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HOMELIE

31 mars
année 2023-2024

Année B - Dimanche de Pâques - messe du Jour - 31 mars 2024 Ac 10 34-43; 1 Co 5 6-8; Jn 20 1-9 Homélie du F.Guillaume

Peu de temps avant sa mort, on posa cette question à Confucius, le Grand Sage de la Chine : « mais à quoi passeriez-vous votre vie, si elle était à refaire ? » Et Confucius de répondre simplement : « si elle était à refaire, je passerais ma vie à réinventer la signification originelle des mots »

Frères et sœurs, en ce dimanche de Pâques, où nous célébrons dans la foi et dans la joie, la Résurrection du Christ, notre Seigneur, arrêtons-nous un instant, si vous le voulez bien à la signification originelle de ce mot de résurrection. Quel sens lui donnons-nous, à partir de notre expérience de croyant, à la lumière des Ecritures, et en confrontation avec l’expérience des premiers témoins : Marie Madeleine, Pierre, Jean, Paul ? Saint Paul nous en avertit dans sa lettre aux Corinthiens : « si le Christ n’est pas ressuscité, votre prédication est vide, et vide aussi votre foi : vous êtes encore dans vos péchés ». Ce mot de résurrection provient du verbe ressusciter, qu’il conviendrait mieux de prononcer re-susciter, c’est-à-dire susciter à nouveau ou de nouveau. Avec l’idée que confère le préfixe « re », soit d’un retour en arrière, restauration d’une situation antérieure, soit au contraire de renouvellement, de recommencement, voire de re-création pour une situation totalement inédite et différente de toutes les situations précédentes.
Le verbe « susciter » évoque aussi la naissance, l’éveil à un monde encore inconnu, en rapport avec la vie. Jésus d’ailleurs n’a-t-il pas associé les deux termes quand il dit à Marthe, à la mort de son frère Lazare : « Je suis la Résurrection et la Vie » ? Ainsi l’étymologie de ce mot de résurrection nous place dans le registre vital du temps et de l’histoire, selon les dimensions du passé, du présent et de l’avenir.
Entre le passé et le présent, il définit une rupture, une rupture instauratrice, qui conserve quelque chose d’essentiel du passé. Christ ressuscité, au matin de Pâques et après Pâques, est à la fois le même et un autre pour les disciples qui l’ont connu avant sa mort sur la Croix. Marie Madeleine dans le jardin le prend pour un jardinier, les pèlerins d’Emmaüs cheminent avec lui sans le savoir. Et les pêcheurs de Tibériade ne reconnaissent pas immédiatement l’étranger sur le rivage, près du feu. C’est dire que le Corps glorieux du Christ ressuscité et différent de celui qui parcourait les routes de Palestine, en enseignant les foules et guérissant les malades. Pourtant il garde les marques de sa Passion, et Thomas, l’incrédule, pourra le reconnaître en avançant sa main et en la portant dans le coté transpercé de son Seigneur. Ce toucher sera refusé à Marie Madeleine : Jésus l’invite à entretenir désormais avec lui un nouveau type de rapport où le corps est investi autrement que par le contact sensible. Elle a pour mission d’annoncer par la parole et dans la foi le message de la Résurrection aux apôtres.
Pour les disciples d’Emmaüs, c’est à la fraction du pain que le Christ ressuscité se fait reconnaître, tout en disparaissant aussitôt à leurs yeux de chair. Là encore, invitation à un nouveau rapport, dans le mystère sacramentel de l’eucharistie, où le Christ Ressuscité présent réellement en son Corps et en son Sang, se donne dans les signes du pain et du vin : nouveau contact, nouveau toucher.

Mais si la Résurrection instaure une certaine rupture avec le passé, elle entraîne dans le même mouvement l’ irruption du monde humain, terrestre dans le monde divin, céleste, dans le Royaume annoncé et promis. Elle engage alors un nouveau rapport aussi entre le présent et l’avenir, entre le déjà-là et le pas encore.
Saint Paul dans la seconde lecture que nous avons entendue aujourd’hui nous l’affirme : « du moment que vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez ce qui est en haut, là où se trouve le Christ, assis à la droite de Dieu. C’est en effet en haut qu’est votre but, non sur la terre ; en effet, vous êtes morts avec le Christ, et votre vie reste cachée avec lui en Dieu. Quand paraîtra le Christ, votre vie, alors, vous aussi, vous paraîtrez avec lui en pleine gloire ».
Notre propre résurrection est ainsi engagée dès maintenant avec celle du Christ. Nous sommes entrés avec lui, par le baptême, dans le Royaume, dans la vie éternelle. Nous avons part à la connaissance du mystère de la mort et de la résurrection du Christ, à partir du moment où, comme le disciple Jean, nous croyons, même sans avoir vu. Et nous sommes appelés à vivre dans l’Esprit Saint une vie nouvelle, une nouvelle création. La résurrection implique une tension entre le déjà-là du Royaume inauguré par elle, et le pas-encore du Royaume achevé du Dernier Jour. L’enjeu de cette tension se situe dans la responsabilité de notre engagement présent, ici et maintenant. Elle met en acte notre espérance, « une espérance pleine d’immortalité », comme le disait déjà le livre de la Sagesse, dans l’Ancien Testament. Car, « si nous avons mis notre espérance dans le Christ pour ce monde-ci seulement, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes. Mais non, Christ est ressuscité, prémisse de tous ceux qui doivent aussi ressusciter avec lui au Dernier Jour ». Il nous faut alors espérer contre toute espérance, comme Abraham quand il fut soumis à l’épreuve. Il nous faut croire à l’impossible qui reconstitue un réel plus réel que toutes les réalités de notre imaginaire. Il nous faut enfin aimer de cet amour qui nous vient de l’Esprit Saint et qui est la puissance première et dernière à l’œuvre dans la Résurrection.
Croire à la Résurrection, c’est donc croire au poids de ce qui fait l’importance de notre vie : les événements, les rencontres, les expériences profondes que nous pouvons faire ici-bas, sans nous y attacher outre mesure, car la figure de ce monde est appelée à passer. Tout sera suscité à nouveau, re-suscité : notre vie sera reprise et récapitulée dans le Christ, dans la lumière et la communion définitives, dégagée de tout péché, quand le Christ soumettra tout à son Père et qu’il sera tout en tous.
Méditer sur le mystère de la Résurrection, ré-inventer la signification originelle du mot, c’est donc être invité à porter un regard sérieux sur notre existence, lui donner un sens, au-delà des échecs, de l’absurde, du péché et des petites morts que nous connaissons tous plus ou moins.
Sans déserter le quotidien, c’est vivre dans l’attente, dans la confiance et l’espérance. C’est croire en vérité à ce que nous allons confesser tous ensemble dans un instant : « j’attends la résurrection des morts et j’attends la vie du monde à venir ». AMEN

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