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34. Le troisième degré d'humilité est que, pour l'amour de Dieu, on se soumette au supérieur en toute obéissance, imitant le Seigneur, dont l'Apôtre dit : « S'étant fait obéissant jusqu'à la mort. »
Tenir pour certain que Dieu nous est toujours présent: C'était le premier degré d'humilité. Concrètement, ne pas aimer sa volonté propre, ne pas se complaire dans l'accomplissement de ses propres désirs: c'était le second. Mais comment conformer notre volonté à celle de Dieu? C'est le 3ème degré. Immédiatement apparaît le Supérieur, qui représente Dieu. « Pour l'amour de Dieu, se soumettre au supérieur en toute obéissance ». L'obéissance par amour. « Pro Dei amore ». Benoit l'avait déjà dit au chapitre de l'Obéissance: Le commencement de l'humilité est l'obéissance par amour. À l'imitation du Christ: « Il s'est fait obéissant jusqu'à la mort ».
L'obéissance du cadavre est une caricature de l'obéissance chrétienne. « Perfectae caritatis », le document du Concile sur la vie religieuse, demande que les communautés et les supérieurs collaborent à l'élaboration des décisions. Serait-ce en contradiction avec ce 3ème degré d'humilité? Certainement pas. « Se laisser faire» parce qu'on est sans idée, volontairement ou non, n'est pas obéir. Obéir matériellement, sans que le cœur y soit, n'est pas davantage obéir. L'obéissance vraie est communion et collaboration. Elle suppose donc le dialogue et l'écoute mutuelle, pour qu'il y ait pleine lucidité de part et d'autre. Elle peut prendre alors sa vraie dimension humaine et spirituelle. Bien sûr, elle peut être une véritable mort à tout ce que je désire. Mais surtout, elle devient communion au « Non pas ma volonté, mais ta volonté» du Christ.
« Viens et suis-moi ». Tel est l'appel que nous avons entendu un jour, et auquel nous essayons, jour après jour de répondre. C'est le but de toute vie chrétienne. C'est le but de notre vie de moine. C'est ce que l'obéissance doit nous aider à vivre. (2013-10-29)
31. Le second degré d'humilité est que, n'aimant pas sa volonté propre, on ne se complaise pas dans l'accomplissement de ses désirs,
32. mais qu'on imite dans sa conduite cette parole du Seigneur disant ;: « Je ne suis pas venu faire ma volonté, mais celle de celui qui m'a envoyé. ;»
33. L'Écriture dit aussi : « La volonté subit un châtiment et la contrainte engendre une couronne. »
Avec ce 2° degré de l'humilité, nous est posée la question: où trouvons-nous notre vrai plaisir? Benoit parle d'aimer et de se complaire. Dans l'accomplissement de nos désirs et de notre propre volonté ou dans l'imitation du Christ qui dit: « Je ne suis pas venu faire ma volonté, mais celle de celui qui m'a envoyé» ? Se poser cette question et essayer d'y répondre en vérité, c'est une manière de vivre le 2d degré d'humilité. En fait, se poser la question, c'est garder les yeux fixés sur Jésus. C'est apprendre avec lui, à vivre décentré de nous-mêmes. Jésus a vécu décentré, le regard et le cœur orientés vers son Père, dans l'écoute de l'Esprit Saint. Ce qui primait, n'était pas ce qu'il faisait ou devait faire, mais le Père pour gui il accomplissait ses œuvres. St Jean est celui qui a le plus approché le mystère de cette intimité entre Jésus et son Père. « Comme le Père m'a aimé, moi aussi je vous ai aimé. Demeurez dans mon amour. Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez en mon amour, comme moi j'ai gardé les commandements de mon Père et je demeure en son amour» (Jn 15 9-10). La vie de Jésus est une vie décentrée de soi pour être totalement tournée vers son Père. Au cœur de notre expérience humaine, il inscrit ce mouvement profond qui l'anime comme Verbe tourné vers le Père dans l'intimité trinitaire. Et ceci ne veut pas dire qu'il renonce à sa volonté humaine, comme le concile de Constantinople de 681 le rappellera. Jésus, Verbe fait chair unit sa volonté humaine à sa volonté divine. Dans le désir de faire la volonté du Père, les deux volontés œuvrent dans un même élan. Le Christ n'a pas de volonté propre au sens où il agirait indépendamment de son Père. Mais il unit toute sa volonté humaine à sa volonté divine dans la recherche de la volonté du Père.
A la suite de Jésus, la vie monastique nous apprend à vivre décentré de nous-mêmes pour ordonner toute notre volonté à la sienne que nous reconnaissons dans le genre de vie que nous choisissons et dans les paroles que nous recevons ... Rendons grâce à Dieu de pouvoir vivre ainsi apprendre à nous décentrer pour nous recentrer sur son Amour et sur l'Amour de nos frères. (2013-10-26)
25. Aussi l'Écriture a-t-elle donné ce précepte : « Ne suis pas tes convoitises. »
26. Si donc « les yeux du Seigneur observent bons et méchants »,
27. si « le Seigneur, du haut du ciel, regarde sans cesse les enfants des hommes, pour voir s'il en est un qui soit intelligent et qui cherche Dieu »,
28. et si les anges commis à nous garder rapportent au Seigneur quotidiennement, jour et nuit, les actes que nous accomplissons,
29. il nous faut donc prendre garde à tout instant, frères, de peur que, comme dit le prophète dans un psaume, Dieu ne nous voie à un moment « dévier » vers le mal « et devenir mauvais »,
30. et qu'après nous avoir épargnés dans le temps présent, parce qu'il est bon et qu'il attend que nous nous convertissions à une vie meilleure, il ne nous dise dans le futur : « Tu as fait cela, et je me suis tu. »
31. Le second degré d'humilité est que, n'aimant pas sa volonté propre, on ne se complaise pas dans l'accomplissement de ses désirs,
Tout se passe dans ce 1 er degré de l'humilité, comme si le ressort de la crainte de Dieu reposait sur la menace du regard omniprésent de Dieu qui nous surveille et qui voit tout. Vision qui nous gêne et qui nous semble insatisfaisante, même si elle n'exclue pas la bonté de Dieu, comme le suggère la fin de 1 er degré. Nous mesurons ici combien tout texte spirituel est marqué par une vision théologique, une approche de Dieu dans son mystère et dans sa relation avec les hommes. En lisant la règle de St Benoit, on peut remarquer que différentes visions théologiques sont présentes. A côté de celle d'un Dieu omniprésent voyant tout d'en-haut, comme en ce 1 er degré, nous avons la vision d'un Dieu tout proche et miséricordieux dans la figure du bon pasteur ramenant la brebis perdue, et que l'abbé doit imiter (RB 27,8). En étudiant de près, on pourrait dégager bien des nuances sur les visions de Dieu qui émargent dans la Règle. Faut-il s'en étonner? Non, car les Ecritures elles-mêmes, ne cessent de juxtaposer les approches et les expériences de Dieu. Faut-il s'en offusquer? Encore moins, car avons-nous, nous-mêmes, une approche et une expérience unifiées de Dieu ? Plusieurs visions de Dieu nous habitent parfois, selon les âges de la vie, selon les situations expérimentées. Et nous avons besoin de ces différentes images de Dieu pour avancer. Chercher Dieu, nous demande St Benoit. C'est apprendre à aller à la rencontre de son mystère, à travers la grande diversité des expressions et des mots, mais aussi des expériences de Dieu rencontrées à travers la liturgie, les Ecritures, ou encore dans la prière et le partage fraternel. Qui est Dieu? Qui est le Christ pour moi ? Comment je le rejoins et me laisse rejoindre par lui? Pierre n'a pas rejoint et ne s'est pas laissé rejoindre par le Christ de la même façon, lors de la transfiguration, à la confession de Césarée, ou encore dans les larmes qui ont suivi le reniement. Et pourtant, à chaque fois, il a fait une forte expérience de son mystère. Qui est Dieu? Qui est le Christ? Comment je le nomme aujourd'hui? Père? Seigneur? Maitre? Ami ? Les passages quelque peu dérangeants de la Règle nous stimulent en retour dans notre propre quête de Celui qui nous cherche le premier. (2013-10-25)
14. C'est ce que le prophète nous fait voir, quand il montre Dieu toujours présent à nos pensées, en disant : « Dieu scrute les cœurs et les reins. »
15. Et encore : « Le Seigneur connaît les pensées des hommes. »
16. Et il dit encore : « Tu as compris mes pensées de loin. »
17. Et : « Car la pensée de l'homme s'ouvrira à toi. »
18. D'autre part, pour être attentif à veiller sur ses pensées perverses, le frère vertueux dira toujours dans son cœur : « Je ne serai sans tache devant lui que si je me tiens en garde contre mon iniquité. »
La question sous-jacente à ces versets qui continuent de présenter le 1 er degré d'humilité, pourrait se formuler ainsi : comment vivre la garde des pensées ? Pour St Benoit c'est une évidence, car il s'agit de demeurer droit sous le regard de Dieu qui est toujours présent, même à nos pensées. Mais sa manière d'insister sur la présence de Dieu à nos pensées risque de nouveau d'induire la vision erronée d'un Dieu inquisiteur.
L'expérience monastique nous montre peut-être plus concrètement que nos pensées méritent notre attention, avec souplesse et discernement, si l'on veut devenir plus libre. Et ici, Dieu n'est pas l'inquisiteur dont il faudrait se méfier, mais bien plutôt l'allié de notre vigilance et de nos luttes quand elles se présentent. Dieu est avec nous dans notre quête de liberté depuis que Jésus, lui-même a dû affronter la tentation, au désert, puis à Gethsémani. Les pensées roulaient dans son esprit, pensées qui l'entrainaient à se dérober à sa mission.
Au désert, les pensées du tentateur voulaient le soustraire à sa condition humaine qu'il venait d'assumer pleinement dans le baptême. Le diable lui suggérait de transformer les pierres en pain, ou de se jeter du haut du temple, ou encore de s'assurer une puissance facile en se prosternant devant lui ... Trois choses par lesquelles Jésus, s'il y consentait, échapperait à l'humble condition humaine dont le seul vrai appui repose sur l'écoute de la Parole de Dieu. A Gethsémani, les pensées qui roulaient dans son cœur, lui montraient le non-sens de cette mort ignominieuse toute proche. De nouveau, il lui fallait prendre appui sur la seule parole de son Père. Mystérieux et profond discernement de Jésus entre des pensées flatteuses d'une évidence très humaine et des pensées plus engageantes appuyées sur la Parole de Dieu dans la recherche de sa volonté ...
A la suite de Jésus, avons-nous d'autres manières de vivre le discernement des pensées? Appuyés sur la vérité de notre condition humaine, sans fausse illusion, et fondés sur l'écoute intime de la Parole de Dieu et de son Esprit ... (2013-10-23)
10. Le premier degré d'humilité est donc que, plaçant toujours devant ses yeux la crainte de Dieu, on fuie tout à fait l'oubli,
11. et que l'on se souvienne toujours de tout ce que Dieu a prescrit, en repassant toujours dans son esprit de quelle façon la géhenne brûle à cause de leurs péchés ceux qui méprisent Dieu, ainsi que la vie éternelle qui est préparée pour ceux qui craignent Dieu.
12. Et se gardant à toute heure des péchés et des vices, à savoir ceux des pensées, de la langue, des mains, des pieds et de la volonté propre, ainsi que des désirs de la chair,
13. l'homme doit être persuadé que Dieu le regarde toujours du haut des cieux à tout instant, que le regard de la divinité voit ses actions en tout lieu et que les anges en font à toute heure le rapport.
Quelle est la marque du premier degré d'humilité ? La crainte de Dieu et le souvenir de sa présence ... La manière de présenter ce premier degré est plutôt rude. Elle risque de nous faire comprendre la crainte de Dieu sous le mode de la peur, ce qu'elle n'est pas fondamentalement dans la Bible. Ben Sirac, que nous lisons en ce moment aux vigiles, nous fait entendre une toute autre tonalité: «La crainte du Seigneur est gloire et fierté gaité et couronne d'allégresse. La crainte du Seigneur réjouit le cœur, donne gaité joie et longue vie. Pour qui craint le Seigneur, tout finira bien, au jour de sa mort, il sera béni» (1, 11-13). Vivre selon la crainte du Seigneur, c'est vivre dans une confiance heureuse sous son regard. Mettre toute notre vie dans sa lumière, avec joie et abandon, sans peur ... S'il y a parfois de la peur, c'est davantage le fait de notre cœur marqué par le péché ou la faiblesse, et non le fait du Seigneur lui-même qui voudrait nous maintenir terrifié devant lui. Ce n'est pas un petit aspect de notre conversion que de passer de la peur à la confiance, et mais aussi à d'autres moments, d'une certaine désinvolture à l'égard de Dieu à une crainte toute empreinte de respect et d'amour. Notre cœur oscille souvent entre différentes attitudes dont l'humilité atténue peu à peu les écarts ... nous ancrant plus dans notre vérité de fils aimé de notre Père.
Si notre cœur est pris par la peur, tournons-nous vers le Christ doux et humble de cœur. Le Christ accueillant et ouvert aux uns et autres, au gré des rencontres, où chacun peut exister, comme il est, pécheur sous la lumière de son pardon. Si notre cœur est tenté par la désinvolture, tournons-nous vers le Christ humble et fidèle dans le service de son Père, dans une constance qui se fera endurance aux heures de la Passion. A ce premier degré de l'humilité, nous pouvons contempler le Christ qui, comme tout bon juif, vit la crainte du Seigneur, lui donnant sa vérité filiale de pleine confiance, jusque dans l'acceptation de l'inconnu vers lequel il se laisse conduire. (2013-10-22)
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5. Aussi, frères, si nous voulons atteindre le sommet de la suprême humilité et si nous voulons parvenir rapidement à cette élévation céleste, à laquelle on monte par l'humilité de la vie présente,
6. il nous faut, pour la montée de nos actes, dresser cette échelle qui apparut en songe à Jacob, et sur laquelle il voyait des anges descendre et monter.
7. Cette descente et cette montée n'ont assurément pas d'autre signification, selon nous, sinon que l'élévation fait descendre et l'humilité monter.
8. Quant à l'échelle dressée, c'est notre vie ici-bas. Quand le cœur a été humilié, le Seigneur la dresse jusqu'au ciel.
9. D'autre part, les montants de cette échelle, nous disons que c’est notre corps et notre âme. Dans ces montants, l'appel divin a inséré différents degrés d'humilité et de bonne conduite, pour qu'on les gravisse.
Echelle de l'humilité, c'est notre vie ici-bas, nous dit St Benoit. Et il précise: les montants en sont notre corps et notre âme, et les échelons, les degrés d'humilité ... L'image est à la fois claire et un peu complexe. On voit bien une échelle, mais on ne voit pas complètement bien comment elle prend consistance dans notre vie humaine ... entre notre âme et notre corps. Une chose est sûre, l'humilité se situe aux jointures de notre être, au niveau le plus profond.
Pour essayer de mieux comprendre cette image de l'échelle, il me semble que nous pouvons regarder le Christ en Croix. Là, fixé sur la Croix, il rend visible à nos regards le mystère de l'humilité ... Par la main des hommes, il est élevé de terre, et c'est alors qu'il est humilié, abaissé au plus bas ... Et dans cet abaissement total, il vit l'élévation, la glorification la plus vraie qui prépare la résurrection. « Maintenant le Fils de l’homme est glorifié », dit Jésus au moment où Judas sort pour le livrer aux chefs des juifs (ln 13,31). L'évangéliste Jean est celui qui a le plus mis en lumière ce mystère de la gloire de la Croix ... où se vit simultanément un mouvement d'abaissement radical et de glorification ... En s'abaissant Jésus est glorifié, et en lui le Père est glorifié. La croix devient cette échelle déroutante où l'on monte en s'abaissant. Elle seule nous montre ce mouvement inversé, totalement étranger à notre échelle spontanée de valeurs ... Sans un mot, Jésus nous laisse un enseignement fort, très fort. Il nous laisse entrevoir la profondeur de son être, un être totalement remis et abandonné à son Père. Ne comptant pas sur ses forces, ni sur son bon droit ... se laissant trainer dans la boue de l'infamie et de la déchéance, il n'est pourtant pas passif. En supportant les offenses et en pardonnant, il porte nos péchés, il aime ... Humilier, il s'humilie ... S'humiliant il est glorifié et il nous glorifie ... Devant l'abaissement de Jésus, nous balbutions tant nous mesurons que s'ouvre un mystère abyssal d'amour et de don. Contempler la Croix, en méditer le mouvement intime d'amour, voilà une voie sûre pour laisser croitre nous le désir de grandir en humilité, et de grandir en amour ... Le crucifix que nous avons au chœur, peut nous aider à orienter notre contemplation et notre quête ... Laissons-le nous enseigner. .. (2013-10-17)
1. La divine Écriture, frères, nous proclame : « Quiconque s'élève sera humilié, et qui s'humilie sera élevé. »
2. En parlant ainsi, elle nous montre que toute élévation est une sorte d'orgueil.
3. Le prophète fait voir qu'il s'en garde, lorsqu'il dit : « Seigneur, mon cœur ne s'est pas élevé et mes yeux ne se sont pas levés. Je n'ai pas marché dans les grandeurs, ni dans des merveilles au-dessus de moi. »
4. Mais qu'arrivera-t-il, « si mes sentiments n'étaient pas humbles, si j'ai exalté mon âme ? Comme l'enfant sevré sur sa mère, ainsi tu traiteras mon âme. »
Avec ce chapitre sur l'humilité, nous pénétrons dans le sanctuaire intime de chacun de nous. Sanctuaire de notre cœur et sanctuaire de nos pensées. On pourrait se demander: pourquoi attacher tant d'importance à cela? Pourquoi cette vigilance si sourcilleuse et si précise pour demeurer dans l'humilité du cœur? N'est-ce pas parce que les anciens moines ont expérimenté et éprouvé au désert que l'attitude profonde du cœur est comme le gouvernail de toutes nos actions. L'évangile et les Ecritures nous le disent. L'expérience des anciens moines le confirme. Notre cœur, siège de l'intelligence et de la volonté, est ce gouvernail profond qui va orienter notre agir et nos manières de faire. La bible parle volontiers des deux voies, comme pour laisser entendre que la plupart de nos choix sont des choix pour le bien ou
pour le mal.
A propos de l'humilité, Benoit dit de la même façon, qu'il y a deux mouvements profonds qui occupent le cœur : celui de l'élévation et celui de l'abaissement. Et citant le Ps 132, il propose comme idéal, l'homme qui ne recherche pas des grandeurs ou des merveilles qui le dépassent. L'homme va-t-il orienter les pensées de son cœur vers des grandes choses qui le dépassent ou bien va-t-il demeurer dans la juste mesure de ce qu'il est et de ce qu'il peut faire? L'humilité a donc à voir avec la juste mesure. Juste mesure de ce que chacun est face à lui-même, et juste mesure de ce que l'homme est devant Dieu. Nous n'aimons pas l'homme qui est prétentieux, ou « celui qui se la joue ». Mais pour qui se prend-il? se demande-t-on alors. On est mal à l'aise parce que l'on sent un décalage entre la réalité de la personne que l'on perçoit, et ses paroles ou ses attitudes qui obéissent à quelque chose de disproportionné. Souvent les autres voient ce que la personne elle-même ne perçoit pas. L'orgueil fait toujours bon ménage avec l'illusion. Et l'humilité aime au contraire le sain réalisme.
Tout ce long chapitre 7 se présente donc comme un itinéraire pour aider le moine à aller au fond de son cœur pour y repérer les mouvements qui l'habitent et laisser s'imprimer en lui le don de l'humilité. Don de l'humilité qui est toujours une grâce. Don de l'humilité qui rend notre désir à lui-même: celui d'être en vérité ce que nous sommes pour nous-mêmes, pour les autres et pour Dieu, enfin débarrassé de nos faux-semblants, de nos illusions ou de nos ambitions ... C'est tellement moins fatiguant et plus heureux! (2013-10-15)
4. car il est écrit : « En parlant beaucoup, tu n'éviteras pas le péché ;» ;;
5. et ailleurs : « Mort et vie sont au pouvoir de la langue. »
6. Car parler et enseigner convient au maître, se taire et écouter sied au disciple.
7. Aussi, lorsqu'on aura quelque chose à demander à un supérieur, on le demandera en toute humilité et respectueuse soumission.
8. Quant aux bouffonneries, ainsi qu'aux paroles oiseuses et portant à rire, nous les condamnons en tous lieux à la réclusion perpétuelle, et nous ne permettons pas au disciple d'ouvrir la bouche pour de tels propos.
Pour Benoit, le silence a du poids. La parole risque être légère, elle peut déstabiliser. Elle peut entraîner au péché. « En parlant beaucoup, tu n'éviteras pas le péché », Mais s'en tenir à cette opposition: bon silence - parole dangereuse, ce serait caricaturer ce chapitre.
Benoit dit bien que le flot de paroles ne permet pas d'éviter le péché. Mais il ajoute une autre citation du Livre des Proverbes: « La mort et la vie sont au pouvoir de la langue ». La parole est aussi source de vie. Pour Benoit, l'ennemi du moine n'est pas la parole, mais la parole oiseuse, vulgaire, sans poids. Et tout ce qui a trait au murmure. Par contre, la parole du Maître peut donner la vie. Quel est le Maître? L'Abbé serait-il le seul à pouvoir parler? Non, lui et ses disciples doivent être à l'écoute du Maître intérieur. Quand la parole provient de cette écoute du Maître, elle est bonne. Notre parole peut donner la vie. Et nous savons qu'elle la donne parfois, à notre insu.
Si nous avons une discipline de silence au monastère, c'est pour cette raison. Pour nous permettre d'être à l'écoute de Celui qui nous parle, au fond du cœur. Si nous nous laissons ballotter par « les flots inquiets, le bruit des mots, les tourbillons de vanité », nous n'entendons pas le murmure de la Parole en nous. Le silence n'est pas une punition pour mauvais élève. Il est le fruit d'un désir pour une autre parole. Une parole qui a du poids. Une parole qui peut donner la vie.
Ce chapitre est aussi l'occasion de rappels concrets. Notre règle de silence, ce sont des lieux et des temps que nous voulons préserver. Nous y tenons tous. Mais nous devons nous le redire, car une dérive est toujours possible. Certains d'entre nous parlent partout. Ils ne s'en rendent pas compte. Nous ne pouvons pas les changer. Nous pouvons les aider. Leur dire de se taire risque provoquer leur colère. Mais nous pouvons répondre par un signe, un sourire, éviter de parler. Sinon le cloître, les escaliers, les couloirs, la salle des coules, vont perdre leur caractère silencieux. Tout le monastère. Nous aussi. Aidons-nous à faire de ce lieu une maison de prière. (2013-10-12)
1. Faisons ce que dit le prophète : « J'ai dit : je surveillerai mes voies, afin de ne pas pécher par ma langue. J'ai placé une garde devant ma bouche. Je me suis tu et j'ai été humilié et j'ai gardé le silence sur les choses bonnes. »
2. En ce passage, le prophète montre que, si l'on doit parfois renoncer à des paroles bonnes à cause de la taciturnité, à bien plus forte raison l'on doit s'interdire les discours mauvais à cause du châtiment qui frappe le péché.
3. Donc, même s'il s'agit de paroles bonnes, saintes et édifiantes, les disciples parfaits ne recevront que rarement la permission de parler, pour qu'ils gardent un silence plein de gravité,
St Benoit commence ce chapitre de manière abrupte, par quelques citations scripturaires: le PS 38 : « J'ai dit: Je garderai mon chemin, sans laisser ma langue s'égarer. Je garderai un bâillon sur ma bouche. Je suis resté muet, silencieux ... » Puis deux textes du Livre des Proverbes. Sa doctrine sur le silence pourrait se résumer ainsi: Il y a une parole bonne et une parole mauvaise. Le silence c'est d'abord retenir la parole blessante, la parole mauvaise. Le silence nait de l'écoute. Ecouter, c'est se comporter en disciple. Donc deux raisons de se taire: Eviter le péché. Apprendre à devenir disciple.
Benoit ne condamne pas la parole, mais il pense que seule la parole née du silence, née dans le silence du cœur, peut donner la vie. Mais les paroles nées de notre exaspération, du trop-plein de notre colère, de nos pulsions, ces paroles doivent être retenues, elles risquent être des paroles de mort, des paroles qui blessent, des paroles qui détruisent. Elles procèdent du débordement de nos passions, de ce qui trouble notre vie intérieure.
Elie n'a pas discerné la présence de Dieu dans l'orage, ni dans la tempête. Mais dans le fin murmure d'une brise légère. La parole née du silence est une parole d'écoute. Une parole d'obéissance. au sens étymologique du mot.
Nous avons surtout à apprendre à écouter. Ecouter Dieu. Etre attentif à l'Esprit de Dieu présent. Ecouter nos frères, ce que Dieu veut nous dire par eux. Mais aussi écouter notre être profond. Ecouter Dieu présent en nous. Nous sommes souvent sourds à nous-mêmes. Comment pourrions-nous écouter les autres? Comment pourrions-nous écouter Dieu?
Une hymne dit ceci de la Vierge Marie: « Elle offre à Dieu le silence où la Parole habite ». (2013-10-11)
14. Mais cette obéissance elle-même ne sera agréable à Dieu et douce aux hommes, que si l'ordre est exécuté sans frayeur, sans lenteur, sans tiédeur ou murmure ni réponse négative,
15. car l'obéissance prêtée aux supérieurs, c'est à Dieu qu'elle s'adresse, puisqu'il a dit lui-même : « Qui vous écoute, m'écoute. »
16. Et les disciples doivent la prêter de bon gré, car « Dieu aime celui qui donne avec joie. »
17. En effet, si le disciple obéit contre son gré, et qu'il murmure non seulement oralement, mais même dans son cœur,
18. même s'il exécute l'ordre, ce ne sera pas pour autant agréé de Dieu, qui regarde son cœur murmurer.
19. Et pour une action de ce genre il n'obtient aucune faveur ; bien plus, il encourt la peine des murmurateurs, s'il ne se corrige en faisant satisfaction.
« Sans frayeur, ni lenteur. Sans tiédeur ni murmure, ni réponse négative. L'obéissance prêtée aux supérieurs s'adresse à Dieu. » Et enfin, l'obéissance ne doit pas seulement être immédiate, elle doit être joyeuse. « Dieu aime celui qui donne avec joie ».
Quand nous reprenons les signes que donne Benoit de l'obéissance agréable à Dieu, authentique, nous retrouvons les fruits de l'Esprit Saint, dans la Lettre aux Galates. (Ch 5)
L'absence de frayeur, c'est la paix.
L'exécution sans lenteur ni tiédeur, c'est la maîtrise de soi.
L'absence de murmure, c'est la bienveillance.
Joie, paix, bienveillance, maîtrise de soi: Benoit place l'obéissance dans la mouvance des fruits de l'Esprit. Dans notre obéissance, bien plus que notre relation à l'Abbé, ou à la Règle, c'est notre relation à Dieu qui est en jeu. D'ailleurs Benoit le dit: « L'obéissance prêtée aux supérieurs s'adresse à Dieu. Puisque Lui-même a dit : Oui vous écoute m'écoute ».
Nous retrouvons ici la spiritualité habituelle de la Règle: Pas de grands discours. Des actes concrets qui manifestent si nous suivons le Christ en lui donnant notre vie. Ou s'il ne s'agit que de belles phrases creuses!
Quant au murmure, nous savons que St Benoit le déteste. Qu'il soit proféré, ou que le moine le rumine dans son cœur. La peine des murmurateurs dont il parle est sans doute celle qui frappa Israël au désert. Mais la fin de la phrase: « Se corriger en faisant satisfaction », fait aussi penser au code pénal de la Règle qui va suivre.
L'obéissance est le chemin de conversion du moine, son chemin de libération. Nous connaissons la joie que procure cette liberté. (2013-10-13)