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10. ils affectionneront leur abbé d'une charité sincère et humble ;;
11. « ils ne préféreront absolument rien au Christ. ;»
12. Que celui-ci nous fasse parvenir tous ensemble à la vie éternelle ;!
Dans notre langage courant. les mots « priorité ». « préférence » reviennent souvent. On aime bien prioriser les choses : les choses à faire. ou à vivre. On choisit ses relations, son cercle privilégié. ses amis. Ce matin. St Benoit place pour les moines une priorité avant tout autre : le Christ. préféré absolument. Dans la vie monastique, pour reprendre le mot à mot. le terme latin
« praeponere » utilisé et traduit par préférer, nous désirons placer le Christ avant tout autre relation, ou préoccupation. Nous acceptons de le mettre à la tête de notre vie personnelle et communautaire. C'est Lui qu'on regarde, qu'on suit, qu'on cherche à mieux connaitre. Parler ainsi c'est dire que, pour nous moine. le Christ ne fait pas nombre avec les autres relations ou les autres préoccupations. C'est-à-dire qu'il n'y a pas d'un côté des relations amicales et de l"autre notre relation au Christ, ou bien d'un côté nos activités et préoccupations au service de la vie quotidienne, et de l'autre le service de la prière. Non, en plaçant le Christ au sommet de nos préoccupations, toute notre vie est comme ramassée. ressaisie en Lui... Tout est pour lui_ avec lui, par lui... L'évangile de ce jour utilise l'image de la vigne et des sarments pour dire cette profonde relation qui nous lie au Christ depuis notre baptême. Sans notre union à Lui. notre vie chrétienne perd son énergie, son sens, son souffle.
Mystérieuse relation gui respecte notre liberté : d'un côté tout est donné, tout est là, et de l'autre il nous faut chercher, préférer celui qui est à la racine de notre être. Le sarment peut se couper de la vie. S'il ne préfère pas le cep, s'il ne veille pas à être attaché à lui. pour se nourrir de sa vie par l'eucharistie par ex, de sa parole par la liturgie et la lectio, il peut se dessécher.
Mystérieuse relation première qui demeure dans le clair-obscur de la foi et qui pourtant va irriguer et illuminer toutes les autres relations. Dans le frère malade, dans le passager qui s'arrête. dans la personne qui nous requiert, le Christ ne demande qu'à être honoré et servi.
Mystérieuse relation qui se trouve en filigrane de nos relations fraternelles et qui va permettre de vivre l'obéissance à l'abbé ou aux frères, non comme une servitude mais comme un détachement salutaire d'un moi trop présent. C'est au Christ que nous désirons obéir avant tout.
Mystérieuse relation qui porte en elle des germes d'éternité et qui fait de notre quotidien personne et communautaire comme un tremplin pour la vie éternel!tf us partagerons avec lui. le Christ, notre Seigneur, notre frère, notre ami...
9. avec amour ils craindront Dieu ;
« Avec amour, ils craindront Dieu,, .... D'une manière un peu surprenante, ce trait du bon zèle se présente en contraposition avec le précédent : « ils pratiqueront la charité fratemelle chastement,,. Si les frères sont encouragés à s'aimer en préservant la bonne distance, avec Dieu, ils sont exhortés à combler par l'amour l'écart que pourrait creuser la crainte. Cette recommandation nous permet de mieux considérer qu·elle est notre relation avec Dieu. En écho, nous entendons le premier commandement : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout cœur, de toute ton âme et toute ta force » (Dt 6, 4). Commandement qui est étrange au premier abord, parce que: peut-on commander l'amour? mais qui peut se comprendre lorsqu'on descend un peu plus profond dans notre cœur. Là n'habite pas toujours l'amour vis-à-vis de Dieu, mais peut-être souvent la peur ou l'indifférence. On peut se demander : où est notre cœur dans sa relation profonde avec Dieu? Est-il dans la confiance, dans l'abandon, dans l'amour, dans l"émerveillement, ou bien dans la crainte plus ou moins servile, dans le désir de tenir Dieu à distance, dans la volonté de faire ce qu'il faut faire mais pas plus, dans la crainte qu'il en demande trop... ? Cœur embrasé ou cœur partagé, cœur paisible ou cœur compliqué, cœur donné ou cœur endurci. cœur ouvert ou cœur sourd ou fermé.... L'Ecriture nous offre bien des images possibles pour comprendre notre propre cœur dans ce lien mystérieux qu'il développe avec son Dieu. A la fois, nous savons ce qu'il y a dans notre cœur, et à la fois nous l'ignorons en partie. Des évènements ou des situations inédites jouent le rôle de révélateur pour mieux percevoir où nous en sommes dans notre relation avec notre Dieu. Quand un coup dur nous arrive, sommes-nous tentés de penser: qu'est ce que j'ai fait au Bon Dieu pour mériter cela, en renfermant dans l'image d'un Dieu qui nous rétribuerait et nous ferait payer quelque chose'' ou bien nous tournons-nous vers Lui comme vers un Père qui est avec nous, dans la confiance. afin de lui remettre ce qui nous arrive, en acceptant de ne pas tout comprendre ? Craindre avec amour voudrait être ici une lumière pour nous orienter vers une image toujours plus approfondie et juste de notre Dieu... La crainte, au sens biblique, faite de respect et de révérence parce que Dieu est Dieu, immensité et présence cachée, de qui tout vient et qui s'intéresse à la poussière que nous sommes. Amour suscité par sa Parole qui nous fait entrer dans un dialogue intime et mystérieux avec lui. Amour étonné d'être soi-même capable d'aimer. Amour gui se creuse en notre cœur un chemin, souvent à notre insu. Amour gui transforme notre vie, avec des avancées et des reculs, vers un plus grand abandon. Seigneur qui m'aime le premier, apprends-moi à t'aimer, apprends-moi à laisser l'amour grandir dans mon cœur, dans ma vie.
8. ils pratiqueront la charité fraternelle avec désintéressement ;;
« Ils pratiqueront la charité.fraternelle chastement» En quoi consiste ici le bon zèle? Pas seulement dans la pratique de la charité fraternelle qui est un commandement du Seigneur. mais dans le fait de la pratiquer« chastement». L'insistance n"est pas superflue au regard des récentes affaires d"abus. Celles-ci nous alertent sur le fait que même l'amour, la réalité la plus profonde qui soit peut être aussi gravement pervertie. Lorsque St Benoit utilise l'adverbe
« chastement» il nous invite donc à nous avancer avec prudence et justesse sur les chemins de
!"amour fraternel. Le P. Luc Crépy a eu de belles paroles sur la chasteté clans le livre que nous entendons le soir... Aimer engage notre désir, cette dimension de notre être qui nous meut si radicalement et qui nous échappe toujours. Pour« respecter l'autre clans sa dignité et ne pas en faire le simple objet de son désir» .... il y a à faire« un apprentissage d'une juste distance dans les relations» (in La foi à l'épreuve de la Toute-Puissance, Lessius 2021 p 59). Respect. distance. limite : autant de points de vigilance pour me rappeler que le frère est toujours autre. La relation que j'établis avec lui n'abolira jamais. voire rendra plus sensible la part de mystère qu'il porte, et ma propre part de mystère qu'il me révèle. Vivre notre vie quotidienne en 11·oubliant pas cette part de mystère présente en chaque frère, comme en moi-même. est une boussole sûre. Cela nous ôte l'illusion de la fusion ainsi que la prétention d"une toute puissance. L· attrait, les atomes crochus. la sympathie spontanée facilitent les relations. Mais ils peuvent aussi constituer un voile et faire oublier la part de mystère de l'autre qui m'échappe toujours, alors que je crois le connaitre. Vivre et aimer chastement est toujours un chemin, sans cesse à reprendre disait le P. Crépy. Aussi, réjouissons-nous des repères pour l'apprendre que nous offre la vie commune, et tenons-les fermement : ne pas aller dans la cellule d'un frère. sauf dans les cas prévus par le coutumier, nous garder d'une familiarité trop facile dans les gestes ou les paroles. nous appeler frère, et non directement par le prénom. demeurer discret vis-à-vis des casiers des frères... A l'inverse, il y a des distances tellement jalousement maintenues ou préservées qu'elles peuvent devenir un obstacle à la vie fraternelle. Cette distance excessive n·est pas forcément chaste. notamment si elle est le fait d'une volonté délibérée de se murer. Elle peut-être le fait d'une impossibilité ou de peurs, ce qui est alors tout à fait respectable. Nos groupes de communauté peuvent être des écoles où l'on apprend !ajuste distance. Entre frères,
on partage des aspects de notre vie où chacun se donne et se reçoit. sans étalage, mais avec respect. Aimer son frère chastement, c'est aussi accepter de ne pas tout savoir. Respecter son rythme dans la capacité à s·ouvrir, à échanger. Se réjouir de sa part de mystère, et de la mienne.
6. ils s'obéiront à l'envi ;
7. personne ne recherchera ce qu'il juge être son avantage, mais plutôt celui d'autrui ;;
Qu'est-ce que le bon zèle, se demandait-on au début de ce chapitre? Nous venons d'en entendre deux expressions. Il consiste à inverser le combat que nous menons assez spontanément: non pas combattre pour soi, mais pour les autres. Le mot «combat» m'est suggéré par l'adverbe latin « ce1iatim » traduit par « à l'envi», dans l'expression « ils s ·obéiront à l'envi»... Certatim est dérivé du verbe certo, are qui signifie: chercher l'avantage sur quelqu'un en luttant. Les moines sont invités à lutter. rivaliser, non pour abattre ou dominer
!'autre, mais pour s'obéir mutuellement. .. Ce sera à celui qui est le plus obéissant... En d'autres termes, il s'agit non de lutter pour rechercher son propre avantage, « mais plutôt celui d ·autrui». Dans ce renversement se trouve un des lieux sensibles de notre combat monastique, et ce1iainement aussi un des grands lieux de notre joie : le combat contre notre moi toujours envahissant et la joie d'être moins préoccupé de soi mais davantage des autres.
Etant célibataire, il y a toujours un risque pour chacun de devenir un vieux garçon, une personne dont les centres d'intérêts se réduisent peu à peu à soi et soi seul. Je crois qu'il nous faut tous demeurer vigilant sur ce point. Deux lieux me semblent être sensibles : la manière d'être toujours préoccupé de sauvegarder son territoire. le pré carré de son emploi par ex, et le fait d'être jaloux à l'excès de son temps. Vivre son travail ou son domaine de responsabilité comme si c'était son domaine. sa propriété, est un écueil. Cette préoccupation se cache souvent sous de bons prétextes : être efficace, pouvoir préserver ses outils ou ses manières de faire... Heureux sommes-nous à l'inverse si nous sommes capables de rester ouve1is aux suggestions des autres, si nous sommes souples pour faire de la place aux autres. Heureux sommes-nous si nous faisons tout pour que le jour venu un autre puisse reprendre le flambeau ... De la sorte, nous n'encombrons pas le terrain... L'autre écueil à éviter est d'être tellement préoccupés de ne pas perdre son temps, que nous finissons par être centré sur nous-mêmes, et incapables d'entendre un appel ou d'accueillir un frère qui nous dérange. Chercher l'avantage de l'autre se vivra de façon simple et immédiate dans l'écoute offerte, dans la tâche interrompue pour accueillir une demande, dans le temps donné sans regret. ... Il y a ici une lutte sensible pour éviter qu'un juste désir de ne pas perdre son temps, ne devienne une obsession de grappiller à tout prix quelques minutes, obsession qui nous interdit toute irruption du nouveau et de l'inconnu. Nous risquons alors de passer à côté d'une visite de Dieu.
4. ils « se préviendront d'honneurs mutuels » ;
5. ils supporteront sans aucune impatience leurs infirmités corporelles et morales ;;
Prévenir. supporter Il est bon de tenir ensemble ces deux verbes. et avec eux ces deux
indices du bon zèle que nous offre St Benoit, ce matin... Prévenir traduit le mouvement par lequel on va au-devant de l'autre, ici pour s'honorer mutuellement. Supporter. à l'inverse, traduit cette attitude face à quelque chose ou quelqu'un qui vient à nous. sans que nous l'ayons choisi, concrètement ici, les infirmités morales ou physiques de nos frères. Ainsi St Benoit nous entraine-t-il à une charité, en son double aspect actif et passif Dans les deux cas, il s'agit d"aimer, mais en s'appuyant sur des ressources différentes de la charité: d'un côté ressources d"ouverture. de don qui tourne vers l'autre dans une réciprocité espérée, et de l'autre, ressources de patience. d'humilité pour po1ier ce qui n'est pas agréable, souvent dans un sentiment de solitude.
Tenir ces deux mouvements de la charité ensemble peut nous aider. En effet. spontanément nous sommes heureux de vivre la charité lorsqu'elle se vit dans la réciprocité. dans l'échange et le partage. Dans cette dynamique, il est relativement facile de s'honorer mutuellement. Une sorte de reconnaissance est là qui se met en place comme naturellement. Mais lorsqu'on porte les infirmités d'un frère, le sentiment d'être seul peut parfois nous décourager et nous faire déserter le terrain de la charité. Le risque est là, au mieux de se blinder pour tenir l'autre à distance, et au pire cl'envoyer promener le frère trop lourd à porter. C'est ici. que l'appel de Benoit à honorer son frère peut être précieux, Pour porter les infirmités d'un frère, l'honorer est une indication précieuse sur la manière de bien le po1ter. De même que lorsqu'on porte une charge, il y a des bonnes et des mauvaises postures. de même pour bien supporter les infirmités d'un frère, il nous faut cultiver la bonne posture. le bon regard qui consiste à l'honorer. Alors que nous sommes peut-être tentés de le déconsidérer, ou de le mépriser. nous exercer à l'honorer nous fait entrer dans le regard que Dieu porte sur chacun. Chaque personne est digne d'honneur depuis que Jésus, défiguré et méprisé, a été élevé en sa résurrection. et honoré du nom qui est dessus de tout nom. Notre humanité est belle, d'une beauté telle que toutes les défigurations ne peuvent la souiller. C'est un des effets de la victoire pascale de nous entrainer à entrer dans ce regard. La charité répandue dans notre cœur par l'Esprit Saint, nous pousse à honorer tout homme, et à l'aimer. Cet élan est là en notre cœur de baptisé. Laissons-le grandir, laissons-le chasser nos peurs, nos appréhensions, nos jugements. Et lorsqu'un mouvement de recul ou de mépris nous menace, demandons à !'Esprit Saint de raviver en nous la Charité, ce regard qui sait honorer chacun,
1. S'il existe un zèle mauvais et amer qui sépare de Dieu et conduit en enfer,
2. il existe aussi un bon zèle qui sépare des vices et conduit à Dieu et à la vie éternelle.
3. Tel est donc le zèle que les moines pratiqueront avec un ardent amour ;:
Quand St Benoit parle du« zèle», de quoi parle-t-il? Qu'est-ce que ce zèle 9 Cela reste un peu mystérieux. En effet, le zèle est appréhendé d'abord par ce qu'il produit en fonction de sa qualité: sïl est mauvais, il sépare de Dieu et conduit en enfer, s'il est bon, il sépare des vices et conduit à Dieu et à la vie éternelle... Séparer et conduire : dans les deux cas. mais avec des effets opposés, le zèle opère un discernement et fait entrer dans un mouvement. Comment appréhender le zèle, pour savoir s'il est bon ou mauvais'? A la fois, il nous faut en faire l'expérience, et à la fois prendre appui sur l'expérience de ceux gui nous ont précédés. Ainsi pour un certain nombre de choses assez évidentes. nous pouvons discerner et orienter nos pas pour aller dans un sens plus que dans un autre. Par exemple nous savons que nous mettre en colère. c• est risquer de laisser grandir en nous un zèle amer qui, comme un feu qu•on ne maitrise plus. peut nous conduire à la catastrophe. tuer quelqu'un par ex... ou encore, sous les aspects de la joie, et du zèle à cultiver la convivialité, nous laisser à trop boire de l'alcool, peut nous conduire à perdre la maitrise de notre comportement et nous faire faire des bêtises, voire être un danger pour les autres. sur la route par exemple ...
Parfois, le discernement est plus subtil. Nous faisons des choses en pensant vouloir bien foire les choses, mais en fait nous n·obéissons pas nécessairement au bon zèle. Derrière de bonnes intentions s'en cachent d'autres moins avouables. Vivre selon l'évangile, à l'écoute de I' Esprit. nous entraine à affiner toujours plus notre discernement. Et St Benoit donne une lumière pour avancer dans le bon zèle, quand il suggère : « les moines le pratiqueront avec un ardent amour » ... L'amour ardent constitue comme une boussole : ce que je fais, le fais-je par amour, amour de Dieu et des autres? Ou bien est-ce que je me place au centre? Toutes les recommandations que Benoit donne ensuite opèrent ce déplacement : le moine est exhorté à passer d'un amour assez spontanément centré sur soi à un amour tourné vers Dieu et vers les autres. Nous pouvons toujours nous demander: quel est le zèle qui m'anime? De quel carburant, de quelle énergie, je le nourris? Est-ce de l'amour de moi ou bien de l'amour de Dieu et des autres qui me décentrent toujours ?
1. Ce n'est pas seulement envers l'abbé que tous doivent pratiquer le bien de l'obéissance, mais en outre les frères s'obéiront mutuellement,
2. sachant que par cette voie de l'obéissance ils iront à Dieu.
3. Aussi, mis à part les ordres de l'abbé ou des prévôts qu'il institue, ordres auxquels nous ne permettons pas que l'on préfère ceux des particuliers,
4. pour le reste tous les inférieurs obéiront à leurs anciens en toute charité et empressement.
5. Si quelqu'un est pris à contester, on le réprimandera.
6. De plus, si un frère reçoit une réprimande quelconque de l'abbé ou de n'importe lequel de ses anciens pour quelque raison que ce soit, si mince qu'elle puisse être,
7. et s'il sent que l'esprit de n'importe quel ancien est légèrement irrité contre lui ou ému si peu que ce soit,
8. aussitôt et sans délai il se prosternera à terre et fera satisfaction, étendu à ses pieds, jusqu'à ce qu'une bénédiction vienne calmer cette émotion.
9. Celui qui refuse de faire cela, on lui infligera un châtiment corporel, ou bien, s'il est obstiné, on le chassera du monastère.
« Ce n'est pas seulement envers l'abhé que tous doivent pratiquer le bien de 1·obéissance» ... On peut se réjouir de trouver en ce chapitre, cette expression « le bien de 1·obéissance » ... Elle nous rappelle que l'obéissance est un bien, non un fardeau ou un moindre mal à supporter. Elle est un bien, non un bien de consommation à acquérir ou à vendre, mais un bien à cultiver. pour mieux le pratiquer et le partager. Ce bien nous est offert à tous par la vie quotidienne. Il est disponible tout de suite, à portée de main, sans préalable nécessaire. Dans une vie commune, comme la nôtre, il est avec la charité parmi les biens les plus précieux. Que serait une vie communautaire sans cette obéissance qui nous tourne les uns envers les autres. pour nous recevoir les uns des autres? Elle serait impossible. Vivre ensemble demande sans cesse que nous nous obéissions les uns les autres : nous obéissons au f linger qui nous donne des consignes, au f responsable des transports qui nous indique une voiture. au maitre de chœur quand il dirige le chant ou recommande de chanter de telle ou telle manière ... au responsable de la liturgie sur la manière de faire durant les célébrations. Plus ce bien de l'obéissance s"échange entre nous avec fluidité, plus la vie fraternelle est heureuse et légère. Les uns et les autres se donnent sans chercher leur intérêt propre : celui qui demande quelque chose, le fait non pour satisfaire un quelconque désir de pouvoir. et celui qui obéit, le fait sans renâcler pour montrer qu'il existe... Parfois. il est opportun de poser une question. Si on le fait avec douceur et humilité, c'est le signe que nous voulons être au service du bien commun, et non en recherche de notre ego... Restons en alerte pour cultiver chacun et tous ensemble ce bien de l'obéissance, cette écoute toujours en éveil en vue du bien de tous. La charité entre nous ne pourra que s'en trouvée grandie et fortifiée. Irait-on jusqu'à dire que dans une vie commune, il n'y a pas de charité sans obéissance mutuelle? Je suis tenté de le penser. La charité demande à chacun de nous. non seulement de donner et de se donner, mais encore de recevoir et de se recevoir des autres. Obéir à un frère, c'est se recevoir de lui par le mouvement dans lequel il me donne d'entrer pour faire quelque chose. L'exemple du chant est un des plus patents: à travers les recommandations du maitre de chœur, chacun peut bouger, aller plus loin et progresser dans le don de lui-même, et dans le même temps, nous grandissons ensemble dans l'unité et la beauté du chant. ..
1. On évitera, au monastère, toute occasion de présomption,
2. et nous décrétons que personne n'aura le droit d'excommunier ou de frapper aucun de ses frères, s'il n'en a reçu pouvoir de l'abbé.
3. Mais « on reprendra les coupables en présence de tous, afin de faire peur aux autres. ;»
4. Quant aux enfants jusqu'à l'âge de quinze ans, tous auront soin de les maintenir dans l'ordre et les surveilleront,
5. mais en toute mesure et raison.
6. Si quelqu'un se permet quoi que ce soit contre un adulte sans instructions de l'abbé ou s'emporte sans discrétion contre des enfants, il subira les sanctions de règle,
7. car il est écrit : « Ce que tu ne veux pas qu'on te fasse, ne le fais pas à autrui. ;»
« Ce que lu ne veux pas qu'on le fasse. ne le fais pas à autrui »... Ce précepte évangélique revient trois fois dans la Règle : une fois avec les instruments des bonnes œuvres, une fois adressé à l"abbé pour qu'ïl n'accueille pas un moine étranger sans l'accord de son supérieur, et ici à l'adresse de tout moine afin qu'ïl n'exerce pas la violence sous prétexte de vouloir corriger autrui ... Ainsi tous se retrouvent sous ce précepte évangélique que l'on peut considérer comme une forme négative du commandement : « tu aimeras Ion prochain comme loi-même »... Dans les deux formulations négative et positive, la justesse avec laquelle nous sommes capables de nous rapporter à nous-mêmes va nous enseigner la façon de nous rapporter aux autres. En orientant notre regard sur les autres à partir du regard que l'on porte sur soi. le Seigneur ne demande pas des choses extraordinaires : une sorte de justice de base... On pourrait dire : ce n•est pas compliqué ...
Mais pourquoi donc est-ce si difficile d"aimer et d'avoir des relations justes et heureuses avec tout le monde? L'apparente évidence des commandements ne doit pas nous faire oublier deux choses : nous restons pour une part un mvstère à nous-mêmes, et à fortiori les autres échappent toujours à notre connaissance. Aussi les deux commandements sont-ils une exhortation à entrer d"abord dans une connaissance toujours plus affinée de nous-mêmes. de nos réactions en certaines occasions. de nos forces et de nos faiblesses, de nos limites. Le
« connais-loi loi-même » des grecs reste un bon levier pour mieux habiter notre propre humanité. Mais nous dit l'évangile. il le sera davantage, non pour nous regarder le nombril, mais pour nous ouvrir aux autres. à leur différence. à leur mystère sans en être écrasé ou blessé. Belle et rude école que cette double connaissance de soi et.des autres qui ne cesse de nous déplacer, et finalement de nous rendre plus humble et plus vrai... La vie quotidienne se charge de nous l"enseigner. Ne soyons pas effrayer par tout ce qui bute ou nous fait buter. Cela résiste. c"est bon signe... Nous avons encore quelque chose à apprendre sur nous-mêmes et sur les autres.
1. Il faut prendre soin que personne au monastère, en aucune occasion, ne se permette de défendre un autre moine ou de lui servir comme de protecteur,
2. même s'ils sont unis par un lien de parenté quelconque.
3. Les moines ne se le permettront d'aucune manière, car cela peut être l'occasion de conflits très graves.
Que retenir de ce petit chapitre où st Benoit, ferme dans le ton. ne badine pas ? [I nous parle de justice et de chasteté. Justice: s'il est demandé qu'on ne se permette pas de défendre un autre au monastère, c'est qu'il n'y a pas lieu de défendre un autre. Normalement la règle pourvoit à la justice dans les rapports fraternels. Chacun est respecté en ses droits et devoirs de telle façon qu'il n'ait pas besoin de protecteur. Peut-être la société du temps de Benoit était-elle encore marquée par le clientélisme que connaissait la civilisation romaine antérieure... Il ne souhaite pas que s'instaure ce type de rapport de dépendance entre des frères. Chacun est responsable de sa vie, autonome et adulte. Cette remarque ne veut pas dire que parfois on ne puisse pas ale1ier l'abbé ou un frère en responsabilité parce qu'un frère ne va pas bien, qu'il manque de quelque chose ou encore qu'il subît une injustice. Ce type de parole est recherche de justice vis-à-vis d'un frère, et non main mise sur lui. Le plus souvent ignorée de lui, cette intervention le laisse libre.
Un second aspect ressort de ce chapitre, c'est celui de la chasteté. Il peut arriver que de façon subtile s'instaurent entre des frères des rappmis de dépendance, dépendance plus psvchologigue que phvsigue. voire même dépendance inconsciente. Là, nous devons tous être vigilants. Ce type de rapport n'a rien à voir avec une connivence fraternelle qui rend la relation plus aisée avec un tel plutôt qu'avec un autre. Il s'agit bien d'une manière de dominer un frère de telle façon à ce qu'il soit toujours d'accord avec soi. Cette relation faussée sera manifeste lorsqu'en présence d'un troisième frère, ce dernier n'a pas sa place normale dans la relation. Il est en quelque so1ie mis de côté, parce que deux frères sont unis par un lien gui n'est pas vraiment chaste. Dans une vie commune, la relation privilégiée que peuvent avoir des frères entre eux sera chaste quand elle laisse place à tous les autres frères en vérité et simplicité. Pas d'aparté ambigus ou de faux semblants, mais une clarté et une ouverture qui laissent place à chacun. Chacun reste libre. Il répond seul de ses actes devant Dieu et devant les frères. Dans un emploi, dans une commission, dans un conseil, veillons, surtout les responsables, à permettre il
chacun d'être vraiment libre. Sachons dire parfois:« Tu as le droit de ne pas être d'accord». Cette liberté permet la parole vraie, même si cela peut passer par des conflits. La communion entre nous est à ce prix.
1. Si l'on enjoint à un frère des choses pénibles ou impossibles, il recevra l'ordre de celui qui commande en toute douceur et obéissance.
2. S'il voit que le poids du fardeau excède absolument la mesure de ses forces, il représentera à son supérieur, patiemment et opportunément, les raisons de son impuissance,
3. sans orgueil ou résistance ni contradiction.
4. Si, après ses représentations, l'ordre du supérieur se maintient sans qu'il change d'avis, l'inférieur saura qu'il est bon pour lui d'agir ainsi,
5. et par charité, confiant dans le secours de Dieu, il obéira.
R.B. 68
Possible-impossible. Combien de fois. ne sommes-nous pas placés devant ce dilemme?
Il n•est pas rare pour une chose demandée que nous ne nous estimions pas capables. Cela nous
semble impossible. La question que l'on peut entendre ce matin à travers ce petit chapitre si important de notre règle, est avant de répondre. prenons-nous le temps du discernement. Il n'est pas rare de répondre « non », sans nous rendre compte que nous fonctionnons selon des habitudes. Plus subtilement nous sommes parfois prisonniers d'images de nous-mêmes dans lesquelles nous pouvons nous réfugier, nous auto-limiter et nous interdire toute nouveauté. Moi je suis comme çà et je ne peux pas changer etc... Qui que nous soyons face à une demande, le discernement commence toujours par accepter de nous laisser interroger, voire bousculer par une question inhabituelle. Les réponses trop hâtives, du tac au tac, peuvent être le signe d'une réelle impossibilité, mais aussi d'une sorte d'incapacité à entendre l'inconnu ou le nouveau. Une seconde étape du discernement sera de pouvoir mettre d'un côté les objections et de l'autre les éléments inclinant vers une réponse positive. Sur quoi se fondent objections et éléments positifs? Sur la recherche d'une sécurité confortable oùje m'engage parce que je connais déjà, ou bien sur l'écoute de quelque chose que je ne vois pas bien, mais qui peut raisonnablement venir de Dieu ? Dans le Ier cas. je me mets au centre en prenant appui sur mes propres forces. Dans le 2d. je regarde plus loin que mes seuls pieds vers quelque chose qui vient du dehors. Plus la demande est importante, plus ce temps de prise de recul sera nécessaire. Accepter de prendre le temps, de mettre des mots sur le pour et le contre, parler avec un autre, l'abbé ou quelqu'un de l'extérieur, est une belle manière de donner à notre vie de la largeur. La parole peut désamorcer la peur spontanée ou la routine. Comme la bible le donne à voir, nous croyons que le Seigneur conduit ses amis au gré de demandes inédites ou inattendues. Il s'agit de vérifier dans telle ou telle demande, s'il n'y a pas un appel à entendre. Notre Dieu sait ouvrir des possibles dans le mur de tous nos impossibles. Je crois que c'est sur cette conviction de foi seulement que peut se fonder le cas particulier exposé en ce chapitre sur l'obéissance pour les choses impossibles. Lorsque St Benoit dit « par charité. confiant dans le secours de Dieu. il obéira », ce ne peut-être que l'expression d'un abandon consenti dans la foi au Dieu de l'ïmpossible et non une démission plus ou moins bien assumée devant l'abbé. Que le Seigneur nous vienne en aide pour que de pait et d'autre, on cherche sa volonté.