vendredi 15 août 2025 : fête de l’Assomption, horaire des dimanches (vigiles la veille à 20h45, messe à 10h) + concert à 16h.

Nota : L’office de None (14h45) sera prié au dolmen de ND de la Pierre-qui-Vire.

Commentaires sur la Règle



Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 02, v 1-10 Ce que doit doit être l'abbé? écrit le 27 août 2013
Verset(s) :

1. L'abbé qui est digne de gouverner le monastère, doit toujours se rappeler le titre qu'on lui donne, et vérifier par ses actes le nom du supérieur.

2. Il apparaît en effet comme le représentant du Christ dans le monastère, puisqu'on l'appelle d’un des noms de celui-ci,

3. selon le mot de l'Apôtre : « Vous avez reçu l'esprit d'adoption filiale, dans lequel nous crions : abba, père ! »

4. Aussi l'abbé ne doit-il rien enseigner, instituer ni commander qui soit en-dehors du précepte du Seigneur,

5. mais son commandement et son enseignement s'inséreront dans l'esprit de ses disciples comme un levain de justice divine.

6. L'abbé se rappellera toujours que son enseignement et l'obéissance des disciples, l'une et l'autre chose, feront l'objet d'un examen au terrible jugement de Dieu.

7. Et l'abbé doit savoir que le pasteur portera la responsabilité de tout mécompte que le père de famille constaterait dans ses brebis.

8. En revanche, si le pasteur a mis tout son zèle au service d'un troupeau turbulent et désobéissant, s'il a donné tous ses soins à leurs actions malsaines,

9. leur pasteur sera absous au jugement du Seigneur et il se contentera de dire au Seigneur avec le prophète : « Je n'ai pas caché ta justice dans mon cœur, j'ai dit ta vérité et ton salut. Mais eux s'en sont moqués et ils m'ont méprisé. »

10. Et alors, les brebis qui auront désobéi à ses soins auront enfin pour châtiment la mort triomphante.

Commentaire :

Ce chapitre est l'occasion de prier pour le Père Abbé, pour sa mission

délicate à La Bouenza.

Abbé, supérieur, pasteur des brebis. Mais d'abord représentant du

Christ. Le texte de ce matin évoque ce modèle: Jésus entouré de ses

disciples. Tout au long de ce chapitre Benoit utilise ce mot « disciple»

pour parler de nous. Le monastère est la continuation de ce groupe des

douze autour du Christ. L'un de nous tenant la place du Maître.

Comme le Christ, dont il porte le nom, l'Abbé doit faire naître la vie, la

Vie de Dieu, en ses disciples. Par son enseignement. Par l'organisation

concrète du monastère. Pour que cette maison soit la maison de Dieu.

A l'écoute de sa Parole.

C'est pourquoi Benoit dit à l'Abbé de ne pas craindre de dire la vérité à

ses frères: « Je n'ai pas caché ta justice dans mon cœur. J'ai dit ta

Vérité, ton Salut. » L'Abbé a ce rôle: donner aux frères l'occasion

d'entendre ce qui est bon, ce qui est vrai, ce qui sauve. Ce n'est pas un

rôle facile. Il est plus reposant de laisser faire, de fermer les yeux, de ne

pas intervenir. Comment parler pour que cela porte du fruit dans le

cœur du frère? Pour qu'il perçoive qu'on veut l'aider à vivre? Faire des

remarques amène ce double reproche:

Il dit trop, trop souvent. Toujours ces mêmes rappels, présence à

l'Office, silence du monastère, lectio divina ...

Et le reproche inverse: Il ne dit rien à ce frère. Il ne parle pas assez

de cette observance.

Si nous sommes objectifs, nous voyons que ce sont les manquements

des autres qui nous semblent insupportables, graves pour la vie de la

communauté. Les nôtres, au contraire, ne sont que des peccadilles, qui

ne valent pas la peine d'être relevées. Qui sont même signes de liberté.

Nous, nous sommes au-dessus de cela.

Ce n'est pas facile de dire à un frère ce qui ne va pas. Quand on nous

adresse un reproche, essayons d'écouter, de reconnaître ce qu'il y a de

vrai. Plutôt que de nous abriter derrière la maladresse du propos, et de

rejeter l'effort qui nous est demandé. (2013-08-27)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 01, v 6-9 des espèces de moines écrit le 22 août 2013
Verset(s) :

6. La troisième et détestable espèce de moines est celle des sarabaïtes. Aucune règle ne les a éprouvés, grâce aux leçons de l'expérience, comme l'or dans la fournaise, mais ils sont devenus mous comme du plomb.

7. Par leurs œuvres, ils restent encore fidèles au siècle, et on les voit mentir à Dieu par leur tonsure.

8. A deux ou trois, voire seuls, sans pasteur, enfermés non dans les bergeries du Seigneur, mais dans les leurs, ils ont pour loi la volonté de leurs désirs.

9. Tout ce qu'ils pensent et décident, ils le déclarent saint ; ce qu'ils ne veulent pas, ils pensent que c'est interdit.

Commentaire :

Que nous dit encore St Benoit sur les cénobites quand il en vient à décrire la «détestable espèce des sarabaïtes » ?

A l'inverse des sarabaïtes, les cénobites acceptent de se laisser éprouver par une règle. Ils consentent à se soumettre à des coutumes et à des lois, pour tirer les leçons de l'expérience de ceux qui les ont précédés. Le cénobite sait qu'il ne va pas inventer le fil à couper le beurre ou la poudre à canon. D'autres l'ont fait avant lui. Simplement il choisit d'apprendre à l'école de l'expérience d'une tradition qui le précède, celle de la communauté qui l'accueille, et finalement celle d'une longue lignée de chercheurs de Dieu dans la vie monastique. Il se fait disciple. Il entre en tradition.

S'il y a épreuve, de quelle épreuve s'agit-il? Comme l'or dans la fournaise, le cénobite est purifié par la vie commune. La vie sous une règle veut nous aider à nous libérer de tous ces réflexes qui nous placent au centre, comme si nous étions le centre du monde. Elle aide le cénobite à devenir vraiment lui-même, libéré de tous ses masques ou de toutes ses fausses sécurités.

A l'inverse, les sarabaïtes sont mous comme du plomb. Ils n'ont pas d'autres références que leur jugement propre ou leurs désirs. Ils sont à eux-mêmes leur propre maître. « Ce qu'ils pensent et décident ils le déclarent saint ...» Laissés à eux-mêmes, ils sont comme ces arbres qui ne poussent pas droits, faisant des branches n'importe comment ... Sans tuteur, cet autre nom de la règle, ils n'atteignent pas vraiment leur maturité ni toute leur capacité de porter du fruit. Le cénobite qui met sa vie sous le regard d'un autre, l'abbé, le père spirituel, et qui accepte de soumettre sa volonté aux prescriptions de la Règle, entre dans un tout autre processus de croissance. Processus apparemment lent, à certains jours contraignant, mais processus qui porte une forte promesse de vie. Le cénobite découvre peu à peu que la fécondité de sa vie n'est pas liée à ce qu'il pense ou entreprend par lui-même. Non, il découvre que cette fécondité sera reçue par son écoute de la volonté de Dieu, reconnue et accueillie au cœur de la vie commune.

Devenir cénobite, nous demandera toujours d'être vigilants à l'égard du sarabaïte qui sommeille en nous. Je relève deux points d'attention: quand on fait quelque chose qui regarde la vie de la communauté ou qui peut aller contre un point de vie commune, prend-on toujours d'en parler avant, sans mettre devant le fait accompli? Quand on demande une permission, la demande-t-on vraiment en laissant la possibilité du oui comme du non? Reste-on libre par rapport à un non ? C'est là que nous pouvons mesurer où nous en sommes vraiment sur notre chemin de liberté.

(2013-08-22)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 01, v 3-5 Des espèces de moines écrit le 21 août 2013
Verset(s) :

3. Ensuite la seconde espèce est celle des anachorètes, autrement dit, des ermites. Ce n'est pas dans la ferveur récente de la vie religieuse, mais dans l'épreuve prolongée d'un monastère

4. qu'ils ont appris à combattre le diable, instruits qu'ils sont désormais grâce à l'aide de plusieurs,

5. et bien armés dans les lignes de leurs frères pour le combat singulier du désert, ils sont désormais capables de combattre avec assurance les vices de la chair et des pensées, sans le secours d'autrui, par leur seule main et leur seul bras, avec l'aide de Dieu.

Commentaire :

Paradoxalement, ces lignes sur les ermites nous enseignent beaucoup sur ce que sont

les cénobites. C'est dans leurs rangs qu'ils ont reçu leur formation. Je relève quelques

notations qui viennent éclairer ce qu'est un moine.

« Pas dans la ferveur récente, mais dans l'épreuve prolongée » On pourrait ici avec humour transposer les paroles de la chanson en disant: « pour faire un moine mon Dieu que c'est long! ». La ferveur nous permet de franchir le pas de la porte. Mais si elle n'est pas relayée par la patience, aride parfois, et par la persévérance modeste, l'expérience pourra tourner court. La durée dans le temps est aussi bien épreuve que maitresse de vie qui nous enseigne et nous fortifie.

« Ils ont appris à combattre le diable ». La vie monastique n'est pas un long fleuve

tranquille, mais un lieu de combat. Combattre qui ? Le diable. Plus loin Benoit parle de « combattre les vices de la chair et des pensées ». Par ce rapprochement, Benoît nous livre le fruit d'une expérience. Le moine affronte d'abord en lui-même la division, en sa chair et en ses pensées. Rude combat parfois qui nous trouve écartelé entre des désirs et des pensées contradictoires. L'œuvre du diable, le diviseur, est de nous maintenir dans cette division intérieure. Le salut apporté par le Christ nous établit dans la paix, peu à peu, en nous réconciliant avec nous-même. La vie cénobitique nous permet d'affronter ce combat avec l'aide des frères. C'est la dernière notation qui ressort de ces lignes.

.

« Ils sont instruits grâce à l'aide de plusieurs, et bien armés dans les lignes de leur

frères ... » Les frères nous instruisent le plus souvent par leur exemple. Un tel nous touche par sa patience, un autre par sa serviabilité, un autre par son assiduité à la prière et à l'office, un autre encore par son ardeur au travail. Comme St Antoine qui tirait profit des qualités des moines qu'il côtoyait, nous pouvons recevoir beaucoup les uns par les autres. Ensemble, nous nous nous soutenons pour mener le bon combat de la fidélité. Heureux sommes-nous si nous ne nous laissons ni attrister, ni attirer par les défauts des frères qui peuvent nous éprouver ou nous tenter ... Personne ne peut mener le bon combat à notre place. Un dernier point important, nous recevons le soutien fraternel aussi dans la parole échangée, avec le père spirituel, mais

aussi avec les frères dans un groupe, ou sur un lieu de travail. La parole donnée et la parole reçue nous apprend à nous ajuster à la réalité et aussi les uns aux autres. Nul n'est une île. La communion vécue et recherchée sans cesse dilate notre cœur. En aimant, nous nous avançons plus résolument à la rencontre du Dieu Amour. N'est-ce pas là la finalité de notre vie cénobitique, nous faire entrer à travers la charité concrète et souvent obscure, dans la connaissance du Dieu Amour ? (2013-08-21)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 01, v 1-2 des espèces de moines écrit le 20 août 2013
Verset(s) :

1. Il est clair qu'il existe quatre espèces de moines.

2. La première est celle des cénobites, c'est-à-dire vivant en monastères ; ils servent sous une règle et un abbé.

Commentaire :

Qu'est-ce qu'un moine? Telle est la question qu'on peut entendre en filigrane de ce chapitre. St Benoit va essayer de dire ce qu'il est et ce qu'il ne devrait pas être en inventoriant les quatre espèces de moine. Il n'est pas facile de dire ce qu'est un moine! N'est-ce pas le but de ce commentaire de la règle qui réunit la communauté chaque matin, que de préciser ce qu'est notre vie monastique pour nous aujourd'hui? Cela peut paraitre étonnant à des yeux étrangers, voire à nous aussi parfois, de reprendre ainsi inlassablement la règle. Mais est-ce si étonnant?

Notre vie monastique ressemble à une ascension de montagne qui durerait toute une vie. Si on veut atteindre le sommet, il faut continuellement examiner où sont nos forces, faire le point sur la marche, mesurer l'effort, reprendre le cap. Ainsi la vie monastique porte en elle un dynamisme de progrès perpétuel. Soit on cherche à la mieux comprendre et on a des chances de mieux vivre cette course vers les sommets. Soit on ronronne, et on s'installe dans des habitudes qui nous font perdre le sens de la course. L'exigence de la vie monastique est telle qu'elle ne supporte guère de demi-mesure. Aussi pour nous aider à rester vivant dans cette course, nous scrutons sans cesse ce vieux texte.

Qu'est-ce qu'un moine? Benoit a une préférence pour la première espèce, celle des

cénobites. Le cénobite? : un homme, unique (toujours un monos) qui devient vraiment lui-même en menant vie commune (koinos bios d'où cénobite) avec d'autres. Cette vie commune pour être possible va demander trois éléments constitutifs: un lieu commun, le monastère, une loi commune, la règle et une même autorité reconnue, celle de l'abbé.

Le lieu ou le monastère nous lie dans une concrète solidarité, à un terroir et à une

histoire. Chacun devient moine dans un lieu façonné par une lignée de frères qui le précède. A la fois, nous sommes façonnés par ce lieu et à la fois nous le façonnons par les diverses réalisations auxquelles nous contribuons. Le granit, la forêt, le Trinquelin, l'insertion dans la vie locale du Morvan et dans l'histoire de ce lieu dessine peu à peu notre visage de moine de la Pierre qui Vire.

La loi commune ou la règle nous montre le but à atteindre: le Royaume de Dieu. Elle

nous offre surtout les moyens concrets pour demeurer ensemble des disciples du Christ,

chercheurs de Dieu infatigables en toutes choses, dans le travail comme dans la prière, dans les relations comme dans le silence. Humilité et charité seront les deux lampes que Benoit recommande de garder avec soin, pour illuminer le chemin.

L'autorité de l'abbé, reconnue par tous, est au service aussi bien du rassemblement de la communauté que de la croissance de chacun. Il écoute les frères et il se fait l'interprète de la recherche de la volonté de Dieu pour la communauté, pour les orientations à prendre. Son autorité renvoie à celle du Christ qui seul guide la communauté.

Nous pouvons être heureux de recevoir de Benoit et de la tradition, cette vie

cénobitique avec ses équilibres subtils et féconds (2013-08-20)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 00, v 45-50 Prologue écrit le 13 août 2013
Verset(s) :

45. Il nous faut donc instituer une école pour le service du Seigneur.

46. En l'organisant, nous espérons n'instituer rien de pénible, rien d'accablant.

47. Si toutefois une raison d'équité commandait d'y introduire quelque chose d'un peu strict, en vue d'amender les vices et de conserver la charité,

48. ne te laisse pas aussitôt troubler par la crainte et ne t'enfuis pas loin de la voie du salut, qui ne peut être qu'étroite au début.

49. Mais en avançant dans la vie religieuse et la foi, « le cœur se dilate et l'on court sur la voie des commandements » de Dieu avec une douceur d'amour inexprimable.

50. Ainsi, n'abandonnant jamais ce maître, persévérant au monastère dans son enseignement jusqu'à la mort, nous partagerons les souffrances du Christ par la patience, afin de mériter de prendre place en son royaume. Amen.

Commentaire :

Dans ce passage entendu, je suis frappé par le début et par la fin. Le début, Benoit

parle d'instituer une école du service du Seigneur. Nous sommes du côté de l'institution avec

les mots instituere, constituere d'où viennent nos constitutions ... Et à la fin, Benoit conclue

sur une note plus spirituelle et mystique sur le partage des souffrances du Christ par la

patience afin de prendre place avec lui dans son Royaume. Institution et vie mystique: deux

aspects que l'on a du mal à associer habituellement. On préfère souvent les opposer. St Benoit

considère la vie monastique comme une voie qui a besoin inséparablement des deux

dimensions pour atteindre son but. Sans la dimension institutionnelle, la vie mystique risque

de ne pas rejoindre en profondeur la réalité humaine. Sans la dimension mystique, la part

institutionnelle de notre vie risque de manquer son but qui est de faire entrer dans une relation

vivante avec le Christ.

La dimension institutionnelle avec son cadre de vie, ses règles et ses coutumes est à la

fois un soutien qui conforte, et à la fois une exigence qui requiert de notre part une attention

continuelle. En cherchant à habiter vraiment ce cadre, en nous laissant façonner par lui, nous

sommes comme des bâtisseurs qui creusons toujours plus profond dans le sol leurs fondations.

Certes parfois, le cadre et les règles nous éprouvent. Mais si nous prenons le temps de

comprendre pourquoi nous sommes éprouvés, plutôt que de tout rejeter, nous allons pouvoir

entrer dans une obéissance plus profonde et plus vivante. La vie monastique est en ce sens une

école où, avec tout ce que nous sommes, même avec les parties plus rebelles de nous-mêmes,

nous nous tournons peu à peu et davantage vers le Christ. Et la grâce des grâces, c'est

'. apprendre cela avec d'autres, mais aussi les uns par les autres, soutenus les uns par les autres,

éprouvés aussi les uns par les autres.

La dimension mystique de notre vie ne ressemble pas à ce qu'on pourrait imaginer en

matière de grands transports mystiques. Elle se vit de manière très simple dans l'ordinaire des

jours. Elle est expérimentée dans le cœur à cœur avec le Christ que l'on cherche à maintenir

vivant au long de nos journées, dans les rencontres comme dans le travail. Elle est nourrie par

la prière de l'office et par la lectio, ainsi que par les temps de prière personnelle. Si la relation

au Christ est un don de la grâce, il ne faut pas cependant nous faire illusion. Si nous ne

prenons pas un soin particulier de nos exercices habituels de prière liturgique, et de prière et

lectio personnelle, nous ne pourrons grandir et goûter la joie de cette rencontre. Notre

responsabilité est grande ici. Si nous sommes tentés de reprocher à Dieu qu'il est absent,

vérifions si nous lui donnons vraiment du temps, si nous prenons les moyens d'aller à sa

rencontre. Là encore notre relation au Christ a besoin de repères, d'un cadre.

Partager par la patience les souffrances du Christ, dans l'épaisseur de notre vie

quotidienne guidée par la règle: voilà le chemin pascal qui nous est proposé, afin de laisser

advenir la vie du Ressuscité en notre vie déjà, dans l'attente du Royaume.

(2013-08-13)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 00, v 39-44 Prologue écrit le 03 août 2013
Verset(s) :

39. Nous avons donc interrogé le Seigneur, frères, au sujet de celui qui habitera dans sa demeure, et nous avons entendu le précepte donné pour y habiter, mais pourvu que nous remplissions les devoirs incombant à l'habitant.

40. Il nous faut donc tenir nos cœurs et nos corps prêts à servir sous la sainte obéissance due aux préceptes.

41. Et pour ce que la nature en nous trouve impossible, prions le Seigneur d'ordonner au secours de sa grâce de nous l'accorder.

42. Et si, fuyant les châtiments de la géhenne, nous voulons parvenir à la vie perpétuelle,

43. tandis qu'il en est encore temps et que nous sommes en ce corps et qu'il reste le temps d'exécuter tout cela à la lumière de cette vie,

44. il nous faut à présent courir et accomplir ce qui nous profitera pour toujours.

Commentaire :

« Tandis qu’il est encore temps »… « Il nous faut à présent courir ». La manière de s’exprimer de Benoît peut surprendre, il décrit la vie monastique comme une course où il n’y a pas un moment à perdre. Cela contraste avec d’autres notations où il s’agit de ne pas se précipiter tout en se hâtant, lors du lever par exemple en RB 22,6 « en toute gravité et retenue » précise Benoît.

A quelle attitude intérieure veut-il nous éveiller ? A quel dynamisme de vie nous engage t-il ? Courir oui, mais ne pas se précipiter. Courir oui, mais ne pas s’agiter. La recommandation est faite ici à l’abbé (RB 64,16). Courir oui, mais ne pas aller de tous cotés, ne pas se disperser comme c’est demandé au portier (RB 66,1) et ensuite à tous les moines invités à demeurer en clôture (RB 66,7). Ces précisions sont utiles pour nous, marqués avec notre société, par la course après le temps. Nous pourrions être vite tentés de vouloir tout vivre à fond pour ne pas perdre une minute, avec le gros risque de nous tromper de course. Car la course à laquelle nous entraine Benoît est plus subtile que d’accomplir une distance ou un travail dans le temps le plus court. Cette course là œuvre pour le royaume terrestre. Elle ne prépare pas la vie du Royaume des cieux. Elle peut même nous en éloigner, en nous centrant tellement sur nous-mêmes et notre préoccupation à abattre du travail que nous devenons impatients voire agressifs.

Veillons donc à ne pas confondre les deux courses. Mais comment mieux dire la course que Benoît nous propose ? Ce qui la caractérise n’est pas de vouloir gagner du temps, mais de s’assurer qu’on veut donner notre temps. Le donner à Dieu, à la communauté, à nos frères. Ce qui caractérise cette course, c’est de regarder le but, c’est à dire Celui qui nous attend le Seigneur ou le frère, plutôt que de se regarder soi-même en quête de performance d’efficacité ou de rentabilité. Mystérieusement, on saura s’arrêter pour prendre le temps de la prière, de la lectio ou de l’étude. Afin de mieux ajuster notre désir à Celui vers lequel on s’élance, le Christ. Qu’il nous apprenne à demeurer vivants et vigilants dans cette course de fond, dans la persévérance et dans la joie de la fidélité. (2013-08-03)

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 00, v 35-38 Prologue écrit le 01 août 2013
Verset(s) :

35. Achevant ainsi son discours, le Seigneur attend que nous répondions chaque jour par des actes aux saints enseignements qu'il vient de nous donner.

36. Voilà pourquoi les jours de cette vie nous sont accordés comme un sursis en vue de l'amendement de notre mauvaise conduite,

37. selon le mot de l'Apôtre : « Ne sais-tu pas que la patience de Dieu te conduit à la pénitence ? »

38. Car le Seigneur dit, dans sa bonté : « Je ne veux pas la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse et qu'il vive. »

Commentaire :

Ces versets nous disent le sérieux de notre vie. « Répondre par des

actes aux saints enseignements de Dieu ». « Ces jours de notre vie nous

sont accordés comme un délai pour corriger ce qui est mauvais dans

notre conduite ». « Dieu n'est patient que pour t'amener à changer de

vie. ». Et cette citation d'Ezéchiel : « Le Seigneur dit dans sa tendresse:

Je ne veux pas la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse et qu'il

vive ».

Répondre par des actes! Tout est organisé au monastère pour que

notre vie soit centrée sur Dieu. Nous sommes ici pour nous convertir,

c'est-à-dire pour nous tourner vers Lui, sans nous lasser.

Cela demande du discernement: Quels obstacles surmonter? Quels

moyens employer? Parmi les dangers qui nous guettent, il y a

l'accoutumance, l'habitude, la routine. La superficialité. Surtout peut-

être, ce besoin de nous installer tellement enraciné en nous. Nous ne

devons pas nous endormir: c'est l'œuvre de Dieu qui est en jeu. Et Il a

voulu nous y associer.

Quels moyens employer pour ce travail à reprendre chaque jour? Avant

tout la prière, cette relation vivante. A-t-elle toute sa place dans notre

vie? « Prier sans cesse ». Cerner les zones de notre vie où la prière peut

manquer. Elle est la première condition pour voir clair en nous.

Ensuite: Entrer à fond dans la vie de la communauté. Elle est pour nous

l'Eglise d'où jaillit sans cesse la Source Vive. Et puis: Vivre dans la

lumière. Ne rien garder en soi qui soit ténèbres. Nous ouvrir. Avoir

recours au Christ qui nous purifie. Le Seigneur nous attend. Il nous

cherche. Soyons ouverts à ses appels.

Et pour corriger ce qu'il y a peut-être d'un peu raide dans mes paroles,

je vous rappelle cette prière de Madeleine Delbrêl : « Faites-nous vivre

notre vie non comme un jeu d'échecs où tout est calculé, non comme

un match où tout est difficile, non comme un problème qui nous casse

la tête, non comme une dette à payer, mais comme une fête, comme

un bal, comme une danse entre les bras de votre grâce. » (2013-08-01)

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 00, v 22-34 Prologue écrit le 30 juillet 2013
Verset(s) :

22. Si nous voulons habiter dans la demeure de ce royaume, on ne saurait y parvenir, à moins d'y courir par de bonnes actions.

23. Mais interrogeons le Seigneur avec le prophète, en lui disant : « ;Seigneur, qui habitera dans ta demeure, et qui reposera sur ta montagne sainte ? »

24. Cette question posée, frères, écoutons le Seigneur nous répondre et nous montrer le chemin de cette demeure,

25. en disant : « C'est celui qui marche sans se souiller et accomplit ce qui est juste ;

26. qui dit la vérité dans son cœur, qui n'a pas commis de tromperie par sa langue ;

27. qui n'a pas fait de mal à son prochain ;; qui n'a pas laissé l'injure atteindre son prochain ;» ;;

28. qui, lorsque le malin, le diable, lui suggérait quelque chose, l'a repoussé loin des regards de son cœur, lui et sa suggestion, l'a réduit à néant, et s'emparant de ses petits – les pensées qu'il lui inspirait – les a écrasés contre le Christ.

29. Ce sont ceux-là qui, craignant le Seigneur, ne s'enorgueillissent pas de leur bonne observance, mais qui, estimant que ce qui est bon en eux ne peut être leur propre œuvre, mais celle du Seigneur,

30. magnifient le Seigneur qui opère en eux, en disant avec le prophète : « Non pas à nous, Seigneur, non pas à nous, mais à ton nom rends gloire ! »,

31. de même que l'Apôtre Paul, lui non plus, ne s'attribuait rien de sa prédication et disait : « C'est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis. »

32. Et il dit encore : « Celui qui se glorifie, qu'il se glorifie dans le Seigneur. »

33. De là aussi la parole du Seigneur dans l'Évangile : « Celui qui écoute ce que je viens de dire et le met en pratique, je le comparerai à un homme sage, qui a bâti sa maison sur la pierre.

34. Les eaux sont venues, les vents ont soufflé et ont heurté cette maison, et elle n'est pas tombée, parce qu'elle était fondée sur la pierre. ;»

Commentaire :

Cette section du Prologue et consacrée au Psaume 14. Deux thèmes:

Une invitation au bonheur, la Béatitude éternelle. Une invitation à la

conversion, catalogue de bonnes actions qui correspondent à des

requêtes de l'Evangile.

St Benoit cite d'abord textuellement les versets 1-3 du Psaume. Pour les

versets 4-5, il se contente d'en faire une paraphrase, en utilisant

d'autres citations scripturaires. Ces versets parlent de faux serments, de

prêts à usure, de corruption. Toutes choses qui n'ont pas de place,

normalement dans le vie du moine!

« Briser contre le Christ les pensées mauvaises ». A la question:

« Seigneur, qui habitera dans ta maison? » Benoit répond: « Celui qui,

lorsque le diable lui suggère quelque chose, le repousse loin de son

cœur, lui et sa suggestion, le réduit à néant, et s'emparant des ses

petits -les pensées qu'il inspire- les écrase contre le Christ ». L'objet de

la terrible malédiction du Psaume 136 n'est plus Babylone, mais Satan,

qui a pour rejetons les pensées mauvaises. Cette interprétation du

Psaume 136, Benoit l'a trouvée chez les Pères. Et le roc, c'est le Christ,

comme le dit St Paul. (l Co 4)

Ecraser nos pensées mauvaises contre le Christ, un conseil toujours

actuel. Dès que nous repérons en nous ce genre de poison, il faut le

porter à la lumière. Ce qui nous trouble, les tentations de toutes sortes.

La rancune, la jalousie, les rivalités, la mésentente. Et prier pour celui

qui est l'occasion de ce trouble. Le Christ nous demande de prier pour

nos ennemis, pour ceux qui nous persécutent. Les épines de scandale

ne manquent pas entre nous. Prier pour ces relations moins faciles nous

aide à mettre fin à ces ruminations négatives. Elles empoisonnent notre

cœur. La prière rétablit la communion entre nous. Pouvoir parler de ces

pensées mauvaises à celui qui nous accompagne, au Père Abbé, c'est

aussi une bonne façon de les briser contre le Christ, de les apporter à la

lumière. Souvent, il suffit de parler pour que le trouble disparaisse.

Et n'oublions pas la parole du Christ: « Laisse là ton offrande. Va

d'abord te réconcilier avec ton frère ».

(2013-07-30)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 00 v 14-21 Prologue écrit le 24 juillet 2013
Verset(s) :

14. Et se cherchant un ouvrier dans la foule du peuple, à laquelle il lance cet appel, le Seigneur dit de nouveau :

15. « Quel est l'homme qui veut la vie et désire voir des jours heureux ? »

16. Si, en entendant cela, tu réponds : « C'est moi ! », Dieu te dit :

17. « Si tu veux avoir la vie véritable et perpétuelle, interdis le mal à ta langue et que tes lèvres ne prononcent point la tromperie. Évite le mal et fais le bien, cherche la paix et poursuis-la.

18. Et quand vous aurez fait cela, j'aurai les yeux sur vous et je prêterai l'oreille à vos prières, et avant que nous m'invoquiez, je dirai : me voici ! »

19. Quoi de plus doux que cette voix du Seigneur qui nous invite, frères bien aimés ?

20. Voici que, dans sa bonté, le Seigneur nous montre le chemin de la vie.

21. Ceignant donc nos reins de la foi et de l'accomplissement des bonnes actions, avançons sur ses voies, sous la conduite de l'Évangile, afin de mériter de voir celui qui nous a appelés à son royaume.

Commentaire :

« Sous la conduite de l’Évangile »

Si le pèlerin pour marcher a besoin d’un bâton pour chasser les chiens et s’appuyer, s’il lui faut aussi une carte et une boussole, et bien sûr son sac et quelques effets. Le moine lui a surtout besoin de l’Évangile. Le moine qui reste sur place et qui n’a pas trop de soucis du lendemain n’engage pas moins une longue course pour laquelle l’Évangile est son meilleur auxiliaire. De même que le pèlerin doit veiller au bon entretien de ses divers instruments de marche. Le moine doit se montrer vigilant quant à sa manière de lire et d’entendre l’Évangile. « Sous la conduite de l’Évangile » nous dit Benoît. L’Évangile est notre livre de vie, il doit devenir notre lieu de vie comme un milieu ambiant d’où l’on tire air, nourriture, eau, pour pouvoir vivre. Mais plus encore qu’un milieu ambiant, l’Évangile nous introduit à une rencontre amicale avec le Christ. L’Évangile nous offre ainsi jour après jour, une lumière pour tel pas à faire, ou un encouragement quand cela peine. Mais surtout, il nous montre Jésus et se fait son porte-voix, pour que sa Parole nous atteigne vraiment. Peu à peu, l’Évangile peut nous faire entrer plus profondément dans l’intelligence du mystère de la Croix. Mystère qui ne se résout pas en équation ou en théorème théologique, mais mystère qu’il nous est offert de contempler et de méditer en Jésus pour l’accueillir comme lui dans nos vies et puiser en lui aux sources de la vie. C’est ce mystère de mort et de vie devant lequel nous butons souvent et que Jésus nous invite à traverser avec lui. « Le connaître lui avec la puissance de la résurrection et la communion à ses souffrances, lui devenir conforme dans la mort, afin de parvenir à ressusciter d’entre les morts » (Ph 3 10-11)

C’est là où l’Évangile est une Bonne Nouvelle pour nous apprendre à assumer nos morts, nos stérilités, et notre péché, en nous unissant à la mort et à la résurrection de Jésus, dès maintenant. Là où nous sommes tentés de fuir, tout l’Évangile nous dit « Traverse avec Jésus, n’aie pas peur ». (2013-07-24)

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 00, v 8-13 Prologue écrit le 20 juillet 2013
Verset(s) :

8. Levons-nous donc enfin, puisque l'Écriture nous éveille en nous disant : « L'heure est venue de nous lever du sommeil »,

9. et les yeux ouverts à la lumière de Dieu, écoutons d'une oreille attentive ce que la voix divine nous remontre par ses appels quotidiens :

10. « Aujourd'hui, si vous entendez sa voix, n'endurcissez pas vos cœurs ;» ;;

11. et encore : « Qui a des oreilles pour entendre, qu'il entende ce que l'Esprit dit aux Églises. »

12. Et que dit-il ? « Venez, mes fils, écoutez-moi, je vous enseignerai la crainte du Seigneur.

13. Courez, pendant que vous avez la lumière de la vie, de peur que les ténèbres de la mort ne vous atteignent. »

Commentaire :

Ce passage du Prologue est tissé de citations de l'Ecriture. Cinq paroles,

tirées de l'A.T et du N.T., qui alternent. Christ nous parle à travers toute

la Bible.

Cinq fois le mot « écoute» revient dans ces quelques lignes. Benoit

développe cette idée d'une écoute active, à travers une succession de

verbes à l'impératif, qui sonnent tous comme des invitations à sortir de

notre mollesse: « Levons-nous », « ouvrons les yeux », « venez »,

« courez ».

Et il insiste sur l'aujourd'hui de cette urgence. « L'heure est venue de

sortir de votre sommeil ». « Aujourd'hui, si vous entendez sa voix,

n'endurcissez pas votre cœur». Pour Saint Benoit, il n'est pas question

d'attendre un hypothétique moment favorable. C'est aujourd'hui que

Dieu nous attend. Si nous vivons dans le regret du passé, ou dans le

rêve d'un avenir qui chante, nous ne sommes pas dans la vérité. Nous

ne vivons pas dans sa lumière.

Car cet aujourd'hui a quelque chose de pressant. 1/ y a urgence: « Dieu,

chaque jour, nous presse ». Alors, « courez, tant que vous avez la

lumière de la vie, afin que les ténèbres de la mort ne vous enveloppent

pas ». En fait, la conversion ne supporte pas de délai. Le refus d'écouter

nous rend arides et stériles. La Parole ne porte plus aucun fruit.

Benoit construit sa Règle sur ce double dynamisme: Celui de

l'aujourd'hui où Dieu vient nous visiter. Et celui de l'urgence. En

gémissant sur les oignons d'Egypte, ou en attendant des jours plus

favorables, nous nous rendons incapables de recevoir ce que Dieu nous

donne, ici et maintenant. Là, justement où Lui 1/ nous attend. (2013-07-20)