vendredi 3 octobre 2025 : journée de solitude pour la communauté, messe vers 6h45 après Laudes.

Commentaires sur la Règle



Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 20-21 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 10 septembre 2022
Verset(s) :

20. Se rendre étranger aux actions du monde,

21. ne rien préférer à l'amour du Christ.

Commentaire :

Ces deux instruments peuvent être regardés comme les deux faces d'une même réalité: une face négative. se rendre étranger aux actions du monde et l'autre positive. ne rien préférer à l'amour du Christ. Se rendre étranger aux actions du monde parce qu'on ne préfère rien à 1·amour du Christ. On peut entendre cette proposition dans une logique johannique où le monde représente ce qui s"oppose à Dieu. les ténèbres face à la lumière. Cette logique a le mérite d"être claire. mais elle peut nous laisser insatisfait car les choses que nous vivons sont-elles si tranchées? Aussi peut-on l'entendre aussi dans la compréhension courante du monde que l'on a aujourd'hui : le monde considéré comme la réalité physique qui apparait sous nos yeux avec sa variété de manifestation. son étendue géographique et sa diversité humaine. Les actions du monde ne sont pas mauvaises en soi. Elles sont même nécessaires. Il nous faut agir dans ce monde et le construire. Mais ces actions n'ont pas leur fin en elles-mêmes. Elles sont ordonnées ù un projet. au dessein de Dieu. Elles sont tendues vers son Royaume. Aussi peut-on entendre dans ces deux instruments un même dynamisme: celui d'un détachement, d'une prise de distance pour une préférence. Se rendre étranger aux actions du monde : agir en ce monde sans nous laisser modeler par le monde et sa logique de seule survie ; agir en ce monde en se gardant d"oublier sa finalité : celle de nous ouvrir à la vie avec Dieu et en Lui ... Car comme le dit Jésus dans l'évangile de Jean: nous n'appartenons pas au monde, ou selon le psalmiste. nous ne sommes que des pèlerins en ce monde. Dans la perspective de l'imminence de la fin des temps. Paul invitait les corinthiens : « ceux qui ont une femme soient comme s'ils n'en avaient pas. ceux qui profitent de ce monde comme s'ils n'en profitaient pas vraiment. Car il passe, ce monde lei que nous le voyons » (1 Co 7. 29. 31 ). Dans ce mouvement de détachement. de prise de distance. l"invitation à ne rien préférer à l'amour du Christ offre un critère de discernement sûr: nous gardons cette distance, non en vertu d'un mépris. mais en raison d·une préférence. d"un amour qui inscrit dans la réalité de notre vie humaine son plus profond dynamisme. Et en retour. cette invitation à l'amour du Christ préféré entre tous ne peut se vivre que concrètement par une prise de distance vis-à-vis de tout ce que nous faisons, une sorte de pas de côté qui nous garde vigilant pour ne pas faire de la partie. ou du temporaire le tout de notre vie. Notre cœur a reconnu une lumière, un appel. une voix. une joie plus profonde: l"amour du Christ qu'il ne nous faut pas perdre de vue, ne pas lâcher.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 14-19 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 08 septembre 2022
Verset(s) :

14. Restaurer les pauvres,

15. vêtir les gens sans habits,

16. visiter les malades,

17. ensevelir les morts,

18. secourir ceux qui sont dans l'épreuve,

19. consoler les affligés.

Commentaire :

Nous entendons ces instruments en ce jour de la nativité de la Vierge Marie. Instruments de charité, instruments d"humanité qui nous convoquent à l'amour le plus élémentaire vis-à-vis de tout être humain. Instruments qui ne sont pas sans rappeler la parabole du jugement dernier. ..« J'avais faim et vous m'avez donné à manger, j'étais nu et vous m·avez habillé, j 'étais malade et vous· m'avez visité (Mt 25. 35-36) ». Ils résonnent comme un appel dont l'écho ne cesse de se propager d"âge en âge. avec des modalités sans cesse à inventer. Puisqu'en ce jour, nous regardons la Vierge Marie, il est intéressant de constater que lorsqu'on parle d"elle. ce n'est pratiquement jamais, à la différence de la plupart des saints, pour exalter ses actions de charité. On a juste relevé son empressement à aller visiter sa cousine Élisabeth qui devait être heureuse d·avoir un coup de main à !"approche de la naissance de Jean. Lorsqu·on vénère la Vierge Marie, on magnifie, on met d'abord en évidence la grandeur. la profusion du don de Dieu en sa faveur. Comme nous l'avons chanté cette nuit aux vigiles, nous la reconnaissons « bénie de Dieu». « Elle est bénie de Dieu. la Vierge docile au souffle de !'Esprit. la femme qui met au jour le premier-né, la Mère qui voit mourir son Fils en croix, la Reine qui prie pour nous». Marie est « bénie entre toutes les femmes ». non en vertu de ses mérites. mais par pure grâce de Dieu. La bénédiction de Dieu est venue sur elle comme un immense cadeau fait à elle tout d"abord. et à travers elle. à toute notre humanité. li est bon de nous remettre devant ce mystère de gratuité, mystère de grâce dont Marie est le réceptacle et l'instrument. Marie se prête à I"œuvre de grâce pour devenir la Mère du Sauveur, en le portant dans son ventre puis dans ses bras lors de sa naissance, pour le recueillir de nouveau dans ses bras à la descente de la croix. comme nombre de représentations aiment la suggérer. Tout au service du Fils de Dieu fait homme, nous aimons la regarder comme pleinement là au moment où il faut et de la manière qu'ïl faut. Apparente passivité sans éclat ni grande démonstration qui révèle peut-être la plus profonde activité qui soit : être là, et bien là. là où nous sommes placés. Et on peut penser que pour Marie aussi. à Nazareth ou ailleurs, cela a parfois pris la forme de restaurer les pauvres, de vêtir les gens nus et de visiter les malades. A part la visitation à Élisabeth, l'évangile ne nous en relate rien. Car pour Marie. il importait d"être vraiment là dans la mission qui lui revenait. le reste en découlait comme naturellement. En est-il autrement pour nous? Si chacun de nous accueille la grâce et l'appel qui est le sien. d'être vraiment là pour se donner au Seigneur. que ce soit à l'office, à la lectio. au travail, au repas, l'appel du pauvre, ou du frère qui a besoin ne nous viendra+il pas comme une grâce autant que comme une tâche à accomplir?

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 09 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 30 août 2022
Verset(s) :

9. et « ne pas faire à autrui ce qu'on ne veut pas qu'on nous fasse ;».

Commentaire :

« Ne pas fitire à autrui ce qu'on ne veut pas qu ·on 11011.1'.fàsse ,,. Avec cet instrument_ St Benoit reste bien dans la ligne des préceptes du décalogue qu'il a énoncé juste avant. li préfère la frmrnile négative issue de Tb 4,15, à celle formulée positivement en Mt 7, 12 ou Le 6, 31:

« donc tour ce que rn11.1· voudrie::: que les autres .fitssent pour vous. fàitn-le pour eux vous aussi». En quelque sorte, la formulation positive est presqu'infinic et peut donner le vertige. Jusqu'où va l'amour de l'autre'! Peut-être est-ce pour cela que Mt ajoute:« voilà ce que disent la Loi er lesprophères ». En d'autres termes, la formule positive est comme un résumé de toute

]'Ecriture. On n'est pas loin non plus de la conviction de Paul exprimée aux Galates : « lvlettez- 1'01/S au service les uns des autres. ('ar toute la loi est accomplie dans 1'unique parole que voici: ·111 aimeras Ion prochain comme toi-même'» (Ga 5, 13-14).

St Benoit à la suite du Maitre, a préféré la formulation négative qui peut apparaitre plus concrète. Peut-être voit-on mieux spontanément ce qu'on n'a pas envie qu'on nous fasse, pour essayer de ne pas le faire nous-même. Et en même temps, est-ce toujours si vrai ? Cet instrument

,·ient aiguiser la connaissance de nous-même. li peut 111'entrainer à oser avec courage braquer

le faisceau lumineux sur des zones d'ombre que je ne vois pas trop dans ma vie. Peut-être y-a­ l-il des choses que je n'aime pas subir, mais que je me permets quand même de faire aux autres. ou des choses pour lesquelles je ne suis pas trop gêné de peser sur les autres... Ce petit examen ne vise pas à nous torturer l'esprit et le cœur_ mais simplement de nous faire sourire sur les incohérences dont nous sommes capables, en nous en défendant même parfois dans un premier mouvement si quelqu'un met le doigt dessus. S'il ne s'agit pas de nous rendre impeccable à nos propres yeux, cette vigilance sur nous-même peut nous aider à moins peser sur les autres. Car dans la vie fraternelle, une des choses qui rend pénible nos relations, c'est notre aveuglement. Nous faisons et disons des choses dont les autres voient manifestement que nous ne sommes pas à la hauteur, soit parce que nous disons et ne faisons pas, soit parce que nous faisons ce que surtout nous n'aimons pas qu'on nous fasse.... Lorsque nous sommes dans cette posture, les autres doivent nous porter comme des enfants, nous supporter. Mieux nous connaitre nous permet alors d'être un peu moins incohérent, un peu plus léger pour les autres, plus heureux avec nous-même et plus confiant avec le Seigneur !

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 07-08 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 27 août 2022
Verset(s) :

7. ne pas porter faux témoignage. »

8. Honorer tous les hommes,

Commentaire :

« Ne pas porter de faux témoignage, honorer tous les hommes ». Ces deux instruments l'ont apparaitre la face ténébreuse et la face lumineuse d'une réalité à laquelle nous sommes souvent confrontés : le fait de parler sur autrui. Il est difficile de passer une journée sans émettre un avis sur une autre personne. Et cependant faut-il autant que cela parler sur les autres? Je suis parfois frappé par ces conversations qui se passent à parler sur les autres, mais jamais sur soi. On s'attarde sur la vie des autres, mais on ne sait pas partager quelque chose de ce que l'on vit ou de ce que l'on réfléchit. Comme moines, et notamment dans nos groupes de communauté, il nous faut veiller à éviter cette dérive. Car la parole sur ]e5 autres peut vite se transformer en propos désavantageux sur les autres dont on rit facilement. voire en médisance feutrée où l'on insinue des choses toujours en défaveur de l'autre... Parfois c'est la calomnie qui n'est pas loin du faux témoignage, puisque la calomnie consiste à répandre des choses fausses sur autrui. Nous avons une telle propension à voir ce qui ne va pas chez les autres 1 « Honorer tous les hommes ». nous recommande St Benoit en universalisant le précepte du décalogue qui limitait lï10nneur au père et à la mère. Honorer tous les hommes. c'est, pour reprendre les mots de P. Lathuillière entendu dimanche,« soupçonner les autres du meilleur». Notre regard si prompt à s’arrêter sur la face obscure est appelé à se tourner résolument vers la face lumineuse. Chacun est capable du meilleur. Et beaucoup ne pourront le donner que si d'autres viennent l'espérer. le susciter et le faire advenir par leur bienveillance a-priori. Ce changement de regard vient nous chercher chacun très profondément au lieu de notre incapacité. et notre pauvreté à aimer. Mais si cette petitesse est reconnue et accueillie. la grâce du Sei1meur va pouvoir opérer. lui qui nous aime et nous espère toujours plus nous n'espérons en Lui. En ce lieu d'indigence, nous trouvons la joie et la force parce que profondément nous sommes regardés avec tendresse par notre Père des Cieux. Acceptons-nous dans la prière, dans les sacrements. de nous laisser aimer et honorer avec grand respect par notre Dieu') Peut-être une part de nous le désire, et une autre en a peur... Nous laisser reconnaitre comme un enfant bien-aimé par notre Père nous entraine à consentir à né pas tout maitriser. S'il nous en coûte parfois. là se trouve pourtant notre appui. notre assurance à partir de laquelle nous pourrons honorer tous les hommes. Le Seigneur qui nous espère au meilleur, nous donne son regard pour soupçonner chacun du meilleur. ..

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 05-06 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 26 août 2022
Verset(s) :

5. ne pas voler,

6. ne pas convoiter,

Commentaire :

« Ne pas voler. ne pas convoiter » .. Le 1"' instrument désigne un acte et le second le mouvement intérieur qui conduit à cet acte. On vole parce qu'avant on convoite d'abord un objet ou un quelconque bien. La convoitise est à la source de nombreux maux. On peut réentendre la lettre de St Jacques : «D'où viennent les guerres, d'où viennent les conflits entre vous? N'est-ce pas justement de tous ces désirs qui mènent leur combat en vous-mêmes? Vous êtes pleins de convoitises et vous n'obtenez rien, alors vous tuez; vous êtes jaloux et vous n'arrivez pas à vos fins, alors vous entrez en conflit et vous faites la guerre... » (Jc 4.1-2). Dans un monastère. Dieu merci, le vol est plutôt rare. Elle relève parfois plus de la cleptomanie, une maladie étrange qui fait tout subtiliser sans besoin réel. .. Mais la convoitise, elle, reste bien présente en chacun de nous comme un dynamisme assez spontané, car elle a pai1ie liée profondément avec notre désir de vivre et d'exister. De même que nous désirons vivre, nous désirons posséder des biens. de la nourriture. de la sécurité dans des relations stables. et beaucoup d'autres choses... Ce désir va-t-il pour autant se transformer en convoitise, en cette propension à vouloir ce que l'autre possède. ou à envier ce qu'il est ! Que faisons-nous lorsque nous sentons ce désir monter en nous, lorsque nous regardons avec envie ou jalousie ce qu'un frère a et pas moi, et ce qu'il est et que je ne suis pas Laisser monter ce désir en nous, peut nous conduire à des actes qui dépassent les limites du respect d'autrui, pour entrer en rivalités avec lui... Repérer ce mouvement intérieur sournoisement présent en nous. pouvoir en parler, va nous aider à déjouer ses pièges dans lesquels nous regrettons toujours de tomber. Plus profondément. la vie commune nous révèle que ce qu'est l'autre, ce qu'il a et que je n'ai pas. est aussi un cadeau pour moi. comme il l'est pour tous. Ses talents. ses capacités, les biens mis à sa disposition en vertu d'une mission particulière, m'enrichissent en me révélant des horizons ou des possibilités dont je peux jouir par le simple contact, par la vie commune, sans que j'ai à m'attrister de ne pas les avoir. Le "tout est commun entre nous' que nous rappelons lors de la profession solennelle, va jusque-là. De même, ce regard positif sur la richesse de l'autre qui ne me manque pas, parce que partagée dans la vie commune, me renvoie à ma propre unicité. Sous la lumière de !'Esprit Saint, je peux regarder avec gratitude les dons que j'ai reçus et dont les autres peuvent jouir si je me prête simplement à la vie commune. En acceptant d'être moi­ même. un parmi les autres, va m'être révélé parfois à mes propres yeux des qualités ou des aptitudes que je n'aurai jamais soupçonnées. Un appel et une demande vont ouvrir des champs inconnus de possibilité. Au lieu de voler ou d'envier. c'est la joie de se donner.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 04 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 24 août 2022
Verset(s) :

4. ne pas commettre d'adultère,

Commentaire :

« Ne pas commettre d'adultère». Tous. nous avons besoin de réentendre ces paroles du décalogue qui posent une limite. Commettre l'adultère. c"est franchir une limite, ce qui entraine de graves conséquences pour soi. mais aussi pour les autres avec lesquels nous vivons. Car profondément. commettre l'adultère altère les relations. Cette relation infidèle qui fait sortir d'une relation stable. vient altérer la relation d"alliance vécue dans un couple. Peut-être s'agira­ t-il d'un accident de parcours qui exigera de part et d'autre de vraies paroles pour retisser le lien et assainir la relation par le pardon échangé. Peut-être, et c'est souvent le cas. cela entrainera une rupture de la relation première et fera alors entrer les uns et les autres dans une sorte de tsunami qui bouleverse tous les repères. De multiples raisons peuvent peut-être expliquer cela. mais peut-être est-ce tout simplement dû à une négligence qui a entrainé une déviance qui aurait pu être évitée. Dans une communauté religieuse, qu'un de ses membres vive avec une personne extérieure une relation adultérine. vient altérer la relation d'alliance avec la communauté. voire la rompre. Si la situation est différente de celle d"un couple. cette rupture d"un frère ou d'une soeur d'avec sa communauté touche des ressorts semblables de la relation. Dans le mariage comme dans le célibat consacré. l'alliance scellée par une parole donnée nous constitue. Elle vient enraciner la relation à un niveau dont nous ne mesurons jamais totalement la portée. La confiance échangée clans l'amour. l'espace d’intimité offert, différent dans un couple et clans une communauté, permet à chacun d'exister lui-même, d'être reconnu. d"aimer et d'être aimé. Celte stabilité du lien devient source d'un bonheur qui, dans sa profondeur. peut inclure aussi bien les moments difficiles, les conflits que les moments d'heureuses reconnaissances. Cependant comme nous le disait Nathalie Denis Kuhn l'autre soir. il n'est pas surprenant que les êtres sexués que nous sommes soient un jour bouleversés par la rencontre d"une personne et conduits à se poser des questions. Accueillir cela, nous disait-elle, pouvoir en parler avec l’intéressé ou un 1/3 ajoutait-elle, et enfin se demander que faire de cela au regard de son engagement premier pour discerner à quoi ou à qui suis-je vraiment attaché? Elle insistait sur la mise en perspective de cet émoi ressenti avec le désir profond qui nous habite et qui nous constitue dans le choix de vie choisie. Pouvoir dire « non » à une aventure qui risque de se perdre et de nous perdre. Pouvoir accepter d'être bouleversé en parlant pour que cela prenne sens au regard de l'engagement premier. Ne jamais rester seul avec ces bouleversements

intérieurs à travers l'ouverture du cœur. Pour nous moine. prier, porter cela dans la prière sera source de lumière et de vérité. Au nom de J.C.,mort et ressuscité pour nous.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 03 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 17 août 2022
Verset(s) :

3. Ensuite « ne pas tuer,

Commentaire :

« Ne pas tuer». Lors de mon dernier voyage pour Bouaké. dans l'avion, j'ai regardé un film de Mel Gibson, «Tu ne tueras point» ... Un film un peu rude à regarder puisqu'ïl évoque une des batailles les plus violentes et meurtrières de la 2de guerre mondiale. opposant les américains aux japonais dans le Pacifique. Il raconte l'histoire vraie d'un jeune américain qui s'engage dans l'armée comme infirmier. Pour ne pas tuer. il refuse absolument de porter une arme au nom de sa foi de chrétien Adventiste du 7° jour. Sa détermination lui vaut tout d'abord d'être incompris et rejeté par ses supérieurs et ses camarades qui voudraient qu'il sache au moins utiliser une arme, même dans son service d'infirmier. Il finit par être admis et enrôlé comme tel dans son régiment. Au cœur de la terrible bataille. il se lance les mains nues pour aller chercher ses camarades blessés. Et alors que tous ont dû rebrousser chemin devant la puissance du feu ennemi, il continue de nuit à chercher les blessés restés sur le champ de bataille. En prenant des risques extrêmes. il en sauvera ainsi 70. Sa bravoure lui vaut alors d'être reconnu comme un vrai soldat, et même d'être vénéré comme un saint. Car on a compris qu'il puisait cette force hors du commun dans la prière. Ce film m'a touché. En relisant cet instrument de la règle. je pense à la leçon qui ressort du film. Au cœur de ce conflit, cet homme a fait briller une autre lumière. Face à la folie meurtrière qui, pour être résolue. nécessitait malheureusement de prendre les armes. cet homme a témoigné de l'absolu du respect dé la vie et de toute vie. On le voit même tenter de sauver un japonais. Notre vie monastique ne nous confronte pas nécessairement à ces situations extrêmes. Mais n'avons-nous pas en tout à témoigner de l'absolu impératif du respect de la vie, de toute vie et cela jusque dans les recoins plus subtils

et intimes qui soient. On est attentif aujourd'hui aux atteintes faites aux enfants qui peuvent tuer en eux le désir de vivre, mais aussi aux personnes adultes plus vulnérables qu'on peut si fort blesser et abimer par abus de pouvoir ou d'autorité. L'impératif « tu ne tueras point» trouve donc des résonances multiples. A la manière de ce soldat américain, une manière pour lutter contre la tentation de tuer par une parole, un regard. une altitude ambiguë. n·est-ce pas de nous désarmer... Au lieu d'ériger des défenses, ou bien de ruminer des pensées de contre-attaque vis-à-vis d'un frère qui nous a blessé ou simplement dérangé, cultivons le désarmement de notre cœur. Tournons-nous vers le Seigneur pour transformer en prière nos ressentiments, nos agressivités ou nos inquiétudes Prenons appui sur lui, vivons désarmé !

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 01 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 13 août 2022
Verset(s) :

1. En premier lieu, « aimer le Seigneur Dieu de tout son cœur, de toute son âme, de toutes ses forces » ;

Commentaire :

« Aimer son prochain comme soi-même». Pourquoi est-ce si difficile d'aimer son prochain') Peut-être parce qu'il est difficile de s'aimer soi-même... Lors de la dernière session. Mme Nifle disait: « aimer les autres comme soi-même, c'est un chemin, car il est tentant parfois d'aimer les autres plus que soi-même. Il est difficile de s'aimer soi-même, pas si simple. d'être légitime à être là ... » Cette parole est bienfaisante car elle nous sort d'une approche trop moralisatrice de la charité chrétienne, réduite à un « il faut » ou à un « tu dois ». Comme pour le premier commandement.« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu », le second commandement,« Tu aimeras ton prochain comme loi-même», est un inaccompli que l'on traduit souvent par un futur. Moins qu'un « tu dois», il désigne une promesse de vie, un horizon possible. un chemin de sainteté: « il t'est promis d'aimer ton prochain comme toi-même", sous entendu il t'est possible d'aimer ton prochain et de t'aimer toi-même. Mme Nifle ajoutait:« On met beaucoup de temps à enfin pouvoir s'estimer" .... Difficulté de s'aimer soi-même. Cette constatation très humaine rejoint l'expérience que nous faisons tous au monastère. La vie commune est comme un miroir qui nous renvoie sans cesse à notre réalité. Face à un frère plus brillant ou plus à l'aise dans un domaine, ou plus ceci ou plus cela. j'apparais comme je suis, différent. Vais-je consentir à cette différence sans chercher à me mesurer, ou encore pire à me déprécier ? Si je reste sur le mode de la comparaison, je risque de développer une combattivité pour surpasser l'autre ou à l'inverse je peux tomber dans une sorte de démission avec moi-même et sombrer dans la déprime. Comment m'accepter comme je suis sans chercher à me comparer. Ce chemin reste très personnel. Il passe par des moments. tantôt heureux. tantôt éprouvants. de reconnaissance et de reconnexion à ce que je suis. Une rencontre, un regard qui encourage, une parole, une lecture. un moment de prière, un évènement difficile traversé .... Nous restons un mystère à nous-mêmes. Parfois comme le suggérait Mme Nifle, si l'estime de soi est trop difficile, à un point tel qu'elle plombe toute notre vie. accepter de se faire aider par quelqu'un de l'extérieur pourra permettre d'ouvrir un chemin de vie. Une chose est sûre : le Seigneur qui sait tout cela nous a appelés à la Vie, à travers la pédagogie monastique. Il connait les voies pour nous faire grandir dans une capacité à aimer plus en vérité à la suite de Jésus. Il nous aime. Son amour reconnu et accueilli devient un appui solide sur lequel fonder l'estime de nous-même et déployer notre capacité à nous donner aux autres. Soyons à l'écoute de son Esprit à l' œuvre dans nos vies.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 01 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 09 août 2022
Verset(s) :

1. En premier lieu, « aimer le Seigneur Dieu de tout son cœur, de toute son âme, de toutes ses forces » ;

Commentaire :

Nous retrouvons ce beau et long chapitre des instruments des bonnes œuvre. avec en sa tête le premier commandement. Je garde en mémoire ce que nous disait Mme G. Nifle sur les 10 commandements de la loi de Moïse, dont la plupart ont des verbes à l'inaccompli, que l'on traduit le plus souvent en français. par des verbes au futur. Dans cette lumière. apparait clairement que le premier commandement repris par Jésus. n'est pas exactement le premier instrument proposé ici par Benoit. La dynamique n'est pas la même. Le premier commandement au futur se présente comme une promesse autant que comme un appel. Faisant suite à la confession de foi en l'unicité du Dieu d'Israël : « Écoute Israël, le Seigneur notre Dieu est ·unique», le premier commandement est une promesse. la promesse qu'il sera donné ù Israël, d'aimer de manière totalement unifiée. « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur. de toute ton âme, et de toute ta force » (Dt 6, 4). Le premier commandement avant d'être un appel, peut être entendu comme une confession d'espérance. De même que Dieu est Un, de même Israël, et chacun de ses membres est en marche vers l'unité de son être en Dieu. Lorsque Israël est invité à garder ces paroles, à les répéter et à les inscrire à l'entrée de sa maison, il est convié à entrer dans cet amour de Dieu gui unifie tout en Lui.

Repris dans le catalogue de ce chapitre 4, le premier commandement devient davantage un instrument. un outil sur le chemin de la vie intérieure. Le verbe n'est plus au futur, mais à l'infinitif: aimer. Avec sa trousse à outil. le moine est invité à se disposer. à s'exercer à aimer en unifiant toutes ses facultés. son cœur, son âme et ses forces. Comme le veut ce chapitre, nous entrons dans une dynamique plus ascétique dans laquelle nous nous exerçons à aimer. Tout l'être est convoqué, le cœur avec sa dimension relationnelle et d’intelligence, l'âme avec sa dimension vitale de désir, nos forces qui engagent notre être corporel. Si aimer Dieu est une promesse, l'appel que celle-ci contient vient réveiller notre responsabilité et manifester notre dignité. Nous sommes capables d'aimer notre Dieu, d'entrer dans une relation avec lui qui prend tout notre être. Et en même temps, souligner que l'instrument à l'infinitif n'est pas exactement le commandement au futur. permet de ne pas oublier qu'aimer Dieu ne se réduit pas à l'effort que nous sommes conviés à faire. Promesse offerte, c'est toujours une grâce, un cadeau reçu avant d'être une exigence. Aimer Dieu de toutes nos facultés est l'horizon de grâce de notre vie sur cette terre, parce qu'il nous sera offert en plénitude dans le Royaume.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 03, v 07-13 De l'appel des frères en Conseil écrit le 04 août 2022
Verset(s) :

7. Tous suivront donc en tout la règle comme leur maîtresse, et nul n'aura la témérité de s'en écarter.

8. Personne au monastère ne suivra la volonté de son propre cœur,

9. et nul ne se permettra de contester avec son abbé insolemment ou en dehors du monastère.

10. Si quelqu'un se le permet, il subira les sanctions de règle.

11. De son côté, cependant, l'abbé fera tout dans la crainte de Dieu et le respect de la règle, sachant qu'il devra sans aucun doute rendre compte de tous ses jugements au juge souverainement équitable qu'est Dieu.

12. S'il est question de choses moins importantes pour le bien du monastère, il aura recours seulement au conseil des anciens,

13. comme il est écrit : « Fais tout avec conseil, et quand ce sera fait, tu ne le regretteras pas. »

Commentaire :

« Tous suivront donc en tout la règle comme leur maitresse ». La règle. une maitresse de vie : à la lois un soutien et un appel, à la fois une chance et une exigence. Choisir de se meure sous une règle. ce ·n est pas vouloir mettre sa vie en règle. ou encore faire tout pour être en règle. Dans ce cas, nous restons dans la mentalité récusée par Paul, en cherchant notre justice dans la règle, comme les juifs la cherchaient dans la loi. Sur ce point, nous devons toujours être vigilants. En effet. la règle veut être au service de notre croissance sous la loi de l'évangile, qui est une loi de liberté (Je?, 12). comme nous l'entendions hier de la pai1 de St Jacques. Pour penser le rôle de la règle tant au plan personnel que communautaire, j'aime bien l'image du forage d'un puits. Lorsqu'on creuse un puits, pour éviter les éboulements de terre, on solidifie les parois, soit avec des buses, soit en injectant du béton. De même la règle est cette structure gui permet de consolider notre vie au fur et à mesure qu'elle s'approfondit, contre les éboulements intérieurs ou extérieurs qui pourraient obstruer et nous asphyxier. .. Plus la structure permet de solidifier les zones extérieures et superficielles, plus nous pouvons continuer à creuser ou à nous laisser creuser. Autrement dit, acquérir peu à peu de l'aisance dans les petites choses. pour obéir sans contorsion extrême à la cloche. ou bien à la demande d'un frère. nous aide à nous préparer à un don plus généreux dans les difficultés. ou bien dans une responsabilité plus grande à assumer. Celui qui ne parvient pas à vivre les choses simples de la vie quotidienne demandées par la règle, est comme ce puits dont on ne parvient pas à consolider les premiers mètres de sa paroi. Car notre vie monastique et spirituelle ne cesse de nous entrainer vers un approfondissement de notre don au Christ et aux autres dans une meilleure connaissance de soi. Chemin faisant, on peut rencontrer des niveaux plus durs ou des épreuves. qui demande de creuser avec plus d'assiduité. Il ne faut pas s'en étonner. ni se décourager devant ces obstacles: tel aspect non encore bien identifié de mon histoire ou de ma personnalité, tel trait de caractère qui devient plus saillant. .. Là encore, patiemment, l'observance de la règle permet de solidifier notre vie. pour patiemment creuser notre puits intérieur, sans crainte de voir les parois s'effondrer sous la poussée des forces inconnues plus ou moins obscures. Peu à peu, nous tendons vers cette source gui nous fait devenir des fils. et gui murmure en nous : viens vers le Père... pour reprendre les mots d'une hymne.