vendredi 15 août 2025 : fête de l’Assomption, horaire des dimanches (vigiles la veille à 20h45, messe à 10h) + concert à 16h.

Nota : L’office de None (14h45) sera prié au dolmen de ND de la Pierre-qui-Vire.

Commentaires sur la Règle



Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 00 45-50 Prologue écrit le 06 janvier 2024
Verset(s) :

45. Il nous faut donc instituer une école pour le service du Seigneur.

46. En l'organisant, nous espérons n'instituer rien de pénible, rien d'accablant.

47. Si toutefois une raison d'équité commandait d'y introduire quelque chose d'un peu strict, en vue d'amender les vices et de conserver la charité,

48. ne te laisse pas aussitôt troubler par la crainte et ne t'enfuis pas loin de la voie du salut, qui ne peut être qu'étroite au début.

49. Mais en avançant dans la vie religieuse et la foi, « le cœur se dilate et l'on court sur la voie des commandements » de Dieu avec une douceur d'amour inexprimable.

50. Ainsi, n'abandonnant jamais ce maître, persévérant au monastère dans son enseignement jusqu'à la mort, nous partagerons les souffrances du Christ par la patience, afin de mériter de prendre place en son royaume. Amen.

Commentaire :

« II nous faut donc instituer une école pour le service du Seigneur ». Parler de la vie monastique comme d'une école, oui, mais quelle école ? Bien des modèles d'écoles peuvent se bousculer dans notre imaginaire: l'école primaire ou l'on apprend les B.A BA de la culture, ou bien une école collège-lycée où l'on approfondit son champ de vision sur la vie, ou une école prépa courte et très intensive limitées à quelques matières, une école professionnelle etc... Peut-être que l'école de la vie monastique emprunte des aspects à tous ces modèles pour offrir un modèle propre. Ce modèle peut impressionner parfois les gens de l'extérieur par les formes qu'il prend: la rigueur de l'horaire et du cadre de vie, l'espace limite dans lequel nous vivons, la manière de vivre les relations entre nous et sous un abbé, le primat de la prière etc... Mais surtout, la vie monastique est une école assez originale puisqu'elle dure toute la vie. Dans tous les modèles inventoriés ci-dessus, la formation a un temps limite. Ensuite on prend !es rênes de son existence pour la mener a son gré, fort de tous instruments reçus pour se lancer dans la vie professionnelle, familiale et sociale. En choisissant la vie monastique, nous choisissons d'être guidés, aidés. enseignés durant toute notre vie, et cela jusque dans la gestion la plus quotidienne. Car l'école monastique est une école qui veut atteindre un but spécifique et exigent. Elle nous entraine à connaitre Dieu et à servir son dessein de salut pour les hommes. Et cette connaissance ne peut se résumer à un savoir qu'on apprend dans les livres. Connaitre est ici inséparable d'aimer selon le sens biblique. Car nous ne restons pas extérieurs au savoir qu'on acquiert. Non,

connaitre Dieu et son mystère n'est possible que si l'on s'y livre tout entier. Se livrer, se donner dans l'obéissance à un autre, renoncer librement à une certaine indépendance spontanée pour dépendre plus étroitement de la Parole dans l'écoute de l'Esprit Saint. Autrement dit dans cette école, le premier de classe n'est pas forcément celui qui peut faire de belles homélies ou de beaux cours de théologie, mais celui qui se donne vraiment avec humilité à Dieu dans la prière et à ses frères dans la vie commune. Celui-là qui est humble, est vraiment savant puisqu'il se met alors à l'école du Christ son maitre, doux et humble de coeur. Il entre avec toute sa chair dans le mystère de l'humilité du Christ, mystère par lequel se révèle le Coeur de notre Dieu, ainsi que le moyen privilégié qu'il a utilisé et qu'il utilise encore pour sauver le monde. Soyons heureux d'être embarqués dans ce navire-école ! Cultivons le désir d'apprendre. Et si cela se fait à nos dépens, ne soyons pas découragés, le chemin de l'humilité nous surprendra toujours. Demandons à l'Esprit Saint de nous rendre souples en ses mains, confiant comme des enfants.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 00 39-44 Prologue écrit le 04 janvier 2024
Verset(s) :

39. Nous avons donc interrogé le Seigneur, frères, au sujet de celui qui habitera dans sa demeure, et nous avons entendu le précepte donné pour y habiter, mais pourvu que nous remplissions les devoirs incombant à l'habitant.

40. Il nous faut donc tenir nos cœurs et nos corps prêts à servir sous la sainte obéissance due aux préceptes.

41. Et pour ce que la nature en nous trouve impossible, prions le Seigneur d'ordonner au secours de sa grâce de nous l'accorder.

42. Et si, fuyant les châtiments de la géhenne, nous voulons parvenir à la vie perpétuelle,

43. tandis qu'il en est encore temps et que nous sommes en ce corps et qu'il reste le temps d'exécuter tout cela à la lumière de cette vie,

44. il nous faut à présent courir et accomplir ce qui nous profitera pour toujours.

Commentaire :

Les lignes entendues rappellent le début du prologue qui s'adresse a celui qui veut servir le Seigneur Christ. le roi véritable avec !es armes puissantes et glorieuses de l’obéissance. Elles rappellent aussi la nécessité de prier pour ce que la nature trouverait en nous impossible à accomplir. Nous tenir prêts, cœur et corps, pour servir sous l’obéissance et demeurer dans la prière au regard de notre faiblesse. Beaucoup d'aspects de notre vie monastique sont ici repérés.

Nous tenir prêts cœur et corps. Comme !es serviteurs de l’évangile qui attendent leur maitre, nous tenir prêts. Cœur et corps, dans une veille et spirituelle et corporelle. On pense spontanément au premier aspect spirituel, avec la garde des pensées. On peut facilement oublier le second, l'attention à notre corps, à son équilibre, à ses besoins, aux signes qu'il donne de fatigue ou de tensions. Nous tenir prêts avec notre corps nous invite à une certaine sagesse. Sachons écouter ou solliciter le regard des autres qui peuvent voir ce qu'on ne voit pas soi-même sur notre propre corps Je disais lors du dernier conseil que nous aurions avantage à continuer de nous faire aider. Travailler nos attitudes, nos postures qui, souvent statiques (assis ou debout), peuvent prendre de mauvais plis si on n'y prend garde. Mardi soir, au noviciat. Gabriel nous disait qu'à Ginette, le sport fait partie de l'équilibre de la formation des prépas, alors que dans d'autres prépas il n'est pas intégré. Dans notre vie monastique, chacun doit veiller à son équilibre corporel et d'exercices physiques, au risque de voir des fatigues s'accumuler par manque d'exercices ou de temps de respiration. Martine Buhrig peut donner de bons conseils. Y-aurait-il d'autres manières de faire ou d'autres aides à trouver pour ceux qui ne se retrouvent pas dans sa proposition. Qu'on n'hésite pas à m'en parler ! Servir sous l'obéissance : toute cette attention du cœur et du corps veut en fait affiner notre capacité à obéir, c'est-à-dire à nous tenir dans cette écoute ajustée à la volonté du Seigneur. Celui-ci ne nous demande pas de nous éreinter ni de nous la couler douce, il nous invite à trouver notre joie dans le don de nous-mêmes. Don qui, ajusté à nos forces présentes, vient agrandir notre désir de nous donner. Demeurer dans la prière, conscient de notre faiblesse. Ce serait nous faire illusion de croire que notre vigilance de cœur et de corps puisse nous suffire pour nous donner. Vite, nous butons sur notre inconstance, sur nos paresses, sur notre errance parfois. Comme Pierre qui a tenté de marcher sur les eaux, il nous faut souvent dire : Seigneur, sauve-moi soutiens-moi !

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 00 33-38 Prologue écrit le 03 janvier 2024
Verset(s) :

33. De là aussi la parole du Seigneur dans l'Évangile : « Celui qui écoute ce que je viens de dire et le met en pratique, je le comparerai à un homme sage, qui a bâti sa maison sur la pierre.

34. Les eaux sont venues, les vents ont soufflé et ont heurté cette maison, et elle n'est pas tombée, parce qu'elle était fondée sur la pierre. ;»

35. Achevant ainsi son discours, le Seigneur attend que nous répondions chaque jour par des actes aux saints enseignements qu'il vient de nous donner.

36. Voilà pourquoi les jours de cette vie nous sont accordés comme un sursis en vue de l'amendement de notre mauvaise conduite,

37. selon le mot de l'Apôtre : « Ne sais-tu pas que la patience de Dieu te conduit à la pénitence ? »

38. Car le Seigneur dit, dans sa bonté : « Je ne veux pas la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse et qu'il vive. »

Commentaire :

« Le Seigneur attend que nous répondions chaque jour ». II nous appelle chaque jour, il attend notre réponse chaque jour. Entre le matin et la nuit, chaque jour est une chance pour nouer avec le Seigneur une relation plus vivante. « Par des actes » mais aussi par une disposition intérieure d'écoute, il s'agit de faire de notre vie une réponse au Maitre de la Vie. Penser notre vie comme un dialogue avec le Seigneur et avec nos frères est une voie tout à fait monastique, une voie à la fois très concrète et une voie très intime. Chaque jour que l'année offrira, nous commencerons par « Seigneur ouvre mes lèvres », ou bien par « Dieu viens à mon

aide». Les premiers mots que la liturgie nous donne de prononcer, nous orientent vers le Seigneur, ensemble et personnellement. Heureux sommes-nous d'être ainsi entrainé à nous tourner vers l'essentiel : le dialogue entre Dieu et sa créature. La pire des choses serait de vivre notre vie monastique comme un monologue, dans une sorte de bulle : je me parle et je me réponds à moi-même, je vis et je calcule et je construis ma vie pour moi-même, j'agis en ne cherchant que mon intérêt. II y a peu, je rencontrais une personne qui me rapportait une conversation avec son frère de 21 ans son ainé. Le jour de l'anniversaire des 94 ans de ce dernier, elle lui dit : « j'ai encore 21 ans pour arriver là » . Et du tac au tac, ce dernier lui a dit :

« Tu as encore 21 ans pour donner du bonheur autour de toi ». Cette femme me disait combien cette parole l'avait surprise. Alors qu'elle est veuve aujourd'hui et qu'elle pourrait se replier sur elle-même, et sur ses soucis, elle repense souvent à la parole de son frère. Elle la reçoit comme un appel à se décentrer d'elle-même pour se tourner vers les autres. Et elle ajoutait combien elle était heureuse d'avoir ainsi découvert que cela changeait sa vie, de se tourner vers les autres au moment où elle voudrait se centrer sur elle-même. II me semble que c'est aussi le secret de notre bonheur dans la vie monastique : jour après jour, nous tourner vers Celui qui nous appelle, dans la liturgie, mais aussi dans les gestes les plus quotidiens pour répondre aux

sollicitations des frères ou des personnes rencontrées sans chercher à vouloir se réserver, du

temps ou son petit confort, voire même une part de gâteau à un libre-service ... En nous donnant ainsi, nous accueillons la vie du Christ qui se donne à travers nous. Et nous recevons alors bien plus que ce que nous croyons pouvoir nous réserver. Je pense en écho à l'hymne que nous chantons le vendredi matin en TO : « c'est un Oui sans réserve que tu dis sur nous par Jésus-Christ, et par lui tu nous donnes encore de répondre « Amen, à ton appel En réponse a ton évangile, que mon oui, soit oui sans condition ».

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 00 22-32 Prologue écrit le 20 décembre 2023
Verset(s) :

22. Si nous voulons habiter dans la demeure de ce royaume, on ne saurait y parvenir, à moins d'y courir par de bonnes actions.

23. Mais interrogeons le Seigneur avec le prophète, en lui disant : « ;Seigneur, qui habitera dans ta demeure, et qui reposera sur ta montagne sainte ? »

24. Cette question posée, frères, écoutons le Seigneur nous répondre et nous montrer le chemin de cette demeure,

25. en disant : « C'est celui qui marche sans se souiller et accomplit ce qui est juste ;

26. qui dit la vérité dans son cœur, qui n'a pas commis de tromperie par sa langue ;

27. qui n'a pas fait de mal à son prochain ;; qui n'a pas laissé l'injure atteindre son prochain ;» ;;

28. qui, lorsque le malin, le diable, lui suggérait quelque chose, l'a repoussé loin des regards de son cœur, lui et sa suggestion, l'a réduit à néant, et s'emparant de ses petits – les pensées qu'il lui inspirait – les a écrasés contre le Christ.

29. Ce sont ceux-là qui, craignant le Seigneur, ne s'enorgueillissent pas de leur bonne observance, mais qui, estimant que ce qui est bon en eux ne peut être leur propre œuvre, mais celle du Seigneur,

30. magnifient le Seigneur qui opère en eux, en disant avec le prophète : « Non pas à nous, Seigneur, non pas à nous, mais à ton nom rends gloire ! »,

31. de même que l'Apôtre Paul, lui non plus, ne s'attribuait rien de sa prédication et disait : « C'est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis. »

32. Et il dit encore : « Celui qui se glorifie, qu'il se glorifie dans le Seigneur. »

Commentaire :

Pour habiter le Royaume, il faut « courir par de bonnes actions », nous dit Benoit. Courir, travailler ou relever les manches, c'est tout un pour lui. Pourrons-nous en effet vivre dans la lumière du Royaume, habiter au cœur de l'Amour qui est Dieu, si notre cœur s'est fermé à l'amour, s'il ne nous a pas entrainé vers les autres et vers le Seigneur ? Avec cette évidence, Benoit tient une autre évidence : aucun de nous ne peut ou ne pourra se glorifier de cet amour qu'il a ou aura vécu sur cette terre. Autrement dit, dans le Royaume, personne ne pourra arriver avec son curriculum vitae de charité et tous ses diplômes de bonne conduite pour les faire valoir

à l'entrée. L'amour ne supporte pas cette dénaturation. Double conviction de l'urgence de l'amour à donner et de la conscience que l'amour se peut prévaloir de lui-même, au risque de ne plus être amour. L'Esprit nous presse d'aimer comme le Christ et en lui ceux que nous croisons. Et en même temps, nous sommes appelés à oublier ce que nous faisons pour nous tenir les mains vides, dans la conscience que ce que nous avons donné ne venait pas de nous.

Même s'ils sont dits dans un sens un peu différent, nous pouvons faire nôtre les mots de l'hymne de complies en Temps Ordinaire, « oublier l'offrande pour regarder Celui qui veut encore donner ».

Mystère de l'amour dont nous sommes bien les acteurs et en même temps qui nous traverse comme si nous n'y étions pour rien. Si nous y prêtons un peu attention, si nous

regardons ou écoutons ce qui se passe dans notre cœur, dans nos pensées, nous pouvons mesurer qu'il n'est pas facile de vivre ce mystère de l'amour. Nous oscillons tantôt entre une forme de

paresse à nous donner et tantôt entre le besoin de montrer qu'on se donne. Dans les deux cas,

nous voulons garder nos intérêts. Nous voulons bien engager un peu d'argent, mais à condition

que cela nous rapporte. Seul l'Esprit-Saint peut nous entrainer à aimer sans calcul. Demandons-lui cette grâce. Elle fera notre joie et celle des autres.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 00 14-21 Prologue écrit le 16 décembre 2023
Verset(s) :

14. Et se cherchant un ouvrier dans la foule du peuple, à laquelle il lance cet appel, le Seigneur dit de nouveau :

15. « Quel est l'homme qui veut la vie et désire voir des jours heureux ? »

16. Si, en entendant cela, tu réponds : « C'est moi ! », Dieu te dit :

17. « Si tu veux avoir la vie véritable et perpétuelle, interdis le mal à ta langue et que tes lèvres ne prononcent point la tromperie. Évite le mal et fais le bien, cherche la paix et poursuis-la.

18. Et quand vous aurez fait cela, j'aurai les yeux sur vous et je prêterai l'oreille à vos prières, et avant que nous m'invoquiez, je dirai : me voici ! »

19. Quoi de plus doux que cette voix du Seigneur qui nous invite, frères bien aimés ?

20. Voici que, dans sa bonté, le Seigneur nous montre le chemin de la vie.

21. Ceignant donc nos reins de la foi et de l'accomplissement des bonnes actions, avançons sur ses voies, sous la conduite de l'Évangile, afin de mériter de voir celui qui nous a appelés à son royaume.

Commentaire :

« Se cherchant un ouvrier dans la foule... » Dans ce bref passage, on peut repérer différentes étapes de ce qu'on pourrait appeler le mystère de la vocation. Nous pouvons regarder ces étapes comme les étapes de notre vocation initiale, celle qui nous a conduit au monastère. Mais nous pouvons aussi les regarder comme un mystère actuel. Nous demeurons des appelés. Heureux sommes-nous si nous nous considérons comme des hommes qui acceptent de se placer sous un appel. Quelles sont donc ces étapes. "Le Seigneur nous cherche, il nous appelle. il nous

guide et nous conseille sous la forme des commandements, il nous promet sa proximité. Ainsi se dessine le chemin qui conduit à « voir celui qui nous a appelé dans son Royaume ».

Comme hier, aujourd'hui encore le Seigneur nous cherche. Il desire pour nous plus que nous n'imaginons spontanément. La nous pourrions nous contenter d'une certaine routine, - au mieux, nous faisons ce qui est demandé- le Seigneur ne cesse de venir nous chercher parce qu'il veut que nous soyons vraiment vivant dans le don de nous-mêmes. Nous endormir sur une certaine satisfaction pourrait nous faire passer à coté de la joie de l'amour qui déborde notre petit confort. Alors le Seigneur nous fait entendre une parole. Son appel peut retentir sous !es formes les plus inattendues : une motion intérieure qui nous entraine à être plus généreux dans la prière, ou bien dans le partage, ou bien dans la vigilance sur soi; mais ce peut-être aussi par une parole entendue dans la liturgie ou la lectio qui ouvre de nouvelles perspectives ; ou encore la parole d'un frère qui me déplace, voire qui me dérange parce qu'elle met le doigt sur ce que je n'ai pas envie de regarder; ce peut-être l'appel à !'aide sous forme d'un service à rendre, d'une lettre à répondre, d'une écoute à offrir... Pour répondre à ces appels, nous ne sommes pas seuls. Le Seigneur nous guide. Souvent un mot des psaumes pourra devenir notre prière, et notre réconfort. Ne nous affligeons pas de voir que nos plans sont modifiés. Laissons-nous guider par ces appels, par ces mouvements de vie portent souvent en eux un dynamisme qui va être bien plus riche que notre routine programmée. Le Seigneur nous conseille encore à travers nos frères auprès desquels nous pouvons vérifier si, lorsqu'ils sont plus importants, ces appels sont vraiment authentiques. Si nous prenons le parti de nous laisser chercher, appeler, déranger vers ces chemins inconnus, ce qui n'a rien à voir avec la dispersion ou la distraction, soyons sûr de la proximité du Seigneur à nos cotés. Déjà nous gouterons des fruits du Royaume qui advient.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 00 08-13 Prologue écrit le 08 décembre 2023
Verset(s) :

8. Levons-nous donc enfin, puisque l'Écriture nous éveille en nous disant : « L'heure est venue de nous lever du sommeil »,

9. et les yeux ouverts à la lumière de Dieu, écoutons d'une oreille attentive ce que la voix divine nous remontre par ses appels quotidiens :

10. « Aujourd'hui, si vous entendez sa voix, n'endurcissez pas vos cœurs ;» ;;

11. et encore : « Qui a des oreilles pour entendre, qu'il entende ce que l'Esprit dit aux Églises. »

12. Et que dit-il ? « Venez, mes fils, écoutez-moi, je vous enseignerai la crainte du Seigneur.

13. Courez, pendant que vous avez la lumière de la vie, de peur que les ténèbres de la mort ne vous atteignent. »

Commentaire :

« Ecoutons d 'une oreille attentive ce que la voix divine nous remontre par ses appels quotidiens: « aujourd'hui, si vous entendez ... » En ce matin où nous célébrons l'Immaculée Conception, j'aimerais commenter ces versets en regardant Marie.« Ecoutons d'une oreille attentive». S'il y a une femme qui a su écouter parmi tous les humains, Marie tient certainement la première place. Notre foi catholique la regarde Immaculée en sa conception, sans qu' elle porte la trace du péché. Peut-être qu'une des principales conséquences de cette grâce, est sa qualité d'écoute. Le péché d' Adam et d'Eve est de ne pas avoir vraiment écoute la Parole entendue dans le jardin. Ils ne l'ont pas laissé produire en eux tous ses fruits de grâce. Ils l'ont

oublié pour prêter l'oreille a une autre parole, plus sournoise. Ils ont écouté la parole qui laissait

entendre que Dieu n'était pas si fiable que cela, que sa Parole n'était pas si bonne que cela. A

l'inverse, Marie a su écouter. En elle, pas d'obstacle à l'écoute, rien qui ne bouche ses oreilles du cœur. Cette écoute, elle l'a apprise, expérimenté, travaillé avec son Peuple, en récitant le Shema Israel. Elle a fait confiance à cette Parole de vie. « Le Seigneur ton Dieu est l'unique ...tu aimeras le Seigneur de tout ton cœur ... ». Comme nous le chantons, on peut penser qu'à la différence du nôtre, le« cœur de Marie était rempli d'ineffable attente ». II y avait en elle une

ouverture foncière à son Dieu. Aussi Marie peut-elle se prêter à l'irruption d'une Parole inattendue. « Aucune peur, aucun refus » en elle « ne vient troubler l’œuvre de grâce ». Elle accepte de se laisser bousculer par une Promesse qui aurait pu l'écraser: devenir la mère du Messie, le Fils de David. « Elle a bâti sa demeure dans les vouloirs du Père ». Elle consent à

se laisser faire par cette œuvre de l'Esprit en elle. « Elle offre à Dieu le silence où la Parole habite".

Ouverture, attente, confiance, silence : nous pouvons contempler ainsi en Marie les belles harmoniques de l'écoute. Ces harmoniques qu'elle a reçues comme une grâce, demandons-les par son intercession, pour devenir comme elle, plus engagé dans l'écoute. En

écoutant, faisons toute sa place à notre Dieu, et toute sa place à notre frère. Sainte Marie Mère

de Dieu, servante toute écoutante, prie pour nous pécheur !

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 69 01-04 Qu'on ne se permette pas au monastere de defendre un autre écrit le 15 novembre 2023
Verset(s) :

1. Il faut prendre soin que personne au monastère, en aucune occasion, ne se permette de défendre un autre moine ou de lui servir comme de protecteur,

2. même s'ils sont unis par un lien de parenté quelconque.

3. Les moines ne se le permettront d'aucune manière, car cela peut être l'occasion de conflits très graves.

4. Si quelqu'un transgresse ce point, on le châtiera rigoureusement.

Commentaire :

Défendre un autre frère, s'ériger en défenseur, St Benoit proscrit ce genre de pratique dans le désir de préserver la vie communautaire de toute semence de zizanie. Et pourquoi y aurait-il besoin de défenseur? Ce type de problématique n'est-il pas le signe que quelque chose ne va pas dans la communauté ? Les conflits ou les situations d'injustice doivent se régler de manière ouverte, sans recours à des procédés occultes plus ou moins avouables. Certainement alors, il revient à l'abbé de veiller à créer un climat de recherche de justice ou chacun peut être entendu lorsqu'il a de quoi se plaindre, à propos d'un frère ou d'une situation injuste. A l'abbé de prendre ensuite des mesures pour que les choses se règlent dans l'équité. Veillons à ce que les choses ne s'enveniment pas. Lorsque quelque chose ne va pas : sachons en parler sans larder, pour que correction ou réparation soit faite.

Plus profondément cette question de la défense d'un frère par un autre, renvoie à notre égalité foncière sous le regard de Dieu. S'il y a un défenseur, c'est Dieu lui-même. Et de nous tous, il se soucie fondamentalement. Nous sommes invités à un regard de foi. Dans la bible, le mot « défenseur », renvoie au mot "Go'el", qu'on traduit aussi bien comme défenseur, vengeur que comme rédempteur-racheteur. Les deux notions assez distinctes se sont peu à peu

unifiées. Le défenseur-vengeur, « le vengeur du sang » était celui qui avait la charge de tuer un meurtrier, pour faire justice à celui ou ceux que le meurtrier avait lésé (Nb 35, 18,21). Le rédempteur ou racheteur est celui (souvent un proche parent) qui avait droit de racheter en payant

pour lui, une personne qui s'était mise en situation de dettes, voire d'esclavage. En payant pour

cette personne. le racheteur ou rédempteur lui permettait par ex de retrouver son patrimoine familial, ou sa condition d'homme libre (Lv 25, 25,47-49). Attaché à des pratiques très concrètes, le rôle de Go'el, vengeur-rédempteur, a été attribué à Dieu lui-même dans sa relation

avec son peuple. Le prophète Isaïe se saisit de ce titre pour dire l'intervention et la proximité de Dieu : « ainsi parle le Seigneur, votre rédempteur, le Saint d'Israël : en votre faveur, j'envoie une expédition à Babylone, je fais tomber tous !es verrous .." (Is 43, 14). Dieu va racheter, libérer son peuple de la servitude de l'exil. Avec Jésus, le rédempteur prend la forme du serviteur qui rachète en versant son propre sang. Il devient par sa mort et par sa résurrection Celui qui est notre défenseur auprès de Dieu, comme l'affirme la 1° de St Jean. Et pour notre pèlerinage sur cette terre, Jésus lui-même nous promet un autre défenseur, l'Esprit Saint qui

nous enseignera ce qu'il faut dire face à nos adversaires. Que craindre dès lors ? manquons-nous vraiment de défenseur ? Sachons prendre appui sur Celui qui marche à nos côtés...

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 68 01-05 Si l'on enjoint à un frère des choses impossibles écrit le 14 novembre 2023
Verset(s) :

1. Si l'on enjoint à un frère des choses pénibles ou impossibles, il recevra l'ordre de celui qui commande en toute douceur et obéissance.

2. S'il voit que le poids du fardeau excède absolument la mesure de ses forces, il représentera à son supérieur, patiemment et opportunément, les raisons de son impuissance,

3. sans orgueil ou résistance ni contradiction.

4. Si, après ses représentations, l'ordre du supérieur se maintient sans qu'il change d'avis, l'inférieur saura qu'il est bon pour lui d'agir ainsi,

5. et par charité, confiant dans le secours de Dieu, il obéira.

Commentaire :

Ce chapitre sur l'obéissance est sensible. II vient interroger une manière assez concrète de vivre l'obéissance, celle qui advient en des occasions difficiles. Il interroge sur le point fondamental de ce qu'est l'obéissance: une écoute qui est dans le même temps un engagement. A ce point sensible, et le supérieur et le frère sont convoqués à cette écoute du réel.

Le supérieur. Il m'est arrivé de ne pas bien jouer en l'une ou l'autre situation, ce que ce chapitre met en scène, précisément en manquant d'une écoute attentive. A défaut d'avoir suffisamment écouté, je n'ai pas pris vraiment en compte la difficulté soulevée par le frère face à une demande que je pouvais faire. La chose s'est révélée trop difficile à assumer par le frère. L'abbé est donc ici invité à écouter !es impossibilités exprimées, sans les juger, mais en les laissant résonner en lui pour y entendre peut-être toute la profondeur, toute la fragilité qui ne se dit peut-être qu'à mi- mot, ou qui ne peut se dire totalement.

Le frère est aussi invité à l'écoute qui se vit sur deux registres : l'écoute d'une parole qui vient proposer ou bien interpeller, même si elle bouscule. Dans le même temps, il est appelé à écouter ce que cette parole produit en lui. Si après réflexion, elle suscite crainte et tremblement, au point que la chose semble vraiment impossible à mener, le frère doit pouvoir s'en ouvrir. Cette double écoute ici voudrait être au service de la recherche de la volonté de Dieu. Celui-ci ne nous prend jamais à revers de ce que nous sommes. S'il nous tire parfois de notre confort, s'il nous secoue d'une certaine torpeur, il ne nous demande pas un renoncement tel qui nous mette en danger, ou en porte a faux. L'écoute de la résonance d'un appel voudrait ainsi mettre en évidence, soit une aisance possible qui n'empêche pas la crainte, soit une

répulsion viscérale. Pouvoir dire cette répulsion, cette impossibilité, est importante pour éviter de dire un oui, qui n'en serait qu'un demi, ou qui ne serait qu'une obéissance molle. Il revient ici certainement à l'abbé de créer les conditions de dialogue pour que cette difficulté puisse se dire. L'obéissance est une réalité trop profonde qui regarde d'abord la relation de chacun avec Dieu, pour être vécu du bout des lèvres. Elle est écoute, accueil et réponse à la volonté de Dieu que

l'on choisit de reconnaitre et de suivre à travers des médiations humaines, celle du supérieur, du frère responsable, de l'évêque etc... L'obéissance demande de chacun de savoir s'engager pleinement comme un adulte qui peut répondre de ce qu'il dit et fait.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 63 01-09 De l'ordre de la communauté écrit le 13 novembre 2023
Verset(s) :

1. Au monastère, on gardera les rangs comme ils sont établis par le temps de l'entrée en religion et par le mérite de la vie, et comme en décide l'abbé.

2. Cependant l'abbé ne mettra pas le trouble dans le troupeau qui lui est confié, et il ne prendra pas de disposition injuste, comme s'il jouissait d'un pouvoir sans limite,

3. mais il songera toujours qu'il devra rendre compte à Dieu de tous ses jugements et œuvres.

4. C'est donc suivant les rangs qu'il aura établis ou que les frères auront d'eux-mêmes, qu'ils iront recevoir la paix, communier, imposer les psaumes, et qu'ils se tiendront au chœur.

5. Et absolument partout, l'âge ne modifiera pas les rangs ni ne portera préjudice,

6. puisque Samuel et Daniel enfants ont jugé des anciens.

7. Donc à l'exception de ceux que l'abbé, comme nous l'avons dit, fera monter à bon escient ou fera descendre pour des raisons déterminées, tous les autres seront comme ils sont entrés en religion ;:

8. par exemple, celui qui arrive au monastère à la deuxième heure du jour se considérera comme plus jeune que celui qui est arrivé à la première heure, quel que soit son âge ou sa dignité.

9. Cependant les enfants seront maintenus dans l'ordre par tous et en tout domaine.

Commentaire :

Lors de la session qu'elle a donnée en mai, V. Margron a dit à un moment une phrase qui m'a touché: « le défi de la fraternité, c'est de gérer la rivalité ». En relisant ce chapitre, il me semble que !'institution des rangs par Benoit est une manière de gérer les rivalités entre frères. Là où il pourrait exister des rivalités liées à la condition sociale, aux capacités intellectuelles, ou bien à l'ancienneté d'âge, Benoit invite les frères à se situer entre eux, en s'appuyant sur l'ordre d'entrée.

Nous n'avons plus les rangs au monastère, car peut-être avons-nous perçu qu'ils instauraient finalement un autre type de rivalité: celle d'être avant ou après, en pouvant suggérer une autre hiérarchie entre les frères. Le fait de ne plus avoir de rang nous rend-il quitte pour autant vis-à-vis de tout esprit de rivalité ? lci, il m'a intéressé de retrouver l'étymologie du mot « rivalité ». II vient du latin « rivalitas », qui vient du mot « rivus », ruisseau, conduite d’eau. D’où découle en français le mot « riverains » « ceux qui tirent leur eau du même cours d'eau » selon le Robert. S'il nous arrive de devenir des rivaux, c'est souvent parce que d'abord nous sommes des riverains. Nous habitons sur la même rive ou sur des rives opposées et nous sommes tous dépendants des mêmes ressources, en eau, en nourriture, mais aussi en affection, en reconnaissance. La rivalité possible entre nous tient au fait que nous vivons une grande proximité dans une commune dépendance. Dans une famille, sans qu'ils l'aient choisi, les frères et sœurs doivent mettre en commun plus que le gite et le couvert, mais aussi une affection et un soutien parental indispensable à leur prise d'envol vers d'autres rives. Devenir frère dans une communauté, c'est choisir d'entrer dans une autre famille de dépendance, devenir riverains de frères qui appartiennent à un monde culturel et à une histoire très différentes. Le défi pour chacun et pour nous tous est de consentir à nous abreuver a une même vie commune qui va nous nourrir, en même temps qu'elle va nous demander de sortir de nous-mêmes pour aller vers les autres. Rien n'est donné d'avance, pas le lien du sang, ni le lien de l'amitié. Tout est à construire et à recevoir. Un même appel nous rassemble. Il fait notre force. C'est l'appel à faire de toute notre vie humaine de relations et de travail, une vie de louange de Dieu avec le soutien de frères. De la fraternité rivalité à la fraternité solidarité, tel est certainement l'essentiel de la conversion qui nous rend peu à peu davantage frères les uns des autres.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 67 01-07 Des frères envoyés en voyage écrit le 11 novembre 2023
Verset(s) :

1. Les frères qui vont partir en voyage se recommanderont à l'oraison de tous les frères et de l'abbé,

2. et à la dernière oraison de l'œuvre de Dieu, on fera toujours mémoire de tous les absents.

3. Quant aux frères qui reviennent de voyage, le jour de leur retour, à toutes les heures canoniales, quand s'achève l'œuvre de Dieu, ils se prosterneront sur le sol de l'oratoire

4. et demanderont à tous de prier en raison de leurs manquements, de peur de s'être laissé prendre en voyage à voir ou entendre une chose mauvaise ou une parole déplacée.

5. Et personne ne se permettra de rapporter à un autre tout ce qu'il aura vu ou entendu hors du monastère, car cela fait de très grands ravages.

6. Si quelqu'un se le permettait, il subira le châtiment de règle.

7. De même celui qui se permettrait de sortir de la clôture du monastère et d'aller n'importe où et de faire n'importe quoi, même de peu d'importance, sans l'autorisation de l'abbé.

Commentaire :

Ressort fortement de ce chapitre la conviction pour Benoit que de l'extérieur peuvent venir des choses qui pourraient troubler, et le frère qui sort et la communauté lorsqu'il revient. Si l'on comprend sa prudence, nous ne la vivons plus sur le même mode, donnant fréquemment la parole aux frères au retour de voyage. Nous sommes habités par une autre conviction que ce qui se vit dans le monde a aussi quelque chose à nous apprendre. Nous appartenons à ce monde et nous partageons ses recherches, ses espoirs et ses questions. Nous mesurons aussi combien nous ne pouvons vivre isoler sur nous-mêmes, avec les risques que peuvent toujours courir nos institutions d'Eglise, comme le soulignait l'article lu dimanche sur le code de droit canon.

Comment entendre des lors ce que nous dit St Benoit? Il me semble qu'on peut l'entendre en considérant, non le sous-entendu d'une certaine vision négative du monde, mais un autre sous-entendu, l'enjeu spirituel de nos vies monastiques qui est la paix intérieure et la paix communautaire. St Benoit désire que les moines ne soient pas troublés dans leur propre recherche de Dieu. A ses yeux, choses mauvaises ou paroles déplacées sont à proscrire. En insistant sur la prière qui accompagne au départ et au retour le frère en voyage, il souligne de plus que toute la communauté est intéressée par ce que vit le frère. La paix de l'un est un gage de la paix de tous. L'insistance de Benoit peut aussi nous rendre attentif au fait que notre recherche de Dieu est chose subtile. Car il n'est pas facile de chercher Dieu. C'est être un peu inconscient de penser que je peux tout voir, tout lire ou tout entendre sans en être affecté, et notamment sans qu'en soit affectée ma relation à Dieu. A chacun de nous est donnée une sensibilité aux choses de Dieu, à l'écoute de sa Parole. Il en découlera une façon propre à chacun d"entrer en relation avec Lui, qui privilégiera des mots, ou des images ou des attitudes propres. Tout ceci est riche de beaucoup de finesse spirituelle que nous mettons parfois du temps à découvrir, à prendre au sérieux ou à nous approprier. « Le Seigneur était, et je ne le savais pas». Depuis que Dieu nous a fait signe, il nous parle d'une manière propre qu'il est important d'apprendre à reconnaitre. L'accompagnement spirituel voudrait servir cette reconnaissance dans la mesure ou l'on consent à s'ouvrir. Oui, la recherche de Dieu, l'écoute de sa Parole, la reconnaissance progressive de la manière avec laquelle il est avec nous, même dans les épreuves, tout ceci mérite beaucoup d'attention. Je crois que c'est cette attention du cœur que St Benoit veut avant tout préserver des bruits qui ne seraient que dispersant, et qui n'informeraient en rien notre quête profonde.