vendredi 15 août 2025 : fête de l’Assomption, horaire des dimanches (vigiles la veille à 20h45, messe à 10h) + concert à 16h.

Nota : L’office de None (14h45) sera prié au dolmen de ND de la Pierre-qui-Vire.

Commentaires sur la Règle



Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 72, v 5 Du bon zèle que doivent avoir les moines écrit le 20 juin 2013
Verset(s) :

5. ils supporteront sans aucune impatience leurs infirmités corporelles et morales ;;

Commentaire :

Il y a quelques jours, nous avions cette parole de Jésus : « Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense aurez-vous, que faites-vous d’extraordinaire ? » (Mt 5.46) Nous pourrions entendre ce matin dans cette lumière la recommandation de Benoît : « Ils supporteront sans aucune impatience leurs inimitiés corporelles et morales ». On pourrait paraphraser la parole de Jésus : « Si vous ne supportez pas ceux qui vous supportent, que faites vous d’extraordinaire, les païens n’en font-ils pas autant ». Dans la ligne de l’Evangile, Benoît nous exhorte à un surcroit d’amour. Plutôt que « Supporter » qui a acquis avec le temps une connotation négative d’endurer à contrecœur, on pourrait dire « porter » patiemment les infirmités corporelles et morales. On retrouve ce que Paul demandait aux Galates : « Portez les fardeaux les uns des autres et accomplissez ainsi la Loi du Christ ». Oui vivre en frères, c’est nous porter les uns les autres. On est spontanément d’accord pour vivre entre frères, quand tout va bien, quand les affinités sont en consonances, quand les tempéraments s’accordent. Mais cela les païens n’en font-ils pas autant ? Notre vie fraternelle ne sera vraiment chrétienne que dans la mesure où nous nous portons avec nos infirmités, nos faiblesses et nos épines. Si nous nous émouvons trop vite devant une contrariété, si l’infirmité morale ou physique nous indispose au point que nous faisons tout pour l’éviter, ne nous faisons pas trop vite illusion sur notre capacité à vivre une vie fraternelle chrétienne. Accepter tel frère tel qu’il est, porter dans la patience ses manières d’être et de faire qui nous déplaisent, demeurer toujours ouvert et près à dialoguer avec lui. Voilà la vie fraternelle à laquelle il nous faut œuvrer. Cela demande un gros travail intérieur, en même temps que la reconnaissance de notre faiblesse. Mais si nous acceptons de ne pas nous prendre pour la norme, si nous nous engageons dans cette lutte avec la grâce de Dieu, nous pourrons bâtir une vie fraternelle vraiment chrétienne. (2013-06-20)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 72, v 4 Du bon zèle que doivent avoir les moines, écrit le 19 juin 2013
Verset(s) :

4. ils « se préviendront d'honneurs mutuels » ;

Commentaire :

Je vais commenter un à un les versets de ce chapitre sur le bon zèle. En effet, Benoît énonce ici des recommandations qui se présentent à la manière des instruments des bonnes œuvres. Ces huit recommandations pourraient d’ailleurs constituer comme la conclusion du chapitre 4 sur les instruments de l’art spirituel. On pourrait même y voir une forme d’inclusion avec les premiers instruments. Ceux qui reprenaient le décalogue, la Loi. Et ceux-là, tous empreints de sève évangélique manifestent la Loi d’Amour qui élargit, qui fait éclater tous les cadres habituels.

« Il se préviendront d’honneurs mutuels ». Se prévenir, venir au devant, prendre les devants. Ce verbe porte en lui un élan, une hâte qui consonne bien avec le mouvement de la RB qui veut que le moine se hâte. Qu’il se hâte de façon générale vers le Royaume, mais aussi qu’il se hâte pour aller à l’office (on retrouve le même verbe praevenire en RB 22,6, quand il s‘agit de se stimuler les uns les autres au lever), et ici qu’il se hâte pour honorer son frère. Benoît souhaite voir parmi les moines cette belle émulation fraternelle qui veut qu’on se respecte et qu’on rivalise d’honneur les uns pour les autres. Ici rien d’hypocrite ou de forcé, mais un élan qui peut s’appuyer sur la parole de Paul : « Ne brisez pas l’élan de votre générosité ». Elan du cœur qui « regarde les autres comme plus méritants » pour reprendre encore des mots de Paul (Rm 12.10). Comment cultiver cet élan profond ? Certainement, en faisant taire les critiques ou le regard qui juge spontanément, pour se reconnaitre la belle part qui est en chacun. Développer un regard positif sur mes frères, être à l’écoute du meilleur. Eviter d’entrer dans des conversations qui jugent ou jaugent les autres. Ensemble, les uns par les autres, nous avons mieux à faire : Il nous faut les uns par les autres nous révéler le Christ, honorer en chacun le Christ qui est à l’œuvre en chacun de nous et qui façonne en chacun son visage. (2013-06-19)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 72, v 1-3 Du bon zèle que doivent avoir les moines écrit le 18 juin 2013
Verset(s) :

1. S'il existe un zèle mauvais et amer qui sépare de Dieu et conduit en enfer,

2. il existe aussi un bon zèle qui sépare des vices et conduit à Dieu et à la vie éternelle.

3. Tel est donc le zèle que les moines pratiqueront avec un ardent amour ;:

Commentaire :

Autrefois on appelait le sous-maître, le « zélateur », celui qui stimule le zèle des novices, le bon zèle. Nous sommes ainsi faits qu’effectivement, nous avons besoin d’être stimulés pour toujours aller au meilleur de nous-mêmes. C’est certainement une des fonctions de ces chapitres du matin : nous tenir en éveil et en alerte pour que le bon vin vieillisse bien et ne tourne pas en vinaigre. Dans une cave, on surveille le vinification. On tourne les bouteilles avec minutie pour éviter les dépôts. Le zélateur au noviciat, le maitre des novices et le père Abbé lors du chapitre veulent nous aider chacun à se tourner et à se retourner pour demeurer vivant dans sa vie monastique, sans faire de mauvais dépôts d’aigreur ou de paresse. Notre vie monastique, mais finalement toute vie humaine digne de ce nom, veut nous tirer dans ce sens vers le haut et le meilleur. Et ce meilleur est pour nous la vie en Dieu avec des frères aimés et servis, une vie intimement au Christ dans son Esprit. Sur la route du Royaume, le Saint Esprit, notre zélateur intérieur nous entraine à être toujours plus généreux jusqu’au bout avec le Christ. Il ne nous demande pas de faire des exploits, encore moins des choses éclatantes. Non, le bon zèle qu’il insuffle est un ardent élan qui trouve de plus en plus de joie à se donner et à se donner dans le secret. Car le bon zèle ne puise pas son énergie dans le regard des autres ou dans leur louange. Non il trouve sa force dans la Parole du Christ et dans la confiance qu’il nous fait. Le Seigneur Jésus ne nous appelle à rien d ‘autre, comme ce matin, qu’à « être parfait comme notre Père céleste est parfait » (Mt 5, 48). Il déplace sans cesse les bornes de notre zèle, car il le sait capable de beaucoup dans l’Esprit Saint qu’il nous donne. Avec l’oraison de cette 11° semaine du Temps Ordinaire, demandons « le secours de sa grâce » pour « vouloir et agir de manière à répondre à son amour ». (2013-06-18)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 71, v 1-9 Que l’on s’obéisse mutuellement écrit le 14 juin 2013
Verset(s) :

1. Ce n'est pas seulement envers l'abbé que tous doivent pratiquer le bien de l'obéissance, mais en outre les frères s'obéiront mutuellement,

2. sachant que par cette voie de l'obéissance ils iront à Dieu.

3. Aussi, mis à part les ordres de l'abbé ou des prévôts qu'il institue, ordres auxquels nous ne permettons pas que l'on préfère ceux des particuliers,

4. pour le reste tous les inférieurs obéiront à leurs anciens en toute charité et empressement.

5. Si quelqu'un est pris à contester, on le réprimandera.

6. De plus, si un frère reçoit une réprimande quelconque de l'abbé ou de n'importe lequel de ses anciens pour quelque raison que ce soit, si mince qu'elle puisse être,

7. et s'il sent que l'esprit de n'importe quel ancien est légèrement irrité contre lui ou ému si peu que ce soit,

8. aussitôt et sans délai il se prosternera à terre et fera satisfaction, étendu à ses pieds, jusqu'à ce qu'une bénédiction vienne calmer cette émotion.

9. Celui qui refuse de faire cela, on lui infligera un châtiment corporel, ou bien, s'il est obstiné, on le chassera du monastère.

Commentaire :

Ce matin Benoît nous invite à l’obéissance comme notre bien commun, notre bien à tous. Dans notre vie commune, c’est peut-être ce bien là qui est le plus précieux à mettre en commun. Nous détacher des biens matériels, renoncer à disposer de son compte personnel, tout recevoir du monastère, ceci nous le faisons au début de notre vie monastique. S’il nous faut être vigilant pour ne pas reprendre quelques réflexes de vieux garçons, cette mise en commun là des biens est assez simple à envisager et à comprendre.

La mise en commun du bien de l’obéissance est quelque chose qui mérite plus d’attention de notre part. Car ce n’est pas un bien palpable, ou un bien tellement circonscrit que nous pouvons être quitte une fois pour toutes. Et Benoît insiste, ce bien n’est pas seulement dû aux supérieurs, ce qui n’est pas facile toujours, mais aussi ce bien est dû les uns aux autres. Il m’arrive qu’un frère doive m’obéir en raison de ma charge et je peux quelque temps après lui obéir en raison de sa charge quand il me demande quelque chose. Chacun de nous sent très bien quand il est en position de devoir être obéi, que c’est rude à vivre si le frère rechigne ou se dérobe ou conteste. Il y a quelque chose qui coince !!

C’est en ce sens que l’obéissance est un bien mis en commun et cela très quotidiennement. Il constitue l’espace d’échange qui nous relie très souvent les uns aux autres. Ainsi tour à tour, je dois obéir et susciter l’obéissance. Je dois obéir sans délai, sans faire sentir au frère que sa demande n’est pas formulée comme il faut, sans faire peser un droit excessif pour protéger ma susceptibilité, à la manière des princes !!

Un autre jour, je devrais susciter et recevoir l’obéissance sans être dur ou me comporter comme un petit chef, ni faire sentir mon autorité.

Dans notre vie commune, c’est ce changement de rôle qui est beau, libérant, et en même temps qui est délicat à vivre. Car il n’y a pas comme à l’armée un général et des militaires du rang dans une relation à sens unique, immuable pour toujours. Mais nous vivons des relations entre frères qui se reconnaissent tour à tour dans leur charge respective et dans leurs responsabilités mutuelles, sans l’identifier à leur rôle. Le Père Abbé obéira au maître de chœur et le maître de chœur au Père Abbé, chacun dans son domaine respectif.

Cela nous invite à intérioriser ce bien de l’obéissance et à travailler ce qui en moi est raide ou susceptible ou grincheux. Il nous faut alors apprendre auprès du Christ, l’obéissance du cœur que fut la sienne, souple, ouverte à l’égard de son Père, mais aussi à l’égard des évènements et des rencontres des personnes : la cananéenne, Jaïre etc .. (2013-06-14)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 70, v 1-9 Qu’on ne se permette pas de frapper à tort ou à travers. écrit le 13 juin 2013
Verset(s) :

1. On évitera, au monastère, toute occasion de présomption,

2. et nous décrétons que personne n'aura le droit d'excommunier ou de frapper aucun de ses frères, s'il n'en a reçu pouvoir de l'abbé.

3. Mais « on reprendra les coupables en présence de tous, afin de faire peur aux autres. ;»

4. Quant aux enfants jusqu'à l'âge de quinze ans, tous auront soin de les maintenir dans l'ordre et les surveilleront,

5. mais en toute mesure et raison.

6. Si quelqu'un se permet quoi que ce soit contre un adulte sans instructions de l'abbé ou s'emporte sans discrétion contre des enfants, il subira les sanctions de règle,

7. car il est écrit : « Ce que tu ne veux pas qu'on te fasse, ne le fais pas à autrui. ;»

Commentaire :



Une communauté monastique ne peut pas être régie par la loi du plus fort, nous dit en substance ce chapitre. Les relations entre frères seront faites de mesure et de raison et non vécues sous la pression ou sous une quelconque violence. Benoît veut couper court à toute présomption d’imposer un diktat aux autres. Cette clarification est bonne à entendre car elle nous redit à quelle qualité de relation nous devons tendre entre nous. Une relation qui serait basée sur la domination de quelques uns et la soumission des autres n’est pas admissible. Une relation faite de chantage verba l ou affectif n’est pas admissible. Nos relations seront vraiment fraternelles si elles sont le fait d’hommes libres et surtout libres d’eux –mêmes. Si la tentation d’imposer un point de vue ou une manière de faire nous guette, elle fait signe que nous ne sommes pas complètement libres. Nous nous cherchons nous-mêmes et non la volonté de Dieu. De même pour le chantage. Nous sommes si peu assurés en nous-mêmes que nous forçons le passage au lieu de cheminer avec les frères.

Nos groupes de communauté sont de bons lieux pour apprendre à vivre cela au quotidien. Quand par exemple, on prépare une promenade, le fait de s’écouter et d’écouter ensemble vers quoi on peut se rallier est une heureuse expérience de vie fraternelle. Chacun apporte sa pierre à l’édifice mais ne l’impose pas, ni ne rejette a priori celle apportée par le voisin. Rien de plus destructeur ici qu’une parole du genre : « Si on fait ça, moi je ne viendrai pas ». Chantage qui paralyse tout le groupe. A l’inverse rien de plus constructif qu’une parole du genre : « Je ne suis pas très favorable à ce choix, mais si c’est le choix du groupe, je m’y rallie ». Cette parole vraie n’est pas une parole de soumission, mais au contraire une parole de liberté. Le frère sait être libre par rapport à lui-même et ne bloque pas le groupe.

Si nous sommes attentifs, nous découvrirons que la vie nous place souvent dans des situations de ce genre. Par nos paroles qui s’imposent ou par nos paroles qui se proposent, le climat fraternel est fragilisé ou au contraire fortifié. « Ce que tu ne veux pas qu’on te fasse, ne le fais pas à autrui ». (2013-06-13)

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 69, v 1-4 Prendre la défense d’un autre écrit le 01 juin 2013
Verset(s) :

1. Il faut prendre soin que personne au monastère, en aucune occasion, ne se permette de défendre un autre moine ou de lui servir comme de protecteur,

2. même s'ils sont unis par un lien de parenté quelconque.

3. Les moines ne se le permettront d'aucune manière, car cela peut être l'occasion de conflits très graves.

4. Si quelqu'un transgresse ce point, on le châtiera rigoureusement.

Commentaire :

La vigueur avec laquelle Benoit réagit dans ce chapitre peut nous

surprendre. Car il y a une indignation qui est bonne et saine. Face à

l'injustice, à la méchanceté, nous pouvons même avoir le sentiment de

trahir ce qu'il y a de plus noble et de plus authentique en nous, si nous

ne prenons pas la défense du plus pauvre, du plus petit. Qu'y a-t-il de

répréhensible à prendre la défense d'un autre, surtout s'il est fragile, et

victime d'injustice?

La Bible parle souvent de la défense de la veuve et de l'orphelin, du

pauvre, de l'opprimé, du juste persécuté. Jésus a été le premier à

blâmer celui qui charge ses frères de pesants fardeaux, celui qui

condamne sans appelles pécheurs. Au cœur du christianisme, il y a une

résistance à l'injustice, à l'oppression, au mensonge. Une résistance qui

demande souvent du courage, et un authentique don de soi. Il ne

faudrait pas que la vie monastique émousse cette capacité

d'indignation! Elle devrait plutôt l'affiner et la développer.

Mais le but de Benoit, dans la Règle, c'est de guérir notre humanité

blessée, de lui rendre sa dignité, sa beauté originelle. Il sait le péril qu'il

ya à vouloir se poser en défenseur d'un frère: « Je le protège. » Je me

mets au-dessus de lui. Je le considère comme moins grand que moi. Je

crois être le seul à savoir ce qui est bon pour lui. Mieux que le Père

Abbé et le reste de la communauté!

Nos relations fraternelles supposent l'égalité. Parce que c'est la vérité,

devant Dieu. Un frère peut avoir besoin de moi, mais cela est juste si je

reconnais le lieu où, moi aussi, j'ai besoin de lui. Bien souvent, quand je

prends la défense d'un frère, ce sont mes propres opinions, mes

intérêts que je défends. Ou ma relation avec lui, une complicité peut-

être.

Il faut beaucoup de courage pour aimer en vérité. Un courage qui

suppose une profonde lucidité sur ce qui m'anime vraiment, au plus

intime de moi. Cette lucidité demande que je sois capable de prendre

du recul, même vis-à-vis de ce qui m'indigne. (2013-06-01)

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 68, v 1-5 Si l’on en joint à un frère des choses impossibles. écrit le 31 mai 2013
Verset(s) :

1. Si l'on enjoint à un frère des choses pénibles ou impossibles, il recevra l'ordre de celui qui commande en toute douceur et obéissance.

Commentaire :

Frère Adalbert soulignait la beauté littéraire de ce chapitre: Sa

structure est claire. Trois phrases, chacune commence par une

hypothèse et finit par une directive. On voit ainsi se dérouler un drame

en trois actes: L'ordre pénible et sa réception; le constat

d'impossibilité et l'ouverture au supérieur. Le maintien de l'ordre, et

son exécution. A chaque étape, Benoit indique la manière de penser et

d'agir. L'ensemble est remarquablement agencé.

Benoit décrit ici un moment privilégié de notre vie. Un temps de plus

grande lucidité sur soi. Suis-je vraiment libre. Ma vie est-elle donnée à

Dieu et à mes frères? Il Y a des événements qui viennent cogner ce que

nous vivons, pour vérifier que cela sonne juste. Que derrière le

quotidien un peu répétitif, il y a un cœur qui aime, un homme qui

cherche Dieu, qui veut le servir et faire ce qu'il attend. Ce don de soi,

nous en sommes mauvais juges sur nous-mêmes. C'est plus facile de le

voir chez les autres. Il n'est pas rare d'entendre dire d'un frère: « Sa vie

est vraiment donnée ». Et lui-même n'en a peut-être pas conscience,

pris dans les combats des jours.

Nous dépensons souvent beaucoup d'énergie pour éviter certaines

situations, certaines rencontres, certains événements. Dans cet

interminable combat de Jacob, Dieu peut sembler, à première vue,

avoir le dessous. Nous pensons lui imposer notre volonté, éviter le

choc, faire semblant d'obéir tout en imposant notre volonté.

Mais il arrive aussi que ce que nous pensions impossible, intolérable, se

présente à nous. Nous pouvons être tentés de tout laisser tomber. Ou

nous soumettre de mauvais gré, tomber dans l'amertume. Mais parfois

nous découvrons avec surprise que l'impossible devient possible, avec

l'aide de Dieu. Nous découvrons alors que Dieu a si bien travaillé notre

cœur que les murs que nous avions dressés pour nous protéger sont

devenus inutiles. Ce long travail de dépouillement, c'est la voie royale,

le chemin de la liberté intérieure. (2013-05-31)

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 67, v 1-7 Des frères envoyés en voyage écrit le 30 mai 2013
Verset(s) :

1. Les frères qui vont partir en voyage se recommanderont à l'oraison de tous les frères et de l'abbé,

2. et à la dernière oraison de l'œuvre de Dieu, on fera toujours mémoire de tous les absents.

3. Quant aux frères qui reviennent de voyage, le jour de leur retour, à toutes les heures canoniales, quand s'achève l'œuvre de Dieu, ils se prosterneront sur le sol de l'oratoire

4. et demanderont à tous de prier en raison de leurs manquements, de peur de s'être laissé prendre en voyage à voir ou entendre une chose mauvaise ou une parole déplacée.

5. Et personne ne se permettra de rapporter à un autre tout ce qu'il aura vu ou entendu hors du monastère, car cela fait de très grands ravages.

6. Si quelqu'un se le permettait, il subira le châtiment de règle.

7. De même celui qui se permettrait de sortir de la clôture du monastère et d'aller n'importe où et de faire n'importe quoi, même de peu d'importance, sans l'autorisation de l'abbé.

Commentaire :

Ici commence ce qu'on peut appeler l'appendice de la Règle. Une demi-

douzaine de chapitres ajoutés à celui du portier, qui était primitivement

le dernier. La demande de relire régulièrement la Règle, en était la

conclusion. La première des questions traitées est celle des voyages:

Après la porte du monastère, le franchissement de cette porte, au

départ et au retour.

Saint Benoit n'a pas écrit sa Règle pour des moines pèlerins. Il se méfie

des gyrovagues. Le vœu de stabilité est au cœur de la conversion

monastique.

Pourtant, être moine, c'est entrer dans une dynamique du voyage, du

déracinement permanent, de l'exil, de l'exode pour suivre le Christ. Le

dynamisme de la conversion. Mais être moine c'est aussi apprendre

qu'il ne sert à rien de courir le monde: C'est le cœur qui doit se mettre

en route. L'important n'est pas de bouger, mais d'être vivant, d'avoir le

cœur vivant.

Il n'est pas utile de s'agiter, comme les gyrovagues pour qui le seul

point stable est leur volonté propre. Ils fuient toute occasion de se

convertir. Ce voyage auquel nous sommes invités ne nous mènera pas

au bout du monde. Notre pèlerinage est intérieur. Le désert que nous

avons à traverser est au-dedans de nous. Essayer de se rendre

disponible, chercher la liberté du cœur, être à l'écoute de Dieu, de sa

volonté sur nous aujourd'hui.

Si nous confondons l'invitation au voyage que le Seigneur nous adresse

avec nos démangeaisons de changement, nous passons à côté de

l'essentiel. Nous risquons avoir couru en vain. C'est pour cela que

Benoit n'aime pas trop les voyages. Il ne veut pas que nous prenions

l'ombre pour la réalité.

Frère Ambroise a édité une phrase d'Angelus Silesius qui résume cela:

« Il y en a qui vont dans de lointains pèlerinages; ils processionnent

autour du temple sans entrer dans le sanctuaire. Mais moi, je vais en

pèlerinage vers l'ami qui demeure en moi. » (2013-05-30)

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 66, v 6-8 Des portiers du monastère. écrit le 29 mai 2013
Verset(s) :

6. Quant au monastère, il doit être, si possible, construit de telle façon que tout le nécessaire, c'est-à-dire l'eau, le moulin, le jardin et les divers métiers, s'exerce à l'intérieur du monastère,

7. de sorte que les moines ne soient pas obligés de courir au-dehors de tous les côtés, car ce n'est pas bon du tout pour leurs âmes.

8. Nous voulons que cette règle soit lue souvent en communauté, pour qu'aucun frère ne s'excuse sur son ignorance.

Commentaire :

La deuxième partie de ce chapitre sur le portier parle de l'intérieur du

monastère. Après le monde du dehors, le monde du dedans. Pour

Benoit, le monde du dehors n'est pas un monde mauvais, contre lequel

il faudrait se défendre. Accueillir celui qui frappe à la porte, c'est

accueillir le Christ en personne. Nous l'avons entendu hier.

Le texte de ce matin parle du monde du dedans. Benoit veille à ce que

le monastère soit organisé de telle sorte que le moine ne soit pas obligé

de sortir sans cesse. L'eau, le moulin, le jardin, les métiers, tout doit

être à l'intérieur du monastère. Pourquoi? Puisque le monde du dehors

n'est pas mauvais? La réponse se trouve dans ce verset: « Que les

moines ne soient pas forcés de se répandre à l'extérieur, ce qui ne

convient nullement à leur âme. » Pour Benoit, ce qui est mauvais, ce

n'est pas le monde, mais cette tendance que nous avons à nous

répandre, à nous disperser à l'extérieur. En cela il est fidèle à l'Evangile:

« Ce qui rend l'homme impur, c'est ce qui sort de son cœur. » Ce désir

qui se répand au-dehors et nous entraîne à courir de tous côtés.

La clôture monastique, c'est d'abord cela: cette conscience de notre

pauvreté, de nos limites, de notre faiblesse, qui nous détournent de

trouver le chemin de notre propre cœur. Nous sommes sans cesse

tentés de chercher au dehors ce que nous ne pouvons trouver qu'au-

dedans. Retrouver ce chemin de la paix du cœur, du silence intérieur.

Cette Présence qui nous habite.

Le combat pour le moine, aujourd'hui, est peut-être plus difficile, avec

tous les moyens de communication qui peuvent devenir des occasions

de se fuir, d'éviter le vrai combat, et aussi la vraie relation. Journaux,

téléphone, internet, comment les utiliser sans s'y perdre? Que la

recherche de Dieu, et les relations avec les frères qui nous entourent

soient premiers dans notre vie. (2013-05-29)

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 66, v 1-5 Des portiers du monastère. écrit le 28 mai 2013
Verset(s) :

1. A la porte du monastère on placera un vieillard sage, qui sache recevoir et donner une réponse, et dont la maturité ne le laisse pas courir de tous côtés.

2. Ce portier doit avoir son logement près de la porte, afin que les visiteurs le trouvent toujours présent pour leur répondre.

3. Et aussitôt que quelqu'un frappe ou qu'un pauvre appelle, il répondra Deo gratias ou Benedic ,

4. et avec toute la douceur de la crainte de Dieu, il se hâtera de répondre avec la ferveur de la charité.

5. Si ce portier a besoin d'aide, il recevra un frère plus jeune.

Commentaire :

Sagesse, compétence, maturité, disponibilité. Benoit nous dit

l'importance du frère qui est le portier du monastère. Il est le L"

contact avec cette maison de Dieu, pour la personne qui arrive. Parfois

le seul contact.

« Savoir donner une réponse. » Quatre fois, Benoit utilise cette

expression dans ce petit paragraphe. Une fonction à la fois très

humaine, et spirituelle. Répondre à toute personne qui se présente. Ce

qui veut dire: l'écouter, être attentif à ce qu'elle est, ce qu'elle

demande, ce qu'elle attend. C'est Dieu qui nous l'envoie. Qu'attend-il

de nous?

« Sans faire attendre. » Cette promptitude à répondre est décrite avec

insistance. Respecter tous les hommes, aimer particulièrement les plus

pauvres. Ce n'est pas une voie facile, mais Benoit nous entraîne à vivre

l'Evangile. Cette disponibilité à l'autre.

« Dea gratias. Benedic. » La première parole du portier est une action

de grâce, ou une demande de bénédiction. Même si ces formules ne

sont plus utilisées, elles donnent le ton de l'accueil. C'est au nom de

Dieu que le portier reçoit. Celui qui est accueilli doit le sentir. Ni

agitation, ni superficialité. Aux personnes trop souvent dévorées par

l'actualité, le monastère doit offrir la seule actualité qui puisse remplir

le cœur de l'homme: Dieu présent. Ce qui n'empêche pas d'être

attentifs aux besoins corporels et spirituels. « J'étais un étranger, et

vous m'avez accueilli. »

Le monastère est moins isolé, moins séparé du monde que ce que

décrit la Règle. Nous sommes reconnaissants aux frères portiers pour le

service qu'ils rendent. Mais la porterie n'est pas le seul lieu de contact

avec l'extérieur. La librairie, beaucoup d'emplois, chacun de nous est

appelé à cet accueil et à cette discrétion.

Accueillir, écouter, être disponible, se laisser déranger. (2013-05-28)