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1. « Chacun tient de Dieu un don particulier, l'un comme ceci, l'autre comme cela. »
2. Aussi est-ce avec quelques scrupules que nous déterminons la quantité d'aliments pour les autres.
3. Cependant, eu égard à l'infirmité des faibles, nous croyons qu'il suffit d'une hémine de vin par tête et par jour.
4. Mais ceux à qui Dieu donne la force de s'en passer, qu'ils sachent qu'ils auront une récompense particulière.
5. Si les conditions locales et le travail ou la chaleur de l'été font qu'il en faut davantage, le supérieur en aura le pouvoir, en veillant toujours à ne pas laisser survenir la satiété ou l'ivresse.
6. Nous lisons, il est vrai, que « le vin n'est absolument pas fait pour les moines », mais puisqu'il est impossible d'en convaincre les moines de notre temps, accordons-nous du moins à ne pas boire jusqu'à satiété, mais plus sobrement,
7. puisque « le vin fait apostasier même les sages. »
8. Quand les conditions locales feront que l'on ne puisse même pas trouver la quantité indiquée ci-dessus, mais beaucoup moins ou rien du tout, les habitants du lieu béniront Dieu et ne murmureront pas.
9. Car nous recommandons ceci avant tout : qu'on s'abstienne de murmurer.
Dans la même ligne que le chapitre précédent, St Benoit invite à la mesure dans la boisson. Le mot « sobrement » est utilisé à propos de la façon de boire le vin. La sobriété : il est intéressant que ce mot retrouve toutes ses lettres de noblesse dans notre société de consommation. Il fait signe d'un désir plus profond tapis dans le cœur de chacun afin de trouver pour soi et tous ensemble un plus juste rapport à la nourriture, à la boisson, et plus largement à l'usage des biens. Dans la recherche d'une autre qualité alimentaire, la sobriété s'offre comme un repère pour donner une direction. Sur ce terrain, nous moines pouvons avoir notre rôle à jouer, non pas tant pour nous montrer en exemple ce qui serait bien prétentieux, que pour faire signe par notre mode de vie que c'est possible et même que c'est bon... Ce petit chapitre peut nous aider pour nous même d'abord, à comprendre l'enjeu de la sobriété. J'en retiens plusieurs aspects.
Le premier est que la sobriété pour l'un ne prend pas forcément la même forme que la sobriété pour un autre. « Chacun tient de Dieu un don particulier, l'un comme ceci, l'autre comme cela» dit Benoit en reprenant Paul (1 Co 7,7). Si nous tendons à une sobriété commune, par notre régime communautaire, par exemple en n'ayant du vin que pour les fêtes, la sobriété sera vécue différemment par chacun. Voilà une conviction à garder pour s'interdire tout jugement. Le second point qui découle du premier est finalement que la sobriété, vécue comme capacité à s'auto limiter pour ne pas prendre ou pour prendre avec modération, est un don de
Dieu. C'est lui qui donne la force de se passer d'un aliment ou de vin... Compte tenu de ce qu'est notre nature humaine prompte à prendre, toujours un peu « prédatrice » pour assurer sa survie, la sobriété monastique que nous recevons de la tradition comme un don de Dieu, fait signe pour nous-mêmes et pour qui peut le reconnaitre que notre vie est toujours reçue. Il ne sert à rien de vouloir prendre. Il nous faut apprendre à tout recevoir. Le troisième aspect que je retiens est cette notation de St Benoit, à propos de ceux qui peuvent se passer de vin : « ils auront une récompense particulière ». Une récompense peut-être dans la vie à venir. Mais certainement déjà en cette vie présente. Pouvoir maitriser ses appétits, ses propensions à se servir, à prendre, pour ne garder que ce dont on a vraiment besoin, n'est-ce pas déjà notre récompense? C'est la récompense de la liberté vis-à-vis de nos envies plus ou moins pulsio1mels. Le psalmiste nous suggère quelque chose de cette récompense : « Mon cœur incline à pratiquer tes commandements: c'est à jamais ma récompense» (Ps 118, 112)
1. Nous croyons qu'il suffit à toutes les tables pour le repas quotidien, qu'il ait lieu à sexte ou à none, de deux plats cuits, en raison des diverses infirmités,
2. pour que celui qui ne peut manger de l'un, fasse son repas de l'autre.
3. Donc deux plats cuits suffiront à tous les frères ; et s'il y a moyen d'avoir des fruits ou des légumes tendres, on en ajoutera un troisième.
4. Une livre de pain bien pesée suffira pour la journée, qu'il y ait un seul repas ou déjeuner et souper.
5. Si l'on doit souper, le cellérier gardera le tiers de cette même livre pour le rendre au souper.
6. S'il arrive que le travail devienne plus intense, l'abbé aura tout pouvoir pour ajouter quelque chose, si c'est utile,
7. en évitant avant tout la goinfrerie et que jamais l'indigestion ne survienne à un moine,
8. car rien n'est si contraire à tout chrétien que la goinfrerie,
9. comme le dit Notre Seigneur : « Prenez garde que la goinfrerie ne vous appesantisse le cœur. »
10. Quant aux enfants d'âge tendre, on ne gardera pas pour eux la même mesure, mais une moindre que pour les plus âgés, en gardant en tout la sobriété.
11. Quant à la viande des quadrupèdes, tous s'abstiendront absolument d'en manger, sauf les malades très affaiblis.
Si nous devions réécrire ce chapitre aujourd'hui, peut-être insisterions-nous moins sur la quantité que sur la qualité de la nourriture. Et pas de la qualité de mets bien cuisinés et succulents, pensée comme unique fin. Cette recherche-là nous mettrait alors dans une quête illusoire de plaisirs qui serait toujours déçue. Si nous cherchons notre seul plaisir là, nous sommes les plus malheureux des hommes. Non, aujourd'hui, nous sommes en quête d'une qualité de nourriture qui voudrait nous inscrire dans une cohérence plus globale avec notre environnement immédiat, mais aussi avec l'économie de la planète. Les facilités des communications, ainsi que les progrès de production des denrées en quantité et en qualité ont considérablement modifié nos manières de manger. Nous mangeons de plus en plus en hors sol. soit parce que les produits viennent de grandes serres, soit parce qu'ils viennent du monde entier. Nous mangeons des haricots verts produits au Maroc, des oranges d'Espagne, des bananes des Antilles, du chocolat de Côte-d'Ivoire, etc... Nous nous sommes habitués à cela comme si c'était normal. On avait l'argent, on avait le pétrole, alors pourquoi s'en priver. Aujourd'hui, nous entrons dans une prise de conscience que tout ceci a un coût en matière de qualité environnementale. Soit parce que la production ou l'acheminement de pays lointains a un impact sur l'émission de gaz à effet de serre, soit parce produire en grande quantité de certains plantes ou animaux entraine un déséquilibre dans la biodiversité ou les écosystèmes de plusieurs endroits de la terre... qu'on pense à l'Amazonie... Du coup, nous entrons avec nos contemporains dans une nouvelle approche de notre rapport à l'alimentation. Le critère n'est plus seulement: est-elle bonne et équilibrée, mais d'où vient-elle et comment a-t-elle été produite en so1te que les personnes humaines qui les produisent soient respectées, et que le milieu naturel d'où elles sont issues soit mise en valeur. Il ne nous est pas facile d'entrer dans cette nouvelle manière de vivre et de manger qui oblige à prendre de la hauteur. Manger aujourd'hui oblige à une conversion du regard, afin d'accepter de se poser des questions. Je ne mange pas uniquement pour satisfaire mes besoins, mais je mange en me souciant du bien commun. de celui qui a produit ces denrées, de celui de toute la planète dans le désir de veiller à son fragile équilibre... Peut-être me direz-vous que c'est trop compliqué... Ici, il nous faut un peu de courage et surtout le désir d'écouter d'autres manières de voir. Nous y entrons progressivement avec l'aide de nos frères de la commission Eglise Verte. Ensemble, il s'agit d'entrer dans une nouvelle forme d'ascèse qui oblige à prendre soin de tous, même en mangeant.
6. Quant à ce qui est nécessaire pour manger et boire, les frères se serviront à tour de rôle, de telle sorte que nul n'ait besoin de rien demander.
7. Si pourtant on a besoin de quelque chose, on le demandera en faisant retentir un signal quelconque, plutôt qu'en élevant la voix.
8. Personne non plus, dans la pièce, ne se permettra de poser aucune question sur la lecture ou sur autre chose, pour ne pas donner d'occasion,
9. sauf si le supérieur voulait dire brièvement un mot pour l'édification.
10. Le frère lecteur hebdomadier prendra le mixte avant de commencer à lire, à cause de la sainte communion et de peur que le jeûne ne lui soit pénible à supporter.
11. Mais c'est plus tard qu'il prendra son repas, avec les hebdomadiers de la cuisine et les serviteurs.
12. Les frères ne liront ni ne chanteront tous à la suite, mais seulement ceux qui édifient les auditeurs.
Après avoir donné les recommandations avant d'entrer dans le service de lecteur, Benoit poursuit en précisant les conditions à respecter durant le temps le repas. Chacune semble être énoncée pour contribuer à la sauvegarde d'un climat d'écoute. Celui-ci se présente comme un écrin indispensable pour donner toute sa place à la parole entendue.
Le silence complet est demandé, comme il est requis aussi particulièrement après complies, à la sortie de l'oratoire ou encore au moment de la sieste. Dans ce silence, il nous faut entendre surtout l'éveil à une attention renforcée pour être soi-même à l'écoute et pour ne pas gêner son voisin. Ici comme en bien d'autres moments de notre journée, faire silence est un acte de charité envers Dieu et envers les autres. Envers Dieu, quand il nous introduit dans une intimité plus réelle avec Lui. Envers les autres, quand j'accepte de ne pas déranger, pour permettre à chacun de cultiver son intimité avec le Seigneur. Pendant le repas, une manière de vivre ce silence est de veiller à deux choses : la I ère à ne pas faire trop de bruit avec ses couverts, par ex quand on coupe la salade, ou encore pour les servants quand on pose les plats sur les tables ou le chariot ; la 2de : veiller à ne pas manifester par des mimiques ostentatoires ou par des bruissements étouffés ses réactions positives ou négatives à ce qui est lu. Ce silence-là est une manière de ne pas se mettre sur la place publique, comme si nous en étions le centre. L'écoute de la lecture devant rester au centre de l'intérêt, Benoit recommande de ne pas déranger bruyamment pour demander quelque chose. Soit on le fait par un signe discret, soit on est attentif à se servir les uns les autres... Tout en écoutant, avoir un regard sur les besoins de mon frère à côté de moi, voilà un beau défi de charité pour chacun de nous, toujours à reprendre. Mon écoute ne m'enferme pas sur moi, mais elle demeure présente à mes voisins. De même,je rappelle l'attention que nous désirons aussi honorer: celle de nous attendre avant de passer au plat suivant. Ici, ce n'est pas une attention fraternelle de proposer les fruits à un frère qui a fini son fromage alors que les autres sont encore au plat. Ce frère qui mange vite doit apprendre manger avec les autres et pas tout seul. Veillons à nous entraider sur ce point pour sauvegarder l'esprit de notre repas commun qui est de refaire nos forces ensemble en vue d'une communion toujours plus forte entre nous.
1. La lecture ne doit jamais manquer aux tables des frères. Il ne faut pas non plus que la lecture y soit faite au hasard par le premier qui aura pris un livre, mais un lecteur pour toute la semaine entrera en fonction le dimanche.
2. En entrant, après la messe et la communion, il demandera que tous prient pour lui, afin que Dieu éloigne de lui l'esprit d'orgueil.
3. Et tous, à l'oratoire, diront par trois fois ce verset, qui sera toutefois entonné par lui : « Seigneur, tu m'ouvriras les lèvres, et ma bouche annoncera ta louange. »
4. Et alors, ayant reçu la bénédiction, il entrera en fonction pour la lecture.
Avec ce chapitre, st Benoit nous offre plusieurs critères de compréhension de ce qu'est la lecture pour les moines au réfectoire. /« Elle ne doit jamais manquer». Comme le pain ou l'eau qu'on trouverait indécent de voir manquer sur nos tables en Occident, la lecture ne peut manquer dans un réfectoire de moines. A la nourriture corporelle est associée indissociablement une nourriture pour l'esprit, et aussi une nourriture pour le cœur. /« Elle n'est pas faite au hasard».
Son choix revient aujourd'hui à f. Guillaume qui est à l'écoute des propositions d'autres frères. Il est attentif à garder un équilibre entre le repas du midi ou les lectures peuvent embrasser des champs d'intérêts ou de connaissances larges, et le repas du soir exclusivement consacré à une lecture spirituelle ou théologique. Les repas des dimanches et lundi, voire mardi, veulent honorer notre besoin d'information sur la vie du monde, sur les courants de pensée et les mouvements qui le traversent.
/St Benoit recommande une prière spéciale dite par tous en faveur du lecteur« afin que Dieu éloigne de lui l'esprit d'orgueil», à une époque où savoir lire n'était pas forcément le fait du plus grand nombre. Ceci peut être entendu aujourd'hui pour le lecteur, comme une invitation à demeurer attentif à rester un serviteur de ses frères. C'est pour eux qu'on lit, dans le souci de les aider à comprendre au mieux le texte. Que chaque lecteur ait donc à cœur de ne pas oublier qu'il lit pour les autres. Entre le lecteur qui peut être tenté de faire des effets, et celui qui semble lire pour lui-même, il y a une vigilance à garder. Si l'on a des doutes sur sa manière de lire, qu'on n'hésite pas à demander si notre façon convient. Et si des frères souffrent d'une manière de lire, qu'ils en parlent à un tiers pour évaluer s'il faut faire ou non w1e remarque. /Dernière recommandation : la reprise du même verset d'ouverture qui introduit l'office des Vigiles. « Seigneur ouvre mes lèvres, et ma bouche publiera ta louange ». Si nous réservons aujourd'hui cette invocation à la liturgie, on peut entendre à travers cette prière, que toute parole qui sort de la bouche du lecteur est appelée à servir la louange du Seigneur. C'est à un profond regard de foi que St Benoit nous convie ici : celui d'accueillir tout ce qu'on entend, comme bien plus que des paroles qui nous instruisent, mais comme des paroles qui voudraient nous aider à approfondir le mystère de notre foi. Par les lectures entendues, il nous revient moins d'aiguiser notre curiosité plus ou moins insatiable, que notre intelligence appelée au discernement de l'action de Dieu à l'œuvre dans notre monde et dans nos vies. Si parfois, nous pouvons rester bien perplexes ou désemparés face à des évènements ou faits relatés, nous pouvons toujours transformer notre perplexité en prière... pour mieux comprendre, pour mieux aimer aussi ce monde aux prises avec les douleurs de l'enfantement.
1. Bien que la nature humaine incline par elle-même à l'indulgence pour ces âges, celui des vieillards et celui des enfants, l'autorité de la règle doit cependant y pourvoir.
2. On aura toujours égard à leur faiblesse et on ne les astreindra nullement aux rigueurs de la règle en matière d'aliments,
3. mais on aura pour eux de tendres égards et ils devanceront les heures réglementaires.
« Bien que la nature humaine incline à l'indulgence pour les âges .. » Rien d'étonnant que la règle de Saint Benoît consacre un chapitre aux vieillards et aux enfants. Car déjà la nature humaine assez spontanément est attentive à ces deux périodes riches de l'existence humaine. Deux périodes éloignés dans le temps et pourtant si proches par bien des aspects. C'est le paradoxe de notre existence humaine de rapprocher ainsi ces deux âges de l'éclosion de la vie et son affaiblissement progressif. Dans l'un et l'autre cas, se vit une commune fragilité et une forte dépendance à l'égard d'autrui pour les besoins les plus élémentaires ... Mystère de la vie qui commence et finit sous le signe d'une extrême vulnérabilité... « Qu'est-ce que!'homme ? » A-t-on envie de dire. Et quelle pédagogie porte en elle-même l'existence humaine! Mais quel est le sens de cette trajectoire qui nous fait vivre de la totale dépendance inconsciente à la progressive autonomie, pour entrer dans la maturité responsable de soi-même, des autres et du monde, puis peu à peu vivre la perte de ses facultés jusqu'à une nouvelle dépendance d'autrui?
De la dépendance inconsciente à la dépendance consentie, en passant par l'ïndépendance responsable de tous: chacun de nous vit cet étonnant processus d'humanisation qui, pour les plus anciens d'entre nous, consiste en cette mystérieuse entrée dans la perte progressive de ses facultés... Cette perte est une épreuve. Comment la vivre? Est-ce une perte gui m'avilit à mes propres yeux ? Est-ce une perte que je vis dégradante ? Ou bien est-ce une pe1ie qui m'entraîne à un plus grand consentement dans la confiance ? Questions fortes et auxquelles il n'est pas possible de répondre à la place des autres. Questions qui invitent à un travail intérieur profond et vital. Notre vie monastique ne nous exempte pas de ce travail intérieur lié à l'âge. Mais la pédagogie monastique n'est-elle pas en synergie profonde avec cette pédagogie de l'existence, quand elle nous apprend la désappropriation en toute chose? Jour après jour, dans l'obéissance à la cloche, à la vie commune, aux frères, à l'abbé, nous entrons dans w1 consentement gui voudrait nous éduquer à la confiance, en notre Père des Cieux. Sous la vigilance attentive de nos frères, il s'agit de grandir dans la confiance filiale, comme des fils dans les mains de Notre Père des Cieux. Heureux sommes-nous de vivre dans une communauté, de plusieurs générations. Ensemble nous apprenons cette pédagogie de la vie vers une plus grande confiance. Ensemble nous nous entraidons.
7. Ces frères malades auront un logement à part affecté à leur usage, et un serviteur qui ait la crainte de Dieu et qui soit attentionné, soigneux.
8. Toutes les fois que c'est utile, on offrira aux malades de prendre des bains, mais à ceux qui sont bien portants et surtout aux jeunes, on ne le permettra que plus rarement.
9. En outre, on permettra aux malades très affaiblis de manger de la viande, pour qu'ils se remettent ; mais quand ils seront mieux, ils se passeront tous de viande comme à l'ordinaire.
10. L'abbé prendra le plus grand soin que les malades ne soient pas négligés par les cellériers ou par les serviteurs. Lui aussi, il est responsable de toute faute commise par ses disciples.
« Ils auront un logement à part affecté à leur usage... » Lorsqu'une communauté démarre, elle ne pense pas nécessairement à construire un espace spécial pour l'infirmerie. Puis vient le temps, où l'âge se fait plus sensible et les anciens plus nombreux. Je pense aux monastères du Barroux et de Flavigny qui sont en train de finir pour le premier et de commencer pour le second un projet de construction d'une infirmerie. Avec les normes actuelles, ces projets demandent une attention particulière. Mais qu'on soit au 6°s ou au 21°s, les besoins des personnes restent fondamentalement les mêmes : un lieu réservé à leur usage dit Benoit, un lieu avec un confort suffisamment déployé pour la commodité de leur vie ; des soins appropriés et exceptionnels pour faciliter la toilette et les soins ; et enfin une nourriture adaptée qui ne prend pas en compte l'austérité habituelle du monastère. C'est à travers la qualité de ce suivi très concret que va s'exprimer l'honneur et la charité dues aux malades. Quand on est très mal, chaque détail compte, et mérite attention pour soulager d'une douleur ou pour apporter un peu de réconfort. Un bon geste, la parole aimable, le ton apaisé, la disponibilité, la capacité à perdre du temps pour patienter. .. Ce climat est important pour permettre à la personne, marginalisée par son mal, de se sentir reconnue. Le poids de son fardeau s'en trouve d'autant allégé.
Je dis merci au f. Pacôme d'être l'âme et la cheville ouvrière de l'infirmerie, Il ne compte pas son temps et son énergie. Il est important qu'il ne se sente pas seul. D'autres frères selon leurs possibilités ou leurs charismes peuvent apporter leur pierre à l'attention portée à nos frères anciens ou malades. F. Jeai1 Marie, Roger et Ignace sont présents auprès de f. Sébastien pour les libre-service. Cet investissement à plusieurs nous rappelle à tous que la charité vis-à-vis de nos frères en souffrance da11s leur santé, n'est pas réservée à une élite spécialiste du monastère. Elle est notre affaire à tous. Pour soulager f. Pacôme, et lui permettre d'avoir des nuits tranquilles et réparatrices après des journées souvent bien exposées aux demandes diverses, je lui ai proposé de dormir dans une cellule hors de l'infirmerie. Trois frères (f. Guillaume, Barnabé et moi-même) ont accepté de venir passer la nuit à l'infirmerie, à tour de rôle, par période de 15 jours chacun environ. Ils seront là pour assurer une présence auprès de nos frères de l'infirmerie, et pern1ettre de parer au plus pressé en cas de besoin. Cela va se mettre en place vers la fin de semaine.
1. Il faut prendre soin des malades avant tout et par-dessus tout, en les servant vraiment comme le Christ,
2. puisqu'il a dit : « J'ai été malade, et vous m'avez rendu visite »,
3. et : « Ce que vous avez fait à l'un de ces plus petits, c'est à moi que vous l'avez fait. »
4. Mais les malades, de leur côté, considéreront que c'est en l'honneur de Dieu qu'on les sert, et ils ne peineront pas, par leurs vaines exigences, leurs frères qui les servent.
5. Il faut pourtant les supporter avec patience, car des hommes de cette espèce font gagner une plus grande récompense.
6. L'abbé veillera donc avec le plus grand soin à ce qu'ils ne souffrent d'aucune négligence.
Peut-être vous souvenez-vous des paroles du P. Notker lors de la retraite, à propos de cette citation biblique : « Ce que vous avez fait à l'un de ces plus petits, c'est à moi que vous l'avez fait». Il avait insisté sur la force du regard de foi qui reconnait en toute personne le Christ. Et il illustrait cela en rappelant qu'au cours d'une négociation difficile avec des autorités nord-coréennes pour pouvoir faire là-bas une oeuvre sociale, il avait abordé la rencontre en se disant que ces personnes, apparemment hostiles, étaient aussi le Christ. Il s'est mis à les regarder autrement et, nous disait-il, quelque chose avait changé dans ces négociations qui avaient débouché finalement sur une issue heureuse. Cet exemple m'avait frappé car il mettait en lumière combien dans nos relations bien des choses se passent lorsque notre regard sur les personnes s'ajuste. Et quoi de plus ajusté pour aborder une rencontre que de considérer l'autre comme le Christ, lui qui se plait à s'identifier aux plus petits, aux plus pauvres, aux plus autres, finalement à chacun.
De ce point de vue, chaque rencontre est une initiation, une initiation pour nous faire entrer plus avant dans le mystère du Christ présent en chacun. Aujourd'hui st Benoit nous invite à nous laisser initier par la rencontre avec nos frères malades ou diminués dans leur santé. Et la preuve que nous avons bien besoin d'initiation, ce sont toutes les impatiences, les agacements ou les jugements dont nous pouvons être capables à leur égard. Si souvent, nous passons à côté du juste regard qui nous ferait entrer dans une attitude plus douce, plus humble pour nous mettre à leur écoute ou à leur service. En quelque sorte, nos frères malades sont ici nos maitres. Ils nous fo1111ent à une autre approche de la vie. Ils nous rappellent combien la vie est fondamentalement fragile. Là où nous nous surprenons à être impatients, nos frères souffrants nous rappellent que ce n'est pas notre force ou notre rapidité qui va leur faire du bien, mais notre douceur. Là où nous sommes agacés ou gênés par le:; misères qui les humilient, ils nous redisent que ce gui est normal n'est pas que« tout roule comme sur des roulettes», mais que tout soit porté avec attention et présence à l'autre... Là où nous les jugeons, voire méprisons, en raison de leur faiblesse peu flatteuse, ils nous redisent que la vraie dignité n'est pas d'être jeune et beau, mais d'être aimable, parce qu'aimé de notre Père des Cieux et, si nous y consentons, aimé par nous, gui acceptons de nous tenir simplement à leur côté comme un frère.
7. Celui qui va sortir de semaine fera les nettoyages le samedi.
8. Ils laveront les linges avec lesquels les frères s'essuient les mains et les pieds.
9. Ils laveront aussi les pieds de tous, non seulement celui qui sort, mais aussi celui qui va entrer.
10. Il rendra au cellérier, propres et en bon état, les ustensiles de son service.
11. Le cellérier, à son tour, les remettra à celui qui entre, de façon à savoir ce qu'il donne et ce qu'il reçoit.
12. Quand il n'y a qu'un repas, les semainiers recevront auparavant, en plus de la ration normale, un coup à boire et un pain chacun,
13. pour que, au moment du repas, ils servent leurs frères sans murmure et sans trop de fatigue.
14. Mais aux jours sans jeûne, ils attendront jusqu'aux grâces.
15. Le dimanche, aussitôt après la fin des matines, les hebdomadiers entrant et sortant se courberont à tous les genoux à l'oratoire, en demandant que l'on prie pour eux.
16. Celui qui sort de semaine dira ce verset : « Tu es béni, Seigneur Dieu, qui m'as aidé et consolé. »
17. L'ayant dit trois fois, celui qui sort recevra la bénédiction. Puis celui qui entre continuera en disant : « Dieu, viens à mon aide ; Seigneur, hâte-toi de m'aider. »
18. Tous répéteront les mêmes mots par trois fois, et ayant reçu la bénédiction, il entrera.
Je suis frappé par le climat liturgique qui se dégage de cette fin de chapitre sur les semainiers de la cuisine... un climat qui oblige à prendre de la hauteur vis-à-vis de son propre travail, ici du travail exigent de la cuisine et du travail des autres. Le lavement des pieds dans le rite d'entrée et de sortie rappelle l'invitation du Christ demandant aux disciples de faire entre eux comme il a fait lui-même pour eux. Et l'appel à la prière de tous avant de prendre le service rappelle le début de chaque office.
Peut-on retenir quelque chose pour nous aujourd'hui qui ne donnons pas autant de force liturgique, à l'entrée dans les services ? Notre rituel du samedi en garde la mémoire fondamentale, celle de nous confier à la grâce du Seigneur pour bien vivre ce qu'on a à vivre, sans murmurer, avec générosité. Je disais que ce rituel de St Benoit oblige à prendre de la hauteur, cette hauteur de vue qui permet de tout considérer dans la lumière du Christ. L'exemple du lavement des pieds placés dans ce contexte est à cet égard très évocateur. Là où nous aurions spontanément tendance à dire à un frère qui a rempli une tâche bien prenante, comme la cuisine, qu'il a bien mérité d'aller se reposer, St Benoit lui demande encore, avant et après son service, de laver les pieds de tous ses frères. Nous aurions presqu'envie de faire l'inverse, que la communauté lave les pieds des frères cuisiniers en signe de reconnaissance. Dans ce qui peut nous paraitre exagéré dans la proposition de Benoit, nous sommes bien obligés de reconnaitre qu'il nous entraine dans une autre vision du service et du travail. Là où nous sommes sensibles à la reconnaissance due à la peine prise par les uns et les autres, ou encore là où nous sommes sensibles à l'équité entre la peine prise et le repos reçu, St Benoit nous engage à suivre le Christ et à nous donner comme lui, entièrement. Que retenir pour nous de cela ? Tout en convenant que nous ne pouvons plus reprendre comme tel ce rituel, li gommer l'évolution de la pensée par rapport au travail, n'y-a+il pas un élan à recevoir? Ne sommes-nous pas chacun conviés à regarder le Christ et, en le regardant, à puiser en Lui cette énergie qui l'animait pour se livrer jusqu'au bout? A chacun, il pourra être donné de trouver en Lui la force mais aussi la bonne mesure dans le don de soi. Servir comme le Christ oblige à faire appel à une énergie qui ne vient pas de nous. Demandons-là, recueillons-la, car elle nous est offerte. C'est le sens de notre prière de chaque samedi lorsque nous demandons« l'esprit de fài et d'amour».
Que chacun de nos frères qui travaillent à la cuisine, aux pluches, aux fromages soient tout particulièrement remerciés pour leur généreux dévouement.
1. Les frères se serviront mutuellement et personne ne sera dispensé du service de la cuisine, sauf maladie ou si l'on est occupé à une chose d'intérêt majeur,
2. parce que cela procure une plus grande récompense et charité.
3. Aux faibles, on accordera des aides, pour qu'ils ne le fassent pas avec tristesse,
4. mais ils auront tous des aides suivant l'importance de la communauté et l'état des lieux.
5. Si la communauté est nombreuse, le cellérier sera dispensé de la cuisine, ainsi que ceux qui, comme nous l'avons dit, sont occupés à des tâches d'intérêt supérieur.
6. Les autres se serviront mutuellement dans la charité.
Dans le paragraphe entendu, nous avons une belle inclusion avec la répétition des mots
« se servir mutuellement » et« charité ». La cuisine est pour Benoit un lieu privilégié pour vivre le service mutuel dans la charité. Dans sa première mention, le mot « charité » est un ajout « inattendu » selon les mots de P. Adalbert, au regard de la RM. En effet, la formulation est un peu étrange. Benoit y explicite le bienfait du service mutuel en affirmant que « cela procure une plus grande récompense et charité». Pour lui, se servir mutuellement non seulement ne peut se faire que dans la charité, c'est la seconde formule, mais cela fait grandir en charité.
Je retiens cette notation précieuse pour notre vie commune : nous donner les uns aux autres dans le service déploie en nous la charité. Dans un quotidien toujours bien rempli, où l'on risque de courir après le temps, il peut arriver que l'on établisse en notre tête une hiérarchie entre des choses importantes, son emploi, ses obligations, et des choses moins importantes, les services, une visite à un frère, un courrier. Si le temps est limité certes, qui ne nous permet pas de tout faire, restons vigilants pour ne pas tomber dans une sorte d'obsession de la course contre la montre, pour essayer de gagner à tout prix quelques minutes. Ce type de posture peut à la longue nous transformer en personne insensible, uniquement polarisée par leur devoir. Elle peut nous faire passer à côté des petites choses de la vie qui font aussi partie du paysage. On fonce tête baissée dans nos activités, et on ne sait plus s'arrêter pour un frère qui demande un service, ni pour une attention gratuite vis-à-vis d'un ancien ou d'un plus jeune. Concrètement, soyons heureux de saisir toutes les occasions où nous nous servons mutuellement, où nous nous donnons dans le service mutuel. Soignons intérieurement ce temps donné de telle sorte qu'il nous fasse vraiment grandir en charité. Soyons en alerte vis-à-vis de nous-mêmes lorsque nous vivons le service des frères plus ou moins à contre-cœur. Car alors la charité ne pourra pas grandir en nous et entre nous. Aussi veillons à donner avec joie de notre temps, de notre attention dans les petites choses, dans le desservice, dans les ménages des étages ou des sanitaires... Sur ce dernier point,je me demande si nous ne pourrions pas revoir l'organisation des services de nettoyage de nos sanitaires ou des lieux communs pour qu'il soit plus partagé et qu'on les vive en se soutenant davantage... Ne manquons pas le rendez-vous des services mutuels, pas seulement parce qu'on ne peut faire autrement, mais parce que la charité ne demande qu'à croitre à travers eux, pour nous procurer un surcroit de joie.
1. Comme il est écrit : « On distribuait à chacun selon ses besoins. ;»
2. Ici nous ne disons pas que l'on fasse acception des personnes, – ;à Dieu ne plaise ! – mais que l'on ait égard aux infirmités.
3. Ici, que celui qui a moins de besoins, rende grâce à Dieu et ne s'attriste pas ;
4. quant à celui qui a plus de besoins, qu'il s'humilie de son infirmité et ne s'enorgueillisse pas de la miséricorde qu'on a pour lui,
5. et ainsi tous les membres seront en paix.
6. Avant tout, que le fléau du murmure ne se manifeste sous aucun prétexte par aucune parole ou signe quelconque.
7. Si l'on y est pris, on subira une sanction très sévère.
Dans ce chapitre « entièrement original par rapport à la RM" selon les mots du P. Adalbert, Benoit équilibre de manière très humaine et en même temps exigeante, le chapitre précédent. Dans ce dernier, il invitait expressément à la mise en commun des biens dans une compréhension très radicale. Mais si tout ce qui est au monastère appartient à tous, et ne peut être revendiqué par un seul, tous doivent recevoir également le nécessaire ? Prenant toujours appui sur l'expérience des premières communautés chrétiennes, et de l'idéal qui les anime, Benoit ne néglige pas la nécessaire prise en compte des besoins de chacun. « On distribuait à chacun selon ses besoins» (Ac 4, 35).
Cette recommandation de Benoit nous invite à arrêter sur ce gu'est l'égalité dans un monastère. Tous nous sommes égaux. Comme le dit St Benoit : « sous un même Seigneur. nous portons d'égales obligations de service, car 'Dieu ne.fait pas acception de personnes·» (RB 2, 20). Si nous sommes égaux en devoir, en vertu de notre appel, nous sommes aussi égaux en droit, comme le suggère une recommandation qui concerne l'abbé : «L'abbé doit donc témoigner une charité égale à tous» (RB 2, 22). Chacun est digne d'être aimé par l'abbé d'une égale charité. Mais aimer chacun d'une égale charité ne se traduira jamais de la même façon pour les uns et pour les autres. Egalité n'est jamais uniformité. Cela fut les illusions et les désillusions des régimes communistes qui ne pouvaient que devenir dictatoriaux dans leur désir de mettre tout le monde au même régime. Pol Pot fut peut-être celui qui poussa l'idéologie à son paroxysme le plus meurtrier. L'égalité chrétienne ne gomme pas l'individualité de chacun mais cherche sans cesse à la servir. La recherche du bien commun, du bien de tous, passe par la recherche du bien de chacun. Il ne peut se faire à son détriment. Et ensuite chacun est appelé à trouver son vrai bien dans la recherche du bien de tous. Il ne peut s'agir de vouloir conduire sa vie pour soi seul, en se prenant comme seule fin. Dans une vie commune comme la nôtre, il y a donc toujours une tension entre la recherche du bien de tous. et la recherche du bien de chacun. La grandeur et la finesse de la charité sera de grandir dans une mutuelle recherche du bien de l'autre. Non pas chercher ce qui est mon intérêt, mais celui de l'autre. Dans la confiance que l'autre ou les autres prendront soin de ce qui m'est nécessaire. Et ensemble chercher le bien de tous, de la communauté, afin qu'elle remplisse vraiment sa mission de témoigner de l'évangile dans l'amour de Dieu et des frères, afin qu'elle ,oit vraiment une maison de Dieu.