vendredi 3 octobre 2025 : journée de solitude pour la communauté, messe vers 6h45 après Laudes.

Commentaires sur la Règle



Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 02, v 23-29 Comment doit être l'abbé ? écrit le 03 septembre 2013
Verset(s) :

23. Dans son enseignement, d'autre part, l'abbé doit toujours observer la norme que l'Apôtre exprime ainsi : « Reprends, supplie, réprimande »,

24. c'est-à-dire que, prenant successivement des attitudes diverses, mêlant les amabilités aux menaces, il se montrera farouche comme un maître et tendre comme un père.

25. C'est dire qu'il doit reprendre durement les indisciplinés et les turbulents, supplier d'autre part les obéissants, les doux et les patients de faire des progrès ; quant aux négligents et aux méprisants, nous l'avertissons de les réprimander et de les reprendre.

26. Et qu'il ne laisse point passer les fautes des délinquants, mais qu'il les retranche jusqu'à la racine dès qu'elles commencent à se montrer, pendant qu'il en a encore le pouvoir, se souvenant de la condamnation d'Héli, le prêtre de Silo.

27. Les âmes bien nées et intelligentes, qu'il les reprenne une et deux fois par des admonitions verbales,

28. mais les mauvais sujets, durs, orgueilleux, désobéissants, que les coups et le châtiment corporel les arrêtent dès le début de leur faute, vu qu'il est écrit : « On ne corrige pas un sot avec des mots »,

29. et encore : « Frappe ton fils de la verge et tu délivreras son âme de la mort. »

Commentaire :

« Reprends, exhorte, menace ». Benoit applique ce texte de la seconde

lettre à Timothée aux différentes sortes de moines. Reprendre

vertement les indisciplinés et les turbulents. Exhorter les obéissants.

Menacer et châtier les négligents et les arrogants.

Parmi toutes les sections de ce chapitre, celle-ci est la plus difficile à

mettre concrètement en œuvre. Celui qui doit reprendre a, lui-même

ses propres déficiences. " les connait. " peut être tenté de se

retrancher derrières elles pour échapper à ce devoir de la correction.

Celui qui est repris, comment le reçoit-il? Certains restent blessés, pour

longtemps, par un reproche, pourtant fondé. Tâchons de prendre

conscience de cela; de ne pas être des enfants gâtés, protégés des

rudesses de la vie, refusant les moyens de devenir plus fort. Ce qui n'est

pas émondé ne donne rien qui vaille!

L'insistance dont doit faire preuve l'Abbé auprès des moines, pour les

provoquer à la vie sainte, se fonde dans cette conviction de Foi que

l'homme peut vraiment être transformé. Qu'il faut l'avertir des

possibilités que lui ouvre la grâce, l'inviter, insister pour l'aider à s'y

ouvrir. Et quand on parle de transformation, il faut prendre cela au sens

le plus fort du terme. A la Transfiguration, les apôtres ont vu Moïse et

Elie resplendissants de la Gloire de Jésus, à laquelle ils participaient.

Paul nous dit que, par la grâce, nous sommes transformés « de clarté en

clarté ». Finalement, c'est la Gloire de Dieu qui veut se refléter sur

notre visage, et en toute notre vie. Comme elle l'a fait sur le visage du

Christ et des saints. Nous voyons l'urgence de nous ouvrir à ce désir de

Dieu. Et l'importance de la fonction de l'Abbé qui doit seconder

l'opération de Dieu. Nous voyons aussi que cette attitude de disciple est

pour le moine l'instrument normal de sa transfiguration, en Dieu

(2013-09-03)

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 02, v 16-22 Ce que doit être l'abbé écrit le 31 août 2013
Verset(s) :

16. Il ne fera pas de distinction entre les personnes dans le monastère.

17. Il n'aimera pas l'un plus que l'autre, à moins qu'il ne l'ait reconnu meilleur dans les bonnes œuvres ou l'obéissance.

18. A l'homme venu de l'esclavage qui entre en religion, il ne préférera pas l'homme libre, à moins qu'il n'existe une autre cause raisonnable.

19. Que si l'abbé en décide ainsi, la justice l'exigeant, il fera de même pour le rang de qui que ce soit ; sinon, ils garderont leur place normale,

20. car « esclave ou libre, nous sommes tous un dans le Christ », et sous un même Seigneur nous portons d'égales obligations de service, car « Dieu ne fait pas acception de personnes. »

21. Notre seul titre à être distingués par lui, c'est d'être reconnus meilleurs que les autres en bonnes œuvres et humbles.

22. L'abbé doit donc témoigner une charité égale à tous, avoir les mêmes exigences dans tous les cas suivant les mérites.

Commentaire :

« Ne pas faire acception de personne ». Il y a les différences de culture,

les différences d'éducation. Surtout les différences de tempérament.

Nous sommes très différents. Ne pas faire acception de personne

demande un effort constant de dépassement, de la part de chacun

d'entre nous. On peut admirer dans ce chapitre la sagesse de St Benoit.

Il dit: Il faut aimer tous les frères. Il y aura des distinctions, mais que ce

soit selon les critères de l'Evangile: obéissance, humilité. Et nous

savons l'estime de Benoit pour ces deux vertus, Que ce soit selon la

préférence de Dieu.

On peur relever d'abord deux obstacles majeurs à éviter: L'indiscrétion,

l'indifférence.

L'indiscrétion, c'est un intérêt déréglé pour l'autre. Vouloir pénétrer

indûment dans la vie d'un frère. Nous avons tous à être attentifs à ce

désir de savoir ce que vit l'autre.

L'indifférence: Vivre près de ses frères, en évitant de se laisser

atteindre par eux. Avec, là aussi, d'excellents prétextes!

Ensuite, repérer les obstacles qui vous empêchent d'aimer nos frères.

Il y a des frères plus faciles à aimer. Disponibles, ouverts à tous,

joyeux. Tout le monde les aime. Nous n'avons pas de mérite à les

aimer nous aussi.

Il y a des frères moins faciles à aimer. Eux aussi font presque

l'unanimité. Avec le danger d'en faire des boucs émissaires.

Pourtant

Dieu les aime. C'est Lui qui les a appelés. Ils sont notre prochain.

Avec eux nous construisons l'Eglise de Dieu.

Mais il y a aussi des frères avec qui moi, je peine. Cela tient plus à

moi qu'à eux. Mais je mettrais volontiers tous les tords de leur côté ..

Ils n'y sont pour rien. Peut-être même qu'ils l'ignorent. Mais je les

évite. Je leur en veux. Je les jalouse: Je vois toujours ce qu'ils ont en

plus par rapport à moi. Ce qu'on leur donne. Ce qu'on fait pour eux

et pas pour moi. Là aussi, il n'y a pas grand-chose l'objectif. En parler

au P. Abbé, à celui qui nous accompagne, P.2Ut nous aider à repérer

comment cela se rattache à notre histoire personnelle.

Ne pas faire acception de personne: C'est notre travail, si nous voulons

que le monastère soit maison de Dieu. Regarder chaque frère comme

Dieu le regarde. Avec l'aide du Christ, apprendre à aimer.(2013-08-31)

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 02, v 11-15 Ce que doit doit être l'abbé? écrit le 30 août 2013
Verset(s) :

11. Quand donc quelqu'un prend le titre d'abbé, il doit diriger ses disciples par un double enseignement,

12. c'est-à-dire qu'il montrera tout ce qui est bon et saint par les actes plus encore que par la parole. Ainsi, aux disciples réceptifs il exposera les commandements du Seigneur par la parole, aux cœurs durs et aux plus simples il fera voir les préceptes divins par ses actes.

13. Inversement, tout ce qu'il enseigne aux disciples à regarder comme interdit, qu'il fasse voir par ses actes qu'on ne doit pas le faire, « ;de peur qu'en prêchant aux autres, il ne soit lui-même réprouvé »,

14. et qu'un jour Dieu ne lui dise, à cause de ses péchés : « ;Pourquoi proclames-tu mes ordonnances et recueilles-tu dans ta bouche mon alliance, alors que tu hais la discipline et que tu as rejeté mes paroles derrière toi ? ;»

15. Et : « Toi qui voyais le fétu dans l'œil de ton frère, dans le tien tu n'as pas vu la poutre. »

Commentaire :

« Ils disent et ne font pas ». La cohérence entre nos paroles et nos

actes. Ou plutôt: le risque d'incohérence! Car c'est le sens des deux

citations que Benoit nous propose dans ce passage: Le Psaume 49 « A

l'impie Dieu déclare: qu'as-tu à réciter mes lois, à garder mon alliance à

la bouche, toi qui n'aimes pas les reproches, et rejettes loin de toi

toutes mes paroles! » Et le chapitre 7 de Matthieu: « Qu'as-tu à

regarder la paille qui est dans l'œil de ton frère? Et la poutre qui est

dans ton œil à toi, tu ne la remarques pas! » Incohérence à double

niveau. Nous disons et nous ne faisons pas. Et pourtant nous jugeons

les autres!

Ce texte du chapitre sur l'Abbé concerne donc chacun d'entre nous.

Comment réagir? A l'Abbé, Benoit donne trois conseils ce matin: Se

souvenir du nom qu'il porte. Enseigner selon la Parole du Seigneur. Que

ses actes soient conformes à ce qu'il enseigne. Ces trois conseils valent

aussi pour nous.

Nous souvenir du nom de moine que nous portons. Du sens qu'il a.

de ce qu'il signifie pour les autres. « Ils mentent à Dieu par leur

tonsure », disait Benoit des sarabaïtes.

Que notre parole soit conforme à l'Evangile. Entre nous, ou quand

nous parlons avec des gens de l'extérieur. Car le risque est grand de

faire ce qu'on voit parfois: Si la Loi nous gêne, changeons la Loi.

C'est encore ce que disait Benoit des sarabaïtes : « Ils appellent bien

ce qui leur plait, mal, ce qui les gêne ».

« Ils disent et ne font pas ». c'est le reproche de Jésus aux pharisiens

que nous sommes si souvent. Nous sommes tentés de nous

débarrasser du Christ, parce que sa Présence nous rappelle sans

cesse l'incohérence de notre vie. Pourtant ce que Jésus veut, c'est

nous inviter à entrer dans un chemin de conversion. Il ne veut pas

nous condamner.

La vie monastique n'est pas un savoir, mais une sagesse, une

expérience. Elle comporte un apprentissage. Elle suppose de se mettre

à l'école chaque jour. Pour que, peu à peu, nos paroles et nos actes

coïncident avec le nom de Chrétien que nous portons. (2013-08-30)

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 02, v 1-10 Ce que doit doit être l'abbé? écrit le 27 août 2013
Verset(s) :

1. L'abbé qui est digne de gouverner le monastère, doit toujours se rappeler le titre qu'on lui donne, et vérifier par ses actes le nom du supérieur.

2. Il apparaît en effet comme le représentant du Christ dans le monastère, puisqu'on l'appelle d’un des noms de celui-ci,

3. selon le mot de l'Apôtre : « Vous avez reçu l'esprit d'adoption filiale, dans lequel nous crions : abba, père ! »

4. Aussi l'abbé ne doit-il rien enseigner, instituer ni commander qui soit en-dehors du précepte du Seigneur,

5. mais son commandement et son enseignement s'inséreront dans l'esprit de ses disciples comme un levain de justice divine.

6. L'abbé se rappellera toujours que son enseignement et l'obéissance des disciples, l'une et l'autre chose, feront l'objet d'un examen au terrible jugement de Dieu.

7. Et l'abbé doit savoir que le pasteur portera la responsabilité de tout mécompte que le père de famille constaterait dans ses brebis.

8. En revanche, si le pasteur a mis tout son zèle au service d'un troupeau turbulent et désobéissant, s'il a donné tous ses soins à leurs actions malsaines,

9. leur pasteur sera absous au jugement du Seigneur et il se contentera de dire au Seigneur avec le prophète : « Je n'ai pas caché ta justice dans mon cœur, j'ai dit ta vérité et ton salut. Mais eux s'en sont moqués et ils m'ont méprisé. »

10. Et alors, les brebis qui auront désobéi à ses soins auront enfin pour châtiment la mort triomphante.

Commentaire :

Ce chapitre est l'occasion de prier pour le Père Abbé, pour sa mission

délicate à La Bouenza.

Abbé, supérieur, pasteur des brebis. Mais d'abord représentant du

Christ. Le texte de ce matin évoque ce modèle: Jésus entouré de ses

disciples. Tout au long de ce chapitre Benoit utilise ce mot « disciple»

pour parler de nous. Le monastère est la continuation de ce groupe des

douze autour du Christ. L'un de nous tenant la place du Maître.

Comme le Christ, dont il porte le nom, l'Abbé doit faire naître la vie, la

Vie de Dieu, en ses disciples. Par son enseignement. Par l'organisation

concrète du monastère. Pour que cette maison soit la maison de Dieu.

A l'écoute de sa Parole.

C'est pourquoi Benoit dit à l'Abbé de ne pas craindre de dire la vérité à

ses frères: « Je n'ai pas caché ta justice dans mon cœur. J'ai dit ta

Vérité, ton Salut. » L'Abbé a ce rôle: donner aux frères l'occasion

d'entendre ce qui est bon, ce qui est vrai, ce qui sauve. Ce n'est pas un

rôle facile. Il est plus reposant de laisser faire, de fermer les yeux, de ne

pas intervenir. Comment parler pour que cela porte du fruit dans le

cœur du frère? Pour qu'il perçoive qu'on veut l'aider à vivre? Faire des

remarques amène ce double reproche:

Il dit trop, trop souvent. Toujours ces mêmes rappels, présence à

l'Office, silence du monastère, lectio divina ...

Et le reproche inverse: Il ne dit rien à ce frère. Il ne parle pas assez

de cette observance.

Si nous sommes objectifs, nous voyons que ce sont les manquements

des autres qui nous semblent insupportables, graves pour la vie de la

communauté. Les nôtres, au contraire, ne sont que des peccadilles, qui

ne valent pas la peine d'être relevées. Qui sont même signes de liberté.

Nous, nous sommes au-dessus de cela.

Ce n'est pas facile de dire à un frère ce qui ne va pas. Quand on nous

adresse un reproche, essayons d'écouter, de reconnaître ce qu'il y a de

vrai. Plutôt que de nous abriter derrière la maladresse du propos, et de

rejeter l'effort qui nous est demandé. (2013-08-27)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 01, v 6-9 des espèces de moines écrit le 22 août 2013
Verset(s) :

6. La troisième et détestable espèce de moines est celle des sarabaïtes. Aucune règle ne les a éprouvés, grâce aux leçons de l'expérience, comme l'or dans la fournaise, mais ils sont devenus mous comme du plomb.

7. Par leurs œuvres, ils restent encore fidèles au siècle, et on les voit mentir à Dieu par leur tonsure.

8. A deux ou trois, voire seuls, sans pasteur, enfermés non dans les bergeries du Seigneur, mais dans les leurs, ils ont pour loi la volonté de leurs désirs.

9. Tout ce qu'ils pensent et décident, ils le déclarent saint ; ce qu'ils ne veulent pas, ils pensent que c'est interdit.

Commentaire :

Que nous dit encore St Benoit sur les cénobites quand il en vient à décrire la «détestable espèce des sarabaïtes » ?

A l'inverse des sarabaïtes, les cénobites acceptent de se laisser éprouver par une règle. Ils consentent à se soumettre à des coutumes et à des lois, pour tirer les leçons de l'expérience de ceux qui les ont précédés. Le cénobite sait qu'il ne va pas inventer le fil à couper le beurre ou la poudre à canon. D'autres l'ont fait avant lui. Simplement il choisit d'apprendre à l'école de l'expérience d'une tradition qui le précède, celle de la communauté qui l'accueille, et finalement celle d'une longue lignée de chercheurs de Dieu dans la vie monastique. Il se fait disciple. Il entre en tradition.

S'il y a épreuve, de quelle épreuve s'agit-il? Comme l'or dans la fournaise, le cénobite est purifié par la vie commune. La vie sous une règle veut nous aider à nous libérer de tous ces réflexes qui nous placent au centre, comme si nous étions le centre du monde. Elle aide le cénobite à devenir vraiment lui-même, libéré de tous ses masques ou de toutes ses fausses sécurités.

A l'inverse, les sarabaïtes sont mous comme du plomb. Ils n'ont pas d'autres références que leur jugement propre ou leurs désirs. Ils sont à eux-mêmes leur propre maître. « Ce qu'ils pensent et décident ils le déclarent saint ...» Laissés à eux-mêmes, ils sont comme ces arbres qui ne poussent pas droits, faisant des branches n'importe comment ... Sans tuteur, cet autre nom de la règle, ils n'atteignent pas vraiment leur maturité ni toute leur capacité de porter du fruit. Le cénobite qui met sa vie sous le regard d'un autre, l'abbé, le père spirituel, et qui accepte de soumettre sa volonté aux prescriptions de la Règle, entre dans un tout autre processus de croissance. Processus apparemment lent, à certains jours contraignant, mais processus qui porte une forte promesse de vie. Le cénobite découvre peu à peu que la fécondité de sa vie n'est pas liée à ce qu'il pense ou entreprend par lui-même. Non, il découvre que cette fécondité sera reçue par son écoute de la volonté de Dieu, reconnue et accueillie au cœur de la vie commune.

Devenir cénobite, nous demandera toujours d'être vigilants à l'égard du sarabaïte qui sommeille en nous. Je relève deux points d'attention: quand on fait quelque chose qui regarde la vie de la communauté ou qui peut aller contre un point de vie commune, prend-on toujours d'en parler avant, sans mettre devant le fait accompli? Quand on demande une permission, la demande-t-on vraiment en laissant la possibilité du oui comme du non? Reste-on libre par rapport à un non ? C'est là que nous pouvons mesurer où nous en sommes vraiment sur notre chemin de liberté.

(2013-08-22)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 01, v 3-5 Des espèces de moines écrit le 21 août 2013
Verset(s) :

3. Ensuite la seconde espèce est celle des anachorètes, autrement dit, des ermites. Ce n'est pas dans la ferveur récente de la vie religieuse, mais dans l'épreuve prolongée d'un monastère

4. qu'ils ont appris à combattre le diable, instruits qu'ils sont désormais grâce à l'aide de plusieurs,

5. et bien armés dans les lignes de leurs frères pour le combat singulier du désert, ils sont désormais capables de combattre avec assurance les vices de la chair et des pensées, sans le secours d'autrui, par leur seule main et leur seul bras, avec l'aide de Dieu.

Commentaire :

Paradoxalement, ces lignes sur les ermites nous enseignent beaucoup sur ce que sont

les cénobites. C'est dans leurs rangs qu'ils ont reçu leur formation. Je relève quelques

notations qui viennent éclairer ce qu'est un moine.

« Pas dans la ferveur récente, mais dans l'épreuve prolongée » On pourrait ici avec humour transposer les paroles de la chanson en disant: « pour faire un moine mon Dieu que c'est long! ». La ferveur nous permet de franchir le pas de la porte. Mais si elle n'est pas relayée par la patience, aride parfois, et par la persévérance modeste, l'expérience pourra tourner court. La durée dans le temps est aussi bien épreuve que maitresse de vie qui nous enseigne et nous fortifie.

« Ils ont appris à combattre le diable ». La vie monastique n'est pas un long fleuve

tranquille, mais un lieu de combat. Combattre qui ? Le diable. Plus loin Benoit parle de « combattre les vices de la chair et des pensées ». Par ce rapprochement, Benoît nous livre le fruit d'une expérience. Le moine affronte d'abord en lui-même la division, en sa chair et en ses pensées. Rude combat parfois qui nous trouve écartelé entre des désirs et des pensées contradictoires. L'œuvre du diable, le diviseur, est de nous maintenir dans cette division intérieure. Le salut apporté par le Christ nous établit dans la paix, peu à peu, en nous réconciliant avec nous-même. La vie cénobitique nous permet d'affronter ce combat avec l'aide des frères. C'est la dernière notation qui ressort de ces lignes.

.

« Ils sont instruits grâce à l'aide de plusieurs, et bien armés dans les lignes de leur

frères ... » Les frères nous instruisent le plus souvent par leur exemple. Un tel nous touche par sa patience, un autre par sa serviabilité, un autre par son assiduité à la prière et à l'office, un autre encore par son ardeur au travail. Comme St Antoine qui tirait profit des qualités des moines qu'il côtoyait, nous pouvons recevoir beaucoup les uns par les autres. Ensemble, nous nous nous soutenons pour mener le bon combat de la fidélité. Heureux sommes-nous si nous ne nous laissons ni attrister, ni attirer par les défauts des frères qui peuvent nous éprouver ou nous tenter ... Personne ne peut mener le bon combat à notre place. Un dernier point important, nous recevons le soutien fraternel aussi dans la parole échangée, avec le père spirituel, mais

aussi avec les frères dans un groupe, ou sur un lieu de travail. La parole donnée et la parole reçue nous apprend à nous ajuster à la réalité et aussi les uns aux autres. Nul n'est une île. La communion vécue et recherchée sans cesse dilate notre cœur. En aimant, nous nous avançons plus résolument à la rencontre du Dieu Amour. N'est-ce pas là la finalité de notre vie cénobitique, nous faire entrer à travers la charité concrète et souvent obscure, dans la connaissance du Dieu Amour ? (2013-08-21)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 01, v 1-2 des espèces de moines écrit le 20 août 2013
Verset(s) :

1. Il est clair qu'il existe quatre espèces de moines.

2. La première est celle des cénobites, c'est-à-dire vivant en monastères ; ils servent sous une règle et un abbé.

Commentaire :

Qu'est-ce qu'un moine? Telle est la question qu'on peut entendre en filigrane de ce chapitre. St Benoit va essayer de dire ce qu'il est et ce qu'il ne devrait pas être en inventoriant les quatre espèces de moine. Il n'est pas facile de dire ce qu'est un moine! N'est-ce pas le but de ce commentaire de la règle qui réunit la communauté chaque matin, que de préciser ce qu'est notre vie monastique pour nous aujourd'hui? Cela peut paraitre étonnant à des yeux étrangers, voire à nous aussi parfois, de reprendre ainsi inlassablement la règle. Mais est-ce si étonnant?

Notre vie monastique ressemble à une ascension de montagne qui durerait toute une vie. Si on veut atteindre le sommet, il faut continuellement examiner où sont nos forces, faire le point sur la marche, mesurer l'effort, reprendre le cap. Ainsi la vie monastique porte en elle un dynamisme de progrès perpétuel. Soit on cherche à la mieux comprendre et on a des chances de mieux vivre cette course vers les sommets. Soit on ronronne, et on s'installe dans des habitudes qui nous font perdre le sens de la course. L'exigence de la vie monastique est telle qu'elle ne supporte guère de demi-mesure. Aussi pour nous aider à rester vivant dans cette course, nous scrutons sans cesse ce vieux texte.

Qu'est-ce qu'un moine? Benoit a une préférence pour la première espèce, celle des

cénobites. Le cénobite? : un homme, unique (toujours un monos) qui devient vraiment lui-même en menant vie commune (koinos bios d'où cénobite) avec d'autres. Cette vie commune pour être possible va demander trois éléments constitutifs: un lieu commun, le monastère, une loi commune, la règle et une même autorité reconnue, celle de l'abbé.

Le lieu ou le monastère nous lie dans une concrète solidarité, à un terroir et à une

histoire. Chacun devient moine dans un lieu façonné par une lignée de frères qui le précède. A la fois, nous sommes façonnés par ce lieu et à la fois nous le façonnons par les diverses réalisations auxquelles nous contribuons. Le granit, la forêt, le Trinquelin, l'insertion dans la vie locale du Morvan et dans l'histoire de ce lieu dessine peu à peu notre visage de moine de la Pierre qui Vire.

La loi commune ou la règle nous montre le but à atteindre: le Royaume de Dieu. Elle

nous offre surtout les moyens concrets pour demeurer ensemble des disciples du Christ,

chercheurs de Dieu infatigables en toutes choses, dans le travail comme dans la prière, dans les relations comme dans le silence. Humilité et charité seront les deux lampes que Benoit recommande de garder avec soin, pour illuminer le chemin.

L'autorité de l'abbé, reconnue par tous, est au service aussi bien du rassemblement de la communauté que de la croissance de chacun. Il écoute les frères et il se fait l'interprète de la recherche de la volonté de Dieu pour la communauté, pour les orientations à prendre. Son autorité renvoie à celle du Christ qui seul guide la communauté.

Nous pouvons être heureux de recevoir de Benoit et de la tradition, cette vie

cénobitique avec ses équilibres subtils et féconds (2013-08-20)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 00, v 45-50 Prologue écrit le 13 août 2013
Verset(s) :

45. Il nous faut donc instituer une école pour le service du Seigneur.

46. En l'organisant, nous espérons n'instituer rien de pénible, rien d'accablant.

47. Si toutefois une raison d'équité commandait d'y introduire quelque chose d'un peu strict, en vue d'amender les vices et de conserver la charité,

48. ne te laisse pas aussitôt troubler par la crainte et ne t'enfuis pas loin de la voie du salut, qui ne peut être qu'étroite au début.

49. Mais en avançant dans la vie religieuse et la foi, « le cœur se dilate et l'on court sur la voie des commandements » de Dieu avec une douceur d'amour inexprimable.

50. Ainsi, n'abandonnant jamais ce maître, persévérant au monastère dans son enseignement jusqu'à la mort, nous partagerons les souffrances du Christ par la patience, afin de mériter de prendre place en son royaume. Amen.

Commentaire :

Dans ce passage entendu, je suis frappé par le début et par la fin. Le début, Benoit

parle d'instituer une école du service du Seigneur. Nous sommes du côté de l'institution avec

les mots instituere, constituere d'où viennent nos constitutions ... Et à la fin, Benoit conclue

sur une note plus spirituelle et mystique sur le partage des souffrances du Christ par la

patience afin de prendre place avec lui dans son Royaume. Institution et vie mystique: deux

aspects que l'on a du mal à associer habituellement. On préfère souvent les opposer. St Benoit

considère la vie monastique comme une voie qui a besoin inséparablement des deux

dimensions pour atteindre son but. Sans la dimension institutionnelle, la vie mystique risque

de ne pas rejoindre en profondeur la réalité humaine. Sans la dimension mystique, la part

institutionnelle de notre vie risque de manquer son but qui est de faire entrer dans une relation

vivante avec le Christ.

La dimension institutionnelle avec son cadre de vie, ses règles et ses coutumes est à la

fois un soutien qui conforte, et à la fois une exigence qui requiert de notre part une attention

continuelle. En cherchant à habiter vraiment ce cadre, en nous laissant façonner par lui, nous

sommes comme des bâtisseurs qui creusons toujours plus profond dans le sol leurs fondations.

Certes parfois, le cadre et les règles nous éprouvent. Mais si nous prenons le temps de

comprendre pourquoi nous sommes éprouvés, plutôt que de tout rejeter, nous allons pouvoir

entrer dans une obéissance plus profonde et plus vivante. La vie monastique est en ce sens une

école où, avec tout ce que nous sommes, même avec les parties plus rebelles de nous-mêmes,

nous nous tournons peu à peu et davantage vers le Christ. Et la grâce des grâces, c'est

'. apprendre cela avec d'autres, mais aussi les uns par les autres, soutenus les uns par les autres,

éprouvés aussi les uns par les autres.

La dimension mystique de notre vie ne ressemble pas à ce qu'on pourrait imaginer en

matière de grands transports mystiques. Elle se vit de manière très simple dans l'ordinaire des

jours. Elle est expérimentée dans le cœur à cœur avec le Christ que l'on cherche à maintenir

vivant au long de nos journées, dans les rencontres comme dans le travail. Elle est nourrie par

la prière de l'office et par la lectio, ainsi que par les temps de prière personnelle. Si la relation

au Christ est un don de la grâce, il ne faut pas cependant nous faire illusion. Si nous ne

prenons pas un soin particulier de nos exercices habituels de prière liturgique, et de prière et

lectio personnelle, nous ne pourrons grandir et goûter la joie de cette rencontre. Notre

responsabilité est grande ici. Si nous sommes tentés de reprocher à Dieu qu'il est absent,

vérifions si nous lui donnons vraiment du temps, si nous prenons les moyens d'aller à sa

rencontre. Là encore notre relation au Christ a besoin de repères, d'un cadre.

Partager par la patience les souffrances du Christ, dans l'épaisseur de notre vie

quotidienne guidée par la règle: voilà le chemin pascal qui nous est proposé, afin de laisser

advenir la vie du Ressuscité en notre vie déjà, dans l'attente du Royaume.

(2013-08-13)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 00, v 39-44 Prologue écrit le 03 août 2013
Verset(s) :

39. Nous avons donc interrogé le Seigneur, frères, au sujet de celui qui habitera dans sa demeure, et nous avons entendu le précepte donné pour y habiter, mais pourvu que nous remplissions les devoirs incombant à l'habitant.

40. Il nous faut donc tenir nos cœurs et nos corps prêts à servir sous la sainte obéissance due aux préceptes.

41. Et pour ce que la nature en nous trouve impossible, prions le Seigneur d'ordonner au secours de sa grâce de nous l'accorder.

42. Et si, fuyant les châtiments de la géhenne, nous voulons parvenir à la vie perpétuelle,

43. tandis qu'il en est encore temps et que nous sommes en ce corps et qu'il reste le temps d'exécuter tout cela à la lumière de cette vie,

44. il nous faut à présent courir et accomplir ce qui nous profitera pour toujours.

Commentaire :

« Tandis qu’il est encore temps »… « Il nous faut à présent courir ». La manière de s’exprimer de Benoît peut surprendre, il décrit la vie monastique comme une course où il n’y a pas un moment à perdre. Cela contraste avec d’autres notations où il s’agit de ne pas se précipiter tout en se hâtant, lors du lever par exemple en RB 22,6 « en toute gravité et retenue » précise Benoît.

A quelle attitude intérieure veut-il nous éveiller ? A quel dynamisme de vie nous engage t-il ? Courir oui, mais ne pas se précipiter. Courir oui, mais ne pas s’agiter. La recommandation est faite ici à l’abbé (RB 64,16). Courir oui, mais ne pas aller de tous cotés, ne pas se disperser comme c’est demandé au portier (RB 66,1) et ensuite à tous les moines invités à demeurer en clôture (RB 66,7). Ces précisions sont utiles pour nous, marqués avec notre société, par la course après le temps. Nous pourrions être vite tentés de vouloir tout vivre à fond pour ne pas perdre une minute, avec le gros risque de nous tromper de course. Car la course à laquelle nous entraine Benoît est plus subtile que d’accomplir une distance ou un travail dans le temps le plus court. Cette course là œuvre pour le royaume terrestre. Elle ne prépare pas la vie du Royaume des cieux. Elle peut même nous en éloigner, en nous centrant tellement sur nous-mêmes et notre préoccupation à abattre du travail que nous devenons impatients voire agressifs.

Veillons donc à ne pas confondre les deux courses. Mais comment mieux dire la course que Benoît nous propose ? Ce qui la caractérise n’est pas de vouloir gagner du temps, mais de s’assurer qu’on veut donner notre temps. Le donner à Dieu, à la communauté, à nos frères. Ce qui caractérise cette course, c’est de regarder le but, c’est à dire Celui qui nous attend le Seigneur ou le frère, plutôt que de se regarder soi-même en quête de performance d’efficacité ou de rentabilité. Mystérieusement, on saura s’arrêter pour prendre le temps de la prière, de la lectio ou de l’étude. Afin de mieux ajuster notre désir à Celui vers lequel on s’élance, le Christ. Qu’il nous apprenne à demeurer vivants et vigilants dans cette course de fond, dans la persévérance et dans la joie de la fidélité. (2013-08-03)

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 00, v 35-38 Prologue écrit le 01 août 2013
Verset(s) :

35. Achevant ainsi son discours, le Seigneur attend que nous répondions chaque jour par des actes aux saints enseignements qu'il vient de nous donner.

36. Voilà pourquoi les jours de cette vie nous sont accordés comme un sursis en vue de l'amendement de notre mauvaise conduite,

37. selon le mot de l'Apôtre : « Ne sais-tu pas que la patience de Dieu te conduit à la pénitence ? »

38. Car le Seigneur dit, dans sa bonté : « Je ne veux pas la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse et qu'il vive. »

Commentaire :

Ces versets nous disent le sérieux de notre vie. « Répondre par des

actes aux saints enseignements de Dieu ». « Ces jours de notre vie nous

sont accordés comme un délai pour corriger ce qui est mauvais dans

notre conduite ». « Dieu n'est patient que pour t'amener à changer de

vie. ». Et cette citation d'Ezéchiel : « Le Seigneur dit dans sa tendresse:

Je ne veux pas la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse et qu'il

vive ».

Répondre par des actes! Tout est organisé au monastère pour que

notre vie soit centrée sur Dieu. Nous sommes ici pour nous convertir,

c'est-à-dire pour nous tourner vers Lui, sans nous lasser.

Cela demande du discernement: Quels obstacles surmonter? Quels

moyens employer? Parmi les dangers qui nous guettent, il y a

l'accoutumance, l'habitude, la routine. La superficialité. Surtout peut-

être, ce besoin de nous installer tellement enraciné en nous. Nous ne

devons pas nous endormir: c'est l'œuvre de Dieu qui est en jeu. Et Il a

voulu nous y associer.

Quels moyens employer pour ce travail à reprendre chaque jour? Avant

tout la prière, cette relation vivante. A-t-elle toute sa place dans notre

vie? « Prier sans cesse ». Cerner les zones de notre vie où la prière peut

manquer. Elle est la première condition pour voir clair en nous.

Ensuite: Entrer à fond dans la vie de la communauté. Elle est pour nous

l'Eglise d'où jaillit sans cesse la Source Vive. Et puis: Vivre dans la

lumière. Ne rien garder en soi qui soit ténèbres. Nous ouvrir. Avoir

recours au Christ qui nous purifie. Le Seigneur nous attend. Il nous

cherche. Soyons ouverts à ses appels.

Et pour corriger ce qu'il y a peut-être d'un peu raide dans mes paroles,

je vous rappelle cette prière de Madeleine Delbrêl : « Faites-nous vivre

notre vie non comme un jeu d'échecs où tout est calculé, non comme

un match où tout est difficile, non comme un problème qui nous casse

la tête, non comme une dette à payer, mais comme une fête, comme

un bal, comme une danse entre les bras de votre grâce. » (2013-08-01)