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1. Celui qui est excommunié pour faute grave de l'oratoire et de la table, au moment où l'on achève de célébrer l'œuvre de Dieu à l'oratoire, se prosternera devant la porte de l'oratoire et demeurera ainsi sans rien dire,
2. mais seulement la tête contre terre, couché sur le ventre aux pieds de tous ceux qui sortent de l'oratoire.
3. Et il fera ainsi jusqu'à ce que l'abbé juge qu'il a donné satisfaction.
4. Quand, sur l'ordre de l'abbé, il viendra, il se jettera aux pieds de l'abbé, puis de tous, afin que l'on prie pour lui.
5. Et alors, si l'abbé l'ordonne, on l'admettra au chœur, à la place que l'abbé aura décidée,
6. mais sans qu'il ait le droit d'imposer à l'oratoire un psaume, une leçon ou autre chose, si l'abbé à nouveau ne lui en donne l'ordre.
7. Et à toutes les heures, lorsque s'achève l'œuvre de Dieu, il se jettera à terre à l'endroit où il se tient,
8. et il fera ainsi satisfaction jusqu'à ce que l'abbé à nouveau lui ordonne de mettre fin à cette satisfaction.
9. Quant à ceux qui, pour des fautes légères, sont excommuniés seulement de la table, ils satisferont à l'oratoire jusqu'à un ordre de l'abbé.
10. Ils feront ainsi jusqu'à ce qu'il donne sa bénédiction et dise : « ;Cela suffit. »
« Il se prosternera ». Encore nos manquements et nos réparations. Pas de péché sans rémission possible, et donc sans un plus grand amour possible. C’est ce que nous rappelle St Benoit ce matin. Il y a là toute la joie du rachat. La joie, la joie de Dieu, nous la reconnaissons là, dans la découverte que nous sommes pardonnés. Chacun de nous est la 99ème brebis que le Seigneur est allé chercher, par pure miséricorde. Faute grave ou faute légère, elles doivent finalement nous introduire davantage dans la communion avec Dieu, avec nos frères. Si nous entrons dans ce mouvement de satisfaction et d’amendement.
« Sans rien dire ». Nous remarquons, dans ce chapitre, le silence du pénitent. Qu’il ne dise rien ! De fait, il se prosterne un grand nombre de fois, sans ouvrir la bouche. C’est ainsi qu’il exprime son amendement. Se taire ! L’attitude spirituelle que suppose ce rite de réparation est l’une des plus difficiles qui soient. Elle s’oppose au mouvement immédiat du cœur, lorsque nous sommes accusés ou repris : nous excuser, nous justifier, expliquer. Nous devons nous exercer à ce silence d’humilité et d’obéissance. Il faut surtout demander à Dieu un « cœur contrit et humilié » qui nous aide à nous voir comme nous sommes : vraiment dignes de reproches. Le Christ a été humilié pour nos fautes, et Il s’est tu. Alors, même si nous sommes innocents, cela peut arriver, mais moins souvent que nous le pensons, apprenons à nous taire, comme le Christ.
La peine d’excommunication n’est plus appliquée aujourd’hui. Mais le chapitre des coulpes est l’un des moyens que nous donne notre vie communautaire, pour vivre cette démarche de réparation. Il peut nous aider à vaincre la peur de l’autre. Cette peur d’être connu tels que nous sommes. Un moyen pour faire la vérité. Pour devenir plus homme. Plus fils de Dieu.(2014-05-07)
13. A table, celui qui ne sera pas arrivé pour le verset, en sorte que tous disent ensemble ce verset, fassent l'oraison et se mettent tous à table au même moment,
14. celui qui ne sera pas arrivé par suite de sa négligence ou d'une faute, on le reprendra pour cela jusqu'à deux fois.
15. Si ensuite il ne s'amende pas, on ne lui permettra pas de partager la table commune,
16. mais on le séparera de la compagnie de tous et il prendra son repas seul, avec privation de sa ration de vin, jusqu'à satisfaction et amendement.
17. Même sanction pour celui qui ne sera pas présent au verset que l'on dit après avoir mangé.
18. Et que personne ne se permette de prendre à part aucun aliment ou boisson avant l'heure prescrite ou après.
19. De plus, si le supérieur offre quelque chose à tel ou tel, et que celui-ci refuse de le prendre, quand il désirera ce qu'il a d'abord refusé ou autre chose, il ne recevra absolument rien jusqu'à ce qu'il s'amende comme il faut.
« Jusqu’à satisfaction et amendement ». Ces mots sont un peu archaïques, mais ils valent la peine qu’on s’y arrête. Car ils disent quelque chose dont toute vie commune a besoin. Même s’il n’est pas facile de trouver la manière.
Les deux mots se complètent : « satisfaction » dit plutôt le fait de réparer. Satis facere, signifie en latin, faire quelque chose suffisamment. Pour revenir en grâce auprès de celui que l’on a offensé. Et « amendement » signifie, à l’inverse, le fait de se corriger du défaut : Mot à mot, en latin, enlever la faute. St Benoit utilise volontiers ce vocabulaire tout au long de la Règle, pour insister sur le fait que chaque moine qui a fait un écart doit, et réparer, et se corriger. La dynamique est double. Il faut témoigner à la communauté des gestes qui expriment notre désir de renouer la communion brisée un moment. Et il faut changer notre propre vie. Autrement dit, Benoit engage chacun à faire de ses chutes une vraie occasion de conversion, par une relation renouée avec la communauté, et par un désir renouvelé d’avancer.
Nous avons donc besoin de ces deux mots, satisfaction, et amendement, et de la réalité qu’ils représentent, dans notre vie communautaire. Quand un frère s’écarte, d’une manière ou d’une autre, ici à propos des retards dans la vie commune, la communauté s’en trouve fragilisée. Plus le défaut s’installe, plus c’est la relation de communion entre le frère et la communauté qui souffre, et qui fait souffrir. Le risque est de s’habituer à ce fait, d’en prendre son parti. Le frère risque alors de s’installer dans son défaut. Le défaut risque de s’agrandir, pour devenir une attitude marginale. Peut-être le frère ne le voit-il pas lui-même ? Peut-être est-il trop blessé pour mesurer la souffrance qu’il porte et fait porter aux autres ? Comment nous aider mutuellement à entrer dans ce dynamisme salutaire de la satisfaction et de l’amendement ? Il y a d’abord une grâce à demander, pour nous-mêmes, et pour le frère qui peine : celle de percevoir qu’il y a une joie profonde à réparer un tort, et à se corriger. Une joie bien plus grande que l’illusion tenace de vouloir préserver à tout prix son image, ou le sentiment d’être dans son bon droit. C’est la joie de l’Evangile, qui libère notre cœur de son ombre.(2014-05-06)
1. De la sainte Pâque à la Pentecôte, les frères prendront leur repas à sexte et souperont le soir.
2. À partir de la Pentecôte, pendant tout l'été, si les moines n'ont pas de travaux agricoles et que les ardeurs excessives de l'été ne les incommodent pas, ils jeûneront jusqu'à none les mercredis et vendredis.
3. Les autres jours ils déjeuneront à sexte.
4. S'ils ont du travail aux champs ou si la chaleur de l'été est excessive, il faudra maintenir le déjeuner à sexte, et ce sera à l'abbé d'y pourvoir.
5. Et il équilibrera et réglera toute chose en sorte que les âmes se sauvent et que les frères fassent ce qu'ils font sans murmure fondé.
6. Des Ides de septembre au début du carême, le repas sera toujours à none.
7. En carême, jusqu'à Pâques, le repas sera à vêpres.
8. Cependant les vêpres seront célébrées de telle façon que l'on n'ait pas besoin au repas de la lueur d'une lampe, mais que tout s'achève à la lumière du jour.
9. Et de même en tout temps, l'heure du souper ou du repas sera suffisamment tôt pour que tout se fasse à la lumière.
A quelles heures doit-on prendre les repas ? Dans un monastère, l’heure n’est pas une chose secondaire, qu’on soit au temps de St Benoit ou à notre époque. Il est intéressant de voir cependant que nous ne nous posons pas la question de la même manière. Benoit considère l’horaire journalier des repas, comme celui du travail manuel d’ailleurs, dans une vision globale de l’année, à partir des temps liturgiques et des saisons. Nous, nous considérons l’horaire, d’abord dans l’équilibre journalier, et hebdomadaire. St Benoit doit faire avec une façon de compter les heures qui varie selon les saisons. Nous, nous avons toujours une heure stable, exceptée la variante de l’heure d’été.
Nous sommes donc situés différemment dans notre façon d’approcher l’horaire d’une journée. Benoit l’envisage à partir d’une unité de base qui est l’année solaire et liturgique en prenant pour repère premier la fête de Pâques. La vie du moine est alors insérée dans le grand mouvement cosmique de l’univers, ainsi que dans le déploiement du salut à travers l’année liturgique. Jusque dans sa façon de manger en avançant ou en reculant le repas, mais aussi dans sa façon de travailler, le moine se comprend comme un être en étroite relation avec cosmos et avec Dieu. Ces repères-là nous échappent en bonne partie aujourd’hui. La variation des saisons et des temps liturgiques n’informent pratiquement plus l’horaire, ni la façon de travailler. Notre horaire quotidien est stable toute l’année, seul le dimanche varie, faisant dès lors de la semaine, l’unité de base de notre rythme. Ce déplacement d’unité de base, de l’année à la semaine, signifie-t-il quelque chose ? Certainement prend-t-il en compte le fait que la vie moderne est de plus en plus une vie « hors sol », c’est-à-dire de plus en plus déconnectée des rythmes naturels…Les moines n’y échappent pas. Du point du vue liturgique, le déplacement de l’année à la semaine redonne une place essentielle au dimanche dans notre horaire et dans notre manière de travailler. Nous retrouvons d’une autre façon, la place centrale de Pâques chère aux anciens moines, mais d’abord dans la célébration du dimanche. Chaque semaine nous donne alors de mettre en valeur la célébration du mystère pascal.(2014-02-22)
2. pour que celui qui ne peut manger de l'un, fasse son repas de l'autre.
3. Donc deux plats cuits suffiront à tous les frères ; et s'il y a moyen d'avoir des fruits ou des légumes tendres, on en ajoutera un troisième.
4. Une livre de pain bien pesée suffira pour la journée, qu'il y ait un seul repas ou déjeuner et souper.
5. Si l'on doit souper, le cellérier gardera le tiers de cette même livre pour le rendre au souper.
6. S'il arrive que le travail devienne plus intense, l'abbé aura tout pouvoir pour ajouter quelque chose, si c'est utile,
7. en évitant avant tout la goinfrerie et que jamais l'indigestion ne survienne à un moine,
8. car rien n'est si contraire à tout chrétien que la goinfrerie,
9. comme le dit Notre Seigneur : « Prenez garde que la goinfrerie ne vous appesantisse le cœur. »
10. Quant aux enfants d'âge tendre, on ne gardera pas pour eux la même mesure, mais une moindre que pour les plus âgés, en gardant en tout la sobriété.
11. Quant à la viande des quadrupèdes, tous s'abstiendront absolument d'en manger, sauf les malades très affaiblis.
Benoit ne fait pas œuvre de diététicien dans ce chapitre, ni ne manifeste de grandes velléités d’ascétisme. Il fait preuve de modération et de bon sens. Bon sens en permettant qu’il y ait deux plats cuits pour que les infirmités -et peut-être aussi les goûts- de chacun soient un minimum honorés, et modération dans l’ascétisme en laissant ouverte la possibilité d’ajouter des fruits et des légumes s’il y en a. Finalement, c’est une belle note de réalisme qui ressort de ces lignes, réalisme à l’égard des personnes, mais aussi de la situation économique de la communauté qui peut ou non ajouter.
Les repas, la nourriture, et la cuisine nous rappellent en effet sans cesse à ce réalisme des besoins de notre corps. Comme un moteur, celui-ci ne cesse de dépenser de l’énergie pour vivre, et il lui faut du carburant pour pouvoir se refaire et continuer son travail. Nous savons que nous ne pouvons tricher avec ce réalisme. Les apophtegmes ne manquent pas d’exemple de pratiques ascétiques exagérées qui ont conduit des moines à la ruine spirituelle. Notre corps mérite tout notre soin et toute notre attention si l’on veut durer dans le don de nous-mêmes dans la prière, la veille et la charité fraternelle.
Le réalisme se vit aussi dans la dimension de plaisir que nous trouvons dans nos repas. Et nous remercions nos frères cuisiniers de nous offrir de bons repas que l’on a plaisir à manger. Sans être toujours à l’affût de mets recherchés ou raffinés, chacun a besoin de pouvoir être heureux de manger, et de bien manger.
Je repère une dernière note dans le réalisme auquel nous engage Benoit, c’est celui de la sobriété afin d’éviter la « goinfrerie ». Il y a en nous des appétits qui sont déraisonnables et qui, à la longue, peuvent ruiner la santé. Et étonnamment quel que soit notre âge, ces appétits nous habitent toujours de façon imaginaire, en nous inclinant à l’excès. Au contraire, la sobriété est réaliste. Elle tient compte des vrais besoins de notre corps. S’il y a une première ascèse que nous pouvons pratiquer, c’est celle d’apprendre à équilibrer notre appétit. Se donner une discipline, même modeste, mais constante et équilibrée pourra être gage de progrès dans la maitrise de nos passions. Nos appétits voudraient nous faire croire que nous avons toujours besoin de manger plus. La sobriété nous rend la liberté à leur égard, en nous faisant découvrir une joie plus profonde que la seule jouissance des sens. Joie fragile, furtive souvent, qui se cache et que nous pouvons retrouver en veillant à notre façon de manger. (2014-02-20)
1. Bien que la nature humaine incline par elle-même à l'indulgence pour ces âges, celui des vieillards et celui des enfants, l'autorité de la règle doit cependant y pourvoir.
2. On aura toujours égard à leur faiblesse et on ne les astreindra nullement aux rigueurs de la règle en matière d'aliments,
3. mais on aura pour eux de tendres égards et ils devanceront les heures réglementaires.
« C’est beau un vieillard ! » Cette exclamation du P. Denis dans le DVD sur le monastère restera dans nos mémoires. Là où spontanément on magnifie la beauté de l’enfant et des jeunes gens, le regard est invité à se déplacer pour recueillir la beauté des personnes âgées. Beauté du visage ridé et buriné, beauté des mains calleuses ou tremblantes, beauté d’un pas tranquille et plein, beauté d’une parole sans fard, directe… Cette beauté-là n’a pas la légèreté facile et presqu’insolente de la jeunesse. Elle a le poids d’une vie qui a laissé s’imprimer sur le corps et dans tout l’être, le labeur consenti jour après jour. Pour un moine, c’est le labeur d’une fidélité quotidienne renouvelée dans la prière, le travail et le compagnonnage des frères.
Nous avons la chance d’avoir de nombreux anciens, ce que nous envient les communautés nouvelles ou celles des pays d’Afrique ou d’Asie. Ils sont les témoins privilégiés pour les plus jeunes que, non seulement la fidélité est possible, mais qu’elle embellit. Elle embellit l’être alors même que les apparences n’y sont plus. A travers la présence vraie des anciens, sans artifice, et parfois même très démunie, se laisse entrevoir la beauté de leur engagement et de leur désir d’être donné à Dieu et aux autres. Les petits défauts ne peuvent plus se cacher, mais ils font mieux ressortir ce don profond.
Nous pouvons rendre grâce pour cette présence de nos frères anciens. Auprès d’eux, avec eux, notre recherche de Dieu se simplifie. Elle apprend à ne pas se payer de mots. De leur opiniâtreté à demeurer des veilleurs jusqu’au bout avec nous, les plus jeunes reçoivent encouragement à ne pas mollir dans leur désir de Dieu. La course que nous avons à courir, tendu vers le but du Royaume, demande toutes nos énergies…et l’énergie passe vite. Elle ne peut être gaspillée. Nous disons merci à nos frères anciens de nous redire surtout que la confiance en Dieu, en sa miséricorde, est le roc d’une vie qui connait toujours à un moment ou l’autre l’épreuve, l’échec et le péché. Dieu est là avec nous en toute l’épaisseur de notre vie humaine. (2014-02-15)
7. Celui qui va sortir de semaine fera les nettoyages le samedi.
8. Ils laveront les linges avec lesquels les frères s'essuient les mains et les pieds.
9. Ils laveront aussi les pieds de tous, non seulement celui qui sort, mais aussi celui qui va entrer.
10. Il rendra au cellérier, propres et en bon état, les ustensiles de son service.
11. Le cellérier, à son tour, les remettra à celui qui entre, de façon à savoir ce qu'il donne et ce qu'il reçoit.
12. Quand il n'y a qu'un repas, les semainiers recevront auparavant, en plus de la ration normale, un coup à boire et un pain chacun,
13. pour que, au moment du repas, ils servent leurs frères sans murmure et sans trop de fatigue.
14. Mais aux jours sans jeûne, ils attendront jusqu'aux grâces.
15. Le dimanche, aussitôt après la fin des matines, les hebdomadiers entrant et sortant se courberont à tous les genoux à l'oratoire, en demandant que l'on prie pour eux.
16. Celui qui sort de semaine dira ce verset : « Tu es béni, Seigneur Dieu, qui m'as aidé et consolé. »
17. L'ayant dit trois fois, celui qui sort recevra la bénédiction. Puis celui qui entre continuera en disant : « Dieu, viens à mon aide ; Seigneur, hâte-toi de m'aider. »
18. Tous répéteront les mêmes mots par trois fois, et ayant reçu la bénédiction, il entrera.
L’hebdomadier de cuisine qui entre en service dit la même prière que le frère qui introduit l’office (17,3 ; 18,1) : « Dieu viens à mon aide, hâte-toi de m’aider ». Etonnant rapprochement qui affirme une fois de plus dans les faits la profonde unité entre la vie de travail et la vie de prière ! Dans les deux cas, on invoque la grâce de Dieu, comme pour mieux signifier que, laissés à nos seules forces, et la prière et le travail ne peuvent pas porter de fruit. « Si le Seigneur ne bâtit la maison, les bâtisseurs travaillent en vain (Ps 120). On pourrait gloser : si le Seigneur ne prie en nous, nous prions en vain ; et si le Seigneur n’œuvre en nous, nous travaillons en vain. Il est bon de nous rappeler cette dynamique profonde de notre vie monastique. Formatés que nous sommes par une mentalité de l’efficacité, ceci nous redit que la fécondité, et de notre prière et de notre travail, est le résultat d’une subtile synergie entre Dieu et nous. Il nous faut cultiver cette façon de voir. Cultiver, c’est-à-dire nous y entrainer, nous exercer, car elle ne nous est pas naturelle. Pour cela, concrètement à l’office, veillons à arriver un peu à l’avance pour nous préparer et nous disposer à une véritable écoute. Déposons aux pieds du Seigneur nos soucis. Mettons-nous en présence de Dieu dans le désir de vivre ce temps uni à lui.
Demandons-lui son secours pour qu’il soutienne notre attention…De même dans le travail, sachons trouver les moyens de vivre ce temps en présence de Dieu. On peut commencer par une courte prière. L’office de None est à cet égard une aide précieuse, mais aussi d’une autre manière l’eucharistie. Durant le travail, surtout s’il est difficile ou s’il nous fait rencontrer des obstacles, pensons-nous que Dieu est avec nous et qu’il est là pour nous permettre de lui faire porter tous ses fruits ? Dieu ne va pas faire les choses à notre place, mais il va révéler toute sa profondeur à notre service et à notre travail, vécus en sa présence. Là où nous serions tentés de nous énerver, de bâcler ou au contraire de nous laisser aller, cherchons à demeurer en présence de Dieu. Demandons-lui son secours par une courte invocation, ou par la répétition d’un verset de Ps ou de l’Ecriture… Alors avec le prophète Isaïe, nous pourrons redire : « Seigneur, tu nous assures la paix : dans toutes nos œuvres toi-même agis pour nous » (Is 26, 12) - (2014-02-13)
1. Il faut prendre soin des malades avant tout et par-dessus tout, en les servant vraiment comme le Christ,
2. puisqu'il a dit : « J'ai été malade, et vous m'avez rendu visite »,
3. et : « Ce que vous avez fait à l'un de ces plus petits, c'est à moi que vous l'avez fait. »
4. Mais les malades, de leur côté, considéreront que c'est en l'honneur de Dieu qu'on les sert, et ils ne peineront pas, par leurs vaines exigences, leurs frères qui les servent.
5. Il faut pourtant les supporter avec patience, car des hommes de cette espèce font gagner une plus grande récompense.
6. L'abbé veillera donc avec le plus grand soin à ce qu'ils ne souffrent d'aucune négligence.
« Il faut prendre soin des malades, avant tout et par-dessus tout. » « Prendre soin » : voilà une des belles expressions de la règle. Dans la plupart de ses emplois, il s’agit de prendre soin des personnes, notamment des frères excommuniés (RB 27), des pauvres (RB 31 ; 53), des pèlerins (RB 53) et aujourd’hui des malades. Prendre soin est une manière concrète d’exprimer la charité. Si le mot « soin » renvoie assez immédiatement au registre des soins médicaux, avec le verbe : soigner soulager, guérir, ce registre n’en épuise pas toutes les significations. En français comme en latin, il est riche de sens : « s’occuper de, veiller, avoir de la sollicitude ». « Prendre soin » exprime le déploiement de toute une industrie, faite avec empressement, pour être présent à quelque chose, à soi-même, mais aussi aux autres.
Là où le commandement de l’évangile « aimez-vous les uns les autres » risquerait de s’user à force d’emplois trop fréquents, on pourrait le substituer parfois de manière heureuse par cette expression : « prenez soin les uns des autres ». « Prends soin de ton frère » engage une attention concrète et immédiate, sans parasitage affectif. Et notre vie quotidienne est faite de ce soin apporté et témoigné à travers une multitude de petits gestes. Quand ils sont là, la vie est heureuse, elle coule. Quand ils manquent la vie devient plus terne, voire dure, sans goût. Chacun risque alors de s’enfermer dans le seul souci de soi, et de passer à côté de son frère sans s’en apercevoir.
Nos frères malades sont à cet égard une chance et un défi lancé à notre capacité de prendre soin. Leur besoin est évident, et l’appel nous est sans cesse lancé. Nos frères malades nous rappellent à cette belle dimension de don de nous-mêmes dont nous sommes tous capables, chacun à notre mesure. Pour l’un, ce sera une petite visite, une parole amicale qui fait que le frère se sent reconnu. Pour un autre, ce sera un service rendu ou un soin précis apporté…Le plus important est que l’existence de nos frères malades ravive cette dimension de compassion et d’amour que nous portons tous. La communauté, et même le monde, ont besoin que nous mettions en œuvre la charité qui nous habite. Si nous avons peur, si nous nous réservons par peur de perdre notre temps, nous nous fermons à l’amour. «Prends-soin de ton frère » : oui laissons-nous interpeller par nos frères…Nous avons un cadeau à leur offrir. (2014-02-13)
1. Les frères se serviront mutuellement et personne ne sera dispensé du service de la cuisine, sauf maladie ou si l'on est occupé à une chose d'intérêt majeur,
2. parce que cela procure une plus grande récompense et charité.
3. Aux faibles, on accordera des aides, pour qu'ils ne le fassent pas avec tristesse,
4. mais ils auront tous des aides suivant l'importance de la communauté et l'état des lieux.
5. Si la communauté est nombreuse, le cellérier sera dispensé de la cuisine, ainsi que ceux qui, comme nous l'avons dit, sont occupés à des tâches d'intérêt supérieur.
6. Les autres se serviront mutuellement dans la charité.
« Ils se serviront mutuellement » : n’a-t-on pas là une belle définition de notre vie religieuse en communauté ? Et Benoit insiste en répétant : « ils se serviront mutuellement dans la charité ». Notre vie commune est douce et joyeuse grâce à ce service mutuel. Là chacun se donne aux autres en accomplissant au mieux la tâche qui lui est confiée. Et en retour, il bénéficie du service des autres qui remplissent pour lui d’autres tâches. Se donner et se recevoir…Chacun fait l’expérience qu’il est rien sans les autres, d’une part parce qu’il reçoit beaucoup de leur dévouement, et d’autres part parce qu’il peut, grâce à eux, développer ses dons à leur service. Nous avons de la chance de pouvoir vivre ainsi entre nous l’échange des dons.
C’est une chance, mais c’est aussi un labeur. A certains jours, on ne voit que ce que les autres ne font pas à mon égard, ou bien on ne voit que ce je fais et que les autres ne reconnaissent pas…Demeurer dans l’esprit de service nous oblige à dépasser nos mouvements de repli sur nous-mêmes, nos peurs aussi ainsi que nos volontés d’accaparement pour nous-mêmes. Nous voulons bien penser aux autres, mais à condition qu’ils pensent à nous…Parfois on entend ceci : « un tel n’a pas voulu faire cela, eh bien, moi je ferai rien non plus… » C’est la vie monastique à l’envers…Une vie où le moi égoïste a repris le dessus…au point d’empoisonner, et la propre vie et celle des autres…Ne nous laissons pas envahir par ce moi-là tyrannique et aveugle !
Ici, nous avons un premier recours sûr : regarder le Christ, nous tourner vers Lui pour apprendre de lui : « le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir (Mc 10, 45)».
Pour ouvrir une brèche définitivement dans nos égoïsmes tenaces, Jésus a accepté de servir, sans rien attendre en retour. Il a même pris de risque de ne recevoir qu’ingratitudes et mépris. Il a servi notre humanité malade, en venant la recueillir meurtrie, méprisée en sa propre chair, pour la porter en offrande à son Père. Il a lavé les pieds des disciples comme un serviteur. Il nous a aimés en Seigneur sans rien demander en retour.
Oui, ne nous lassons pas de nous tourner vers le Christ pour apprendre de lui à servir, même et surtout quand la reconnaissance se fait attendre. Dans le service caché et offert, nous devenons un peu plus proches du Christ. Avec lui, nous prenons notre part pour la victoire de l’amour sur l’égoïsme. (2014-02-11)
1. Comme il est écrit : « On distribuait à chacun selon ses besoins. ;»
2. Ici nous ne disons pas que l'on fasse acception des personnes, – ;à Dieu ne plaise ! – mais que l'on ait égard aux infirmités.
3. Ici, que celui qui a moins de besoins, rende grâce à Dieu et ne s'attriste pas ;
4. quant à celui qui a plus de besoins, qu'il s'humilie de son infirmité et ne s'enorgueillisse pas de la miséricorde qu'on a pour lui,
5. et ainsi tous les membres seront en paix.
6. Avant tout, que le fléau du murmure ne se manifeste sous aucun prétexte par aucune parole ou signe quelconque.
7. Si l'on y est pris, on subira une sanction très sévère.
« Ainsi tous les membres seront en paix » En filigrane de cette affirmation de Benoit se trouve certainement la vision de Paul qui compare la communauté chrétienne à un corps, composé de plusieurs membres. Aux Corinthiens qui connaissaient entre eux des dissensions graves, Paul en vient à parler de la variété des dons spirituels. Il magnifie la diversité de ces dons au sein de la communauté, unie dans un même Esprit. L’image du corps s’impose à lui pour expliciter cette tension subtile entre pluralité des dons et unité dans un même Esprit. Il poursuit : « Bien plus les membres du corps que nous tenons pour les plus faibles sont nécessaires ; et ceux que nous tenons pour les moins honorables sont ceux-là même que nous entourons de plus d’honneur » (1 Co 12, 22-23). Benoit s’inscrit ici dans la vision de Paul quand il essaie de faire droit aux besoins différents des membres de la communauté. Le gage de la paix n’est pas l’égalité ou l’uniformité des biens partagés. Non, la paix nait de la capacité de s’unir pour communier au bien spirituel de la communauté. Et Benoit de préciser : celui qui a moins de besoins doit, non développer l’envie ou la jalousie, mais l’action de grâce. Quant à celui à qui sont accordés des facilités, il doit se montrer humble. Nous trouvons là des repères forts pour notre vie communautaire. Ils nous engagent à sortir des ornières de la comparaison qui ne pourra qu’engendrer le murmure, la médisance etc…Ils nous invitent à nous regarder les uns et les autres en vérité devant Dieu. Seulement sous cette lumière-là divine, nous sommes assurés de ne pas nous fourvoyer dans l’envie ou la jalousie, ni de nous complaire dans des caprices enfantins. Chacun a des besoins différents. Mais chacun est invité à cultiver l’attitude spirituelle juste : l’action de grâce pour les uns et l’humilité et la sobriété pour les autres. L’essentiel se joue dans le cœur qui se reçoit et se donne tout entier à Dieu, avec joie, sans s’inquiéter trop de lui-même. Un peu à la manière de Salomon dont on nous dira ce matin qu’il était avant tout préoccupé, non d’avoir des richesses, mais « un cœur attentif » à « discerner le bien et le mal » (1 R 3,9). Et Dieu s’est occupé de lui, en lui donnant même ce qu’il n’a pas demandé. (2014-02-08)
1. Par dessus tout, il faut retrancher du monastère ce vice jusqu'à la racine :
2. que personne ne se permette de rien donner ou recevoir sans permission de l'abbé,
3. ni d'avoir rien en propre, absolument aucun objet, ni livre, ni tablette, ni stylet, mais absolument rien,
4. puisqu'on n'a même pas le droit d'avoir son corps et sa volonté à sa propre disposition.
5. Tout ce dont on a besoin, on le demande au père du monastère, et personne n'a le droit de rien avoir que l'abbé ne lui ait donné ou permis.
6. Que « tout soit commun à tous », comme il est écrit, en sorte que « ;personne ne dise sien quoi que ce soit », ni ne le considère comme tel.
7. Si quelqu'un est pris à se complaire dans ce vice extrêmement pernicieux, on l'avertira une et deux fois ;
8. s'il ne s'amende pas, il subira une réprimande.
« Que personne ne dise sien quoi que ce soit ». Le modèle de la première communauté chrétienne est ici fortement rappelé. La communauté monastique voudrait imiter cette vie chrétienne en son idéal et en sa pureté originelle : « La multitude des croyants n’avait qu’un cœur et qu’une âme. Nul ne disait sien ce qui lui appartenait, mais entre eux tout était commun » (Ac 4, 32). « Dire sien ce qui lui appartient ». Cette traduction du verset des actes peut surprendre. Spontanément, nous pensons si cela lui appartient, il peut le dire « sien ». En fait l’étymologie du verbe « appartenir » est éclairante. Venant du latin ad-pertinere, le verbe signifie « se rattacher à ». Pour être plus compréhensible, l’expression pourrait alors être traduite ainsi : « nul ne disait sien ce qui lui était rattaché »…
Dans la vie monastique, cette expression prend toute sa valeur : les choses, les objets ou les instruments nous sont attachés. Ils sont confiés à notre usage. Mais en aucune manière, ils sont notre propriété. Nous le savons bien intellectuellement. Mais comment réagissons-nous lorsqu’il s’agit de laisser tel objet, ou de renoncer à tel cadeau qu’on nous a fait pour qu’il serve à tous… ? Il nous est bon de réentendre avec ce passage de la RB, l’idéal originel de liberté par rapport aux biens. Idéal évangélique de détachement et de renoncement pour marcher librement en profondeur…L’exigence sera rappelée par Jésus dans l’évangile de ce jour. Quand il envoie les apôtres, Jésus leur demande de ne prendre « ni pain, ni sac, ni pièces de monnaie, ni tuniques de rechange (Mc 6,8-9)… » Acceptons de revenir avec joie sous cette belle lumière évangélique. Ne manquons pas les occasions de nous séparer de ce qui ne sert pas. Utilisons les communs, ne faisons pas de réserve. Restons vigilants pour nous préparer intérieurement à nous détacher de ce qui fait notre univers actuel…pour être prêt lorsque viendra le moment de passer dans un autre emploi ou cellule…sans parler de l’ultime passage de la mort. Là nul ne pourra « dire sien quoi que soit ». Sa joie sera à la mesure de sa liberté à l’égard de ce qu’il laisse. Sachons cultiver cette joie dès maintenant. (2014-02-06)