faire la paix avec son contradicteur avant le coucher du soleil.
« Dans ! 'amour du Christ. priez pour ses ennemis )> : cet instrument est plus modeste
dans son ambition que le verset évangélique en Mt : « eh bien moi je vous dis, aimez vos
ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent» (5, 44). St Benoit veut-il offrir un instrument
réaliste? Car aimer ses ennemis peut se révéler bien difficile. Faut-il pour autant y renoncer?
Quand St Benoit dit« dans l'amour du Christ», ne nous offre-il pas une porte de secours face
à notre impuissance? S'il est difficile d'aimer son ennemi, le moine, qui ne veut rien préférer
à l'amour de Christ, peut dans l'amour du Christ rejoindre son e1memi en priant pour lui. Fondé
dans l'amour que le Christ me porte et qu'il porte à mon ennemi, je peux prier pour ce dernier.
L'amour du Christ me presse à aller plus loin que mon honneur blessé ou mes légitimes
préventions. Dans l'amour du Christ qui englobe tous les êtres en son coeur, je ne peux me
résoudre de laisser hors du champ de ma prière, même mon ennemi. La vie de St Benoit nous
en offre un exemple : A l'annonce de la mort du prêtre Florent qui l'a jalousé et qui s'est
comporté en ennemi, St Benoit loin de se réjouir se met à pleurer. Ses larmes sont le signe que
son ennemi avait gardé une place dans son coeur, et on peut le penser dans sa prière. Prenons
appui sur l'amour du Christ pour lui présenter nos ennemis dans la prière.
« Faire la paix avec son contradicteur. avant le coucher du soleil. » Précieux instrument
pour notre vie commune qui n'échappe pas au péril des discordes. Le mot «contradicteur»
traduit le mot latin« discordans », mot à mot celui qui est en discorde avec moi. Dans la mesure
du possible, il nous faut tout faire pour ne pas laisser la nuit recouvrir une discorde, une
mésentente ou une dispute. La tentation pour celui qui est davantage en tort sera de minimiser
la peine faite : « et puis il l'a cherché ... et puis de toute façon il est susceptible etc ... »
L'invitation à faire la paix nous sort de l'autojustification. Il ne s'agit pas de savoir qui a raison
ou qui a tort. li s'agit de faire la paix, d'apaiser ce qui a été chaud, voire violent. Comment
donner la paix au frère avec lequel on est en différent 9 Par un billet si le temps est court, par
un geste fraternel et amical, par une parole de demande de pardon. Même si les torts mutuels
ne sont pas faciles à déterminer, ce billet, ce geste ou cette parole humble, permettront à chacun
de se repositionner modestement dans une histoire où l'un et l'autre peut s'être laissé embarquer
trop loin dans l'animosité. Faire ce pas vers l'autre peut coûter. Il nous demande du courage et
de l'humilité, mais il est libérant. Car nous sommes faits pour bâtir la concorde.
70. Et vénérer les anciens,
71. aimer les jeunes.
Ces deux instruments, propres à St Benoit au regard de la RM, témoignent de la grande
attention qu'il porte à la qualité des relations fraternelles. Le chap.63 qui reprend le même sujet,
le confirme. Les deux âges dont il s'agit ici, sont des âges plus vulnérables : les anciens en
raison du grand âge et des infirmités, les jeunes parce qu'ils commencent et peuvent manquer
d'expérience. Les uns et les autres peuvent être en conséquence plus ou moins méprisés, ou
laissés de côté. Rien de tel entre frères dans une communauté monastique, chacun mérite le
respect, plus encore il mérite d'être aimé. Les deux verbes pour dire cette relation apportent
chacun une nuance qui peut nous aider à affiner nos manières d'être les uns avec les autres.
Vénérer les anciens: nous pouvons entendre là l'appel à un amour fait de délicatesse, dans le
respect et ! 'honneur rendu. Les anciens, en vertu de leur âge, mais aussi de leur expérience,
méritent des égards et des attentions. Les infirmités, la lenteur à se déplacer ou à parler, les
difficultés de compréhension de la situation sont autant d'obstacles à la relation qui appellent
à redoubler de présence. Le risque est alors grand de passer à côté d'eux sans nous en rendre
compte. Soyons vigilants aux égards à avoir vis-à-vis des anciens dans la vie quotidienne :
veiller à ne pas courir ou à les dépasser si rapidement que cela peut déstabiliser, savoir attendre
pour laisser passer, ou pour tenir la porte, s'arrêter pour demander si cela va, s'il y a besoin de
quelque chose, s'il faut ou non aider à la vaisselle ou ailleurs. Sans non plus couver ni
déresponsabiliser. Ces attentions viennent nous rendre plus sensibles, pour être moins brut de
décoffrage, finalement pl us humain. C'est une chance.
Aimer les jeunes: diligere, c'est le même mot latin que celui des deux grands
commandements. Amour de charité, plus que l'amour simplement spontané que suscitent les
plus jeunes. Les aimer et les aider pour ce qu'ils sont en train de devenir, des moines et des
frères. Amour fait de respect et d'attention à leur croissance, mais aussi à leurs attentes, à leurs
questions, à la manière avec laquelle ils cherchent le Seigneur. Dans la vie quotidienne, cet
amour se fait accueil, écoute, patience vis-à-vis des petits défauts, laissant à leur formateur le
soin de dire une parole quand c'est nécessaire. Vénérer et aimer, l'amour ne cesse de nous
découvrir ses justes harmoniques à mettre en oeuvre. C'est l'Amour de Dieu qui anime le Corps
du Christ, et particulièrement la petite cellule qu'est notre communauté. Que !'Esprit Saint soit
en nous la source innovante de tout amour.
64. aimer la chasteté,
65. ne haïr personne,
Sur les 73 instruments retenus par St Benoit pour avancer sur le chemin de la vie
spirituelle, il y en a qui sont plus généraux ( tu aimeras ton prochain, ne pas rendre le mal pour
le mal ... ), et il y en a comme ceux que nous venons d'entendre qui sont un peu plus pointus,
qui vont nous chercher plus en profondeur (ne pas avoir de jalousie, ne pas agir par envie .... )
Pour prendre une image dans le métier du bois, il y a des instruments plus communs, comme
un marteau ou un rabot, et puis il y a des instruments plus spécifiques, un ciseau à bois ou une
vrille, qui agissent plus précisément, plus finement.
« Ne pas avoir de jalousie », cet instrument vient nous chercher à un endroit de nous-même
qui rêve de toute puissance, ou d'être unique, inégalable ... Nous ne maitrisons pas
toujours les élans de jalousie qui peuvent surgir face à quelqu'un qui semble nous faire de
l'ombre en invoquant la grâce de Dieu. Mais il nous revient de ne pas les laisser nous submerger, à la différence de Caïn, car
ils peuvent porter un poison de mort.
« Ne pas agir avec envie », cet instrument peut nous aider à visiter les motivations de
nos actions. Agissons-nous pour accaparer un bien, ou encore pour nous faire valoir, et
éventuellement supplanter un autre ? Ou bien agissons-nous pour être fidèle dans le service et
la mission confiés ? Jésus dans l'évangile recommande aux serviteurs de se souvenir et de dire :
« Nous sommes de simples serviteurs. Nous n'avons.fait que notre devoir.» (Le 17, 10)
« Ne pas aimer la contestation». Qu'il faille parfois remettre en cause des situations,
les contester, être critique est une chose, aimer la contestation en est une autre. S'installer dans
une telle posture, aimer y demeurer, nous entraine dans l'illusion d'être le Sauveur, ou nous
retient prisonniers de nos acrimonies, finalement nous centre sur nous-mêmes.
« Fuir l 'élèvemenl ». Ce 69° instrument est le premier d'une petite série ajoutée par St
Benoit au texte reçu du Maitre. Que St Benoit invite ici de nouveau à l'humilité n'est pas
surprenant, tant cette invitation pressante traverse la RB. L'élévation, qu'elle nous soit suggérée
par nos mérites effectifs ou qu'elle soit le fait des autres qui les mettent en évidence nous met
toujours en danger : danger de me croire plus que ce je ne suis réellement, danger d'attendre
toujours de la reconnaissance des autres, au lieu de me confier dans le Seigneur qui me connait
vraiment. « Seigneur, je n ·ai pas le coeur fier, ni le regard ambitieux, je ne poursuis ni grand
dessein, ni merveilles qui me dépassent » (Ps 130), pouvons-nous apprendre à dire en vérité,
avec le psalmiste.
64. aimer la chasteté,
65. ne haïr personne,
Que ces deux instruments se suivent n'est peut-être pas fortuit... Tous deux ont à voir
avec la relation, une relation chaste en quête de sa justesse ou une relation blessée par la haine.
Dans les deux cas, la recommandation est de soigner et de préserver à tout prix la relation.
Comme nous le disait f. Xavier en écho à la session de rentrée au Centre Sèvres, la relation est
une composante essentielle de notre humanité et de notre humanisation. Elle est une donnée
majeure de l'anthropologie. Nous sommes des êtres de relation. « Aimer la chasteté» peut
s'entendre dès lors comme une exhortation à aimer la relation juste, celle qui construit et qui
libère. Parler d'aimer, à propos de la chasteté, peut surprendre. Nous pouvons y entendre qu'il
y a une décision à prendre pour s'y engager. Et cette décision n'est pas seulement rationnelle,
« c'est raisonnable de faire cela », mais elle est une décision qui mobilise aussi notre désir,
notre coeur. Choisir la chasteté est aimable et désirable. Cette décision n'est pas un fardeau que
l'on subirait. Non, elle peut emporter notre adhésion profonde, celle de notre coeur, de notre
désir. C'est peut-être à ce seul niveau de profondeur que nous commençons à devenir chastes ...
en désirant, en aimant être chaste en vérité. Et non parce qu'il faut l'être. Deux écueils extrêmes
fragilisent la chasteté et l'annulent. La confusion et la haine. Une relation fusionnelle qui
demande à l'autre d'être comme je suis et qui ne lui laisse pas le droit d'être différent n'est pas
chaste. D'autre part, ne l'est point non plus une attitude qui veut rayer l'autre de son champ de
vision sous prétexte qu'il dérange quelque chose en moi. La haine de l'autre s'inscrit dans ce
registre, avec toutes ses variantes ou ses degrés. L'autre est tellement gênant qu'il ne peut
trouver place dans ma vie. Entre les deux extrêmes de la confusion et de la haine, nous
naviguons à vue ... Nous cherchons la justesse dans nos relations. C'est un combat éprouvant
car jamais fini, jamais achevé. Eprouvant encore car il nous remet en face de nos limites et de
nos impuissances. Pourquoi avec ce1iaines personnes la relation est-elle simple, fluide et
vraiment constructive? Et pourquoi avec d'autres est-elle compliquée, parfois menacée de
rupture? Face à notre impuissance, les deux instruments « aimer la chasteté» et « ne haïr
personne » offrent une balise, un repère. Ils nous entrainent à persévérer dans le travail
intérieur. Avec un certain humour, ils semblent nous dire: « ne te décourage pas, c'est normal
que les relations ne soient pas si simples ni évidentes».
63. Accomplir chaque jour par ses actes les commandements de Dieu,
A l'instar du précédent instrument, ce 63° est d'une simplicité désarmante ...
« Accomplir chaque jour par ses actes les commandements de Dieu )) ... On peut entendre là un
écho de la recommandation de Jésus dans l'évangile quand il achève le sermon sur la
montagne : « Ce n 'est pas en me disant : 'Seigneur. Seigneur ''qu'on entrera dans le royaume
des Cieux, mais c'est en faisant la volonté de mon Père qui est aux cieux ... )) (Mt 7, 21) Et Jésus
ajoute un peu plus loin : « Celui qui entend les paroles que je dis là et les mets en pratique est
comparable à un homme prévoyant qui a construit sa maison sur le roc)). (Mt 7, 24) Jésus met
en garde contre l'illusion de penser faire la volonté de Dieu parce qu'on prie ou qu'on a le désir
d'être avec Dieu. Il s'agit de« faire» et de« mettre en pratique». St Benoit s'inscrit dans cette
ligne d'une vie donnée très concrète, ni rêvée, ni idéalisée ... une vie donnée pour vivre
l'Evangile. Dans cette ligne, j'ai été intéressé et touché d'entendre dans l'homélie du Pape
François pour l'ouverture du mois missionnaire extraordinaire ( ce 01.10.19) une belle invitation
à mettre l'évangile en pratique, de manière vivante et spontanée. Il disait : « Le Seigneur te
demande d'être un don là où tu es, comme tu es, pour celui qui est à côté de toi; de ne pas subir
la vie, mais de la donner de ne pas te lamenter, mais de te laisser loucher par les larmes de
celui qui souffre. Courage, le Seigneur attend beaucoup de toi! » Se donner, être un don pour
celui qui est à côté de nous, n'est-ce pas accomplir toute la loi dans le commandement de
l'amour?
St Benoit précise : « accomplir chaque iour ». En écho, on peut entendre le pape qui
demandait : « Faisons-nous de chaque journée un don pour combler la fracture entre
l'Évangile et la vie ? Chaque jour comme un don pour permettre à la vie humaine, la nôtre et
celles de nos frères, d'être davantage vivante de la Vie de Dieu. Au sein du monastère, avec Ste
Thérèse de Lisieux, nous avons une belle manière d'être missionnaire : faire de nos journées un
don pour le Seigneur, un don pour nos frères. Transfonner la simplicité du quotidien en un don
renouvelé, persévérant et joyeux. Notre vie commune de prière et de travail sera missionnaire
en donnant à voir et à sentir la charité qui nous lie entre nous, mais aussi qui nous garde ouverts
aux autres, à l'étranger, au pauvre. Je laisse les derniers mots au pape François:« Toi, va avec
! 'Esprit Saint. Va, le Seigneur ne te laissera pas seul! Courage, fières et soeurs ! »
62. Ne pas vouloir être appelé saint avant de l'être, mais l'être d'abord, afin d'être appelé ainsi avec plus de vérité.
Spontanément, en entendant cet instrument, on a envie de dire : il est vraiment grotesque
de vouloir être appelé saint et il est évident qu'il vaut mieux l'être vraiment d'abord. Mais en
fait, dans sa simplicité étonnante, cette sentence ne remet-elle pas sous nos yeux une tendance
bien enracinée en notre nature humaine : celle de vouloir soigner les apparences, au risque de
biaiser avec la vérité de nous-mêmes. « Sauver les apparences )) dit le langage commun. « Etre
d'abord)) dit St Benoit.
Vouloir être appelé saint, vouloir être à la hauteur, vouloir sauver la face, vouloir
apparaitre plus ou un peu plus que ce que nous sommes .... Tous ces stratagèmes ne sont-ils pas
seulement des jeux de miroirs ? On a une image de soi. On voudrait à tout prix y correspondre,
et surtout que les autres la reconnaissent. On reste enfermé sur soi, face au miroir d'une image
que l'on cherche désespérément à construire, soigner ou acquérir. .. Mystérieusement, nous
pouvons nous laisser piéger par ce jeu des images, notamment quand les autres semblent nous
renvoyer des signaux qui les confortent. Comment sortir de cette recherche illusoire et stérile
qui ne peut que nous laisser à l'aune de nous-mêmes, toujours insatisfaits ... ?
« Etre d'abord ll nous dit Benoit... Comment pouvons-nous savoir ce que nous
sommes ? Car en bonne part, nous restons une énigme à nos propres yeux ... « Etre d'abord))
peut être une invitation à abando1111er le souci d'exister dans le regard des autres, pour exister
simplement soi. La lumière de la foi nous offre un secours profond dans ce travail de vérité. La
Bonne Nouvelle apportée par Jésus nous assure que nous pouvons exister tel que nous sommes
devant notre Dieu. Sous son regard d'amour, point n'est besoin de masque ou de maquillage,
ni de stratagèmes. Nous pouvons exister tel que nous sommes. Car Dieu nous aime, nous choisit
et nous appelle chacun avec notre faiblesse, nos défauts. notre péché. Car il veut nous sauver
du mensonge. « Etre d'abord >) peut alors équivaloir à « être le fils de Dieu)) que Dieu aime.
L'évangile nous délivre de cette tyrannie du paraitre dans la mesure où nous laissons Dieu le
Père, le Christ nous rejoindre, nous regarder, nous sauver. .. S'il y a un effort à accomplir, n'estil
pas de vouloir nous tenir sous le regard de notre Dieu, en passant du temps dans la prière, en
guettant son regard dans les Ecritures, en nous laissant aimé et regardé par Lui ... ? « Etre
d'abord)) : le sacrement de la réconciliation nous offre une très belle occasion, en présence d'un
frère, d'être vrais et humbles devant Dieu. Autant d'instruments qui nous aident à être aussi
devant nos frères, plus simplement. - 08-10-2019
59. Ne pas assouvir les désirs de la chair,
60. haïr sa volonté propre,
61. obéir en tout aux commandements de l'abbé, même s'il agit lui-même autrement – ce qu'à Dieu ne plaise – en se souvenant du commandement du Seigneur : « Ce qu'ils disent, faites-le ; quant à ce qu'ils font, ne le faites pas. »
Ces trois instruments pris ensemble nous mettent devant un péril assez commun rencontré par les moines et la résolution habituelle que leur propose la Règle... Le péril commun est celui de se laisser prendre ou déborder par les désirs de la chair, ceux qu'énumère Paul dans l'épitre aux Galates (5,20) : « inconduite, impureté, débauche, idolâtrie, haines,
rivalité,jalousie, emportements ...»... Le péril tient encore dans le fait de prendre sa volonté
propre pour seule norme, avec le risque de confondre et de réduire la réalité avec ce qu'on voudrait qu'elle soit. Face à ces deux périls, le 3° instrument recommande l'obéissance à l'abbé, même si celui-ci fait le contraire de ce qu'il enseigne, précise Benoit par rapport au Maitre. Car ajoute-t-il, la norme dernière est toujours « le commandement du Seigneur » qui a dit : « Ce qu'ils disent faites-le ; quant à ceux qu'ils font, ne le faites pas. » Que veut nous dire ici St Benoit quand il insiste sur la fragilité possible de l'abbé, cet homme appelé à enseigner et à transmettre la Parole de Dieu? Peut-être veut-il dire qu'il ne peut en être autrement. Dieu prend le risque de se communiquer à travers des hommes faillibles, comme Jésus a pris le risque
d'appeler parmi les douze, celui qui deviendrait le traitre. Loin de nous décourager, ou de nous entrainer à la facilité ou encore à la duplicité, ce constat peut-être un appel à entrer dans le regard de Dieu sur notre humanité. Voulant l'associer à son dessein de rédemption pour tous, il ne craint pas de nous enrôler à son service tel que nous sommes. Ce constat peut nous rendre à la fois plus confiant en notre Dieu qui est bon pour chacun, et à la fois cela peut nous inciter à plus de responsabilité dans la tâche qui nous est confiée. A l'abbé et à chaque frère, à son poste de travail sur le grand navire de l'Eglise, à chacun il revient d'être plus souple, plus docile dans l'écoute et l'accomplissement de la Volonté du Père. La tâche qui nous est confiée est de chercher à être toujours plus en adéquation. en harmonie dans le service de son dessein d'amour pour les hommes. C'est en cela que nous sommes avant tout des chercheurs de Dieu. Prenant distance par rapport à nos désirs ou à notre volonté immédiate, nous cherchons à demeurer ouvert à ce que Dieu nous dit. Nous cherchons à demeurer disponibles à ce gu'II nous incline à faire, à travers sa Parole qui retentit dans les Ecritures, mais aussi à travers les paroles humaines
ou les évènements. Dans cette fidélité gui ne fait pas de bruit, n'est-ce pas la lutte que nous menons et la joie que nous goûtons ?
57. confesser chaque jour à Dieu dans la prière, avec larmes et gémissements, ses fautes passées,
58. se corriger de ces fautes à l'avenir.
Confèsser ses péchés chaque jour... Se corriger à 1'avenir ... La confession de nos péchés et la reconnaissance de nos fautes n'ont pas leur fin en eux-mêmes. Mais cette attitude d'humilité en présence de Dieu veut permettre à l'avenir un changement de vie. Entre présent et avenir, un élan est rendu possible par cette prise en compte de notre réalité faible et pécheresse, sans faux semblant ni fuite de nous-mêmes. Notre vie monastique porte en elle, en ses racines profondes le désir de progresser vers une plénLude de relation avec Dieu, avec les autres et avec soi-même. Pour cela, les anciens moines avaient la vive conscience de leur péché. Ils n'étaient pas dupes de leur condition pécheresse devant Dieu afin de laisser Dieu vraiment agir en eux. Ce dynamisme de conversion nous est moins accessible aujourd'hui. En effet, dans notre culture contemporaine, nous oscillons entre une culpabilisation à outrance vis-à-vis de soi (je suis nul, je ne vaux rien) comme vis-à-vis des autres (cf la tendance procédurière qui s'installe) et une absence de conscience de la faute et du péché. N'est-ce pas finalement la manifestation d'une conscience humaine gui se pense seule juge d'elle-même, tendue entre deux extrêmes, le désespoir de n'être jamais à la hauteur, et le sentiment de suffisance qui ne doit rien à personne... La Bonne Nouvelle de l'Evangile nous sort de cet isolement mortifère. Elle nous offre la révélation d'un Amour qui nous accueille toujours, et d'une Lumière qui loin de nous accabler nous réconcilie avec nous-même et avec Dieu. Le monsieur dont je présentais hier les photos, partageait dans le courrier joint, sa réflexion sur la lumière et l'obscurité. Je le cite : « La lumière met en perspective l'obscurité ... Sije prends mes obscurités intérieures, sans la lumière déversée par Jésus, je n'aurai pas pu en prendre conscience. Ce ne sont pas mes obscurités qui m'ont dit : 'regarde, il y a une lumière'; mais bien la lumière qui m'a dit : 'regarde, tu vois ces obscurités en toi ? '. La lumière conquiert petit à petit, et avec douceur, l'obscurité ... » N'est-ce pas une expérience que nous pourrions signer... Oui, la Lumière de Jésus vient peu à peu prendre possession de notre être, de plus en plus si nous le lui permettons. Sans intrusion ni dureté, elle manifeste les parts encore sombres en nous. Elle n'accuse pas, elle vient guérir et illuminer. Dans cette perspective, nous reconnaitre pécheur c'est présenter notre part encore obscure, dans l'acceptation qu'il n'est pas en notre pouvoir de la guérir... Un seul est le Sauveur, le Christ Jésus.
56. se prosterner fréquemment pour prier,
« Se prosterner fréquemment pour la prière» ... L'adverbe «.fréquemment» fait écho à l'adverbe « volontiers »... tiré de l'instrument précédent : « écouter volontiers les saintes lectures». Dans les deux cas, l'invitation rejoint et interpelle l'être libre et généreux de chacun d•entre nous, dans sa relation intime avec le Seigneur. Là, pas de cloche qui appelle, et qui scande notre temps humain pour le faire entrer dans le tempo de Dieu ; non, mais simplement une invitation laissée à la liberté de chacun : « se prosterner .fréquemment pour prier ». Il est bon dans notre vie très organisée et structurée d'entendre cet appel à la gratuité d'une attention pour notre Dieu. Dans cette gratuité, la relation avec le Seigneur, comme toute relation s'approfondit et nourrit d'une manière plus profonde. plus suave aussi peut-être... Il arrive d'entendre des couples qui regrettent de n'avoir plus de temps à eux pour se parler, ou d'autres au contraire qui se réjouissent de prendre un WE, ou quelques jours sans les enfants, afin de pouvoir échanger davantage ensemble. Sinon, ils perçoivent le risque qu'il y a de faire beaucoup de choses pour leur famille et leur travail, mais de ne plus prendre de temps pour simplement s'asseoir et se parler... De même, il peut y avoir un risque dans notre vie monastique de faire beaucoup de choses, et même d'accomplir fidèlement notre devoir de prière liturgique, mais de ne pas développer tout au long de la ioumée. ce goût de la rencontre plus gratuite pour Dieu, lui qui nous cherche et que l'on cherche. De quelle rencontre, de quelle prière gratuite s'agit il? Je pense qu'elle est d'abord un élan du cœur à cultiver. Il pourra prendre plusieurs formes: arriver quelques minutes en avance à l'église pour nous poser devant le Seigneur, pour lui déposer ce que nous vivons, et ainsi être plus libre pour psalmodier et l'écouter nous parler durant la liturgie. Cet élan du cœur pourra se manifester par quelques secondes de recueillement tournées vers la croix avant de se mettre au travail, avant de vivre une rencontre... ou durant le travail, il se manifestera par une brève interruption qui permet de ressaisir ce qu'on vit dans la lumière de Dieu. Il peut être vécu aussi durant le travail manuel plus répétitif par la répétition d'une parole de !'Ecriture mémorisée au cours de la lectio, un verset de psaumes, ou encore la prière de Jésus ou le « je vous salue Marie ».... Sorte de prière en boucle qui a la vertu de recentrer le cœur sur un mot, sur le visage de Jésus vers lequel veut ramener toutes ces formes de prière... Essayons de cultiver ce goût pour la rencontre gratuite avec le Seigneur. A travers quelques moments d'intimité plus personnelle, notre vie recevra elle-aussi plus de saveur, s'unifiera davantage ...
55. Écouter volontiers les saintes lectures,
R.B. 4, 55
En entendant cet instrument, le mot « volontiers )) 111'invite à faire un rapprochement avec le début du prologue de la RB : « Ecoute, ô mon fils ces préceptes de ton maitre et tends l'oreille de ton cœur. Cette instruction de ton père qui t'aime, reçois-la cordialement. On potmait aussi traduire « reçois-la volontiers)), car le même mot latin « libenter )) est utilisé... Ecouter volontiers les saintes lectures, en fait les Saintes Ecritures-écouter et recevoir volontiers les préceptes du maitre qui offre la règle... Dans les deux cas, il s'agit d'écouter volontiers ou cordialement pour apprendre à reconnaitre la voix du seul Maitre qu'est le Christ. Il nous parle aussi bien à travers les Ecritures, qu'à travers la règle. Et il est important d'avoir toujours une oreille sur les Ecritures et une oreille sur la RB, sans séparer les deux, en sachant que la Règle se ressource et se nourrit sans cesse des Ecritures, dont e.l.Je se présente comme une mise en pratique concrète. Dans les deux écoutes, nous pouvons comprendre ce matin, qu'elles ne po1ieront vraiment leur fruit, dans une pratique profonde et juste, que si notre écoute est cordiale. En entrant au monastère, et en restant au monastère, c'est le Christ que nous voulons écouter et c'est à lui que nous voulons donner notre cœur. Nous savons d'expérience que nous ne vivons pas toujours au niveau de notre cœur profond, esquivant l'écoute et la vraie rencontre du Maitre. Chercher à disposer notre cœur afin qu'il tende à ce niveau cordial d'écoute, n'est ce pas une part de notre labeur monastique ? Chaque matin, nous lever et nous tenir devant le Christ en nous donnant à Lui, en Lui présentant notre désir d'être à Lui. St Ignace de Loyola recommande ici une prière préparatoire au début de chaque journée pour demander la grâce que nos intentions, nos actions, nos paroles soient toutes ordonnées à l'accomplissement de la Volonté de Dieu pour la manifestation de sa Gloire et son Amour... Chacun nous pouvons trouver une manière de préparer ainsi notre cœur, en demandant l'aide du Seigneur afin que tout notre être se dispose vraiment volontiers, cordialement à son service. De même que plusieurs d'entre nous prennent avec raison un petit temps d'exercice corporel pour entretenir notre frère corps et le garder vivant, de même par une simple prière matinale, nous pouvons demander cette grâce qui nous dispose vraiment à une écoute cordiale vis-à-vis du Seigneur.