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24. S'il a des biens, il les distribuera aux pauvres préalablement, ou par une donation en bonne et due forme il les attribuera au monastère, sans se réserver rien du tout,
25. puisque, à partir de ce jour, il sait qu'il n'aura même plus pouvoir sur son propre corps.
26. Aussitôt donc, à l'oratoire, on lui enlèvera ses propres effets dont il est vêtu, et on l'habillera des effets du monastère.
27. Quant aux vêtements qu'on lui a enlevés, on les remettra au vestiaire pour y être conservés,
28. afin que, si jamais il consentait à sortir du monastère, sur la suggestion du diable, – ce qu'à Dieu ne plaise ! – on lui enlève alors les effets du monastère avant de le mettre dehors.
29. Cependant sa pétition, que l'abbé a prise sur l'autel, il ne la reprendra pas, mais on la conservera au monastère.
«Si jamais il consentait à sortir du monastère» ... Il est sain et réaliste de la part de Benoit de prévoir cette possible sortie, qu'il n'encourage pas loin de là, mais qui rappelle que le monastère n'est pas une prison, comme le disait un frère à un jeune 5° de Grenoble lors de leur venue. Notre engagement demeure une affaire de liberté. Le Christ ne nous appelle pas pour faire de nous des esclaves mais des hommes libres. Pourquoi dès lors, partir est-il présenté comme un échec ou une sorte de péché sous l'instigation du diable? Il me semble pour deux raisons : parce que la fidélité de Dieu et de la communauté sont offensées, et parce que le moine n'est pas allé au bout de sa liberté.
La fidélité de Dieu et de la communauté sont offensées. L'engagement du moine est en effet inséparablement engagement de la communauté à l'accueillir et engagement de Dieu à le recevoir, à le ramasser comme un enfant. .. « Reçois-moi Seigneur ». La charte signée du frère et du Père Abbé, sur l'autel, signe du Christ, est l'expression de ce triple engagement. En partant le moine semble donc dire et à la communauté, et à Dieu: « tu n'es pas capable de prendre soin de moi », ou «je ne peux pas compter sur toi ». Blessure de la confiance reniée. Certes la communauté n'est pas parfaite et parfois des conflits difficiles peuvent survenir. Mais la réconciliation est-elle impossible? Le frère a-t-il espéré, ou attendu des choses que la communauté ne pouvait pas lui donner? A-t-il rêvé Dieu sans entrer dans une vraie et humble confiance à son égard? Dieu est toujours du côté de ce qui est petit et vrai, et la croix fait toujours partie du chemin du moine. Les années de formation veulent permettre de s'éprouver soi-même: sur quoi je fonde ma confiance? Sur une communauté idéalisée ou sur ce groupe de frères concrets avec ses défauts mais qui veut se convertir? Est-ce que je mets ma confiance dans le Christ qui sauve le monde par son obéissance et par sa pauvreté?
Le départ d'un frère est encore perçu comme un échec, parce qu'il n'a pas été au bout de sa liberté. Devant une épreuve, il part parce qu'il est libre. Il use de son libre arbitre. Mais a-t-il vraiment été au bout de sa liberté? Quand nous nous engageons pour toujours, nous prenons acte en effet que notre liberté ne peut se déployer que dans le temps et dans la fidélité laborieuse. Nous ne naissons pas libres, nous le devenons. Nous ne pouvons le devenir que dans la fidélité, la patience et la persévérance. Abandonner le stade devant une difficulté, c'est renoncer à l'exercice de notre liberté responsable. Nous sortons tronqués. Dieu nous en garde! (31.05.2016 )
17. Avant d'être reçu, il promettra devant tous à l'oratoire, persévérance, bonne vie et mœurs, et obéissance,
18. devant Dieu et ses saints, en sorte que, si jamais il fait autrement, il sache qu'il sera damné par celui dont il se moque.
19. De cette promesse, il fera une pétition au nom des saints dont il y a là les reliques et de l'abbé en charge.
20. Cette pétition, il l'écrira de sa propre main, ou s'il ne sait pas écrire, un autre l'écrira à sa demande, et le novice y mettra un signe et la posera de sa main sur l'autel.
21. Quand il l'aura déposée, le novice entonnera aussitôt ce verset ;: « ;Reçois-moi, Seigneur, selon ta parole et je vivrai, et ne me confonds pas dans mon attente. ;»
22. Au verset, toute la communauté répondra par trois fois, en ajoutant ;: « ;Gloire au Père ;».
23. Alors le frère novice se prosternera aux pieds d'un chacun afin que l'on prie pour lui, et à partir de ce jour il sera compté comme membre de la communauté.
Au début de ce passage sont exprimés les trois vœux que nous prononçons le jour de notre profession. Trois vœux qui expriment toute l'essence de la vie monastique: stabilité, changement de vie, et obéissance. Obéir, c'est accepter de nous mettre à l'écoute, d'ouvrir l'oreille de notre cœur. Le second vœu en découle: dans cette écoute, discerner les chemins de conversion que Dieu nous trace. Et nous garder de prendre la fuite quand les choses se gâtent: nous enraciner dans ce lieu, avec ces frères que Dieu nous donne.
Pour exprimer cet engagement, Benoit emploie le verbe promettre: « il promettra ». Celui qui s'engage fait une promesse. Et tout le reste du passage que nous venons d'entendre développe la forme solennelle que revêt cette promesse: en précisant le lieu, les témoins, les gestes, les paroles. Dans la Bible, c'est Dieu qui promet. C'est Lui qui fait une promesse à Abraham et à ses descendants. Le Dieu de la Bible est le Dieu de la Promesse. Toute l'Ecriture est la mise par écrit de cette promesse. Et plusieurs fois le peuple de Dieu s'engage à faire sa volonté.
Par sa profession le moine entre dans cette histoire sainte. Il n'est pas un homme de projets, mais un homme qui s'engage avec Dieu. Un homme qui se rend disponible à Dieu. L'avenir, nous ne le connaissons pas! La vie monastique n'est pas un projet, pas une carrière. C'est la rencontre de la promesse de Dieu, et de l'engagement du moine à sa suite, avec son aide.
Pratiquement: Aujourd'hui Dieu m'appelle. Il appelle chacun de nous. Dieu attend quelque chose de nous, que nous sommes seuls à pouvoir faire pour Lui, la fidélité à notre engagement. Tous mes frères, l'Eglise entière, attendent de moi cette réponse personnelle à Dieu. Cet appel et cette réponse, ce peut être la Croix que j'aurai à porter aujourd'hui. La suite du Christ passe toujours par la Croix. Cette journée nous est donnée pour être l'instrument du Christ, sa présence, son visage. En nous laissant former par la communauté de nos frères, dans l'instant présent, dans la docilité à l'Esprit Saint. (28/05/2016 )
7. On observera soigneusement s'il cherche vraiment Dieu, s'il s'applique avec soin à l'œuvre de Dieu, à l'obéissance, aux pratiques d'humilité.
8. On lui prédira toutes les choses dures et pénibles par lesquelles on va à Dieu.
9. S'il promet de tenir bon et de persévérer, après une période de deux mois on lui lira cette règle à la suite,
10. et on lui dira : « Voici la loi sous laquelle tu veux servir. Si tu peux l'observer, entre ;; si tu ne peux pas, tu es libre de t'en aller. »
11. S'il tient encore, alors on le conduira au logement des novices mentionné plus haut, et on recommencera à l'éprouver en toute patience.
12. Et après une période de six mois, on lui lira la règle, afin qu'il sache ce pour quoi il entre.
13. S'il tient encore, après quatre mois on lui relira de nouveau cette règle.
14. Et si, quand il en aura délibéré avec lui-même, il promet de tout garder et d'observer tout ce qu'on lui commande, alors il sera reçu en communauté,
15. en sachant que la loi de la règle établit qu'il ne lui sera pas permis, à dater de ce jour, de sortir du monastère,
16. ni de secouer de son cou le joug de la règle, qu'il lui était permis de refuser ou d'accepter durant cette délibération si prolongée.
Saint Benoit prévoit deux éléments pour aider au discernement de la vocation. D'une part/il énumère un certain nombre de qualités spirituelles que le novice doit posséder, ou plutôt désirer développer: Qu'il soit empressé à l'œuvre de Dieu, à l'obéissance, qu'il ne se décourage pas devant les difficultés. D'autre part, il existe un certain nombre de délais. Et c'est le facteur temps qui est souligné là.
A ces deux éléments fondamentaux, Benoit en ajoute un troisième: l'accompagnement par un ancien. C'est à lui de manier ces deux critères avec sagesse et discernement. Car aucun novice, pour ne pas dire aucun moine, ne répond jamais à tous ces critères.
En fait, ce qui compte, c'est l'orientation fondamentale du frère qui se présente. Est-ce que, dans la durée, sa vie s'oriente dans la bonne direction? Est-ce qu'il montre un amour de plus en plus grand pour l'œuvre de Dieu, pour la prière, pour la lectio, pour le service fraternel? Ou bien est-ce que l'on constate le contraire? Est-ce que ce frère perçoit l'importance de l'obéissance comme facteur de croissance spirituelle et humaine, un chemin vers la véritable liberté ? Ou est-ce qu'il n'en fait qu'à sa tête, et veut commander tout le monde? Et devant les difficultés, qui font partie de la vie monastique, comme de toute vie, est-ce qu'il se bloque, se cabre, ou prend la fuite? Ou bien est-il capable de parler de ses difficultés, de reconnaitre ses limites et sa pauvreté, pour en faire le fondement de sa vie spirituelle?
Comme on le voit, le critère d'une vocation monastique n'est pas une apparente perfection. C'est plutôt la présence d'un dynamisme de fond. Le signe le plus évident, c'est lorsque le novice grandit humainement, s'épanouit, s'ouvre à Dieu et à ses frères. C'est peut-être le signe que Dieu appelle cet homme à la vie monastique. (26/05/2016)
1. Quand un nouveau venu arrive pour la vie religieuse, on ne lui accordera pas facilement l'entrée,
2. mais comme dit l'Apôtre : « Éprouvez les esprits, pour voir s'ils sont de Dieu. ;»
3. Si donc l'arrivant persévère à frapper, se montre patient à supporter, au bout de quatre ou cinq jours, les mauvais traitements qu'on lui inflige et les difficultés d'entrée, et persiste dans sa demande,
4. on lui permettra d'entrer, et il sera dans le logement des hôtes pendant quelques jours.
5. Après cela il sera dans le logement des novices, où ils apprennent, mangent et dorment.
6. On leur donnera un ancien qui soit apte à gagner les âmes, qui veillera sur eux avec la plus grande attention.
Les difficultés opposées aux futurs moines sont aussi anciennes que le monachisme. Aussi bien chez les ermites que chez les cénobites. Il s'agit « d'éprouver les esprits pour voir s'ils sont de Dieu», dit la première lettre de Jean. Afin de ne pas admettre au service de Dieu des hommes qui sont mus par un autre esprit que le sien. Aujourd'hui, nous vivons dans un monde plus confortable qu'au temps de Benoit: l'homme qui demande à venir partager notre vie renonce à beaucoup de facilités. Renoncer à toutes les commodités du monde, c'est une autre façon, bien réelle, de vivre cette mise à l'épreuve. Persévérer, frapper: c'est l'attitude du priant obstiné, dont Dieu exauce la prière (Lc11/8). Dans la maison de Dieu, on ne pénètre pas autrement que dans son cœur de Père. Dieu aime cette demande persévérante.
Après les quelques jours passés à l'hôtellerie, le postulant gagne le Noviciat. Ce « logement des novices» est une innovation de Benoit. Ainsi que l'ancien chargé de veiller sur eux. Dans les monastères d'Egypte, les novices restaient à l'entrée du monastère, sous la garde du portier, selon ce que nous dit Cassien. Ce rôle de maître des novices, la R.M. l'attribuait à l'Abbé en personne. Pour Benoit c'est un ancien qui a cette charge, « apte à gagner les âmes ». Cette expression nous fait penser à ce que dit le Christ: « S'il t'écoute, tu as gagné ton frère» (Mat 18/15). Et aussi à ce que dit St Paul: « Bien que je sois libre à l'égard de tous, je me suis rendu le serviteur de tous, afin de gagner le plus grand nombre. Je me suis fait juif avec les juifs, afin de gagner les juifs, païen avec les païens ... J'ai été faible avec les faibles, afin de gagner les faibles. Je me suis fait tout à tous, afin d'en gagner de toute manière quelques-uns. » (1 Co 9). Comme Paul, cet ancien doit s'adapter à chacun pour l'aider à avancer sur le chemin où le Christ veut le conduire. Nous pouvons prier pour ceux et celles qui exercent cette charge. (2016-05-25)
4. S'il faut vendre quelque objet fabriqué par les artisans, ceux par les mains desquels se fera la transaction prendront garde de ne commettre aucune fraude.
5. Ils se souviendront toujours d'Ananie et de Saphire, de peur que la mort infligée à ceux-ci en leur corps
6. ne les atteigne en leur âme, eux et tous ceux qui feraient quelque fraude sur les biens du monastère.
7. Le fléau de l'avarice ne doit pas s'insinuer dans les prix,
8. mais on vendra toujours un peu meilleur marché que ne peuvent le faire les autres producteurs séculiers,
9. « pour qu'en tout Dieu soit glorifié ».
Notre relation à l'argent. Saint Jérôme se moquait des mauvais moines, qui profitaient de leur statut religieux pour vendre plus cher que les séculiers. La Règle du Maître disait de vendre moins cher. Benoit dit « un peu moins cher ». Ce qui est important pour lui, c'est que la dureté dans les affaires, l'âpreté au gain ne dominent pas notre façon de gérer les échanges commerciaux. Ce que Benoit appelle le « mal de l'avarice ». Au contraire, nous devons agir de telle sorte que tous ceux qui traitent avec nous puissent « glorifier Dieu ». Cette attitude nous ouvre des perspectives de douceur, de tact, d'esprit de conciliation. Quelle merveille ce serait si l'esprit des Béatitudes nous pénétrait tant que nos affaires elles-mêmes servent le Royaume du Père.
A propos des artisans du monastère, Benoit a souligné le danger de l'orgueil, celui de l'avarice. Mais il est un péril qu'il n'indique pas, et qui est réel: Tellement nous investir dans notre emploi que nous en venons à oublier l'essentiel. Nous avons toujours à veiller à ne pas faire fausse route. Ne pas faire passer au second plan la recherche de Dieu, en nous laissant prendre par notre travail. Ne pas oublier la communauté, ces frères avec qui Dieu nous a appelés à le chercher et à le servir. Nous sommes moines. Nous devons faire attention à l'activité qui pourrait nous détourner de ce pourquoi nous sommes entrés au monastère. Aucune activité, aucun travail n'est en soi un obstacle. Mais ils peuvent le devenir dans notre cœur. Veillons à donner la place la plus importante à Dieu, aux choses de Dieu, au bien de la communauté, à la relation avec les frères. Pour « qu'en toute chose, Dieu soit glorifié! » (2016-05-24)
1. S'il y a des artisans au monastère, ils exerceront leur métier en toute humilité, si l'abbé le permet.
2. Si l'un d'eux s'enorgueillit de la connaissance qu'il a de son métier, dans la pensée qu'il rapporte quelque chose au monastère,
3. on l'enlèvera de ce métier et il n'y mettra plus les pieds, à moins qu'il ne s'humilie et que l'abbé l'y autorise.
Il est intéressant de noter qu'uniquement dans ce chapitre de la règle apparaît le mot « sciencia », science, traduit par « connaissance ». Spontanément, on aurait attendu ce mot être utilisé à propos des frères intellectuels. Nous pouvons entendre dès lors que tout art, tout métier a sa science, son ensemble de connaissance. Dans le métier manuel, cette science se dira parfois avec des mots, mais le plus souvent à travers un savoir-faire acquis à force de travail et d'expérience. Les doigts et les mains savent et connaissent ce que la langue ne sait pas toujours exprimer. L'objet réalisé, le produit fabriqué ou cultivé, seront en eux-mêmes la manifestation de cette science de l'artisan ou de l'artiste. Et il Y a souvent de quoi être fier de ce qui sort de nos mains: un outil bien réparé, une poterie, un beau parterre de fleur, un réfectoire propre et accueillant, une porcelaine décorée, un endroit bien nettoyé et rangé avec astuce, des comptes bien classés, un plat bien préparé, un vêtement bien lavé et recousu ... La science de nos mains est belle et bienfaisante dans la vie commune. Elle embellit l'espace, elle fédère les énergies sur un même projet, elle tisse des liens par l'échange d'objets et de dons.
Y-a-t-il de quoi s'enorgueillir de ce qui sort de nos mains? En être heureux et fier, oui certainement. Alors pourquoi St Benoit met-il en garde contre l'orgueil? L'orgueil n'est-il pas ce qui change la légitime fierté en une sorte de prétention à se mettre au centre des réalisations diverses sortis de nos mains, ou de nos cerveaux pour les travaux intellectuels? En ce sens, n'est-il pas tout simplement une forme d’imbécillité aveugle? Pourquoi s'enorgueillir en effet de ce que l'on a reçu de Dieu comme un don. Pourquoi s'enfler de ce qui nous vient en bonne partie de notre éducation ou de notre milieu culturel ? L'orgueil peut s'immiscer de façon subtile en nous enfermant dans le contentement de soi jusqu'à en oublier de rendre de grâce à Dieu qui a donné d'abord. Dans une sorte d'auto admiration, on devient incapable de reconnaître les dons des autres qui sont aussi nécessaire à la communauté. L'orgueil est un poison car il aveugle de façon insensible. Il finit par faire oublier que le monde qui nous entoure est encore bien plus riche de dons à explorer et à reconnaître.
Que ce petit chapitre nous aide à nous tenir sur nos gardes. Qu'il nous stimule à rendre grâce pour les dons que nous avons reçus, et pour ceux de nos frères. La joie de reconnaître nos dons mutuels loin de rétrécir notre joie l'élargit au contraire. (2016-05-21)
1. La table de l'abbé sera toujours avec les hôtes et les étrangers.
2. Cependant chaque fois qu'il y a moins d'hôtes, il aura le pouvoir d'inviter ceux des frères qu'il voudra.
3. Cependant il faut toujours laisser un ou deux anciens avec les frères pour le bon ordre.
« Pour le bon ordre », ainsi conclue Benoit en invoquant la nécessité de la présence d'anciens à la table des frères. Le « bon ordre» : c'est l'ordre communautaire de la charité opposé à l'ordre personnel de nos égoïsmes. Le bon ordre communautaire laisse place à de légitimes besoins comme pour nos frères anciens, et en même temps il conserve l'unité de tous par l'observance de certains usages simples. Ici je voudrais mettre en garde contre le « vieux-garçonnisme ».... Ne devenons pas des vieux garçons, jaloux de leurs petites habitudes, et sourcilleux de ne pas être dérangés.
Je relève plusieurs points: nos places à table, manger ensemble sans se déplacer pendant le repas, et la manière de manger lors des libres services. Nos places à table: Ne nous attachons pas à une place. Soyons libre d'aller ici ou là. Certains frères malentendants m'ont dit leur difficulté d'entendre moins bien à certaines places. Je comprends cela. Mais en général, ne prenons pas des habitudes en se fixant des places, pire en choisissant les frères auprès desquels on veut être assis. Soyons davantage fraternels, heureux d'aller où il y a de la place, en couvrant ... Nous découvrirons un vrai bonheur d'être tout à tous, plus libre.
Manger ensemble sans se déplacer. Le temps du repas commun n'est un moment où l'on va et vient à sa guise. On ne sort pas pour prendre ceci ou cela. Non, manger ensemble est un cadeau que nous nous faisons, un instant précieux de communion. Restons assis à notre place et goûtons cette joie de faire un dans le repas. Demandons, si nous avons besoin.
La manière de manger lors des libres services. A l'inverse du repas commun, le libre- service comme son nom l'indique nous offre plus de liberté. Mais nous autorise-t-il pour autant à reprendre des habitudes de vieux garçons? Je mets en garde contre le fait de venir picorer çà et là dans les plats, au lieu de se servir puis d'aller manger à sa place, ou encore contre le fait de tâter, toucher le fromage, le pain, les fruits pour chercher lequel est le meilleur. Soyons nets et virils: prenons ce qui vient sous la main sans faire la fine bouche. Si le fruit est un peu gâté, ne le remettons pas, mais prenons le. De même une manière de vieux garçon est de mettre un bon dessert de côté à l'avance, pour être sûr d'en avoir. Mangeons librement sans faire des réserves. S'il reste un bon dessert, je le prendrai avec action de grâce. S'il n'en reste plus, je me réjouirai que d'autres aient pu en avoir, à charge pour ces derniers de penser à en laisser aux autres. Mes frères, pour ne pas devenir des vieux garçons, pensons d'abord aux autres avant de penser à soi. (20/05/2016)
15. Comme literie, il suffira d'une natte, d'une couverture ordinaire et d'une autre en laine, et d'un chevet.
16. Cependant ces lits seront fréquemment inspectés par l'abbé, à cause des objets appropriés qui pourraient s'y trouver.
17. Et si l'on trouve chez quelqu'un un objet qu'il n'a pas reçu de l'abbé, il subira une sanction très grave.
18. Et pour retrancher radicalement ce vice de la propriété, l'abbé donnera tout ce qui est nécessaire,
19. c'est-à-dire coule, tunique, chaussons, chaussures, ceinturon, couteau, stylet, aiguille, mouchoir, tablette, pour ôter tout prétexte de nécessité.
20. Cependant l'abbé aura toujours égard à cette phrase des Actes des Apôtres ;: « ;On donnait à chacun selon ses besoins. ;»
21. Ainsi donc l'abbé, lui aussi, aura égard aux infirmités des nécessiteux, non à la mauvaise volonté des envieux.
22. Dans tous ses jugements, cependant, il songera à la rétribution de Dieu.
« Donner recevoir» : c'est la loi de l'échange de toute vie humaine que notre foi chrétienne éclaire d'une manière nouvelle en en inversant les termes: « Recevoir donner». Oui fondamentalement, nous recevons avant de donner. Nous recevons tout de Dieu et nous apprenons à tout donner. L'évangile nous assure que là se trouve le vrai bonheur: nous recevoir et nous donner. Un bonheur qui peut coûter à certains jours, mais un bonheur solide et durable lorsqu'on s'y livre vraiment. Quand St Benoit insiste pour que le moine reçoive tout de l'abbé, et qu'en aucun cas ne s'insinue dans la vie des frères, le vice de la propriété, il ne désire rien d'autre que de nous faire goûter ce bonheur de l'évangile. Car à travers les objets reçus se jouent profondément notre capacité à nous recevoir et des autres et de Dieu. Si nous n'aimons pas recevoir, si nous n'aimons pas demander ce dont on a besoin, il y a de grande chance qu'il en soit ainsi avec Dieu. Il y a de grande chance que nous ayons du mal à nous abandonner à Lui pour tout recevoir de Lui. Autrement dit, nous risquons de vivre comme si nous n'avons pas besoin de lui, sans vraie écoute de son Esprit et de l'Evangile.
Vivons donc toutes les occasions qui nous sont offertes de demander et de recevoir notre nécessaire pour la vie quotidienne, comme un exercice spirituel pour apprendre à demander et nous recevoir de Dieu. Ainsi pour les vêtements, mais aussi aux objets, nous apprenons à demander au frère responsable. Il peut nous en coûter de dépendre ainsi de quelqu'un plutôt que de nous servir nous-mêmes. Faire selon la vie commune plutôt qu'à ma guise. Concernant les vêtements, je voudrais rappeler un point de notre pratique: il concerne le lavage du linge. Certains frères donnent beaucoup de linge à laver, d'autres peut-être pas assez. Veillons à faire laver nos effets régulièrement, mais il n'est pas nécessaire de changer toute sa tenue vestimentaire tous les jours ... Changer une fois, voire deux fois durant la semaine, le linge de corps et la chemise est une bonne mesure. Blouson, pull et pantalon se changeront selon une fréquence plus longue. Si l'on ne sait trop comment faire pour trouver la bonne mesure, on peut en parler avec le f. linger. Là encore, dans les conseils et dans une manière de faire qui s'harmonise avec le travail de la lingerie, nous nous recevons de la communauté. Notre souplesse peut être une forme de reconnaissance vis-à-vis de travail de nos frères de la lingerie et du lavoir dont le travail régulier, caché est précieux pour tous. (19/05/2016)
9. En recevant du neuf, on rendra toujours l'ancien, qui devra être déposé temporairement au vestiaire pour les pauvres.
10. Il suffit en effet à un moine d'avoir deux tuniques et deux coules pour la nuit et pour laver ces effets.
11. Ce qui serait en plus, c'est du superflu, il faut le retrancher.
12. De même les chaussons et tout ce qui est ancien ;; on le rendra en recevant du neuf.
13. Ceux qui sont envoyés en voyage recevront du vestiaire des caleçons, qu'ils y remettront à leur retour après les avoir lavés.
14. Les coules et tuniques seront un tant soit peu meilleures que celles qu'ils portent d'ordinaire. Ils les recevront du vestiaire en partant en voyage et les remettront au retour.
« Ce qui serait en plus, il faut le retrancher» ... Nous n'aimons pas ce mot « retrancher» amputare en latin. Car nous pressentons bien que retrancher, couper cela peut faire mal. Se séparer d'un objet, ici de vêtements superflus, est parfois difficile, car on s'identifie tellement à l'objet, qu'on imagine perdre une part de soi-même. Mais d'où vient le problème? Il vient de notre imaginaire, car l'objet retiré n'altère en rien notre intégrité ... Ne faisons-nous pas l'expérience parfois que si, au départ, nous dessaisir de quelque chose peut paraitre difficile, cela se révèle en fait indolore et libérant. Notre vie chrétienne, et plus particulièrement notre vie monastique ne consiste-t-elle pas en bonne part dans la conversion de notre imaginaire? Celui considère souvent la réalité d'une manière très réduite et partielle. Il peut même nous aveugler en nous attachant à des personnes, à des choses et à des idées comme si elles nous étaient indispensables. Au risque de nous y enchainer et de nous faire perdre notre liberté.
Il est intéressant de voir que sur les 5 emplois que Benoit fait du mot « retrancher» (amputare), 4 le sont dans un sens spirituel. Il s'agit alors de retrancher les vices, ces mauvaises habitudes qui nous rendent esclaves de nous-mêmes. Cette manière d'utiliser le verbe « amputare » montre que ce ne sont pas les objets qui sont enjeu, mais bien une disposition intérieure, un attachement erroné qui peut devenir habitude. Il nous faut apprendre à nous détacher afin que notre désir, notre cœur soit davantage tourné vers Dieu, et non vers des objets ou des personnes qu'ils représentent. « Là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur ». Et notre cœur est compliqué, habile à se donner de bonnes raisons pour éviter les exigences libératrices. Soyons heureux d'être stimulé par l'évangile et par la règle de St Benoit pour sans cesse rechercher la vraie liberté. Derrière des choses apparemment banales et sans importance, nous jouons et rejouons notre attachement au Seigneur. Lui seul mérite notre amour. Qu'il nous apprenne à déjouer les pièges dans lequel notre imaginaire est si enclin à nous faire tomber ...(14/05/2016)
1. On donnera aux frères des vêtements selon la nature des lieux où ils habitent et selon le climat de ceux-ci,
2. car dans les régions froides il faut davantage, dans les chaudes moins.
3. Cette appréciation est donc l'affaire de l'abbé.
4. Pour notre part, cependant, nous croyons que dans les lieux moyens il suffit aux moines d'avoir chacun une coule et une tunique, –
5. coule velue en hiver, lisse ou usée en été, –
6. et un scapulaire pour le travail ; pour se couvrir les pieds, des chaussons et des souliers.
7. Quant à la couleur ou à l'épaisseur de tous ces effets, les moines ne s'en plaindront pas, mais ils les prendront tels qu'on peut les trouver dans la province où ils demeurent, ou ce qui peut s'acheter meilleur marché.
8. Cependant l'abbé veillera à la mesure, de façon que ces vêtements ne soient pas trop courts pour ceux qui les portent, mais à leur mesure.
On se tromperait en lisant ces chapitres très pratiques de la règle comme un règlement qui fixe les choses de façon intemporelle. A leur écoute, il nous faut toujours entendre la sève évangélique qui irrigue la vie quotidienne de ces hommes du VJDs, et qui peut encore irriguer la nôtre. De même, nous pouvons retenir les repères de sagesse que Benoit tire de la tradition déjà longue de la vie monastique, pour arbitrer ou résoudre ces questions.
La sève évangélique: la légèreté et la pauvreté des vêtements. En décrivant la tenue portée par les moines, une tunique et une coule, un scapulaire pour le travail, des chaussons, et des souliers, Benoit est assez proche des paroles de Jésus aux disciples qu'il envoie en mission: « Ne vous procurez ni or, ni argent, ni menue monnaie pour la route .. s ni besace ... ni deux tuniques, ni chaussures, ni bâton ... » (Mt 1 0, 9-10). Benoit ne calque pas le modèle évangélique puisqu'il prévoit un peu plus loin qu'on aura deux tuniques de rechanges pour pouvoir laver ses effets. Mais certainement est-il soucieux que les moines restent sobres dans leurs effets vestimentaires. Le « il suffit» sonne comme un instrument de discernement évangélique. Veiller à garder le minimum est un réflexe évangélique toujours facilement actualisable. A côté de la quantité, la qualité est aussi prise en compte, pour être aussitôt relativisée. Pour la couleur, ou l'épaisseur des vêtements, on prendra ce qu'on trouve. Le critère évangélique est de se contenter de ce qu'on trouve dans la région, ou de ce qui est le meilleur marché ... Se contenter de ce qui est donné, n'est-ce pas une manière de s'en remettre à la Providence comme Jésus le recommande: «Et du vêtement, pourquoi vous inquiéter? Observez les lis des champs, comme ils poussent. Ils ne peinent ni ne filent. Or je vous dis que Salomon lui-même dans toute sa gloire n'a pas été vêtu comme l'un d'eux ... » (Mt 6,28-29)
Benoit laisse quelques repères de sagesse dont l'application est confiée au discernement de l'abbé. Revient à l'abbé de veiller à l'homogénéité de l'habit pour toute la communauté, et donc de décider s'il faut plus ou moins, selon les régions et les saisons. De même, il lui revient de veiller à la décence de l 'habit, sans négligence, mais adapté à chacun. Cette place donnée à l'abbé dans l'appréciation de la tenue monastique rappelle à chacun que l'habit monastique est un habit reçu qui témoigne de notre volonté d'appartenir à une communauté. Sa manière d'être entretenu et porté manifeste notre désir de renoncement à notre indépendance et notre désir de simplicité au milieu de nos contemporains. (03/05/2016)