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1. Les jours ordinaires, d'autre part, on célébrera la solennité des matines de cette façon,
2. c'est-à-dire qu'on dira le psaume soixante-sixième sans antienne, en traînant un peu, comme le dimanche, en sorte que tous soient présents pour le cinquantième qu'on dira avec antienne.
3. Après quoi on dira deux autres psaumes selon l'usage, c'est-à-dire
4. la deuxième férie, le cinquième et le trente-cinquième,
5. la troisième férie, le quarante-deuxième et le cinquante-sixième,
6. la quatrième férie, le soixante-troisième et le soixante-quatrième,
7. la cinquième férie, le quatre-vingt-septième et le quatre-vingt-neuvième,
8. la sixième férie, le soixante-quinzième et le quatre-vingt-onzième ;;
9. quant au samedi, le cent-quarante-deuxième et le cantique du Deutéronome, qu'on divisera en deux gloria.
10. Mais les autres jours, on lira un cantique des prophètes, chacun à son jour, comme les psalmodie l'Église romaine.
11. Après cela suivront les Laudes ; puis une leçon de l'Apôtre récitée de mémoire, le répons, l'ambrosien, le verset, le cantique de l'Évangile, la litanie et c'est tout.
Et c’est tout ! Cette petite formule qu’on trouve déjà au chapitre précédent pour conclure l’énoncé des différents éléments de l’office de Laudes n’a pas un grand intérêt théologique, ni une grande teneur spirituelle. Il me semble bon pourtant de la relever car elle dit quelque chose de la liturgie des heures comme de l’eucharistie : sa précision et sa concision. L’action liturgique est précise. Rien n’est laissé au hasard, ni à la volonté d’un chacun. Quand on entre, on sait ce qu’on va y trouver et chacun des intervenants sait ce qu’il a à faire. Elle est mémorial du salut, une action humaine qui rappelle et rend présent l’action salvatrice de Dieu réalisée dans le Christ.
Il importe que tout ce qui se passe soit bien réglé et ordonné pour que les paroles et les gestes rendent effectivement présent le mystère célébré. Lorsqu’il y a des négligences ou des manques de préparation, toute l’attention se porte sur les erreurs et perd le sens de ce qui est train de se jouer vraiment : le mémorial du salut. Ici j’invite les uns et les autres à veiller à préparer et à se préparer aux offices ou à la messe…Retrouvons le sens de notre premier devoir : celui de chanter la gloire de Dieu et de garder vive sa mémoire…Il n’est pas normal d’être toujours à la bourre ou toujours très juste pour la prière. C’est le signe que nos priorités ne sont pas respectées, qu’elles ne nous habitent pas vraiment.
Deuxième aspect que souligne cette petite formule « c’est tout », c’est la concision de la liturgie. La liturgie a sa propre cohérence, une structure propre que ce soit pour l’office ou pour l’eucharistie. Et cette structure est porteuse de sens en elle-même, sans qu’il y ait besoin d’en rajouter. En ce sens, la liturgie ne supporte pas les rajouts plus dévotionnels qui, en surchargeant, risque de défigurer l’action liturgique. Celle-ci a sa force en elle-même. Là se trouve notre service de dévotion pour reprendre l’expression de St Benoit (RB 18, 24).
La liturgie est le lieu où notre dévotion, notre amour de fils de Dieu, uni à tous ses frères, peut le mieux s’exprimer.
La concision de la liturgie fait mieux apparaitre aussi que c’est la foi qui fonde notre être devant Dieu. C’est notre confiance en lui qui est notre force, et non l’ajout de paroles ou de pratiques. Foi et confiance qui nous engagent alors à une vraie qualité de présence, à être vraiment là… c’est tout !
05/12/2013
1. Aux matines du dimanche, on dira d'abord le psaume soixante-sixième sans antienne sur le mode direct.
2. Après quoi on dira le cinquantième avec alleluia.
3. Après quoi on dira le cent dix-septième et le soixante-deuxième,
4. puis les Bénédictions et les Laudes, une leçon de l'Apocalypse par cœur et le répons, l'ambrosien, le verset, le cantique de l'Évangile, la litanie, et c'est tout.
La liturgie façonne notre être chrétien au jour le jour. Elle le fait en jouant sur deux registres : celui de la répétition et celui de l’innovation. Semaine après semaine, année après année, nous répétons les mêmes paroles et les mêmes gestes. Par cette répétition, la liturgie veut nous apprendre à lâcher prise. Elle nous entraine dans la célébration d’un mystère qui est plus grand que nous, et dont nous n’aurons pas assez de toute une vie pour le vivre vraiment. Ce faisant, lentement, notre conscience du temps qui passe prend en compte la grande histoire des hommes, inséparable du temps cosmique, unique histoire du Salut récapitulée dans le Christ. Et en même temps, cette répétition ne se fait pas de façon indifférenciée. Par petites touches, la liturgie introduit des différences qui nous révèle dans toute sa profondeur le mystère : l’heure de Sexte n’est pas celle de Vêpres, le dimanche n’est pas le vendredi, une semaine de l’Avent n’est pas une semaine du temps ordinaire. Les structures principales demeurent, mais bien des éléments changent. Ce sont ces éléments auxquels il nous faut être attentif pour peu à peu entrer dans l’intelligence de la liturgie, pour en goûter aussi toute la profondeur.
Ainsi l’office des Laudes n’est pas celui des Vigiles (importance notamment des Ps 148 à 150 et pour st Benoit du Ps 66 répété chaque jour, mais aussi du cantique de Zacharie). Les laudes du dimanche ne sont pas celles du vendredi (importance du choix des psaumes : Ps117 à la forte connotation pascale, et du Ps 62 qui nous remet dans l’attitude des femmes allant au tombeau le matin de Pâques : Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube… ), mais aussi importance du cantique des bénédictions tirés du livre de Daniel. St Benoit ne l’explicite pas, mais les Laudes d’un dimanche ordinaire ne sont pas les Laudes d’un dimanche de l’Avent ; importance des antiennes qui, tout en conservant souvent une note pascale qui célèbre la résurrection du Christ, mettent aussi en valeur la dimension de sa venue attendue, par ex, l’antienne que nous avons pour le Ps 99 : Voici venir le Sauveur que le monde attend déjà sa gloire illumine la maison du Seigneur, alleluia . Il y a le déjà du Ressuscité qui illumine la maison, et le pas encore du Sauveur qui vient et que l’on attend….
Sachons relever toutes ces touches qui nous manifesteront la saveur de la liturgie et qui en même temps nous révèleront la profondeur de l’action répétitrice de la liturgie. Jour après jour, elle nous fait entrer dans le mystère du Christ, nous faisant devenir fils en Lui, frère parmi tant de frères, humain uni à tous les humains rachetés et promis aux noces de l’Agneau.
03/12/2013
1. Le dimanche, on se lèvera plus tôt pour les vigiles.
2. A ces vigiles, on gardera la mesure, c'est-à-dire qu'après avoir modulé, comme nous l'avons réglé plus haut, six psaumes et le verset, tous s'assiéront, en bon ordre et selon leur rang, sur les banquettes, et on lira dans un livre, comme nous l'avons dit plus haut, quatre leçons avec leurs répons.
3. C'est seulement au quatrième répons que celui qui chante dira le gloria. Quand il l'entonnera, aussitôt tous se lèveront avec révérence.
4. Après ces leçons suivront six autres psaumes pris dans l'ordre, avec antiennes comme les précédents, et le verset.
5. Après quoi on lira de nouveau quatre autres leçons avec leur répons, selon l'ordonnance indiquée plus haut.
6. Après quoi on dira trois cantiques des prophètes, déterminés par l'abbé ; ces cantiques seront psalmodiés avec alleluia.
7. On dira aussi un verset, l'abbé bénira, et on lira quatre autres leçons du Nouveau Testament, selon l'ordonnance indiquée plus haut,
8. mais après le quatrième répons, l'abbé entonnera l'hymne Te Deum laudamus .
9. Celle-ci achevée, l'abbé lira la leçon de l'Évangile, tous se tenant debout avec honneur et crainte.
10. La lecture de celle-ci achevée, tous répondront Amen , et l'abbé enchaînera aussitôt l'hymne Te decet laus , et la bénédiction donnée, on entonnera les matines.
11. Cette ordonnance des vigiles sera gardée le dimanche également en toute saison, que ce soit en été ou en hiver,
12. sauf si – à Dieu ne plaise – on se lève en retard : on abrégera un peu les leçons ou les répons.
13. Mais qu'on mette tous ses soins à éviter que cela n'arrive. Si cela se produisait, que celui qui est responsable de l'accident par sa négligence en fasse une digne satisfaction à Dieu dans l'oratoire.
La description des vigiles du dimanche, présentée par Benoit peut surprendre. Aucune allusion n’y est faite à la résurrection du Christ dont on fait pourtant mémoire. On peut supposer que l’hymne -l’ambrosien- donnait la note en ce sens, de même les antiennes.
C’est dans la très belle hymne finale, Te Deum laudamus, que nous retrouvons une mention explicite… Christ, le Fils du Dieu vivant, le Seigneur de la gloire…par ta victoire sur la mort, tu as ouvert à tout croyant les portes du Royaume. Tu règnes à la droite du Père, tu viendras pour le jugement… .
Nos vigiles actuelles déploient la célébration de la résurrection du Christ depuis les versets d’entrée jusqu’au Te Deum. Les versets d’entrée, donnent le ton en nous faisant entendre, à travers les mots du psalmiste, la voix du Christ qui sort victorieux de l’épreuve de la mort : Seigneur, tu m’as fait remonter de l’abîme et revivre quand je descendais à la fosse …. Peu après, en temps ordinaire, une lecture nous redit le sens du mémorial de la Pâque qui s’accomplit aujourd’hui encore. C’est aujourd’hui que le Christ est vivant. C’est aujourd’hui que nous sommes appelés à vivre de sa Vie.
Ainsi l’office des vigiles va-t-il nous plonger dans ce mystère à travers psaumes et lectures. Pour entrer dans cet aujourd’hui de la résurrection, la liturgie nous fait redire les mots du psautier comme étant ceux du Christ Tu me mènes à la poussière de la mort…tu m’as répondu, je proclame ton nom devant mes frères (Ps 21) ; ou comme nous parlant de Lui : Portes levez vos frontons, qu’il entre le roi de gloire. C’est le Seigneur, le vaillant des combats (Ps 23) .
D’autres psaumes évoquent les conséquences de la victoire du Christ en nous faisant entrevoir la Jérusalem nouvelle : Maintenant notre marche prend fin devant tes portes Jérusalem (Ps121) ainsi que l’Eglise, le nouveau Temple : Heureux les habitants de ta maison, ils pourront te chanter encore. Heureux les hommes dont tu es la force… (Ps 83) .
Avant la lecture de l’évangile, le chant du Te Deum - A toi Dieu notre louange – vient comme récapituler tout le mystère du salut en proclamant la gloire du Dieu trois fois Saint qui culmine dans la résurrection du Christ.
La solennité du chant, celle des attitudes notamment avec la procession finale, manifeste que nous accueillons au milieu de nous le Christ vivant, lui le défenseur et l’ami des hommes qui nous a sauvés et qui veut nous prendre avec lui dans sa joie et dans sa lumière.
29/11/2013
1. De Pâques aux Calendes de novembre, d'autre part, on maintiendra intégralement toute la quantité de psalmodie indiquée plus haut,
2. excepté qu'on ne lira pas de leçons dans un livre en raison de la brièveté des nuits, mais à la place de ces trois leçons, on en dira de mémoire une de l'Ancien Testament, suivie d'un répons bref.
3. Tout le reste, on l'accomplira comme il a été dit, c'est-à-dire qu'on ne dira jamais aux vigiles nocturnes une quantité moindre que douze psaumes, non compris les psaumes trois et quatre-vingt-quatorze.
En lisant ce chapitre, j’ai été arrêté par l’expression du titre la louange nocturne …Une belle expression pour dire les Vigiles . Le terme vigile, veille, met en avant l’effort que représente ce lever au cœur de la nuit…Alors que la plupart dorment, les moines se lèvent pour tenir leur quart de veille dans la louange. D’autres personnes veillent aussi auprès des malades ou pour la sécurité des routes et des cités, d’autres veillent pour assurer le travail par équipes de nuit dans les usines…et les moines veillent pour célébrer la louange nocturne .
Les vigiles ne sont pas seulement veille pour attendre la venue glorieuse du maître, le Christ. Elles sont veille pour chanter la louange divine, comme le verset d’introduction nous y invite… ma bouche annoncera ta louange …
L’office des Vigiles, au milieu de la nuit, est peut-être l’office où l’on mesure le mieux la dimension gratuite de la louange. Plus qu’à aucun autre moment de la journée, apparait le caractère insensé de la prière de l’office, et en même temps sa grandeur. Là, nous sommes entrainés à louer Dieu, pour rien sinon parce qu’il est Dieu. Du tout début de ma vie monastique, je garde une parole du P. Damase qui m’avait dit : la vie monastique, c’est louer Dieu parce qu’il est Dieu . Cette parole m’est restée comme une belle définition de notre quête profonde. Aucune obligation dans cette louange. Elle n’apporte rien à Dieu, qui n’a pas besoin de notre louange, comme le dit une préface. Mais elle nous rend heureux, et de plus en plus heureux. Elle élargit notre cœur et notre désir aux dimensions de Celui dont on chante la louange.
Car la louange n’est pas ici seulement émerveillement, bénédictions ou action de grâce, elle est aussi ce chant qui fait monter le cri des hommes, leurs attentes et leurs souffrances. Par nos lèvres, ce qui serait perdu dans le silence ou le désespoir, devient louange à Dieu parce qu’offert à lui avec confiance.
Là où beaucoup de cris humains semblent perdus de ne trouver d’oreilles à qui s’adresser, notre prière les exprime à Dieu dans l’espérance et la confiance. Elle devient louange à sa gloire car elle confesse que Dieu n’est pas sourd aux cris de ses enfants.
Parmi tous les veilleurs qui veillent dans la nuit des hommes, à leur service, nous pouvons être heureux de tenir cette veille de la louange nocturne, vivons-la comme une veille d’amour.
1. En la saison d'hiver définie ci-dessus, on dira d'abord trois fois le verset : « Seigneur, tu ouvriras mes lèvres, et ma bouche annoncera ta louange. »
2. On y joindra le psaume trois et le gloria.
3. Après cela, le psaume quatre-vingt-quatorze avec antienne, ou du moins chanté d'un trait.
4. Alors suivra l'ambrosien ; ensuite six psaumes avec antiennes.
5. Quand on les aura dits, et qu’on aura dit le verset, l'abbé bénira, tous s'assiéront sur les bancs et des frères liront tour à tour dans un livre posé sur le pupitre trois leçons, entre lesquelles on chantera trois répons.
6. Deux répons seront dits sans gloria, mais après la troisième leçon, celui qui chante dira le gloria.
7. Quand le chantre commencera de le dire, aussitôt tous se lèveront de leurs sièges en signe d'honneur et de révérence pour la Sainte Trinité.
8. On lira aux vigiles les livres d'autorité divine de l'Ancien Testament aussi bien que du Nouveau, ainsi que les commentaires qu'en ont faits les Pères catholiques réputés et orthodoxes.
9. Après ces trois leçons avec leurs répons, suivront les six psaumes restants, qu'on chantera avec alleluia.
10. Après ceux-ci suivra la leçon de l'Apôtre, qu'on récitera par cœur, le verset et la supplication de la litanie, c'est-à-dire Kyrie eleison ,
11. et ainsi s'achèveront les vigiles nocturnes.
« Seigneur, ouvre mes lèvres et ma bouche annoncera ta louange » Ce verset repris trois fois, introduit notre prière nocturne et diurne à la fois. Il est bon de nous rappeler que ce verset est tiré du Ps 50, cette belle prière où le psalmiste confesse, et son péché et sa grande espérance en la miséricorde divine. Il croit tellement en cette dernière qu’il demande à Dieu d’opérer en lui un total renouvellement : « créé en moi un cœur, renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit…aux pécheurs j’enseignerai tes chemins…ouvre mes lèvres et ma bouche annoncera ta louange… ». Recréé par le repos de la nuit, le moine pécheur recréé par la grâce de son baptême, se présente devant Dieu disponible pour le service de sa louange. Tel un instrument qui attend le souffle pour vibrer, le moine s’offre au Souffle divin pour qu’il vienne chanter en lui les louanges divines.
L’office des vigiles porte en lui avec la grâce de la veille, la grâce d’un commencement. Là au cœur de la nuit, nous commençons notre journée de prière comme une patiente disponibilité au Souffle qui vient prier en nous. Souvent, nous ne sommes pas très bien réveillés. Nous sommes parfois encore fatigués. Notre fragilité est bien plus sensible qu’en n’importe quel autre office. Nous sommes là pauvres, appelant la grâce de la prière et de la veille : « Seigneur, ouvre mes lèvres »…Si le Seigneur ne bâtit la maison, les bâtisseurs travaillent en vain. On pourrait paraphraser : si le Seigneur ne déverrouille nos lèvres et notre cœur, le moine prie en vain.
Notre office des vigiles, précieux entre tous dans notre prière monastique, nous rappelle donc que nous sommes toujours des commençants dans la prière. Comme des apprentis, humblement, il nous faut nous présenter en demandant la grâce d’être bien disponible, la grâce d’être instrument docile au Souffle de Dieu. Je pense que nous avons tous fait l’expérience que pour une bonne part, la qualité de notre présence à l’office, va dépendre de cette grâce demandée au début de chaque office. Si nous la demandons vraiment, trop conscient de notre faiblesse prompte à partir dans des divagations de toutes sortes, elle nous sera accordée. Tachons d’être un peu à l’avance à l’office et mettons à profit ces quelques minutes, pour demander la grâce de la prière, pour entrer en disponibilité. (2013-11-27
1. En saison d'hiver, c'est-à-dire depuis les Calendes de novembre jusqu'à Pâques, il faut, suivant la norme raisonnable, se lever à la huitième heure de la nuit,
2. afin de se reposer un peu plus de la moitié de la nuit et d'être dispos au lever.
3. Quant à ce qui reste après les vigiles, les frères qui ont besoin d'apprendre quelque chose du psautier ou des leçons, l'emploieront à cette étude.
4. De Pâques aux susdites Calendes de novembre, on réglera l'heure de telle sorte que l'office des vigiles, après un tout petit intervalle où les frères pourront sortir pour les besoins de la nature, soit immédiatement suivi des matines, qui doivent être dites au point du jour.
Est-ce une manière de résumer ce chapitre que de dire : « les vigiles sont pour la nuit, et les matines pour le lever du jour ». En effet, st Benoit est soucieux de régler l’heure de telle manière que les offices gardent leur caractère propre en accord avec le temps cosmique. En hiver où les nuits sont plus longues, le lever pour les vigiles se fait après un nombre jugé raisonnable d’heures de sommeil. La nuit est loin d’être achevée. Si bien qu’après les vigiles, alors qu’il fait encore noir, le temps disponible est utilisé pour l’étude, et particulièrement pour l’apprentissage par cœur de psaumes ou de textes de l’Ecriture. Apprentissage qui ne nécessite pas beaucoup de lumière. En été, la brièveté des nuits entraine une autre façon de faire. L’heure des vigiles est calculée, et même peut-être avancée, pour que les matines soient célébrées au point du jour. Et de plus, comme on le verra plus loin, l’office est abrégé de 3 à 1 lectures au premier nocturne, « en raison de la brièveté des nuits » (10, 2). Désormais, entre les deux offices, il n’y a place que pour un petit intervalle bref. Mais reste sauf le fait que les vigiles sont nocturnes et les matines diurnes.
On peut être frappé par cette minutie avec laquelle St Benoit règle la célébration de l’office dans le respect de ce qu’on a appelle depuis le Concile : « la vérité des heures ». Ce même sens réaliste de la célébration des heures se retrouve dans la recommandation ferme de célébrer l’œuvre de Dieu, là où l’on se trouve, soit au travail, soit en voyage (RB 50). Chaque heure du jour a donc une note unique à apporter dans la louange que nos voix font monter de la terre vers leur Seigneur et Créateur. Nous sommes conviés à nous accorder au rythme du temps pour exprimer en louange l’indicible mouvement de la création. Sur nos lèvres est recueillie l’admirable beauté de la nature en travail. Interprété dans nos chants d’action de grâce, ce silencieux travail, dans lequel nous sommes profondément inscrits et liés, retourne vers Celui de qui tout vient, en hommage de reconnaissance. « Louez le Seigneur soleil et lune… sur son ordre ils furent créés », posés « sous une loi qui ne passera pas »…(Ps 148, 3-6). (2013-11-26)
67. Lors donc que le moine aura gravi tous ces degrés d'humilité, il arrivera à cet amour de Dieu qui est parfait et qui met dehors la crainte.
68. Grâce à lui, tout ce qu'il observait auparavant non sans frayeur, il commencera à le garder sans aucun effort, comme naturellement, par habitude,
69. non plus par crainte de la géhenne, mais par amour du Christ et par l'habitude même du bien et pour le plaisir que procurent les vertus.
70. Cet état, daigne le Seigneur le faire apparaître par le Saint-Esprit dans son ouvrier purifié de ses vices et de ses péchés !
Sans ces dernières lignes, le chapitre de l’humilité serait-il audible ? Cette quête de l’humilité que St Benoit place au cœur de la vie monastique serait-elle désirable ? L’échelle de l’humilité où l’on monte en s’abaissant n’a en effet de sens qu’en vertu du but qu’elle nous laisse entrevoir : une capacité d’aimer décuplée. Benoit parle « d’amour de Dieu parfait qui chasse la crainte »…Et en même temps, Benoit suggère avec les mots « sans frayeur, sans aucun effort, comme naturellement, par habitude, pour le plaisir » que l’humilité nous donne de nous retrouver pleinement à l’aise avec nous-mêmes. C’est le retour à la maison après une longue errance, le moine humble rentre chez lui.
Là où la peur paralyse, l’humilité donne confiance, parce qu’elle apprend à ne plus compter sur ses propres forces. Là où il fallait beaucoup d’efforts, souvent par manque de goût des observances ou des règles à observer, l’humilité puise l’énergie dans le Christ qui fait naitre la vie de la mort à soi. L’humilité nous conduit peu à peu au lieu de notre cœur qui prend plaisir à se donner, comme naturellement et par habitude. Le cœur humain créé par Dieu est fait pour cela : se donner dans la rencontre de Dieu et des autres, aimer jusqu’à renoncer à soi-même par amour. Le péché de la désobéissance nous a éloignés de notre propre capacité à aimer vraiment. Il nous a repliés sur nous-mêmes. Revenir de cette désobéissance profonde demande beaucoup d’humilité : un vrai travail de renoncement à nous-mêmes qu’il nous faut accueillir jour après jour. Rien de morbide ou encore moins de mortifère, mais bien plutôt la promesse de revenir en terre natale. Sous la lumière du Christ mort et ressuscité, dans la force de l’Esprit Saint, la route est possible. Elle est toujours ouverte. Au lieu même de notre petitesse, et de notre faiblesse offerte, nous est dévoilé l’amour immense du Christ qui s’est abaissé pour nous. Gratuitement, il nous aime tel que nous sommes désarmés, démunis…totalement remis à lui. N’ayons pas peur de descendre au lieu de notre petitesse, en tirant profit de tout ce qui nous humilie, notre péché, les contradictions vécues avec les frères, les contrariétés de la vie, les misères de l’âge…Offrons tout cela au Christ qui est venu pour prendre soin de nous. Détachons-nous du souci de nous-même, le Christ s’en charge. Accueillons son Amour. (2013-11-19)
62. Le douzième degré d'humilité est que, non content de l'avoir dans son cœur, le moine manifeste sans cesse son humilité jusque dans son corps à ceux qui le voient,
63. autrement dit, qu'à l'œuvre de Dieu, à l'oratoire, au monastère, au jardin, en voyage, aux champs, partout, qu'il soit assis, en marche ou debout, il ait sans cesse la tête inclinée, le regard fixé au sol,
64. et se croyant à tout instant coupable de ses péchés, il croie déjà comparaître au terrible jugement,
65. en se disant sans cesse dans son cœur ce que le publicain de l'Évangile disait, les yeux fixés au sol : « Seigneur, je ne suis pas digne, pécheur que je suis, de lever les yeux vers le ciel. »
66. Et aussi avec le prophète : « Je suis courbé et humilié au dernier point. »
Au terme de ce long chapitre, au moine en quête de l'humilité, est proposée la figure du publicain priant au temple, avec humilité, et se reconnaissant indigne de lever les yeux au ciel. Figure magnifique qui va inspirer des générations de moines en leur apprenant, avec l'humilité, la prière du cœur, exprimée le plus souvent sous la forme: « Jésus, Fils de Dieu, aie pitié de moi pécheur ».
Tout se passe comme si la pédagogie de ce chapitre consistait à entrer dans l'attitude du publicain. En effet la première phrase du chapitre de l'humilité : « quiconque s'élève sera humilié et qui s'humilie sera élevé» est la conclusion de la péricope du pharisien et du publicain (Le 18,14). Ainsi tout le chapitre de l'humilité est pris entre ces deux références à la parabole du pharisien et du publicain. Après en avoir montré la finalité, s'abaisser pour être élevé, Benoit entrai ne le moine de degré en degré, à entrer dans les dispositions de cœur du publicain, pour en épouser jusqu'à l'attitude extérieure.
Il n'est pas rare qu'une des principales tentations du moine soit le pharisaïsme. Tentation de vouloir s'appuyer sur ses bonnes œuvres, celle de la régularité de sa vie et de son observance vertueuse pour se sentir quelqu'un devant Dieu. Tentation aussi de regarder les autres de haut, avec une pointe de mépris. Face à ses tentations possibles, il est encore une autre tentation plus subtile qui est de dévaloriser la discipline monastique, en ne la prenant pas au sérieux, et en s'octroyant des facilités pour ne pas tomber dans le piège du pharisaïsme. Telle n'est pas la voie que St Benoit propose. Loin de dévaloriser l'exigence monastique, il invite à descendre toujours plus profondément en son cœur, en profitant de toutes les difficultés pour apprendre à ne pas prendre appui sur soi-même, mais sur le Christ humble et humilié. De degré en degré, le moine est invité à se détacher du souci de soi, de son image, pour se tourner plus en vérité vers le Christ en son mystère pascal. Lui seul rend libre. Lui seul justifie. De la conscience d'être quelqu'un, à la conscience d'être un pécheur justifié, sauvé et aimé, tel est la voie de bonheur que veut ouvrir la quête "é4'e l'humilité. Car en se reconnaissant pécheur, sans affectation, le moine libère en lui des capacités d'aimer nouvelles, que sa suffisance lui interdisait. (2013-11-16)
60. Le onzième degré d'humilité est que, quand le moine parle, il le fasse doucement et sans rire, humblement, avec sérieux, en ne tenant que des propos brefs et raisonnables, et qu'il se garde de tout éclat de voix,
61. ainsi qu'il est écrit : « Le sage se reconnaît à la brièveté de son langage. »
Au fur et à mesure que sont gravis les degrés de l'humilité, apparait la figure d'un moine dont l'attitude extérieure est empreinte de douceur, de gravité, de sagesse, de pondération dans les propos. Tout se passe comme si la personne prenait du poids, son vrai poids, ainsi que sa juste mesure à l'égard d'elle-même et dans les relations avec les autres. Rien de trop. Rien d'exagéré. Son être extérieur fait pressentir une sorte de profonde adéquation avec l'être intérieur. Rien de superficiel ou de plaqué. L'humilité est une école de vérité et d'authenticité dont le seul Maitre ne peut être que le Christ. L'humilité que je pressens chez un autre frère n'est jamais imitable. Tout l'enjeu est précisément pour chacun de trouver son vrai et profond chemin d'unification de toute sa personne. Chacun est unique aussi, seul le maitre intérieur, le Christ, peut nous conduire là où nous ne nous connaissons pas encore, là d'où nous sommes encore si loin. Le chemin de l'humilité veut permettre à chacun d'atteindre son vrai visage, le visage du fils de Dieu aimé et sauvé du plus profond de son péché. L'expérience de l'humilité nous entraine à laisser les masques, pour permettre à l'œuvre de grâce de toucher le fils perdu en chacun de nous.
Là le Christ est un maitre fiable, parce qu'il n'a pas eu d'autre souci que de réaliser l'œuvre de son Père. Il n'a pas travaillé pour lui, pour se faire un nom ou une image. Il a consacré toute son énergie à être à l'écoute de son Père. Ecoute dans l'enfouissement de la longue expérience cachée à Nazareth, quand il était un parmi d'autres, le fils du charpentier. Et écoute intense, dans le feu de l'action quand il a sillonné les routes de Palestine pour annoncer le Royaume à venir. Homme détourné de lui-même, Fils tourné vers son Père, Jésus est le seul vers lequel nous pouvons nous tourner, dans l'assurance de ne pas nous tromper de voie. Tournons-nous vers Lui pour apprendre, à sa manière toujours à l'écoute, à devenir nous- mêmes, plus libre de nous-mêmes, plus détaché de nos images, plus heureux d'être un fils sauvé de ses errances et de son péché. (2013-11-15)
59. Le dixième degré d'humilité est que l'on ne soit pas facile et prompt à rire, car il est écrit : « Le sot élève la voix pour rire. »
Est-ce que l'on pourrait résumer ainsi ce 10° de l'humilité: « ne pas se complaire dans le rire» ? Il Y a en effet une complaisance à se tenir dans le rire qui semble loin du propos de l'humilité. Rire de tout, se placer du côté de ceux qui peuvent se permettre de regarder les choses du haut avec assurance, voire avec une certaine suffisance ... Ce rire-là traduit non pas la joie spontanée mais une recherche de soi qui veut afficher une sorte de légèreté et de capacité à dominer les situations ... Ce rire enferme celui qui s'y adonne dans le paraitre et l'illusion d'assurance. Le psalmiste parle du « rire des satisfaits et du mépris des orgueilleux» comme si les deux expressions juxtaposées désignaient une même réalité de suffisance orgueilleuse.
Le rire nous attire, car il donne du piment à la vie. Dans notre quête vers plus d'humilité, il n'est pas rare que nous découvrions en notre cœur ces parts de nous-mêmes très satisfaites et promptes à rire de tout, et surtout des autres. Accepter de laisser la lumière de l'humilité entrer dans notre cœur, dans notre vie, nous entraine à quitter ce rire pour goûter un autre rire. Non le rire moqueur et mordant sur les faiblesses des autres, mais le rire miséricordieux sur soi-même. Plus la lumière de l'humilité pénètre notre vie, plus nous mesurons nos faiblesses, nos pauvretés. Allons-nous pour autant nous dépiter ou nous apitoyer sur nous-mêmes, ou bien allons-nous au contraire nous regarder avec humour, pour apprendre à rire de nous-mêmes? Passage pas nécessairement facile à vivre qui témoigne de la profondeur du travail de l'humilité en notre cœur ...
Ce 10° est donc riche d'enseignement. Il nous laisse entrevoir que l'humilité n'est pas une affaire grave et triste. Elle nous sort de cette fausse joie qui se nourrit de la faiblesse des autres, pour nous introduire dans une joie plus forte et fructueuse qui nous fait rire de nous- même avec douceur. (2013-11-12)