vendredi 3 octobre 2025 : journée de solitude pour la communauté, messe vers 6h45 après Laudes.

Commentaires sur la Règle



Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 01, v 01-02 Des espèces de moines écrit le 28 juin 2022
Verset(s) :

1. Il est clair qu'il existe quatre espèces de moines.

2. La première est celle des cénobites, c'est-à-dire vivant en monastères ; ils servent sous une règle et un abbé.

Commentaire :

« Des espèces de moines» ... Aujourd’hui, on dirait peut-être « des espèces de religieux» pour essayer de caractériser nos genres de vie religieuse. Plus que le désir de mettre des étiquettes. nous avons besoin de nous donner des repères pour nous-mêmes d'abord. Lors d'une visite canonique au Vietnam, je me souviens de la requête de quelques frères qui désiraient qu'on leur dise quel est le charisme propre des bénédictins. au regard de celui des franciscains ou des dominicains. Tous vivent sous une règle et une autorité, et cependant pas de la même manière en fonction de la règle et de la tradition qui la porte. Dimanche dans la rencontre avec les Pingouins. deux questions nous ont été posées à f. Hubert et à moi. sur I"obéissance et sur l'autorité de l'abbé. ce qui la fonde. ce qui l'entretient... Un des aspects de ma réponse fut de dire que le vœu de l'obéissance est circonscrit par la Règle et nos Constitutions. L'abbé ne peut pas demander des choses gui sortent du cadre qui fonde son autorité. li a une autorité particulière. mais seulement sur les frères qui se sont engagés par les vœux et qui reconnaissent son autorité comme un appui pour avancer dans leur chemin à la suite du Christ. L'abbé n·a pas autorité sur les personnes de l'extérieur. Dimanche encore, devant les pingouins. je disais que ce qui fonde l'autorité de l'abbé, c·est essentiellement la foi des frères. et ce qui l'entretient. c'est en bonne part le fait que l'abbé essaie de faire de qu’il dit. Comme pour chaque frère des rangs desquels il est issu. l'abbé obéit à la règle. il lui est soumis. Communauté. règle. abbé... entre les trois se joue un équilibre subtil. En quelque sorte, il est résumé dans la formule de Benoit entendue ce matin : les moines cénobites sont des hommes vivant en monastères qui servent sous une règle et un abbé». Les moines ont un port d"ancra2e. le monastère et la communauté. Ils ont une façon de vivre l'Evangile, édictée par la Règle qui se voudrait en être une mise en pratique concrète. Ils acceptent de vivre ensemble sous une autorité. l'abbé qu'ils ont choisi pour les guider et les rassembler. Chacun est appelé ù entrer dans la vie créée par ces trois pôles, le monastère et la communauté. la règle et l'abbé.

Il s'agit d'entrer dans une synergie où l'on se reçoit en même temps qu'on se donne. où !"on se reçoit parce que l'on se donne et où l'on se donne parce q·u on se reçoit... c·est la circulation de la vie cénobitique que nous n·avons pas fini d'expérimenter. Une vie qui nous surprend toujours et qui nous déplace... elle nous élargit le regard, le cœur et l’intelligence.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 00, v 45-50 Prologue écrit le 23 juin 2022
Verset(s) :

45. Il nous faut donc instituer une école pour le service du Seigneur.

46. En l'organisant, nous espérons n'instituer rien de pénible, rien d'accablant.

47. Si toutefois une raison d'équité commandait d'y introduire quelque chose d'un peu strict, en vue d'amender les vices et de conserver la charité,

48. ne te laisse pas aussitôt troubler par la crainte et ne t'enfuis pas loin de la voie du salut, qui ne peut être qu'étroite au début.

49. Mais en avançant dans la vie religieuse et la foi, « le cœur se dilate et l'on court sur la voie des commandements » de Dieu avec une douceur d'amour inexprimable.

50. Ainsi, n'abandonnant jamais ce maître, persévérant au monastère dans son enseignement jusqu'à la mort, nous partagerons les souffrances du Christ par la patience, afin de mériter de prendre place en son royaume. Amen.

Commentaire :

Cette conclusion du prologue est riche en évocation de situations contrastées. D"une part. St Benoit évoque une voie du salut qui ne peut qu'être étroite au début. des choses strictes pour amender des vices. ou encore le fait de partager par la patience les souffrances du Christ... D'autre part. il mentionne comme une espérance le cœur qui se dilate et qui court dans la voie des commandements avec une douceur d'amour inexprimable ... Ce contraste est à l’image de ce que nous vivons et pouvons souvent éprouver. partagés que nous sommes dans notre suite du Christ, entre des mouvements de crainte et des élans d'amour. Nous pouvons mieux comprendre dès lors pourquoi il est nécessaire d'instituer une école du service du Seigneur. Il nous faut apprendre à nous repérer dans nos contradictions, pour unifier notre vie de disciples du Christ.

Mettre nos pas dans ceux du Christ, aujourd'hui, cela s'apprend. Nous suivons Jésus. non sur les routes, mais dans l'espace de ce monastère. pour un pèlerinage tout intérieur. Nous

nous consacrons à l'écoute de sa Parole pour la laisser transformer notre être en profondeur. Comme moine, c'est toute notre existence qui est appelée à être une annonce de la Bonne

Nouvelle. une vie unifiée dans la louange divine et pacifiée dans le service fraternel. A la suite de Jésus en sa passion, nous sommes aussi appelés à le suivre jusqu'au don total de nous­ mêmes. Sauf exception, cela ne sera pas sous le mode d'une mort violente, mais plutôt par notre persévérance dans l'oubli de nous-mêmes, dans la patience dans les épreuves de la maladie ou du vieillissement, clans le renoncement à nos petits conforts ou à nos plans Laisser peu à peu

Jésus prendre toute sa place en notre cœur. en notre désir. Pour cela, St Benoit nous offre une école. une pédagogie à reprendre chaque jour... La première place, nous la donnons de bon cœur à Jésus, lorsque nous quittons sans trainer ce que nous sommes en train de faire pour aller chanter l'office. Nous la lui donnons lorsque nous patientons avec un frère dans le service ou dans l'écoute, lorsque nous renonçons à nos intérêts immédiats, lorsque nous reconnaissons nos tords pour demander pardon et nous réconcilier avec nos frères. Jour après jour, avec des hauts et des bas, avec élan ou en trainant les pieds. nous nous asseyons sur les bancs de cette école. Si nous avons l'impression parfois de faire du sur place, sans nous décourager. remettons-nous à son école. Faisons-lui cette confiance. lui qui est doux et humble de cœur veut rendre notre cœur semblable au sien.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 00, v 35-44 Prologue écrit le 21 juin 2022
Verset(s) :

35. Achevant ainsi son discours, le Seigneur attend que nous répondions chaque jour par des actes aux saints enseignements qu'il vient de nous donner.

36. Voilà pourquoi les jours de cette vie nous sont accordés comme un sursis en vue de l'amendement de notre mauvaise conduite,

37. selon le mot de l'Apôtre : « Ne sais-tu pas que la patience de Dieu te conduit à la pénitence ? »

38. Car le Seigneur dit, dans sa bonté : « Je ne veux pas la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse et qu'il vive. »

39. Nous avons donc interrogé le Seigneur, frères, au sujet de celui qui habitera dans sa demeure, et nous avons entendu le précepte donné pour y habiter, mais pourvu que nous remplissions les devoirs incombant à l'habitant.

40. Il nous faut donc tenir nos cœurs et nos corps prêts à servir sous la sainte obéissance due aux préceptes.

41. Et pour ce que la nature en nous trouve impossible, prions le Seigneur d'ordonner au secours de sa grâce de nous l'accorder.

42. Et si, fuyant les châtiments de la géhenne, nous voulons parvenir à la vie perpétuelle,

43. tandis qu'il en est encore temps et que nous sommes en ce corps et qu'il reste le temps d'exécuter tout cela à la lumière de cette vie,

44. il nous faut à présent courir et accomplir ce qui nous profitera pour toujours.

Commentaire :

« Le temps est limité» (I Co 7. 29). Ces mots de Paul traduisent bien l'état d'esprit dans lequel se situe St Benoit lorsqu'il propose la vie monastique en ce prologue. Il évoque « les jours de cetle vie qui nous sont accordés comme un sursis, en vue de notre amendement )>. La vie monastique est une course « tandis qu'il en est encore temps et que nous sommes en ce co1p.1· et qu'il reste le temps d'exécuter foui cela )) ... Le temps presse pour nous convertir et répondre par nos actes à l'appel du Seigneur. Il y a quelques temps, une religieuse déjà âgée me disait combien le temps avait passé vite et qu'elle se demandait ce qu'elle avait fait durant sa vie pourtant bien remplie. Peut-être plusieurs d'entre nous pourraient dire la même chose. Ce sentiment qui a quelque chose d'assez commun semble-t-il peut-il devenir un levier pour notre vie spirituelle') Comment la conscience de la fugacité du temps peut-elle nous stimuler à avancer plus résolument à la suite du Christ? Il me semble qu’il y a deux écueils à éviter: celui de vouloir tout maitriser et d'angoisser de ne pas progresser et celui de considérer la vie monastique comme une course longue où la conversion s'opère un peu toute seule en faisant ce qui est demandé... Dans le premier cas, on se met au centre au risque de ne pas faire confiance au Seigneur qui conduit nos vies et dans le second. on abandonne notre vie aux jours qm s·écoulent. mais fait-on davantage confiance au Seigneur pour autant?

L'image de la course que propose St Benoit peut nous permettre de nous engager dans une juste posture : celle d'une vigilance toujours attentive. sans forcer. ni mollir, car il s·agit d'une course de fond. Celui qui cou11 sur un terrain accidenté doit sans cesse faire attention où il met les pieds. li mesure ses efforts s’il veut durer. La vigilance dans la prière et dans le service fraternel peuvent être deux indicateurs à surveiller. .. Si l'ennui s'installe durablement dans la prière ou la lectio. il faut s'inquiéter. Si les relations avec les frères deviennent soit inexistantes parce qu'on s'occupe de son petit monde avant tout, ou bien souvent conflictuelles faute de se laisser déranger ou remettre en cause, il faut se faire aider. Si la fatigue nous gagne au point de de nous faire perdre goût au quotidien, il faut tirer le signal d'alarme. La course que propose Benoit n'est pas exténuante. Elle veut avant tout nous tenir en éveil. autant dans un silence confiant que dans un dialogue vivant avec le Seigneur et avec nos frères. Demandons au Seigneur la grâce de ne jamais cesser de chercher à aimer en tout ce que nous faisons. Le temps qui passe si vite sera rempli de ce don de nous-mêmes qui a valeur d'éternité...

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 00, v 22-34 Prologue écrit le 20 juin 2022
Verset(s) :

22. Si nous voulons habiter dans la demeure de ce royaume, on ne saurait y parvenir, à moins d'y courir par de bonnes actions.

23. Mais interrogeons le Seigneur avec le prophète, en lui disant : « ;Seigneur, qui habitera dans ta demeure, et qui reposera sur ta montagne sainte ? »

24. Cette question posée, frères, écoutons le Seigneur nous répondre et nous montrer le chemin de cette demeure,

25. en disant : « C'est celui qui marche sans se souiller et accomplit ce qui est juste ;

26. qui dit la vérité dans son cœur, qui n'a pas commis de tromperie par sa langue ;

27. qui n'a pas fait de mal à son prochain ;; qui n'a pas laissé l'injure atteindre son prochain ;» ;;

28. qui, lorsque le malin, le diable, lui suggérait quelque chose, l'a repoussé loin des regards de son cœur, lui et sa suggestion, l'a réduit à néant, et s'emparant de ses petits – les pensées qu'il lui inspirait – les a écrasés contre le Christ.

29. Ce sont ceux-là qui, craignant le Seigneur, ne s'enorgueillissent pas de leur bonne observance, mais qui, estimant que ce qui est bon en eux ne peut être leur propre œuvre, mais celle du Seigneur,

30. magnifient le Seigneur qui opère en eux, en disant avec le prophète : « Non pas à nous, Seigneur, non pas à nous, mais à ton nom rends gloire ! »,

31. de même que l'Apôtre Paul, lui non plus, ne s'attribuait rien de sa prédication et disait : « C'est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis. »

32. Et il dit encore : « Celui qui se glorifie, qu'il se glorifie dans le Seigneur. »

33. De là aussi la parole du Seigneur dans l'Évangile : « Celui qui écoute ce que je viens de dire et le met en pratique, je le comparerai à un homme sage, qui a bâti sa maison sur la pierre.

34. Les eaux sont venues, les vents ont soufflé et ont heurté cette maison, et elle n'est pas tombée, parce qu'elle était fondée sur la pierre. ;»

Commentaire :

Celui qui marche sans se souiller, accomplit ce qui est juste, dit /o vérité, ne fait pas de mal, repousse le malin...

Qui peut se vanter d'accomplir cela ? Si nous l'accomplissons, st Benoît nous invite à l'humilité et à tout remettre à Dieu et au Christ : " Non pas à nous, Seigneur, non pas à nous, mais à ton nom donne la gloire !", " C'est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis " Qui d'entre nous peut entrer dans la Demeure, dans le Royaume, sinon pcq le Christ le prend par la main et le tire des eaux dans lesquelles il s'enfonce ; comment pouvons-nous entrer dans la Demeure,

sans le Rocher qu'est le Christ, sur lequel nous pouvons briser toutes nos tentations, sans l'amour du Christ qui brûle tous nos péchés, tout notre mal ?

« Seigneur, n'entre pas en jugement avec ton serviteur: aucun vivant n'est juste devant toi».

« Sur la terre, pas un homme de bien. »

Mais Dieu fait de chacun de nous sa demeure, et nous appelle à demeurer en lui. L'Esprit nous est donné : marchons selon l'Esprit.

J'aime la parabole du riche et de Lazare:

Lazare est emporté par les anges dans le sein d'Abraham, dans le sein de celui avec qui Dieu a fait alliance, et dans le nom duquel il a béni toutes les nations.

Nous croyons, nous, que non seulement nous sommes appelés à être emportés par les anges dans le sein d'Abraham, mais dans le sein du Christ, le Fils bien-aimé, Premier-né d'une multitude de frères.

Quelle action, quel élan du cœur, pourrait nous mériter d'entrer dans le sein du Christ, d'avoir là notre demeure?

Seuls, le désir et l'amour débordants de Dieu, manifestés en Jésus; peuvent faire de nous les cohéritiers du Christ.

Même Marie, la Toute Sainte, a reçu et reçoit toujours son être, sa mission, sa sainteté, du don gratuit de Dieu.

Ce qui ne veut pas dire que nous n'avons pas de mérites, mais le don de Dieu est tellement au-delà !

Ce mardi aux vigiles, nous entendions Saint Grégoire de Narek:

« Nombreuses sont mes dettes et dépassant tout chiffre, cependant elles ne sont pas si étonnantes que ta miséricorde.

Multiples sont mes péchés, mais ils sont toujours moindres, comparés à ton pardon. (...) Que pourra faire un peu de ténèbres à ta lumière divine ?

Comment une petite obscurité peut-elle rivaliser avec tes rayons, toi qui es grand ! »

Désirons accomplir ce qui est juste, mais désirons surtout recevoir le don de Dieu qui est sans mesure.

« Vois parmi les saints, la foule des pécheurs dont la joie monte vers l'amour et s'émerveille: 0 bonheur sans déclin, n'être plus que lumière dans le sang rédempteur! »

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 00, v 14-21 Prologue écrit le 11 juin 2022
Verset(s) :

14. Et se cherchant un ouvrier dans la foule du peuple, à laquelle il lance cet appel, le Seigneur dit de nouveau :

15. « Quel est l'homme qui veut la vie et désire voir des jours heureux ? »

16. Si, en entendant cela, tu réponds : « C'est moi ! », Dieu te dit :

17. « Si tu veux avoir la vie véritable et perpétuelle, interdis le mal à ta langue et que tes lèvres ne prononcent point la tromperie. Évite le mal et fais le bien, cherche la paix et poursuis-la.

18. Et quand vous aurez fait cela, j'aurai les yeux sur vous et je prêterai l'oreille à vos prières, et avant que nous m'invoquiez, je dirai : me voici ! »

19. Quoi de plus doux que cette voix du Seigneur qui nous invite, frères bien aimés ?

20. Voici que, dans sa bonté, le Seigneur nous montre le chemin de la vie.

21. Ceignant donc nos reins de la foi et de l'accomplissement des bonnes actions, avançons sur ses voies, sous la conduite de l'Évangile, afin de mériter de voir celui qui nous a appelés à son royaume.

Commentaire :

« Se cherchant un ouvrier dans la .foule du peuple» ... La RB reprend ici l'image familière bien présente dans les évangiles. de l'embauche des ouvriers pour aller travailler à la vigne ou la moisson du Seigneur. .. Par trois fois. St Benoit reprend ce mot ouvrier. operarius en latin. Les deux autres occurrences sont dans le chapitre 7. 49 et 70 sur l'humilité qui indique clairement que le mot ouvrier désigne le moine avant tout en qu'il exerce un travail. une œuvre spirituelle. C'est ce que confirme clairement l'usage de mots de la même famille dans la RB : comme opus. opera: utilisé aussi bien pour désigner l'office divin, l'œuvre de Dieu, que pour désigner les bonnes œuvres dans le chap. 4 qui énumère 78 instruments des bonnes œuvres. Le moine est un ouvrier gui travaille au service de Dieu principalement par ses bonnes œuvres, ou ses bonnes actions. comme nous l'entendions ce matin. mais aussi par sa participation assidue à !'officie divin. S'agit-il d'un travail pénible 0 La suite du paragraphe entendu ce matin nous parle« de voir des fours heureux, el d'avoir la vie». Le travail dont il s'agit est avant tout un travail sur soi et un travail au service des autres. et non un travail sur le clos des autres au service de soi. Et nous promet Benoit à la suite des Ecritures, ce travail rend profondément heureux.

dès maintenant. et surtout dans le Royaume. car il a valeur d'éternité. Nous faisons tous l'expérience un jour ou l'autre combien le travail spirituel porte des fruits de joie et de paix qui nous offrent déjà un avant-goût du bonheur à venir. Ainsi, se donner dans le service des autres.

au nom du Christ et de son évangile, donne de la joie, en nous sortant de nous-mêmes ... L·attention clans la prière des heures nous fait pressentir la paix d'une certaine unification de notre esprit avec ce que chantent nos lèvres. Plus on avance clans ce travail spirituel. plus on découvre qu'il est l'œuvre de !'Esprit Saint en nous. Benoit l'affirme un peu plus loin en disant que c'est le« Seigneur qui opère en nous» (Prol 30). Aussi nous n'avons pas à craindre que le travail que nous demande le Seigneur soit pénible ou dur. En effet. il opère avec nous et en nous. De telle sorte que le plus important, n'est pas tant de se préoccuper de faire des choses. que de se laisser faire. ce qui est différent de se laisser vivre. Se laisser faire requiert de nous une vraie attention à tout ce que nous vivons pour être vraiment dociles, et à ce que nous ressentons profondément. et aux évènements ou interpellations extérieures. L'Esprit Saint agit le plus souvent en nous à la manière de la brise légère qu'a rencontrée Elie à !'Horeb. Que le Saint Esprit daigne faire de nous des ouvriers du Royaume. fervents et dociles....

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 00, v 08-13 Prologue écrit le 01 juin 2022
Verset(s) :

8. Levons-nous donc enfin, puisque l'Écriture nous éveille en nous disant : « L'heure est venue de nous lever du sommeil »,

9. et les yeux ouverts à la lumière de Dieu, écoutons d'une oreille attentive ce que la voix divine nous remontre par ses appels quotidiens :

10. « Aujourd'hui, si vous entendez sa voix, n'endurcissez pas vos cœurs ;» ;;

11. et encore : « Qui a des oreilles pour entendre, qu'il entende ce que l'Esprit dit aux Églises. »

12. Et que dit-il ? « Venez, mes fils, écoutez-moi, je vous enseignerai la crainte du Seigneur.

13. Courez, pendant que vous avez la lumière de la vie, de peur que les ténèbres de la mort ne vous atteignent. »

Commentaire :

Est-ce malvenu d'entendre de nouveau cette i11jonction « levons-nous donc enfin»! suivie de celle « Courez!» '? Peut-être nous arrive-t-il de penser: « mais enfin, pourquoi toujours ces appels. à nous lever ou à courir, à écouter et à ne pas nous endurcir. .. ? On le sait, on connait déjà». Si nous sommes habités par ses réactions, c'est le signe qu'une certaine lassitude nous gagne. Si le désir plus ou moins avoué de nous laisser aller est là, c'est que nous nous sommes déjà arrêtés dans notre élan. Peut-être s·agit-il d'une légitime fatigue qui demande que l'on prenne du repos. ou qu'on sache se détendre pour ne pas tirer trop sur la corde. Peut­ être s'agit-il d'un mal-être plus profond qui appelle discernement. .. S'agit-il de découragement face aux tâches qui ne manquent pas dans certains secteurs de notre vie ? Le risque est réel de vivre ces tâches selon une mauvaise compréhension, comme un poids qL1·on porte seul, comme si nous avions perdu le but pour lequel et pour qui nous les accomplissons. Car la vie selon I' Esprit, celle que nous désirons vivre jour après jour, est faite d'un élan qui demande toujours une vigilance. Cet élan n• est pas le fruit de nos seules forces. Si nous le vivons à la force du poignet, cela nous conduira immanquablement à l'épuisement. L'élan spirituel po11e la marque de !'Esprit dont on ne sait ni d'où il vient ni où il va... autrement dit, cet élan est fait d'un réel mouvement pour avancer. et en même temps. d'une attention aux questions qui surgissent, d'un accueil aux évènements imprévus. Cet élan selon !'Esprit ne craint pas l'irruption de l'inconnu qui semble mettre des bâtons clans les roues. Il porte la marque de la joie et de la paix même dans l'inattendu. li accepte de demeurer ouvert. de chercher, et en même temps il ne reste pas dans l'indécision. Entre certitude dure, un peu idéologique et indécision chronique, le Saint Esprit nous entraine à nous lever et à courir sans cesse. Rien d 'haletant clans cette course si nous n'oublions pas pour Oui et avec Oui nous agissons dans tout ce que nous faisons: pour le Seigneur. Que je prépare le réfectoire, que j'étudie, que je plie le linge, que j'organise une réunion. que je classe des archives ou les comptes. que je travaille au jardin, je reste debout dans !'Esprit lorsque je demeure tourné vers Celui à la Gloire de qui je fais tout cela... Car telle est la trace de la vie de !'Esprit en nous... Si nous ne savons pas ni d'où il vient, ni où il va,

comme nous le chantons à Sexte : « seul un murmure demeure, le nom du Père au cœur des

.fils».

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 00, v 04-07 Prologue écrit le 31 mai 2022
Verset(s) :

4. Avant tout, quand tu commences à faire quelque bien, demande-lui très instamment, dans la prière, de le conduire à sa perfection,

5. afin que lui qui a daigné nous mettre au nombre de ses fils, n'ait jamais à s'attrister de nos mauvaises actions.

6. En tout temps, en effet, il nous faut lui obéir au moyen des biens qu'il met en nous, de sorte que non seulement, père irrité, il ne vienne jamais à déshériter ses fils,

7. mais aussi que, maître redoutable, courroucé de nos méfaits, il ne nous livre pas au châtiment perpétuel, comme des serviteurs détestables qui n'auraient pas voulu le suivre jusqu'à la gloire.

Commentaire :

« Avant tout quand tu commences à faire quelque bien, demande-lui très instamment dans la prière. de le conduire à sa perfection». Après avoir fait entendre !"appel : «écoute,, qui met en route, Benoit pose d'emblée un principe: « avant tout», prier, si l'on veut faire

« quelque bien». Ce mot «bien» revient deux fois dans le passage qu'on a entendu. On le retrouve un peu plus loin lorsque St Benoit dit qu·« en tout temps. il nousfà111 obéir à Dieu au moyen des biens qu'il met en nous... » Faire quelque bien, obéir à Dieu au moyen des biens qu'ïl met en nous... Nous avons là, exprimée une belle conviction spirituelle: pour faire le bien, nous ne pouvons vraiment le faire que si Dieu nous donne le nécessaire, ses biens qu'il met en nous, aujourd'hui on parlerait de la grâce, ou encore de !'Esprit Saint... Entre le bien réalisé, et le bien déposé en nous par Dieu, il y a une profonde relation. Si on poursuit l'image, on pourrait dire que nous sommes comme ces abreuvoirs de montagne, pour offrir de l'eau à boire, il faut qu'ils soient placés sous la source d'eau. Pour pouvoir faire le bien, il nous faut nous placer par la prière sous la source de tout bien... La prière n'est peut-être rien d'autre: consentir à nous placer sous le regard du Seigneur, tendre les mains pour recevoir de lui, ce que nous ne pouvons trouver en nous, par nous-même. Consentir à ce mouvement d'humilité qui demande l'aide du Seigneur avant tout ce qu'on entreprend, ne nous est peut-être pas si spontané. Il peut nous en coûter, car cela nécessite de s'arrêter, ne fosse que quelques minutes: confier une rencontre pour que le Seigneur l'éclaire de son esprit, déposer un souci, un travail pour qu'il nous guide dans la manière de le résoudre ou de le conduire. Plutôt que de foncer tête baissée comme si nous étions seuls, reconnaitre que nous avons besoin de l'aide du Seigneur, peut changer notre façon d'être et de vivre... Vivre non plus comme un esclave, esclave souvent de notre désir de toute puissance, mais comme un serviteur, serviteur du dessein d'amour de Dieu notre Père, qui a besoin de nous pour faire le bien qu'il nous revient d'accomplir, chacun là où nous sommes.... Seigneur, apprends-moi à me tourner vers toi, en tout ce que je fais, dans la confiance que tu me donneras le bien dont j'ai besoin pour accomplir ce à quoi tu m'appelles.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 00, v 01-04 Prologue écrit le 25 mai 2022
Verset(s) :

1. ÉCOUTE, ô mon fils, ces préceptes de ton maître et tends l'oreille de ton cœur. Cette instruction de ton père qui t'aime, reçois-la cordialement et mets-la en pratique effectivement.

2. Ainsi tu reviendras, par ton obéissance laborieuse, à celui dont tu t'étais éloigné par ta désobéissance paresseuse.

3. À toi donc, qui que tu sois, s'adresse à présent mon discours, à toi qui, abandonnant tes propres volontés pour servir le Seigneur Christ, le roi véritable, prends les armes très puissantes et glorieuses de l'obéissance.

4. Avant tout, quand tu commences à faire quelque bien, demande-lui très instamment, dans la prière, de le conduire à sa perfection,

Commentaire :

En reprenant ce matin, une nouvelle fois la lecture et le commentaire de la RB, je mesure que nous avons beaucoup de chance de voir nos vies monastiques placées sous ce mot, un impératif: «écoute». Un mot qui vient faire une brèche en tous les aspects de notre vie, pour qu'elle reste toujours ouverte.jamais close sur elle-même, ce qui serait le signe de la mort. Une brèche pour laisser passer la parole, la relation, la lumière, la vie.... Loin de nous enlever quelque chose. elle nous enrichit toujours d'un point de vue, d'un regard autre. Cependant comment se fait-il que nous puissions vivre parfois l'écoute comme une menace? Dans nos oreilles, cet impératif« écoute» peut sonner comme une intrusion. « Mais qui-est-il pour me demander cela? Qu'est-ce qu'il vient encore m'embêter?» II y a une part de nous-mêmes qui supporte mal parfois d'être interpellé, bousculé, repris, remis en question dans ses certitudes, Mystérieusement alors, nous préférons rester sur nos manières de penser, sur notre petit confort, sur une certaine idée de nous-mêmes, plutôt que d'ouvrir quelque chose de nouveau en nous... Peur de nous ouvrir à la réalité qui dépasse toujours ce qu'on peut chacun en appréhender? Peur d'être enfoui par l'autre. de ne plus être soi-même? Certainement il y a toujours un risque dans l'écoute. Et parfois, certaines expériences peuvent nous laisser des regrets d'avoir trop bien écouté. Et pourtant. .. Notre Dieu ne cesse pas de nous dire« écoute», comme nous même dans notre prière ne manquons pas de demander à Dieu d'écouter. Nos oraisons dans la liturgie sont émaillées de cette adresse faite à Dieu. N'est-ce un des langages spontanés de la relation vivante. parfois de la relation remuante qui se cherche. Durant la nuit de mardi. aux vigiles, nous chantions le psaume 80 qui nous fait entrer dans le beau dialogue entre Dieu et son peuple. Le psalmiste « entend des mots inconnus», les mots de Dieu qui exprime sa soif de relation avec son peuple qu'il a sauvé de l'oppression et du poids qui chargeait ses épaules en Egypte.

« Ecoute je t'adjure, ô mon peuple, vas-tu m'écouter Israël ? » Nous pouvons entendre dans cette insistance, la crainte divine de voir son peuple passer à côté de la vraie vie et de son amour pour lui. « Ah si mon peuple m'écoutait. s'il allait sur mes chemins, aussi j'humilierai ses ennemis ... je te rassasierai du miel du rocher ... » La promesse divine révèle que de l'écoute, jaillit une vie abondante... une force contre les ennemis combattus alors avec une arme puissante et une nourriture exquise... L'écoute nous rapproche jour après jour de Dieu, de nos frères, dans un pas à pas plus heureux si nous y consentons.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 73, v 03-09 De ce que l'observation de toute justice ne setrouve pas prescrite dans cette Règle écrit le 21 mai 2022
Verset(s) :

3. Quelle est en effet la page, quelle est la parole ayant Dieu pour auteur, dans l'Ancien et le Nouveau Testament, qui ne soit une norme parfaitement droite pour la vie humaine ;?

4. Quel est le livre des saints Pères catholiques qui ne nous fasse entendre comment courir tout droit jusqu'à ce que nous parvenions à notre créateur ;?

5. Et encore les Conférences des Pères et leurs Institutions et leurs Vies , ainsi que la Règle de notre saint Père Basile,

6. que sont-elles d'autre que les instruments des vertus donnés par les moines de bonne conduite et obéissants ;?

7. Mais pour nous qui sommes paresseux, de mauvaise conduite et négligents, il y a de quoi rougir de confusion.

8. Toi donc, qui que tu sois, qui te hâtes vers la patrie céleste, accomplis avec l'aide du Christ cette toute petite règle pour débutants que nous avons fini d'écrire ;;

9. et alors seulement tu parviendras, grâce à la protection de Dieu, à ces sommets plus élevés de doctrine et de vertus que nous venons de mentionner. Amen.

Commentaire :

Ecriture Sainte. Pères de l'Eglise. Ecrits monastiques : St Benoit nous donne en quelque sorte la table des matières de sa bibliothèque familière. bibliothèque dont il conseille la lecture et la fréquentation pour qui veut avancer plus avant dans la vie spirituelle. St Benoit ne semble habité que par un seul désir : permettre aux moines d•atteindre la patrie céleste et leur créateur, moyennant l'acquisition des vertus dès ici-bas et la montée des sommets de doctrine et de ve11us... Au terme de sa règle, il opère une inclusion avec le prologue où il conviait le moine à se mettre en course vers le Royaume... tout en offrant une vraie ouverture sur d'autres instruments.

Il est heureux que St Benoit ménage cette ouverture sur d'autres auteurs. Sa règle elle­ même est déjà façonnée par l'utilisation ·d autres auteurs (le Maitre, Cassien, Augustin. Pacôme, les Pères de Lérins). Si la règle donne comme une ossature à notre vie monastique, cette dernière a besoin aussi d"autres sources pour se nourrir. Selon les attentes et les besoins propres. il est important de trouver sa nourriture. Selon nos personnalités. nous pouvons être plus sensibles pour les uns, aux vies de moines ou de saints, pour les autres aux écrits plus théologiques ou philosophiques. pour d'autres à des traités de spiritualité ou encore à des livres d'exégèse. La remise annuelle des livres de Carême met bien en valeur cette variété de matières et de sujets qui peuvent nous intéresser. Quel que soit le domaine de prédilection. il est bon de veiller à la qualité du livre choisi, et de se faire conseiller si nécessaire. Car l'important demeure le but: que nous tirions profit pour notre vie humaine et spirituelle de nos lectures. Dans nos lectures, comme dans beaucoup d'autres aspects de notre vie, nous restons des chercheurs de Dieu. Peut toujours nous guetter le risque de la distraction pour oublier. s'évader, divaguer. La grande

variété de notre bibliothèque ainsi que le champ presque infini d'information offert par internet, manqueraient complètement leur fonction s'ils ne faisaient de nous que d'insatiables curieux en quête de divertissements. Notre propos de chercheur de Dieu en quête du Royaume. se vit là aussi. La découve11e du monde, l'attention à la recherche intellectuelle. la meilleure connaissance des hommes et del 'histoire veulent aiguiser en nous le désir de mieux comprendre qui est notre Dieu, quel est son dessein créateur et sauveur ? Quelle est notre place dans son projet 9 Qu'est-ce gui a valeur d'éternité dans tout ce que nous vivons? Dans tous nos choix, la question demeure alors fortement posée: à l'horizon du Royaume qu'est-ce qui est vraiment important?

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 73, v 01-02 De ce que l'observation de toute justice ne se trouve pas prescrite dans cette Règle écrit le 19 mai 2022
Verset(s) :

1. Si d’ailleurs nous avons écrit cette règle, c'est pour qu'en l'observant dans les monastères, nous fassions preuve au moins d'une certaine décence morale et d'un commencement de vie religieuse.

2. Mais pour celui qui se hâte vers la perfection de la vie religieuse, il est des enseignements des saints Pères dont l'observation conduit l'homme jusqu'aux cimes de la perfection.

Commentaire :

Un paradoxe traverse de part en part ce chapitre : la vie monastique nous fait courir. tendre vers la perfection religieuse. et dans le même temps. pour ce faire. elle nous place toujours en position de commençant. de débutant... On ne cesse de chercher à progresser et à nous convertir. et en mème temps, nous ne pouvons prétendre qu"à commencer, qu'à nous tenir intérieurement dans l'attitude du nouveau venu. Parler ainsi revient à dire que nous ne sommes pas juge de l'état où nous en sommes sur le chemin de la vie spirituelle. Un autre enseignement est peut-être aussi que le dynamisme vraiment spirituel de notre vie monastique consiste en ce double mouvement d'élan vers le meilleur, et d'ancrage dans !"engagement concret jamais déserté. li me semble que la comparaison avec le musicien virtuose, ou le sportif de haut niveau est éclairante. Les deux tendent sans cesse vers le meilleur. vers la prouesse artistique ou la victoire dans l'épreuve. Mais tous deux ne cessent de s'entrainer, en refaisant des exercices très basiques toujours repris, et en se soumettant à une discipline de vie qui ne néglige rien de

!"équilibre humain le plus élémentaire (sommeil, nourriture, etc... ). Leur excellence ne leur permet en rien de se laisser aller à penser qu'ils sont au dessus de ces contingences élémentaires. el de cet entrainement de base. Le jour où ils y consentiraient, ils perdraient tout le bénéfice des sacrifices consentis. La comparaison vaut ce qu•elle vaut et a des limites. Le meilleur. 1·excellence que vise la vie monastique n'est pas de l'ordre d'un exploit, ou d'une maitrise de sa vie (qui sera plutôt une conséquence). Le but visé est la charité pour Dieu et pour les autres. charité qui confine toujours avec l'humilité sa proche parente selon la tradition monastique, et selon ce que nous font découvrir des théologiens contemporains sur !"humilité du Dieu Amour. Cette excellence là est moins le fruit d'une conquête, que d"un cadeau reçu comme immérité. improbable ... Une fois dit cela, il nous arrive de constater que nous faisons des progrès. Dans tel domaine, nous étions plus fragiles, plus en peine. Aujourd'hui. quelque chose a changé dans ma relation avec le Seigneur et avec les autres. li ne s'agit pas de nier cela, ou de le redouter. Si on le constate, la question est plutôt: qu'en faisons-nous? En parler dans !"accompagnement spirituel est ce11ainement une bonne chose pour le remettre devant le Seigneur, le poser devant lui avec action de grâce. Est-ce que cela nous donne droit à des libertés par rapport à nos exercices les plus élémentaires (prière, service des autres, vigilance sur notre pauvreté) ? Ce piège nous guette. La grâce sera de nous donner, de vivre ces exercices avec plus d·élan pour laisser l'amour se creuser en nous une place encore plus profonde. plus authentique.