vendredi 15 août 2025 : fête de l’Assomption, horaire des dimanches (vigiles la veille à 20h45, messe à 10h) + concert à 16h.

Nota : L’office de None (14h45) sera prié au dolmen de ND de la Pierre-qui-Vire.

Commentaires sur la Règle



Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04 75-77 Quels sont les instruments des bonnes oeuvres ? (suite) écrit le 12 juillet 2024
Verset(s) :

75. Tels sont les instruments de l'art spirituel.

76. Si nous les exerçons sans cesse, jour et nuit, et les remettons au jour du jugement, nous recevrons du Seigneur cette récompense qu'il a promise :

77. « Ce qu'aucun œil n'a vu, aucune oreille entendu, ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment. »

Commentaire :

R.B. 4, 75-77 Quels sont les instruments des bonnes œuvres ?

Avec ces mots, Benoit achève ce chapitre sur les instruments des bonnes œuvres. Nous en avons entendu 74. Nous ne les avons certainement pas tous retenus. Mais certains sont peut-être davantage restés dans notre mémoire. Les garder à la mémoire nous offre un repère. Chacun pourrait faire la liste de ces instruments qui comptent davantage pour lui, parce qu’en certaines circonstances, ou simplement en raison de nos lieux respectifs de combat, ils s’offrent comme un outil pour exercer notre vigilance sur tel point de notre vie. Ce pourra être des instruments visant à fortifier la charité fraternelle « honorer tous les hommes », « ne pas faire à autrui ce qu’on ne veut pas qu’on nous fasse », « émettre la vérité de son cœur et de sa bouche », ou bien des instruments utiles pour demeurer assidu dans notre quête de Dieu et notre prière « ne rien préférer à l’amour du Christ »,« confier son espoir à Dieu », « écouter volontiers les saintes lectures » « ne jamais désespérer de la miséricorde de Dieu », ou bien encore des instruments précieux pour gérer notre propre combat spirituel, en nos parties de notre vie plus vulnérables « se renoncer à soi-même pour suivre le Christ », « aimer le jeûne », « aimer la chasteté ». Ces instruments sont-ils bien en état de marche ? Tel est le propre de l’artisan de savoir entretenir ses outils, de connaitre où ils sont rangés pour le cas échéant les utiliser sans tarder. Des instruments, nous pouvons aussi en avoir d’autres, comme ces sentences qui nous reviennent à la mémoire parce qu’ils nous ont parlés un jour et fortifiés sur un point précis, ou simplement parce qu’ils entretiennent notre élan spirituel. Veillons à ne pas les négliger car nous pouvons les considérer comme des grâces de la part du Seigneur qui nous donne ces paroles utiles pour notre marche. A ce propos, St Benoit introduit dans cette partie conclusive du chapitre une conviction qui pourrait bien être tirée de la parabole des talents. Quand il dit que ces instruments, nous les remettrons au jour du jugement, comme les serviteurs de la parabole remettent les talents qu’ils ont fait fructifier, il suggère qu’il prend très au sérieux ces instruments qui peuvent nous orienter sur notre route, qu’ils soient tirées ou non de l’Ecriture. Autrement dit, soyons à l’écoute de ces paroles repères qui viennent comme des petits signaux, ou des petites lumières et qui peuvent se révéler très précieuses dans tous les discernements que nous ne cessons de faire jour après jour. Faisons confiance à cette mémoire du cœur qui a su garder ce qui nous est vraiment utile. Et rendons grâce au Seigneur pour ce trésor de paroles bonnes et bénéfiques.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04 74 Quels sont les instruments des bonnes oeuvres ? (suite) écrit le 10 juillet 2024
Verset(s) :

74. Et ne jamais désespérer de la miséricorde de Dieu.

Commentaire :

R.B. 4, 74 Quels sont les instruments des bonnes œuvres ?

« Ne jamais désespérer de la miséricorde de Dieu » … Cet instrument se présente comme un roc pour notre vie humaine et spirituelle. Un roc contre lequel toutes les tentations de découragements, de dépit sur nous-même, ou de dégoût de la vie peuvent se briser. Car si nous désespérons de nous-même, il y a Quelqu’un, le Seigneur de nos vies, qui ne désespère jamais de nous. Lui notre Créateur et notre Sauveur, Lui, à qui nous avons voué notre vie et notre confiance, ne cesse de chercher pour nous et avec nous les chemins de vie et de sens sur lesquels nous allons pouvoir grandir. Et parfois, et peut-être plus souvent qu’on ne le pense, ce chemin passe par nos frères qui sont là comme une main tendue au service de plus grand qu’eux-mêmes. Combien de fois, n’avons-nous pas fait l’expérience d’un geste ou d’une parole qui nous rétablit dans la confiance en nous-mêmes et dans la conscience d’être aimé de Dieu. Je pense au sacrement de réconciliation qui est un lieu où la source de la miséricorde divine s’épanche abondamment. En ce sacrement où nous pouvons exister tel que nous sommes avec nos faiblesses et notre péché, sans crainte d’être jugé, nous est offerte l’assurance de la miséricorde de Dieu. Le prêtre, ministre de ce sacrement, est alors un instrument privilégié de l’amour de Dieu toujours offert. Et même si parfois il peut arriver qu’il ne puisse donner l’absolution, il doit le faire avec beaucoup d’humilité et trouver les mots qui disent que la bénédiction de Dieu est toujours offerte au pécheur en chemin. A côté du sacrement de réconciliation, d’autres occasions ne manquent pas où, mutuellement, nous nous témoignons la miséricorde de Dieu. Lorsque nous nous trouvons dans une situation de vulnérabilité physique ou morale, nous sommes comme des mendiants qui tendons à nos frères et sœurs une main attendant de leur part reconnaissance, pardon et accueil. Si nous sommes accueillis, alors dans la foi, nous pouvons bénir Dieu qui nous manifeste ainsi sa miséricorde. Si au contraire, on nous ferme la porte au nez, nous pouvons en éprouver une blessure réelle. Je pense à la phrase de la philosophe S. Weil : « Quand nous manquons de miséricorde, nous séparons violemment une créature de Dieu » (La connaissance surnaturelle p 49). Dans notre vie communautaire, comme dans notre vie humaine tout court, nous sommes les uns pour les autres des instruments de la miséricorde de Dieu. Plus nous sommes à une place où les autres peuvent légitimement en attendre ce signe de notre part, plus nous sommes exposés. Plus il nous revient de cultiver sans cesse l’humilité pour ne pas blesser par notre aveuglement ou notre inconscience les personnes rencontrées qui espèrent beaucoup de notre part. Que le Seigneur garde nos pieds du faux-pas.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04 73 Quels sont les instruments des bonnes oeuvres ? (suite) écrit le 28 juin 2024
Verset(s) :

73. faire la paix avec son contradicteur avant le coucher du soleil.

Commentaire :

R.B. 4, 73 Quels sont les instruments des bonnes œuvres ?

Dans cet instrument reçu de la Règle du Maitre, Benoit change deux mots qui sont assez significatifs. Là où le Maitre met « ennemi », il met « contradicteur », en latin « discordante » (celui qui est en discorde) et là où le Maitre a « revenir en grâce », il met « faire la paix » ou « rentrer en paix ». Je vois dans ces changements assez minimes en apparence, un souci de Benoit de coller le plus possible à la réalité. En effet, au monastère, nous n’avons pas forcément beaucoup d’ennemis avec lesquels nous réconcilier avant le coucher du soleil. Mais par contre nous pouvons avoir des frères avec lesquels il y a eu des accrochages, des discordes qui ne nous laissent pas indemnes. Nous pouvons éprouver comme un poids, quelque chose qui pèse. Ce frère n’est pas un ennemi, et ne le devient pas non plus parce qu’il y a eu un accrochage. Mais il demeure une gêne entre lui et moi. Avec l’expression « faire la paix ou rentrer en paix », St Benoit suggère une démarche concrète à faire, davantage que l’appel à rentrer en grâce. Il s’agit de poser un geste, par ex de mettre un billet pour s’excuser, pour demander pardon ou pour manifester que, ce qui s’est passé, a dépassé ses intentions ou son désir, reconnaitre sa maladresse…. Et parfois, pouvoir même si le tort est de façon assez évidente du côté du frère, mettre un mot pour manifester qu’on ne veut pas en rester là… Ce genre de petit geste, porté par l’intention de demeurer en paix avec soi-même et de préserver le lien de paix fraternel, a un poids bien plus important qu’on imagine. Il joue le rôle de désamorcer un conflit qui pourrait s’envenimer. Oui, osons ce geste de paix concret. Ne laissons pas s’installer une discordance qui repose le plus souvent sur de l’incompréhension. Le risque est grand ensuite de tout interpréter de travers. Nous sommes forts les uns et les autres pour nous faire des cinémas intérieurs sur les intentions des autres, évidemment le plus souvent en leur défaveur. Oser un geste, un mot, coupe court à nos pensées sauvages si promptes à surgir. Cet instrument s’enracine dans une citation de Paul aux Ephésiens que je cite : « Si vous êtes en colère, ne tombez pas dans le péché ; que le soleil ne se couche pas sur votre colère. Ne donnez pas prise au diable » (Ep 4,26). « Ne donnez pas prise au diable », conclue Paul. Le « diabolos », celui qui divise, ou le Satan, celui qui accuse, est toujours prompt en cas de conflit avec un frère, à attiser en nos pensées, toutes sortes de sentiments accusateurs et hostiles à son endroit. Oui, lorsque ces pensées roulent dans notre cœur contre un frère, ne soyons pas dupe. Prenons du recul pour ne pas être le jouet du mauvais esprit. Il est si prompt à souffler sur la petite étincelle de discorde pour en faire le brasier d’une guerre. Aussi alors, tournons-nous vers le Christ. Demandons-lui de disperser toutes ses pensées illusoires par son Esprit de paix.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04 72 Quels sont les instruments des bonnes oeuvres ? (suite) écrit le 27 juin 2024
Verset(s) :

72. Dans l'amour du Christ, prier pour ses ennemis,

Commentaire :

R.B. 4, 72 Quels sont les instruments des bonnes œuvres ?

« Dans l’amour du Christ, prier pour ses ennemis » … Pourrions-nous prier et aimer nos ennemis, sans l’amour du Christ ? Pourrions-nous vivre par nous-mêmes cette manière de nous rapporter à ceux qui nous font du mal, ou à tout le moins à ceux dont on sent qu’ils ne nous veulent pas du bien ? Certes le Christ nous l’a demandé…mais en serions-nous capables si son amour ne nous habite pas ? C’est la pointe de cet instrument : nous orienter vers la source dans laquelle nous allons puiser la force de prier et d’aimer nos ennemis.

Comment découvrir et laisser vivre cette source en nous ? et peut-être tout d’abord comment pouvons-nous parler de source en nous ? Je pense à la citation de Jn 7, 37-39 : « Au jour solennel où se terminait la fête, Jésus, debout, s’écria : ‘Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive, celui qui croit en moi ! Comme dit l’Ecriture : De son cœur couleront des fleuves d’eau vive. En disant cela, il parlait de l’Esprit Saint qu’allaient recevoir ceux qui croiraient en lui… ». Depuis notre baptême qui nous a plongés dans la mort et la résurrection du Christ, une source s’est ouverte en nous, le don de l’Esprit-Saint, le don de l’Amour donné avant même que nous ayons fait quelque chose pour le mériter. Une source est ouverte qui, comme celle qui sort du côté du Temple, ne demande qu’à s’élargir pour devenir fleuve d’eau vive pour nous et pour ceux qui nous entourent. Don de l’Esprit, manifestation et expression de l’Amour du Père et du Fils pour nous, nous sommes irrigués, habités, vivifiés par un Amour qui n’a pas son origine en nos efforts et en nos désirs… Pour le reconnaitre, nous avons une boussole, c’est le Christ. Lui a pleinement donné visage à cet Amour dont il est lui-même gratifié par le Père dans l’Esprit. Lui a vécu son humanité en aimant. En sa chair, l’Amour a pris notre chair, en ses mains, l’Amour nous a touchés, en sa bouche l’Amour a résonné à nos oreilles, en son cœur transpercé, l’Amour s’est répandu sur notre humanité. Oui, regardons Jésus, contemplons en Lui l’Amour qui s’est incarné en des gestes et en des paroles bien concrètes, dans la vérité et dans une exigence toujours déroutante. Parmi ces exigences, prier pour nos ennemis, les aimer n’est accessible à notre bien faible volonté qu’à condition de laisser se réveiller cette source en nous, la même qui a permis à Jésus sur la Croix de pardonner à ses bourreaux. Regardons Jésus, contemplons le pour orienter notre cœur vers la source qui, en nous, ne demande qu’à sourdre. Elle seule peut nous déborder pour nous emmener là où spontanément nous n’avons pas envie d’aller…

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04 70-71 Quels sont les instruments des bonnes oeuvres ? (suite) écrit le 26 juin 2024
Verset(s) :

70. Et vénérer les anciens,

71. aimer les jeunes.

Commentaire :

R.B. 4, 70-71 Quels sont les instruments des bonnes œuvres ?

Ces deux instruments avec celui qui les précède et celui qui les suit fait partie d’un petit ensemble de 4 instruments ajoutés par Benoit à l’ensemble reçu de la Règle du Maitre. Sur ces 4 instruments, 3 touchent les relations pour inviter à les soigner, et le dernier concerne l’humilité. Cette attention de Benoit au soin des relations est remarquable. La vie cénobitique ne peut se construire sur d’autres bases que celles du respect, de la juste reconnaissance de l’autre et de l’amour échangé. En cette période d’élections où, pour donner l’illusion de rassembler sous une même identité, il est tentant d’exclure le différent et l’étranger pour en faire des boucs émissaires, St Benoit nous entraine dans une autre vision de la vie en société. Dans la micro société qu’est une communauté monastique, chacun a sa place. Le rassemblement des uns et des autres se fait, à la fois par l’engagement de chacun à se donner à la communauté, et à la fois par la reconnaissance de chacun par tous. « Un pour tous, tous pour un » : la devise de la Suisse, popularisée par le roman des Trois Mousquetaires. Pour être sûr de ne pas nous faire illusion, et de ne pas nous payer de mots, St Benoit propose à chacun, quelque soit son âge de s’exercer à cet amour mutuel, en allant aux marges. « Vénérer les anciens et aimer les jeunes ». Deux instruments qui obligent à sortir de soi, à se décentrer, là où assez spontanément, on va vers le « même », même âge, même manière de voir les choses, même capacité d’agir… Pour les plus jeunes, c’est une réelle sortie de soi que de consentir à aller vers l’ancien, surtout dans notre société si friande de vitesse et d’efficacité. Vénérer l’ancien dans son pas plus lent, dans sa difficulté à trouver ses mots, dans ses maladresses, dans sa tête qui part un peu ou beaucoup… Lui faire l’honneur de notre présence bienveillante, sans jugement. Lui faire la joie d’une compagnie qui va égayer ses longs moments de solitude souvent plus subis que désirés… Aimer les jeunes demande aussi pour les plus anciens une sortie de soi. Apprendre sans peur à entrer dans leur univers si inconnu tant les évolutions des manières de penser et de vivre sont rapides. Accepter d’être dérouté sans s’affoler. Les aimer, et les honorer de notre confiance à priori, non aveugle, mais tranquille. Les aimer, et leur faire l’espace nécessaire pour qu’ils prennent leur place demandera de faire taire pour un temps le récit de nos expériences ou de nos « guerres ». Dans nos groupes, particulièrement, mais plus globalement dans la vie commune, les occasions ne manquent de nous mettre les uns à l’écoute et au service des autres… de nous vénérer et de nous aimer par le respect et la bienveillance à priori qui voudrait ne laisser personne de côté. Nous pouvons rendre grâce d’être conviés à cette école de vie.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04 65 Quels sont les instruments des bonnes oeuvres ? (suite) écrit le 06 juin 2024
Verset(s) :

65. ne haïr personne,

Commentaire :

R.B. 4, 65 Quels sont les instruments des bonnes œuvres ?

« Ne haïr personne ». Dans l’Ecriture, on trouve plusieurs fois le commandement de ne pas haïr son frère, depuis le Lv 19, 17 : « Tu ne haïras pas ton frère dans ton cœur » jusqu’à la 1ère lettre de St Jean : « Celui qui a de la haine contre son frère est dans les ténèbres (2, 11) …quiconque a de la haine contre son frère est un meurtrier (3,15) … ». Ici, l’instrument va plus loin : « ne haïr personne ». Dans le cœur du moine, il ne doit pas y avoir trace de haine contre quiconque, pas seulement contre son frère, mais contre tout être humain… Est-ce un commandement de plus ? Peut-être pouvons-nous l’entendre davantage comme un pare-feu ou bien comme un contre-poison. En effet, laisser entrer la haine dans notre cœur, n’est-ce pas laisser pénétrer les ténèbres en nous ? N’est-ce pas laisser s’introduire le germe de la violence qui peut nous rendre meurtrier de l’autre, que ce soit par le sang versé, par la réputation bafouée ou par le mépris. Comment nous tenir hors de ce danger ? A nos seules forces, ce n’est pas possible. Il nous faut alors regarder vers la source de l’Amour, et nous y abreuver. St Jean dans la même épitre poursuivait le verset cité : « Voici comment nous avons reconnu l’amour : lui, Jésus, a donné sa vie pour nous » (1 Jn 3, 16). En cette fête du Sacré-Cœur, il nous est donné de nous approcher de la source de l’Amour qui s’épanche depuis le Cœur ouvert du Christ. Voilà le seul cœur humain qui n’a jamais eu trace de haine en Lui. « Cœur plus ouvert qu’un ciel à l’infini, qu’une mer sans rivage », qui s’est vidé et totalement donné « pour rendre l’homme à ses frères ». En honorant, le Sacré-Cœur, nous accueillons cette grande grâce d’être aimé de façon totalement gratuite. Non seulement, le Christ nous offre son Amour qui nous purifie de tout mal, mais il nous donne part à son Esprit pour nous rendre capable d’aimer à notre tour comme Lui. Seul l’Esprit peut ôter en nous toute tentation de haïr, et transformer tous nos égoïsmes en capacité de nous tourner vers les autres. Mais cette fête du Cœur du Christ nous indique ou nous rappelle un autre chemin pour apprendre à aimer : le chemin d’une intimité plus grande avec le Christ. A Marguerite Marie, le Christ Ressuscité a révélé son grand désir de faire rayonner sur chacun de nous son amour comme un feu brûlant. Il ne nous demande qu’une chose : de lui faire cet honneur d’accepter de nous laisser aimer par lui et de lui rendre amour pour amour. Au pied de la Croix, à la source de tous les sacrements, particulièrement de l’eucharistie, nous pouvons nous tenir avec amour pour recueillir cet amour du Christ, et le laisser rendre notre cœur semblable au sien. Nous exprimerons cela demain, lors de la prière de consécration proposée pour ce jubilé et lors du temps de prière silencieuse que nous pourrons prendre le soir à partir de 19h45.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04 64 Quels sont les instruments des bonnes oeuvres ? (suite) écrit le 05 juin 2024
Verset(s) :

64. aimer la chasteté,

Commentaire :

R.B. 4, 64 Quels sont les instruments des bonnes œuvres ?

Pour essayer de rendre cet instrument plus compréhensible, en espérant ne pas en trahir le sens, il me semble qu’on pourrait le transcrire ainsi : « aimer à aimer avec justesse ». Aimer, nous cherchons tous et toujours comment le vivre au gré des relations qui nous sont données de vivre, aux différents âges de la vie. Chaque relation s’offre à nous comme une opportunité pour aimer. Cet amour pourra prendre bien des couleurs, des couleurs plus ternes de la relation banale aux couleurs plus vives et contrastées de la relation plus profonde ou plus intense. Et cependant, comme le suggère les tableaux du P. Angelico, avec leurs dégradés de gris, même dans les couleurs les plus ternes, les subtilités de tons sont importantes. Il apparait alors qu’aucune couleur n’est vraiment insignifiante. Ainsi dans les couleurs de l’amour, du plus banal au plus profond, rien n’est insignifiant pour manifester à l’autre un intérêt et pour lui exprimer le respect auquel il a droit. Paradoxalement, c’est peut-être dans ses couleurs les plus ternes comme dans ses couleurs les plus vives que l’amour se révèle être le plus difficile pour être juste. Dans les relations banales de travail, de service ou de rencontres passagères, le risque est d’aimer sans aimer, de nouer des liens parce qu’il le faut, mais sans nous donner vraiment. Le risque est que seul prime l’intérêt immédiat de chacun. Ici, comme moine, nous pouvons nous interroger sur notre manière d’aimer dans nos relations très quotidiennes : est-ce que l’intérêt de l’autre passe avant mon propre intérêt dans le désir de l’aimer et de le servir, ou bien suis-je préoccupé de faire en sorte que l’autre serve à mes besoins immédiats pour le travail ou pour tel service ? Il me semble que lorsque nous sommes dans le premier cas, se construisent des relations fraternelles qui donnent de la joie, alors que dans le second cas, les relations laisseront un arrière-goût, voire le sentiment amer, d’être utilisé par l’autre, mais pas aimé. Dans les relations plus intenses, comme l’amitié ou la franche complicité, aimer avec justesse sera davantage dans l’attention à trouver la bonne distance, celle qui préserve la liberté de chacun, dans le respect de sa vocation unique devant Dieu. Dans une communauté, cette amitié-là vécue avec justesse laissera aussi toujours la place aux autres frères ou à d’autres personnes, alors qu’à l’inverse, une amitié possessive risque de se clore sur elle-même, voire d’exclure les autres. Plus la relation est forte et juste, plus grandit la conscience du mystère de l’autre, et le désir de le respecter. C’est là le don véritable de la chasteté à demander les uns pour les autres : nous aimer dans tous nos types de relations, avec respect, avec ce regard bienveillant qui préserve le mystère de l’autre qui est toujours plus grand que ce que j’en sais ou que j’en perçois.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04 63 Quels sont les instruments des bonnes oeuvres ? (suite) écrit le 04 juin 2024
Verset(s) :

63. Accomplir chaque jour par ses actes les commandements de Dieu,

Commentaire :

R.B. 4, 63 Quels sont les instruments des bonnes œuvres ?

« Accomplir chaque jour par ses actes les commandements de Dieu ». Un instrument à première vue banal pour un chrétien, et à fortiori pour un moine, appelé à obéir aux commandements de Dieu. Les précisions « chaque jour » et « par ses actes » nous indiquent cependant qu’il est bon de nous rappeler que l’engagement à la suite du Christ est quotidien et qu’il nous implique dans un agir concret. Je voudrais m’arrêter sur un autre mot qui peut nous ouvrir à une compréhension plus large. C’est le verbe « accomplir » adimplere… « Remplir », devenu au sens figuré « combler, accomplir ». Ce verbe nous laisse entendre qu’avec les commandements de Dieu, il s’agit davantage que simplement faire. Entre faire et accomplir, je perçois la nuance d’un achèvement sans cesse recherché. Face aux commandements de Dieu, peut-on dire vraiment qu’on les a pleinement réalisés, qu’on est quitte ? A commencer par les deux grands commandements, aimer Dieu et aimer son prochain : qui peut s’estimer les avoir pleinement mis en œuvre ? Concernant plus spécialement notre vie monastique, dans son déroulement le plus concret et quotidien, ce verbe accomplir, qu’on pourrait traduire aussi par faire pleinement, jusqu’au bout, peut nous être très utile. En effet, dans bon nombre de domaines de la vie quotidienne, avec le temps, si on n’y prête pas attention, on fait des choses, mais sans les faire jusqu’au bout. Je prends des exemples dans la liturgie : nous avons la coutume, en cas de retard, de rester à la porte de l’église dès le tintement de la cloche pour respecter le début de l’office ou de la messe…il n’est pas rare que plusieurs regagnent leur place alors que le tintement est commencé. Il nous coûte d’accomplir cette petite règle de rester à la porte pour notre retard, et d’attendre la fin du verset ou de l’introduction de la messe, pour regagner notre place. On ne va pas jusqu’au bout, on grignote, on triche… De même pour les silences entre les psaumes, particulièrement aux vigiles. On peine à vivre ces 10-15 secondes de silence. Certains frères ont tendance à les raccourcir… Faire jusqu’au bout. Ou encore pour le début du repas libre-service. Je rappelle que l’on descend au réfectoire aux tintements de la cloche, pas avant. Ici, il faut préserver jusqu’au bout le temps de la prière…ne pas le raboter… Ou encore pour le travail : bien faire notre travail, ne pas l’expédier ou le bâcler. On pourrait multiplier les exemples : notre vie monastique nous invite à accomplir les choses, à aller jusqu’au bout de ce que nous faisons. A travers notre manière de faire jusqu’au bout, c’est au bout de nous-même que nous allons. Alors quelque chose de notre être s’accomplit en vérité.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04 62 Quels sont les instruments des bonnes oeuvres ? écrit le 31 mai 2024
Verset(s) :

62. Ne pas vouloir être appelé saint avant de l'être, mais l'être d'abord, afin d'être appelé ainsi avec plus de vérité.

Commentaire :

R.B. 4, 62 Quels sont les instruments des bonnes œuvres ?

« Ne pas vouloir être appelé saint avant de l’être, mais l’être d’abord, afin d’être appelé ainsi avec plus de vérité ». Cet instrument sonne étrangement à nos oreilles. Non que quelques illusoires pensées d’être saint ne nous aient jamais traversé l’esprit, mais parce nous percevons assez vite une contradiction dans le fait d’être saint et de vouloir être reconnu ou appelé tel. Sainteté rime plutôt avec humilité, et toute recherche compliquée de reconnaissance rime plutôt avec orgueil ou vanité. En ce jour où nous honorons la Vierge Marie dans son élan généreux qui la tourne toute entière vers sa cousine, me reviennent les très belles lignes de Bernanos sur Marie, qu’il met dans la bouche du curé de Torcy, dans le Journal d’un curé de Campagne. Il met bien en valeur combien Marie, conçue sans péché, ne pouvait qu’être ignorante de sa propre sainteté, ce qui la rendait propre à une humilité sans pareille et à une compassion vis-à-vis de tous. Je cite : « Mais remarque bien maintenant, petit : la Sainte Vierge n’a eu ni triomphe, ni miracles. Son fils n’a pas permis que la gloire humaine l’effleurât, même du plus fin bout de sa grande aile sauvage. Personne n’a vécu, n’a souffert, n’est mort aussi simplement et dans une ignorance aussi profonde de sa propre dignité, d’une dignité qui la met pourtant au-dessus des Anges. Car enfin, elle était née sans péché, quelle solitude étonnante ! Une source si pure, si limpide, si limpide et si pure, qu’elle ne pouvait même pas y voir refléter sa propre image, faite pour la seule joie du Père — ô solitude sacrée ! Les antiques démons familiers de l’homme, maîtres et serviteurs tout ensemble, les terribles patriarches qui ont guidé les premiers pas d’Adam au seuil du monde maudit, la Ruse et l’Orgueil, tu les vois qui regardent de loin cette créature miraculeuse placée hors de leur atteinte, invulnérable et désarmée…. La Vierge était l’Innocence. Rends-toi compte de ce que nous sommes pour elle, nous autres, la race humaine ? Oh ! naturellement, elle déteste le péché, mais, enfin, elle n’a de lui nulle expérience, cette expérience qui n’a pas manqué aux plus grands saints, au saint d’Assise lui-même, tout séraphique qu’il est. Le regard de la Vierge est le seul regard vraiment enfantin, le seul vrai regard d’enfant qui ne se soit jamais levé sur notre honte et notre malheur. Oui, mon petit, pour la bien prier, il faut sentir sur soi ce regard qui n’est pas tout à fait celui de l’indulgence — car l’indulgence ne va pas sans quelque expérience amère — mais de la tendre compassion, de la surprise douloureuse, d’on ne sait quel sentiment encore, inconcevable, inexprimable, qui la fait plus jeune que le péché, plus jeune que la race dont elle est issue, et bien que Mère par la grâce. Mère des grâces, la cadette du genre humain." Confions-nous à la compassion de Marie, pour nous entrainer sur le chemin de la sainteté qui est toujours ignorante d’elle-même.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04 61 Quels sont les instruments des bonnes oeuvres ? écrit le 23 mai 2024
Verset(s) :

61. obéir en tout aux commandements de l'abbé, même s'il agit lui-même autrement – ce qu'à Dieu ne plaise – en se souvenant du commandement du Seigneur : « Ce qu'ils disent, faites-le ; quant à ce qu'ils font, ne le faites pas. »

Commentaire :

R.B. 4, 61 Quels sont les instruments des bonnes œuvres ?

En guise de commentaire, de cet instrument qui vient prendre à rebrousse-poil notre sens commun, aiguisé aujourd’hui encore un peu plus, du fait des abus, je voudrais partager ces lignes de M. Delbrêl qui nous replace devant le mystère de l’obéissance, qui va toujours au-delà de notre raison, parce qu’il s’agit de chercher et désirer la volonté de Dieu.

« Puisqu’aimer c’est n’avoir qu’une volonté à deux, l’obéissance, recherche et poursuite de la volonté divine, doit, dans une équipe missionnaire, être comme une « fringale » commune, toujours attentive, toujours à l’affût d’un nouveau vouloir de son Seigneur, soit pour chacune, soit pour toutes. C’est l’obéissance qui doit être son élan vital, toujours la même à travers toutes les charges, toujours comblée de la joie des bienheureux quand elle découvre des étapes douloureuses, des efforts écartelants, des faits dont l’incohérence réclame d’attendre et de subir. Aimer, ce n’est pas vouloir tel ou tel « gouvernement » ; aimer, c’est vouloir obéir, coûte que coûte, c’est chercher les rendez-vous de Dieu là où il faut obéir. La vie commune en petit nombre pourra amener une tentation, normale parce que très humaine : ce serait la tentation de super-démocratie où tout serait décidé par tous. Le motif en sera séduisant : le bon sens de plusieurs consciences réunies est mieux assuré que par une seule de ces consciences… Et ce serait vrai s’il s’agissait d’une affaire humaine. Mais quand Dieu est en question, quand il s’agit de l’aimer au maximum, le bon sens tourne à court. Le bon sens est un magnifique outil pour toutes les entreprises que la raison humaine dirige. Mais si Dieu n’est pas contre la raison, il est au-delà de la raison. Pour traiter quoi que ce soit avec lui, il faut rencontrer le mystère. Pour l’aimer, il faut accepter que notre raison soit entièrement dépassée par le mystère. Une obéissance sans mystère est une discipline d’homme : elle n’est pas le mystère de l’obéissance. Notre raison ? Elle nous aide à découvrir ce qu’il y a de nécessaire dans le mystère de l’obéissance…puis elle nous sert à obéir comme des hommes, non comme des choses. Elle nous sert -quand c’est notre rôle- à désigner le plus apte à détenir l’autorité ; elle nous sert, ensuite, à faire de ce qu’il décide les meilleurs actes et les plus bienfaisants. Elle nous sert surtout à nous réjouir de pouvoir être introduits dans le mystère où nous devenons « un autre » ; où nous sommes façonnés au gré de Dieu pour devenir celui qu’il a désiré unir à lui. On peut faire de l’équipe un vrai brasier d’amour par l’obéissance. Mais il y faut autant de terre d’humilité que de bois de charité. Que l’une de nous ait en charge la responsabilité pour une ou plusieurs équipes, le brasier se sera pas allumé, si toutes ne désirent pas l’obéissance… M. Delbrêl, J’aurai voulu… Textes à ses équipières, 1950-1956, Œuvres complètes T. 14, ed. Nouvelle Cité, Paris 2016, p 246-248.