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1. Quant au frère qui est coupable de faute grave, il sera exclu à la fois de la table et de l'oratoire.
2. Aucun frère n'entrera aucunement en rapport avec lui sous forme de compagnie ou d'entretien.
3. Qu'il soit seul au travail qu'on lui aura enjoint, persistant dans le deuil de la pénitence, sachant cette terrible sentence de l'Apôtre :
4. « Cet homme-là a été livré à la mort de la chair, pour que son esprit soit sauf au jour du Seigneur. »
5. Quant à la nourriture de son repas, il la prendra seul, dans la mesure et à l'heure que l'abbé aura jugées convenables pour lui.
6. Personne ne le bénira en passant, pas plus que la nourriture qu'on lui donne.
Chers amis, - Voilà ce qui fonde notre assemblée de ces Jours. Ne pas, ne plus faire le malheur de celles et ceux qui vivent près de nous sans méfiance. En confiance, même.
Le théologien canadien Jean-Marie Tillard dans l'ensemble de son œuvre - des années 19ï0-1985 - toujours actuelle sur la vie religieuse, évoque nombre de fois la vie religieuse comme un hommage, comme un souci, une préoccupation, « tournée vers Dieu et en même temps rongée par l'inquiétude du monde ». Nous sommes là à cause du Christ et en faveur de ce temps. Elle s'insère. disait-il encore en 1986, « dans le dynamisme de ce que l'Évangile décrit comme l'entrée de Dieu dans la chair du monde. au cœur du réalisme du drame humain, en pleine communion à la détresse et aux espérances des hommes. »
C'est bien en cet endroit que s'enracine notre décision de la vie religieuse chrétienne. A cause du Christ et travaillée par l'inquiétude du monde.
Pourtant. Nous avons découvert un continent de ténèbres. Non pas en ce monde. Mais en nous. Non pas chez les autres mais chez nous, en notre Église, en notre histoire, en nos communautés. Ténèbres engendrées par les morts intimes infligées au corps, à l'âme, à l'esprit, à l'enfance, à l'espérance, de celles et ceux, petits et grands, qui vivaient sans méfiance dans nos maisons, nos institutions, notre proximité, notre aura, notre autorité, notre réputation, et partageaient nos liturgies et sacrements.
Là où la paix, la croissance, la sûreté d'être aimé en vérité, dans le respect le plus absolu devaient être signifiées, c'est la violence sournoise, la peur, le mal qui dévore se sont déchaînés. Sans bruit.
Alors aujourd'hui, en cette Assemblée générale, il s'agit de signifier dans nos actes nous sommes « rongés par l'inquiétude », oui, celle du monde, ô combien. Mais aussi celles des victimes d'abus spirituels, de confiance, de pouvoir, de conscience et d'agressions sexuelles. Cette indignation et cette inquiétude-là ne sont pas périphériques. Elles ne sont pas conjoncturelles en attendant, enfin, des jours meilleurs. Elles font désormais partie de nous-même. De notre engagement. Il ne s'agit pas d'un dossier que nous espérons enfin clore dans 3 jours ou quelques mois. C'est de notre chair et cela nous entame. Non pour renoncer à cette vie religieuse à laquelle je crois de toute mon âme, comme chacune et chacun ici. Mais pour qu'elle soit honnêtement « à cause du Christ ».
Je sais l'implication, le labeur de nous tous. Depuis la décision de la mise en place de la CIASE nous n'avons pas chômé. Et beaucoup, dans leur Institut ont œuvré sans relâche en faveur des victimes, pour la justice et la vérité. Cela coûte cher moralement, spirituellement. Que chacun soit ici chaleureusement, profondément remercié. Dans ce drame et ce scandale, nous pouvons être fiers - paradoxalement- de ce qui se fait pauvrement, maladroitement sans doute mais réellement et qui nous oblige à continuer.
Contemplant lors de l'office du Vendredi saint les femmes et les hommes de tous âges qui venaient vénérer la Croix, je ne pouvais pas ne pas penser aux corps brisés dont nous connaissons - ou non -- les visages marqués tout au creux des yeux. Je pensais à la torture qu’a été la croix pour Jésus. Qu'elle est pour chaque victime de cette infamie que sont la trahison de la générosité, de l'enthousiasme et l'intrusion, la prédation. Nous incliner devant la croix c'est nous incliner devant leur courage, leur attente de reconnaissance, de justice et de clarté. Et humblement, pauvrement, promettre du fond de l'âme que nous avons et que nous allons changer. Le faire non sans notre émotion. Celle qui est nécessaire à la prise de décision car elle nous prend aux entrailles. Comme la honte, la douleur, l'inquiétude qui tenaille, le désir du vrai.
Les événements et révélations dans les médias de ces dernières semaines pourraient pourtant nous en faire douter et en faire douter surtout les victimes, celles qui ont pris douloureusement la parole, celles qui ne peuvent le faire. De quoi encore craindre que nous restions dans le discours qui peut désormais être convenu de « l'écoute des victimes » ou dans des actes périphériques. Mais repérer les risques, nommer les emprises, quitter nos ingénuités coupables, déceler les abus de pouvoir, les corporatismes, en sommes-nous vraiment là? Faire le plus de vérité possible, mesurer ce que sont des vies dévastées, y sommes-nous ? Quant à la question du consentement, en 2023, dans ces domaines si sensibles dont nous parlons, continuons-nous à croire au dramatique adage « qui ne dit mot consent ? » ou croire encore que « céder c'est consentir » ? ou encore qu'il n'y aurait pas des oui qui sont extorqués ? Le consentement repose sur la conversation mutuelle, sur un « consentement de vous à vous-même » écrivait Pascal. Tout autre chose laisse une marque ineffaçable.
Bref les gardes à vue et mises en examen des derniers jours obligent, s'il en est besoin, à ne pas oublier que la « toile de systémicité » dont parle le groupe conjoint CEF/CORREF « sur les causes des violences sexuelles » dans notre Église, n'est pas seulement celle d'hier. Mais d'aujourd'hui, comme d'ailleurs le rapport de la CIASE nous en mettait en garde. C'est là le réel et il est et reste notre maître.
Nous sommes ici ces jours - et je vous remercie chaleureusement toutes et tous d'avoir bravé les intempéries sociales et autres circonstances - pour poursuivre la mise en œuvre des recommandations de la CIASE grâce aux 10 groupes de travail mis en place fin 2021. 5 spécifiques à la CORREF et 5 conjoints avec la CEF. J'en remercie pour nous tous les pilotes et membres pour leurs ouvrages fondamentaux et denses. Entamer ainsi une authentique transformation de nos manières de vivre - « un changement de culture » disant Mgr Éric de Moulins Beaufort lors de son discours de clôture de l'Assemblée plénière de Lourdes il y a quelques jours. Le faire afin que nous sortions des empêtrements pour reprendre un autre terme de ce même groupe de travail « où chaque évènement est comme une clef de voûte située à la croisée d'un ensemble de lignes de forces et non le résultat d'une cause unique. » Il nous fallait alors voir large dans les questions abordées et les travaux effectués en témoignent avec une grande rigueur. Non pour nous démoraliser. Mais au contraire comprendre qu'à crimes systémiques réponse systémique. Aussi toute décision qui renforce la liberté et la dignité, protège des confusions, empêche les cumuls de positionnements, se prémunit contre les corporatismes, l'enclos de l'entre-soi et les idéalisations, qui nomme les choses telles qu'elles sont, toutes ces décisions luttent contre la chaîne des abus et des agressions. Pour nous-mêmes, nos propres membres, notre sens à être dans la vie religieuse avec liberté, comme pour celles et ceux dont nous avons mission de prendre soin.
Alors durant nos 3 jours, écouter, converser, débattre, chercher, argumenter, décider. Nous mettre à l'école des uns et des autres. Des groupes de travail que nous recevrons, de Frédéric Mounier notre coordonnateur et qui a suivi tous les travaux, de M. le juge Édouard Durand à qui je vais céder la parole avec beaucoup de gratitude, de la CRR et de son président Antoine Garapon, des victimes-témoins et supérieurs majeurs qui témoigneront du chemin fait avec la Commission.
Jeudi il faudra nous prononcer, du lieu de notre responsabilité, dans notre institut et pour la vie religieuse en France. Le conseil de la CORREF - que je remercie particulièrement ainsi que SG et toute équipe de la rue Duguay Trouin - à partir des recommandations des groupes, a fait un travail d'appropriation afin de vous le présenter et qu'il puisse être débattu et soumis au vote, « Les bonnes pratiques et les préconisations » sont la façon dont nous avons ensemble tenté une interprétation aussi fidèle que possible des propositions des groupes. Comme vous l'avez vu, pour nos votes nous ne prendrons en compte que les travaux que nous avons pu vous envoyer en temps et heure selon nos statuts, à savoir les 5 groupes spécifiques. Non que les 5 autres ne soient pas tout aussi essentiels. Aussi nous les écouterons et échangerons avec eux. Mais les votes concernant leurs travaux n'interviendront qu'à notre AG de novembre. Ce qui est aussi une façon de nous signifier qu'il ne s'agit pas de passer tranquillement à « autre chose ».
Nous vivons notre Assemblée au cœur dans cette grande semaine pascale.
Peut-être sommes-nous comme ces deux hommes, qui entrent et sortent du tombeau vidé de la mort. Comme le mouvement d'une vie, de toute vie. Leur corps épouse ce qui est advenu au corps de Jésus qui est entré, mort, en ce tombeau, et en est ressorti, vivant Métaphore de la foi. Métaphore - nous l'espérons tant - du sens de l'existence. Ces deux hommes qui sortent du tombeau sont nos précurseurs. Leur corps passe du lieu de la mort, du silence, du scandale de la souffrance et de l'injustice, à l'espace ouvert, incertain et risqué de la vie vivante,
Anne Marie Pelletier écrivait magnifiquement, lors du chemin de croix à Rome en 2017, à, propos de la 14e et dernière station à propos des femmes : « s'apprêtent-elles seulement, par ce geste, à embaumer leur espérance ? Et si Dieu avait préparé une réponse à leur sollicitude qu'elles ne peuvent deviner, imaginer, pressentir même... La découverte d'un tombeau vide... , l'annonce qu'il n'est plus ici, parce qu'il a brisé les portes de la mort... ». C'est là notre foi. Croire à la sollicitude de notre Dieu qui en son Fils ressuscité nous témoigne qu'il est juste et bon, d'essayer de Le suivre jusque là où son corps fut déposé. Il fera le reste.
Pourtant, des pierres doivent encore être roulées. Ensemble.
Et décidément : « Ne travaille pas au malheur de ton prochain alors qu'il vit sans méfiance auprès de toi ». Pr 3, 28
Merci encore à vous tous ici, aux supérieurs/es majeurs/es, aux membres des groupes de travail, aux victimes-témoins, à Jean Christophe Meyer, délégué de la CEF, aux journalistes et à leur intérêt pour nos travaux. Merci à Catherine Shirk Lucas et sa magnifique initiative des Rubans contre l'oubli.
Bonne assemblée à nous tous.
Je vous remercie
sr Véronique Margron,
présidente de la CORREF
1. C'est à la gravité de la faute que doit se mesurer la portée de l'excommunication ou du châtiment.
2. Cette gravité des fautes est remise au jugement de l'abbé.
3. Si toutefois un frère se trouve coupable de fautes légères, on le privera de la participation à la table.
4. Celui qu'on aura privé de la table commune sera au régime suivant ;: à l'oratoire, il n'imposera pas de psaume ou d'antienne ni ne récitera de leçon jusqu'à satisfaction.
5. Quant à la nourriture de son repas, il la prendra seul après le repas des frères :
6. si par exemple les frères ont leur repas à la sixième heure, ce frère aura le sien à none ; si les frères l'ont à none, il l'aura à vêpres,
7. jusqu'à ce que, par une satisfaction convenable, il obtienne son pardon.
A la veille de notre célébration pénitentielle, ce chapitre me donne l'occasion de dire quelques mots sur ce temps important de réconciliation que nous allons vivre. Réconciliation avec le Seigneur, réconciliation entre frères. La logique des chapitres du code pénitentiel de la règle est une logique de réparation, ou selon le mot souvent repris, une logique de « satisfaction». Quelque chose dans la vie commune a été blessé par la faute d'un frère, il faut réparer, ou selon l'étymologie du mot « satisfaction » en « faire assez », en « faire suffisamment" pour remettre les choses dans l'ordre de la charité. Le but est de permettre aux frères de se retrouver dans la justice et dans la charité, pour poursuivre la vie commune.
Le sacrement de la réconciliation obéit à une autre logique. Il obéit à la logique de l'abondance du don. Pour prendre une image, il est comme la fontaine sous laquelle on se place pour y boire, pour s'y rafraichir et même pour s'y laver. Depuis que Jésus a pris nos péchés sur la croix, son pardon est toujours là offert, disponible depuis son côté ouvert. C'est l'eau de l'Esprit qui lave et transfigure, qui chasse les ténèbres du péché pour reprendre les mots du beau tropaire de l'aveugle-né. Du point de vue de Dieu, tout est donné. De notre point de vue, nous n'avons rien à faire, ou à apporter, pour faire bonne figure et mériter le pardon. Non, il nous revient simplement de nous mettre sous la fontaine ... De croire que nous sommes aimés et pardonnés avant même de le désirer. Et plus nous oserons nous mouiller, plus l'eau pourra nous laver, non seulement les mains ou le visage, mais aussi tout l'être. En venant reconnaitre nos manquements dans la vie commune, et nos péchés devant le Seigneur, nous venons lui exposer les parties pas très propres pour qu'il les purifie et les renouvelle. Notre désir de justice et de vérité est réveillé par le Seigneur lui-même, par sa Parole qui illumine nos coins obscurs. Nous sommes faits pour la lumière, pour notre plus grande joie et pour celle de notre Père. Entrons dans la logique de notre Dieu qui désire nous pardonner, nous donner par-dessus le marché. Avec foi, approchons-nous de lui, et laissons-le nous purifier, nous renouveler.
1. Si un frère se montre récalcitrant ou désobéissant ou orgueilleux ou murmurateur et contrevenant sur quelque point de la sainte règle et aux commandements de ses anciens, avec des manifestations de mépris,
2. ses anciens l'avertiront, selon le commandement de Notre Seigneur, une première et une seconde fois en privé.
3. S'il ne s'amende pas, on le réprimandera publiquement devant tout le monde.
4. Si même alors il ne se corrige pas, s'il comprend ce qu'est cette peine, il subira l'excommunication.
5. Mais si c'est une mauvaise tête, il recevra un châtiment corporel.
Comment corriger un frère qui « se montre récalcitrant ou désobéissant ou orgueilleux ou murmurateur et contrevenant sur quelque point de la sainte règle et aux commandements de ses anciens, avec des manifestations de mépris ? » Un frère se raidit et campe sur des positions dures et méprisantes pour les autres. En quelque sorte, il se met au-dessus de la loi et de la vie commune. Ce genre de situation de blocage nous remet devant le mystère du péché. Il me fait penser aux mots de St Paul aux Romains dans sa réflexion sur la Loi. « Je n'aurai pas connu le péché s'il n y avait pas eu la Loi, en effet j'aurai ignoré la convoitise si la Loi n'avait pas dit : Tu ne convoiteras pas. Se servant de ce commandement, le péché a saisi l'occasion : il a produit
en moi toutes sortes de convoitises ... » (Rm 7, 7-8) ... Dans la vie monastique, tous nous sommes remis sous une loi et des coutumes, et parfois à cause d'elles, nous tombons. C'est-à dire que nous transgressons, ou bien nous nous dérobons à l'exigence, nous manquons le but proposé par la règle et ces coutumes. Comment allons-nous nous situer devant cette difficulté du mal commis? Allons-nous essayer de dissimuler l'infraction pour faire bonne figure, mais en trichant finalement ? Allons-nous nous cabrer en refusant cette loi, et la déclarant non avenue, et donc en nous enfermant dans notre droit contre la communauté ? Allons-nous au contraire accepter humblement notre défaillance, notre manquement, en reconnaissant notre faiblesse devant cette loi qui est une aide, mais que je peine à assumer pleinement ? Il est bon de réfléchir à notre manière de nous situer par rapport à nos défaillances face à la Loi. Celle-ci en effet nous remet souvent en pleine figure notre faiblesse, notre péché foncier : celui de ne pas aimer pleinement, ni Dieu ni les frères ... Et c'est ici, que nous pouvons rejoindre l'intuition théologique fondamentale de Paul : ce n'est pas la loi monastique qui nous rend juste. Au contraire, elle met plutôt en évidence notre faiblesse. Si la loi ou la règle monastique est là comme une aide qui nous offre une certaine structuration de notre vie, elle ne nous sauve pas. Nos faiblesses, nos manques peuvent être alors de bonne occasion de nous remettre sous la grâce du Christ. C'est lui qui donne la force, mais aussi la lumière, et surtout l'amour. Sans Lui, nous ne pouvons rien faire. Aussi celui qui se cabre, c'est-à-dire parfois l'homme intérieur en nous, celui qui se durcit par orgueil, n'est-il pas celui qui pense pouvoir devenir fort par lui même? Face à la loi, il n'y arrive pas, alors il se rebelle. Il déclare que la loi n'a pas de valeur. Il s'exclue de la vie commune. Il n'a pas reconnu la chance que pouvait lui offrir la loi: celle de lui révéler sa faiblesse foncière qui l'entraine à se remettre plus humblement au salut apporté par le Christ.
1. Ils auront chacun un lit pour dormir.
2. Ils recevront, par les soins de leur abbé, une literie adaptée à leur ascèse personnelle.
3. Si faire se peut, tous dormiront dans un même local. Si leur grand nombre ne le permet pas, ils reposeront par dix ou par vingt avec leurs anciens, qui veilleront sur eux.
4. Une lampe brûlera continuellement dans cette pièce jusqu'au matin.
5. Ils dormiront vêtus et ceints de ceintures ou de cordes, pour ne pas avoir de couteaux à leur côté pendant qu'ils dorment, de peur qu’ils ne blessent le dormeur pendant son sommeil,
6. et pour que les moines soient toujours prêts et que, quand on donne le signal, ils se lèvent sans attendre et se hâtent de se devancer à l'œuvre de Dieu, mais en toute gravité et retenue.
7. Les frères encore adolescents n'auront pas leurs lits les uns près des autres, mais mêlés aux anciens.
8. En se levant pour l'œuvre de Dieu, ils s'exhorteront mutuellement avec retenue, à cause des excuses des somnolents.
Dans nos vies humaines, le sommeil tient une place si importante, qu'il n'est pas étonnant de s'interroger sur les conditions de lieux, de temps et de manière pour bien dormir. Pour nous moines, je note un premier point relevé par Benoit : avoir un lit et une literie adaptée à l'ascèse de chacun. Nous sommes sensibles aujourd'hui en ce domaine, moins à l'ascèse qu'à la juste mesure, celle qui convient pour permettre à chacun d'avoir un sommeil réparateur, confortable sans excès. L'ascèse se jouera pour nous davantage dans le fait de se coucher sans trop tarder pour pouvoir mieux se lever pour les vigiles. L'ascèse est dans le fait de renoncer à disposer de tout son temps, pour mieux nous donner à la prière. Oui, veillons à demeurer des hommes de prière, à garder notre temps pour Dieu. S'il y a un moment de détente par la lecture, par ex, soyons attentif à le proportionner pour garder sa priorité à la prière.
Là où Benoit recommandait de dormir dans des dortoirs communs, nous avons adopté la cellule individuelle. Chacun peut ainsi disposer de son« chez soi». C'est,je crois important et heureux de pouvoir ainsi se retrouver dans son lieu. C'est aussi une exigence : allons-nous le transformer en caverne d' Ali Baba où s'entassent tous les trésors possibles? Allons-nous garder propre et rangée notre cellule afin qu'elle reste un lieu de paix, propice à la prière, à la lecture sous le regard de Dieu ? En ce temps de Carême, profitons-en pour faire du ménage, pour nous débarrasser de choses inutiles, objets, vêtements ou autres, qu'on peut confier à la procure ou à la lingerie.
Dernière insistance de Benoit : le lever. Nous ne sommes pas destinés à demeurer toujours au lit ! Et notre premier mouvement est de nous lever pour la prière. Nos premiers mots sont pour Dieu, que ce soit à 2h00 ou bien à 6h00. Nous pouvons nous réjouir d'être ainsi fortement conviés, guidés, orientés dès le matin vers Dieu. La cloche nous y aide, l'émulation fraternelle aussi. Nous avons de la chance d'être ainsi stimulés. Aurions-nous la même exigence, laissés seul à nous-mêmes ? Ici, sachons nous connaitre : si la cloche est trop faible, sachons trouver un réveil, et si le réveil n'est pas assez fort, sachons aussi demander de l'aide... Sauf si pour des raisons de santé, il faut se reposer. Notre vie commune est un soutien offert à chacun afin de demeurer ensemble, non des dormeurs, mais des veilleurs.
1. Si la communauté est nombreuse, on choisira parmi eux des frères de bonne réputation et de sainte vie, et on les nommera doyens,
2. pour qu'ils veillent sur leurs décanies en tout selon les commandements de Dieu et les ordres de leur abbé.
3. Ces doyens seront choisis de telle manière que l'abbé puisse, en sécurité, partager avec eux son fardeau.
4. Et on ne les choisira pas en suivant l'ordre d'ancienneté, mais d'après le mérite de leur vie et la sagesse de leurs enseignements.
5. Ces doyens, si l'un d'eux, venant à s'enfler de quelque orgueil, se montre répréhensible, et si après avoir été repris une, deux, trois fois, il refuse de se corriger, on le destituera
6. et on mettra à sa place quelqu'un qui en soit digne.
7. Pour le prévôt aussi, nous prescrivons de faire de même.
Il est intéressant de comparer ce chapitre de St Benoit sur les doyens avec celui de la règle du Maitre dont il s'est inspiré. Le Maitre parle de « prévôt » et Benoit de « doyens ». Le long chapitre du Maitre, de 123 versets, est scindé en deux chapitres par St Benoit, celui sur les doyens de 7 versets, et le suivant sur la manière de dormir de 8 versets. Par cette coupe drastique, St Benoit laisse de côté de nombreux détails développés par le Maitre, comme
« l'investiture de cette dignité de doyens ou prévôts » (RM 11, 15) durant laquelle on remet une verge, symbole de son autorité sur les frères. Ou encore le maitre établit deux prévôts sur chaque groupe de dix frères, afin que si les uns vont dans un endroit au travail, ils soient accompagnés par le premier, tandis que les autres ont toujours le second « qui assure par sa présence la surveillance de leurs vices » ... (RM 11, 22sq). Le Maitre explicite que les prévôts ont pour charge de reprendre leurs frères (RM 11, 42), en veillant à ce qu'il ne parle qu'à bon escient, à ne pas mentir, à ne pas jurer, ni à se mettre en colère, ni à être prompts à rire. Aux côtés de l'abbé, le prévôt a donc une tâche spirituelle (RM 11, 94-96).
Que retenir de la concision de Benoit sur ce même chapitre ? En utilisant le mot «doyen» plutôt que «prévôt» qu'il réserve au second du monastère (notre prieur), il évite peut-être une trop grande mise en valeur de ce rôle (au-dessus de) qu'il ne confie pour sa part qu'à un seul qui sera en responsabilité de 10 frères. S'il semble redonner toutes les attributions du prévôt aux doyens, notamment celle de partager le fardeau de l'abbé, l'absence de mention de surveillance et de correction, dégage une toute autre approche de la fonction. Moins policière plus fraternelle. Moins en surplomb, plus aux côtés des frères. Mais St Benoit fait un ajout qui peut paraitre plus sévère à certains égards. Il met en garde contre la tentation d'orgueil qui pourrait survenir. Il prévoit une correction fraternelle pour y remédier, et un remplacement du doyen par un autre, si cela n'est pas suivi d'effet. Pour St Benoit, le souci de l'humilité est constant. Il doit animer ses frères. Ces notations nous intéressent aujourd'hui encore lorsqu'on pense aux doyens qui conseillent l'abbé, mais aussi aux responsables de groupe qui jouent un rôle pastoral auprès des frères. Chacun, doyen et responsables de groupe sont des frères parmi les frères. Ils ne sont pas au-dessus. Aussi doivent-ils prendre de la hauteur par rapport à leurs mouvements spontanés. Il s'agit de se mettre d'abord à l'écoute de la communauté et de son bien. Que notre prière bienveillante les accompagne pour qu'ils apprennent à penser les choses non d'abord en fonction de leurs goûts ou de leurs idées, mais en vue du bien de tous.
1. Si, lorsque nous voulons présenter quelque requête aux hommes puissants, nous n'osons le faire qu'avec humilité et révérence,
2. combien plus devons-nous supplier le Seigneur Dieu de l'univers en toute humilité et très pure dévotion !
3. Et ce n'est pas par l'abondance des paroles, mais par la pureté du cœur et les larmes de la componction que nous serons exaucés, sachons-le bien.
4. Aussi l'oraison doit-elle être brève et pure, à moins qu'elle ne vienne à se prolonger sous l'effet d'un sentiment inspiré par la grâce divine.
5. En communauté, cependant, le temps de l'oraison sera tout à fait bref, et dès que le supérieur aura donné le signal, on se lèvera tous ensemble.
Ce petit chapitre est précieux pour nous redire le fin travail, toujours à reprendre, que constitue la prière. S'il nous arrive de penser que nous savons prier, soyons heureux si quelque évènement ou parole, nous rappelle à notre inconscience. Dans la prière, nous sommes toujours des apprenants. des commençants. C'est dans cette lumière, que st Benoit à la suite des Pères du désert, invite à l'humilité et à la pureté du cœur, lorsque nous nous tournons vers Dieu. Qui sommes-nous pour nous tenir devant Lui? Pouvons-nous prétendre être quelqu'un, nous qui nous nous recevons tout entier de Lui, et qui si souvent vivons comme des propriétaires installés, oubliant que nous ne sommes que des locataires pèlerins ? Les larmes ou la componction du cœur, la capacité à être vrai devant le Seigneur, la simplicité à nous reconnaitre pécheur sont autant de moyens préalables qui nous font entrer dans la juste attitude intérieure. Je cite Evagre : « Assurément, si tu as conscience de tes limites la componction te sera plus facile ; lu t'appelleras misérable, comme !saie 17, parce que, impur et ayant des lèvres impures, au milieu d'un pareil peuple ...tu oses te présenter au Seigneur des Puissances » (Traité Oraison 78). Il dit encore : « S'il te semble que dans ta prière tu n'as plus besoin de larmes pour tes péchés, considère combien tu t'es éloigné de Dieu alors que tu devrais être en lui sans cesse, et tu pleureras plus chaudement.» (ibid 77). Un peu plus loin : « Efforce-toi d'acquérir beaucoup d'humilité et de courage, et les insultes des démons ne toucheront pas ton âme ; nul fléau n'approchera de ta tente, parce qu'il donnera en ta faveur des ordres à ses anges pour qu'ils le gardent /Ps 90); et les anges chasseront invisiblement loin de toi toutes les entreprises hostiles ». (ibid 95). Je retiens encore quelques conseils d'Evagre pour la prière : sur la persévérance dans la prière : « Si tu n'as pas encore reçu le charisme de la prière ou de la psalmodie, obstine-toi et tu recevras ». (ibid 86). Un autre sur l'objet de la prière : « Ne veuille pas que ce qui te concerne s'arrange selon tes idées, mais selon le bon plaisir de Dieu ; alors tu seras sans trouble et plein de reconnaissance dans ta prière". (ibid 88). Ayons à cœur de chercher la volonté, le bon plaisir de Dieu.
Enfin, deux derniers conseils, sur la cohérence entre notre vie et notre prière. « Quiconque aspire à la prière véritable et se met en colère ou garde de la rancune fait preuve de démence. Il est semblable à un homme qui voudrait avoir la vue perçante et qui s'arracherait les yeux». (ibid 64). « Si lu aspires à prier, ne fais rien de tout ce qui est incompatible avec la prière, afin que Dieu s'approche et fasse route avec toi». (ibid 65).
1. Nous croyons que la divine présence est partout et que « les yeux du Seigneur regardent en tout lieu les bons et les méchants. »
2. Cependant, c'est surtout quand nous assistons à l'office divin que nous devons le croire sans le moindre doute.
3. Aussi rappelons-nous toujours ce que dit le prophète : « Servez le Seigneur dans la crainte » ;
4. et encore : « Psalmodiez sagement » ;
5. et : « En présence des anges je psalmodierai pour toi. »
6. Considérons donc comment il nous faut être en présence de la divinité et de ses anges,
« Vivre à Dieu seul et se tenir en sa présence » avons-nous chanté pour la St Benoit. Se tenir en présence de Dieu en toutes nos activités, tel est le but de notre vie monastique. Vivre en sa présence, de telle sorte que nous soyons tout unifié dans l'accomplissement de sa volonté. Comme la Vierge Marie qui consent à l'avènement de la Parole en sa vie, nous sommes appelés à « bâtir notre demeure dans les vouloirs du Père ». Sur ce chemin d'unification, la prière de l'office peut être considérée comme un lieu de grâce privilégiée. Plusieurs fois par jour, il nous est donné de nous remettre en présence de Dieu, de « croire sans Je moindre doute», qu'Il est là et qu'Il nous attend pour poursuivre la conversation avec Lui. Tel est le désir de Dieu, converser avec nous, à travers sa Parole abondamment offerte. L'habitude peut nous faire oublier la grâce que représente ces rendez-vous tout au long de la journée. Sous son regard, toutes nos activités, nos pensées et nos désirs, mais aussi nos conflits intérieurs, tout cela est ressaisi par l'Amour qu'il nous offre. Oui, nous sommes aimés gratuitement par Celui dont l'immensité n'a d'égale que notre petitesse, assumée en Jésus. Sous son regard d'amour, point de peur, car s'il est très grand, il s'est fait si proche. En réponse à cet amour généreusement offert, la prière voudrait nous éduquer à la juste crainte, faite d'un profond respect aimant. Respect aimant qui est notre réponse et notre entrée dans le dialogue que Dieu a initié le premier en nous appelant. Je vois deux points d'attention pour nourrir ce respect: notre attitude corporelle et notre vigilance pour que notre esprit concorde avec notre voix. Notre attitude corporelle : dès notre entrée dans l'église, notre manière de nous incliner engagée, puis notre manière de nous tenir assis et debout dans une ouverture et une écoute, vont nous aider à !!Qilli disposer avec détermination devant notre Dieu. Notre attention à faire concorder notre esprit avec notre voix est aussi sans cesse à reprendre. Notre esprit est si prompt à l'évasion. Ici, humblement gardons Je désir de ne jamais en relâcher sur ce point, pour revenir sans cesse à ce labeur intérieur. Ne nous habituons pas à passer la plupart de nos offices toujours en train de vagabonder ailleurs. Demandons-lui son aide. Il s'agit de prendre au sérieux Je dialogue que Dieu veut nouer avec nous, en comprenant les mots, en les laissant résonner pour entendre à travers eux, Celui dont« la voix est la plus secrète».
22. Par dessus tout, nous donnons cet avertissement : si quelqu'un n'aime pas cette distribution des psaumes, qu'il établisse une autre ordonnance, s'il la juge meilleure,
23. pourvu qu'il maintienne absolument la psalmodie intégrale des cent cinquante psaumes du psautier chaque semaine et la reprise perpétuelle par le commencement aux vigiles du dimanche,
24. car les moines font preuve de par trop de paresse dans leur service de dévotion, quand ils psalmodient moins que le psautier, avec les cantiques accoutumés, en l'espace d'une semaine,
25. puisque nous lisons qu'une fois nos saints Pères accomplirent cela vaillamment en un seul jour. Tièdes que nous sommes, puissions-nous du moins nous en acquitter en une semaine entière !
Ces lignes de St Benoit sont une belle expression de sa liberté d'esprit. Conscient d'avoir lui-même fait des choix propres parmi d'autres cursus, celui de l'office romain, celui du Maitre, dans la distribution des psaumes pour les offices de la semaine, St Benoit ne veut pas imposer son choix. Il lui importe cependant que tous gardent la récitation du psautier en une semaine... Il serait intéressant ici d'étudier et de rechercher sur quel fondement théologique repose cette injonction que Benoit reçoit des moines d'Egypte. Avaient-ils la connaissance de la conviction juive que le psautier est un résumé de la Bible? Faisaient-ils un rapprochement entre la récitation en une semaine et la semaine de la création tendue vers le sabbat et le 8° jour ?
St Benoit retient quant à lui surtout l'aspect ascétique et moral. Réciter le psautier est une expression de l'art propre des moines. de leur service de dévotion. Ils se sont voués à louer Dieu en tout temps et à lui donner toute leur énergie. Faire moins que dire le psautier en une semaine serait pour lui faire preuve de« paresse». Ce mot« paresse »traduit« iners » en latin. Il signifie« étranger à tout art (in-ars)»,« sans activité»,« sans énergie». Célébrer moins que le psautier en une semaine serait manquer à son devoir, à l'art que les moines ont choisi d'exercer pour l'amour de Dieu: celui de le chanter en tout temps. Je retiens de cet avertissement de St Benoit, le sérieux qu'il attend de ses moines dans l'exercice de leur mission de prière. Nous pouvons toujours nous demander si parfois, dans notre service nous ne sommes pas un peu paresseux. Non pas tant parce que nous prions le psautier en deux semaines, mais davantage dans notre manière de nous impliquer dans l'office. Lorsque nous préférons ne pas chanter. .. lorsque nous n'avons pas nos feuilles, lorsque nous ne sommes pas appliqués à ce que l'on fait, nous habituant à faire des erreurs, lorsque nous ne prenons pas soin de nous faire remplacer lorsque nous sommes absents, sans nous assurer que le service sera bien accompli et par qui... Regardons un peu notre manière de célébrer l'office et la liturgie en général, et soyons attentifs pour ne pas nous installer dans une sorte de paresse où nous nous laissons porter par le courant, en oubliant que chacun, nous sommes responsables de ce qui se passe dans l'église. Comme nous le verrons dans les chapitres suivants, c'est le service du Seigneur qu'il nous revient d'honorer, notre art, célébré pour nous, pour toute l'église et pour l'humanité.
Comme je le disais la dernière fois, l'ordre des psaumes n'est pas anodin pour Benoit. J"ai souligné le relief donné au dimanche comme jour de la victoire du Christ sur la mort, mais aussi le relief donné aux petites heures comme des expressions de notre pèlerinage vers la patrie. Mais de nouveau, lorsque St Benoit recommande de commencer à Vêpres par le Ps 109, il met en valeur le dimanche. Ce Ps messianique par excellence, est relu avec le NT comme une prophétie de la résurrection du Christ et de son accès à la droite du Père. De même les psaumes suivants 110-112 avec l'insistance sur !'alléluia conviennent bien pour le dimanche. Ensuite, la répartition des autres psaumes pour vêpres des autres jours, semble plus obéir à une distribution un peu mécanique, comme mieux laisser la place d'honneur au dimanche.
Ensuite, on retrouve une autre petite heure mise en relief par le choix des 3 mêmes psaumes qui y seront toujours répétés : 4, 90 et 133 : l'office de complies. Le choix des psaumes semble guidé par la capacité des psaumes à faire entrer dans la nuit, dans la confiance. Je cite le P. Adalbert: « Chacun (des Ps) fait apparaitre un aspect différent de la nuit. Temps de sommeil et du repos. mais aussi de la 'componction' el de l'espérance (Ps 4), ces heures de ténèbres sont encore celles où! 'ennemi menace davantage et où il faut donc se réfugier en Dieu (Ps 90). Finalement. c'est à bénir le Seigneur au cours des nuits que nous invite le dernier 'chant des montées' (Ps 133). à bénir le Seigneur en tout temps comme nous le béniront dans toute l'éternité » (P. Adalbert de Vogüé, Ce que dit St Benoit, Bellefontaine 1991, p 127). On pourrait dire, le choix des psaumes de complies à une visée éminemment spirituelle et pastorale. Il me semble qu'on retrouve ces différentes notes d'invitation à la confiance, à l'abandon à Dieu dans le choix plus large des psaumes fait pour nos complies.
Un autre point me semble intéressant à relever à propos des vigiles, c'est que pour cet office, à part le Ps 20 du dimanche comme on l'a vu, le choix et l'ordre des psaumes ne semble pas avoir d'importance. St Benoît propose de les distribuer à la suite, en les coupant en deux s'ils sont trop longs. Son seul souci est de maintenir leur nombre de 12. Ce non-choix des psaumes, pris à la suite les uns des autres, me semble tout à fait significatif, pour mettre en relief ce que sont les vigiles. Avant tout, elles sont un temps de veille, où l'on dure devant le Seigneur dans la prière. Une prière persévérante durant laquelle peuvent s'exprimer toutes les harmoniques du coeur humain, du cri de détresse à la louange. Dans la nuit, il importe surtout d'être là, d'être là uni à tous les humains qui ne peuvent ou ne savent pas vers qui se tourner.
1. Nous avons déjà disposé l'ordonnance de la psalmodie aux nocturnes et aux matines ; voyons maintenant les heures suivantes.
2. A l'heure de prime, on dira trois psaumes séparément et non sous un seul gloria,
3. l'hymne de cette même heure après le verset : « Dieu, viens à mon aide », avant de commencer les psaumes.
4. Après l'achèvement des trois psaumes, d'autre part, on récitera une leçon, le verset et Kyrie eleison , et le renvoi.
5. A tierce, sexte et none, d'autre part, on célébrera la prière de même, selon cette ordonnance, c'est-à-dire le verset, les hymnes de ces mêmes heures, trois psaumes à chacune, la leçon et le verset, Kyrie eleison et le renvoi.
6. Si la communauté est plus nombreuse, on psalmodiera avec antiennes, mais si elle est moins nombreuse, sur le mode direct.
7. Pour la synaxe vespérale, on se bornera à quatre psaumes avec antiennes.
8. Après ces psaumes, on récitera la leçon, puis le répons, l'ambrosien, le verset, le cantique de l'Evangile, la litanie, et par l'oraison dominicale se fera le renvoi.
9. Pour les complies, on se bornera à dire trois psaumes. Ces psaumes seront dits directement, sans antiennes.
10. Après quoi l'hymne de cette même heure, une leçon, le verset, Kyrie eleison , et par la bénédiction se fera le renvoi.
En quel ordre? Cette question nous replace devant l'importance du sens que reçoit tout ce que l'on fait, et ici le chant de l'office, par la manière dont s'est ordonné. Le choix des psaumes n'est pas laissé au hasard. St Benoit propose ici un ordre qui veut mettre en relief plusieurs choses. Tout d'abord, il met en relief un jour particulier de la semaine, le seul qui soit ainsi remarqué : le dimanche. Par deux fois, dans les lignes entendues, est stipulé que le dimanche, on commencera les vigiles par le Ps 20, et qu'à l'office de Prime, on reprendra toujours le Ps 118. Quand on connait le Ps 20, qui est un chant de victoire : « Seigneur le roi se réjouit de ta force, quelle allégresse lui donne ta victoire ! Tu as répondu au désir de son cœur... » Michaela Puzicha pense que St Benoit met ici en valeur ce Ps car il était reçu par les pères comme un cantique de résurrection. Par le choix de ce Ps pour « la psalmodie le dimanche, on voit toute la signification pascale que Benoit donne à toute la prière chorale. C'est le Christ, le Seigneur ressuscité qui est célébré ...L'orant appartient au peuple de rois qui participe déjà de cette résurrection » (M. Puzicha, Commentaire de la RB, les Editions du Net, p 227). Et de même lorsqu'il s'agit de reprendre le dimanche à Prime, le Ps 118 qui est une longue méditation de la loi, M. Puzicha commente : « Ainsi, St Benoit déclare que le dimanche sera marqué par la méditation de! 'Ecriture sainte ...La méditer, voilà la voie sur laquelle doit marcher le moine sous la conduite de l'Evangile» (ibid p 227-228). Ensuite St Benoit met en relief les petites heures par le choix répété des mêmes psaumes qui leur sont attribués : soit le Ps 118 qui poursuit le lundi la méditation de la Loi divine, soit les psaumes des montées (Ps 119-127) repris chaque jour à Tierce, Sexte et None. Ce choix des psaumes des montées est suggestif quand on sait le sens que leur ont donné les commentateurs: celui d'une« montée de nos vies vers le Ciel» (P. Adalbert de Vogüé, Ce que dit St Benoit, Bellefontaine 1991, p 125-126). Jour après jour, ces petites heures manifestent notre lente marche, sans cesse reprise, par laquelle nous avançons plus ou moins péniblement vers la patrie. Mettre en relief le dimanche pour placer tout notre chant sous la lumière du Christ ressuscité, et mettre en reliefles petites heures comme des signes de notre lente marche vers le Royaume, échelon après échelon, tels peuvent être quelques-unes des motivations de l'ordre des psaumes proposé par Benoit.