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45. Il nous faut donc instituer une école pour le service du Seigneur.
46. En l'organisant, nous espérons n'instituer rien de pénible, rien d'accablant.
47. Si toutefois une raison d'équité commandait d'y introduire quelque chose d'un peu strict, en vue d'amender les vices et de conserver la charité,
48. ne te laisse pas aussitôt troubler par la crainte et ne t'enfuis pas loin de la voie du salut, qui ne peut être qu'étroite au début.
49. Mais en avançant dans la vie religieuse et la foi, « le cœur se dilate et l'on court sur la voie des commandements » de Dieu avec une douceur d'amour inexprimable.
50. Ainsi, n'abandonnant jamais ce maître, persévérant au monastère dans son enseignement jusqu'à la mort, nous partagerons les souffrances du Christ par la patience, afin de mériter de prendre place en son royaume. Amen.
Il y a un contraste dans le prologue de la RB, qui apparaît bien en sa fin, entre les
verbes d'élan (se lever 8, courir 13,22,44,49, avancer 21,49 ... ) et les verbes plus statiques
(habiter 22,39 ; bâtir sur le roc 33 ; instituer 45,46). D'un côté, il s'agit de se hâter vers le
Royaume, le vrai lieu où l'on habitera, et de l'autre il s'agit d'établir une manière de vivre,
une école qui soit stable et dans laquelle on va persévérer jusqu'à la mort. D'un côté, une
exhortation impatiente à ne pas traîner et de l'autre une invitation à demeurer dans la
patience ... jusqu'au bout au monastère. Ce contraste étonnant est heureux pour nous dire la
richesse et la profondeur de notre vie monastique. Sans élan que serait-elle? Un parcours sans
goût ni désir. Mais sans patience, ne risquerait-elle pas de n'être qu'une joyeuse et passagère
excitation spirituelle? Pour prendre une image, nous avons deux jambes: une pour courir et
l'autre pour être stable. Toute notre vie monastique tient dans ce mystérieux exercice qui
consiste à courir en demeurant sur place. Courir est le fait d'un cœur touché un jour par
l'amour, et qui n'a de cesse de s'exercer pour vivre dans l'amour. Demeurer dans la patience
est le fait d'un cœur qui regarde le Christ pour apprendre de Lui, qu'il n'y a pas de Vie
éternelle sans passage par la mort.
Il est heureux que nous soyons appelés à vivre ensemble ce mystérieux équilibre où
plus on court dans l'amour plus on devient stable dans le Christ.Tous nous sommes dans le
Christ, remplis de son Esprit et des charismes qu'il suscite en chacun. La vie commune est
une très belle manifestation de cette vie du Christ à l'œuvre. Nous avons besoin les uns des
autres pour nous la révéler. Souvent l'un saura mieux exprimer et vivre l'élan, le dynamisme,
l'enthousiasme, la diligence; tandis que l'autre manifestera mieux la stabilité, la patience, la
fidélité, la persévérance ... Plutôt que de râler spontanément quand l'autre ne fonctionne pas
comme nous, essayons de reconnaitre la qualité qui est la sienne et dont j'ai besoin pour vivre.
Aucun de nous n'est parfait au point d'incarner toutes les qualités. Apprenons les uns des
autres ce partage des dons. Soyons d'abord bienveillant dans le regard sur les faiblesses des
autres. (04-08-2016)
39. Nous avons donc interrogé le Seigneur, frères, au sujet de celui qui habitera dans sa demeure, et nous avons entendu le précepte donné pour y habiter, mais pourvu que nous remplissions les devoirs incombant à l'habitant.
40. Il nous faut donc tenir nos cœurs et nos corps prêts à servir sous la sainte obéissance due aux préceptes.
41. Et pour ce que la nature en nous trouve impossible, prions le Seigneur d'ordonner au secours de sa grâce de nous l'accorder.
42. Et si, fuyant les châtiments de la géhenne, nous voulons parvenir à la vie perpétuelle,
43. tandis qu'il en est encore temps et que nous sommes en ce corps et qu'il reste le temps d'exécuter tout cela à la lumière de cette vie,
44. il nous faut à présent courir et accomplir ce qui nous profitera pour toujours.
« Il nous faut donc tenir nos cœurs et nos corps prêts à servir sous la sainte
obéissance » ... Comment tenir prêts nos cœurs et nos corps, sans oublier notre corps, qu'on
risque sinon de maltraiter. Je parlais une fois avec un supérieur, et nous partagions sur nos
équilibres de vie, et notamment physique. Comment vivre la charge de supérieur - mais je
crois qu'on peut élargir à chacun de nos emplois - comment vivre nos charges diverses dans
un équilibre juste? Il est un fait que les charges ont tendance à s'alourdir. Et dans notre
contexte monastique avec son emploi du temps très mesuré peut s'insinuer une sorte de
course après le temps. Il en résulte une tension psychologique. Mais jusqu'où est-il juste de
« se mettre la pression» pour caser le maximum de choses dans le minimum de temps? C'est
ici que la recommandation de Benoit de « tenir nos cœurs et nos corps prêts à servir sous la
sainte obéissance» peut être précieuse. Elle nous rappelle le but que nous cherchons dans la
vie monastique: vivre une « sainte obéissance» de tout notre être. Il ne s'agit pas seulement
de l'obéissance au P. Abbé ou aux frères, mais de l'obéissance de toute notre personne à Dieu
qui nous parle aussi bien à travers les Ecritures qu'à travers les évènements et les rencontres
impromptues. Nous désirons être à l'écoute de Dieu à tout moment et lui répondre par notre
disponibilité de cœur et de corps. Le supérieur avec qui je parlais, me disait par exemple que
pour éviter de foncer tête baissée dans les mails à répondre, il essayait, entre chaque courrier,
de suspendre son élan en priant quelques instants pour la personne à qui il s'adressait.
Suspendre notre élan, c'est retrouver l'harmonie du cœur et du corps. S'ouvre alors un espace
de respiration où notre corps n'est pas continuellement sous la pression. Mieux, il peut
s'accorder au cœur par cette brève pause. Apparait mieux aussi le sens de ce que nous
sommes en train de faire, dans le cas cité : il s'agit de nous adresser à une personne, et non
pas seulement d'abattre du travail. Et le supérieur ajoutait: « Finalement en faisant ainsi, je
suis bien plus efficace dans ce que je fais, et plus présent aux personnes », Chacun peut
examiner dans ses activités la manière avec laquelle corps et cœur s'accordent. Quel espace je
ménage à un équilibre corporel, pour ne pas me laisser emporter par un désir de toute
puissance? Car tôt ou tard, le corps devra porter plus qu'il ne peut. Et le cœur s’asséchera
faute de goût et de sens. Il nous faut non pas abattre du travail, mais vivre notre travail, dont
la visée profonde est de nous mettre en relation avec Dieu et avec les autres. (03-08-2016)
33. De là aussi la parole du Seigneur dans l'Évangile : « Celui qui écoute ce que je viens de dire et le met en pratique, je le comparerai à un homme sage, qui a bâti sa maison sur la pierre.
34. Les eaux sont venues, les vents ont soufflé et ont heurté cette maison, et elle n'est pas tombée, parce qu'elle était fondée sur la pierre. ;»
35. Achevant ainsi son discours, le Seigneur attend que nous répondions chaque jour par des actes aux saints enseignements qu'il vient de nous donner.
36. Voilà pourquoi les jours de cette vie nous sont accordés comme un sursis en vue de l'amendement de notre mauvaise conduite,
37. selon le mot de l'Apôtre : « Ne sais-tu pas que la patience de Dieu te conduit à la pénitence ? »
38. Car le Seigneur dit, dans sa bonté : « Je ne veux pas la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse et qu'il vive. »
Que faire quand le découragement nous menace devant les difficultés et que la
tentation nous assaille pour déserter? Le passage entendu nous donne une première réponse:
« mettre en pratique la Parole»-« répondre chaque jour par des actes ». Alors que parfois
nous ne voyons plus bien le sens du chemin, il nous reste à nous ancrer dans une pratique
fidèle à ce qui nous est demandé. Dans le passé, on l'a fait et cela nous a rendus plus vivant.
Aujourd'hui, on continue de faire, même si on ne voie plus bien clair. Faire notre devoir
d'état, faire ce qui est demandé, c'est déjà accomplir la Parole de Dieu et répondre à son
appel. De manière très modeste, mais aussi très profonde, notre maison continue alors de se
construire sur le Roc, le Roc de la Parole.
« Je ne veux pas la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse et qu'il vive» nous dit
encore St Benoit en citant le prophète Ezéchiel. Au cœur même de nos aridités, de nos
infidélités peut-être, cette parole veut nous assurer de manière irrévocable du désir de Dieu
pour chacun de nous. Si le chemin est rude, si l'exigence nous enserre, ce n'est pas parce que
Dieu nous aurait menés dans une impasse. Car il veut que nous vivions et que nous devenions
plus vivants. Son appel veut faire revivre le pécheur qui meurt sous le poids de la culpabilité,
de l'aveuglement ou de l'autosuffisance. Si le chemin se révèle ardu, c'est plutôt le signe de
notre épaisseur humaine encore à convertir. Le début du chemin nous a trouvés plein d'élan,
mais la longueur des jours convoque tout notre être. Et celui-ci vient avec son histoire, et
toute l'épaisseur de sa chair. Il est normal qu'il y ait en nous des parts qui résistent.Que peut-
on entendre dès lors par « se convertir» ? Non pas changer d'un seul coup et ôter comme par
magie les difficultés. Ce serait faire fi de la maturation humaine qui ne peut se faire que dans
le temps. Se convertir, n'est-ce pas reconnaitre et accepter d'abord notre incapacité foncière à
nous en sortir par nous-mêmes? N'est-ce pas cela auquel il nous faut consentir, une fois, puis
encore une fois, et de nouveau aujourd'hui puis encore demain? Mystérieux abandon du
souci de soi à Celui qui seul nous donne la Vie: Jésus le Christ. « Dieu viens à mon aide»
chantons-nous au début de chaque office. « Seigneur, sauve-moi », dira aujourd'hui Pierre,
s'enfonçant dans les eaux. Ces cri libérateur nous sortent de nous-mêmes et nous tournent
vers l'unique source de notre salut: Jésus. (02-08-2016)
22. Si nous voulons habiter dans la demeure de ce royaume, on ne saurait y parvenir, à moins d'y courir par de bonnes actions.
23. Mais interrogeons le Seigneur avec le prophète, en lui disant : « ;Seigneur, qui habitera dans ta demeure, et qui reposera sur ta montagne sainte ? »
24. Cette question posée, frères, écoutons le Seigneur nous répondre et nous montrer le chemin de cette demeure,
25. en disant : « C'est celui qui marche sans se souiller et accomplit ce qui est juste ;
26. qui dit la vérité dans son cœur, qui n'a pas commis de tromperie par sa langue ;
27. qui n'a pas fait de mal à son prochain ;; qui n'a pas laissé l'injure atteindre son prochain ;» ;;
28. qui, lorsque le malin, le diable, lui suggérait quelque chose, l'a repoussé loin des regards de son cœur, lui et sa suggestion, l'a réduit à néant, et s'emparant de ses petits – les pensées qu'il lui inspirait – les a écrasés contre le Christ.
29. Ce sont ceux-là qui, craignant le Seigneur, ne s'enorgueillissent pas de leur bonne observance, mais qui, estimant que ce qui est bon en eux ne peut être leur propre œuvre, mais celle du Seigneur,
30. magnifient le Seigneur qui opère en eux, en disant avec le prophète : « Non pas à nous, Seigneur, non pas à nous, mais à ton nom rends gloire ! »,
31. de même que l'Apôtre Paul, lui non plus, ne s'attribuait rien de sa prédication et disait : « C'est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis. »
32. Et il dit encore : « Celui qui se glorifie, qu'il se glorifie dans le Seigneur. »
Pour commenter ces lignes entendues ce matin, je repartirai d'une affirmation du f.
Alain, lue hier midi: « On croit souvent que l'espérance du monde à venir est une fuite par
rapport au présent. Grâce à Moltmann, j'ai pu comprendre que c'est exactement l'inverse. En
effet, l'attente eschatologique du Christ, si importante pour la transmission de la foi, nous
permet d 'habiter le présent autrement, en surmontant les frustrations qui lui sont inhérentes.
Sans cette espérance, nous pouvons faire l'expérience de l'absurde. » Quand st Benoit nous
propose de courir vers le Royaume en œuvrant très concrètement, il nous engage non pas à fuir,
mais à nous insérer dans le temps présent, d'une manière très active. L'orientation vers le
Royaume voudrait nous ancrer davantage dans la prise au sérieux de notre temps présent.Certes
le célibat et la vie commune dans l'obéissance et le partage veulent faire signe du Royaume où
nous nous recevrons du Christ seul. Mais ils ne nous dispensent pas de la prise au sérieux de
temps présent. Comme le suggère St Benoit en reprenant le Ps 14 : Prise au sérieux du combat
pour la justice, en marchant sans se souiller. Prise au sérieux du combat pour la vérité en ne
laissant pas place à la tromperie. Prise au sérieux des relations en ne faisant rien qui nuise au
prochain. En marche vers le Royaume, le moine ne fuit pas le temps présent qui est bon, mais
qui est aussi le lieu d'un combat. A travers la lutte pour la justice, la vérité et la charité, vécue
entre frères, mais aussi avec tout homme, sont posées les bases du monde à venir.Qu'est ce qui
ne passera pas? N' est-ce pas la justice, la vérité et la charité? De manière très modeste mais
très appliquée, le moine ne voudrait en aucun cas relâcher son attention sur ces points qui
préparent le Royaume qui vient. Notre regard tendu vers le Royaume, nous fait approcher le
présent en ce qu'il a de plus essentiel, la justice, la vérité et la charité. Le temps présent ne se
limite pas à la recherche de la jouissance immédiate. Au contraire, il porte en germe le bonheur
du Royaume où tout sera justice, vérité et charité. En ce labeur du temps présent, rien qui serait
de l'ordre d'une lutte à la seule force du poignet.Non, St Benoit rappelle que la course menée
par le moine est une grâce reçue de Dieu. Elle aussi fait signe du Royaume et ce bonheur que
nous ne pouvons que recevoir, et non nous donner à nous-mêmes. (27-07-2016)
14. Et se cherchant un ouvrier dans la foule du peuple, à laquelle il lance cet appel, le Seigneur dit de nouveau :
15. « Quel est l'homme qui veut la vie et désire voir des jours heureux ? »
16. Si, en entendant cela, tu réponds : « C'est moi ! », Dieu te dit :
17. « Si tu veux avoir la vie véritable et perpétuelle, interdis le mal à ta langue et que tes lèvres ne prononcent point la tromperie. Évite le mal et fais le bien, cherche la paix et poursuis-la.
18. Et quand vous aurez fait cela, j'aurai les yeux sur vous et je prêterai l'oreille à vos prières, et avant que nous m'invoquiez, je dirai : me voici ! »
19. Quoi de plus doux que cette voix du Seigneur qui nous invite, frères bien aimés ?
20. Voici que, dans sa bonté, le Seigneur nous montre le chemin de la vie.
21. Ceignant donc nos reins de la foi et de l'accomplissement des bonnes actions, avançons sur ses voies, sous la conduite de l'Évangile, afin de mériter de voir celui qui nous a appelés à son royaume.
« Quoi de plus doux que cette voix du Seigneur qui nous invite, frères bien-aimés» Il
est bon de ré entendre ces lignes. Dans une vie comme la nôtre, marquée par la règle,
l'obéissance et l'observance de coutumes, il est facile d'oublier que derrière tout ceci, il y a
une voix aimante, un être qui nous espère : Dieu notre Père. Ce chemin qui se révèle rude à
certains jours, n'est pas un mauvais chemin inventé par un Père autoritaire qui se plairait à
nous faire plier l'échine pour son bon plaisir. Non cette pédagogie exigeante est le fait d'un
Père qui « dans sa bonté nous montre le chemin de la vie ». Ces paroles nous rappellent que
nous n'entrons pas dans la vie monastique parce que nous sommes des êtres exceptionnels.
Non, si nous choisissons la vie monastique, c'est parce que nous avons reconnus plus ou
moins consciemment, notre faiblesse et notre incapacité par nous-mêmes à mener une vie
cohérente selon l'évangile. Nous avons besoin du support de la pédagogie monastique avec
son organisation, son horaire et ses coutumes. En elle, nous avons reconnu une aide précieuse
pour nous permettre de grandir dans une intimité plus grande avec le Christ.Telle bonheur
que nous avons entrevu comme une promesse, en nous engageant dans ce chemin de vie.
Tel est le bonheur que ces lignes nous exhorte à garder en mémoire, alors que la
longueur du chemin et l'usure du temps peut en avoir émoussé en nous le souvenir ou le goût.
Les difficultés ainsi que l'affrontement à nos limites et à nos faiblesses pourraient à certains
jours nous décourager. Tel problème de relation, telle difficulté personnelle, telle incapacité à
progresser peuvent miner en nous l'espérance. Ce chemin mène-t-il bien au bonheur promis?
En pareil moment, il est urgent de se tourner vers le Seigneur. Son appel, entendu au début de
notre itinéraire, retentit en ces moments cruciaux, on pourrait dire « crucifiants ». Allons-nous
nous cramponner à notre idéal de perfection au risque de nous décourager, ou bien allons-
nous mettre notre confiance en Celui qui est doux et humble de cœur? Notre vie monastique
nous entrai ne vers une perfection évangélique qui transforme, voire déplace radicalement nos
désirs de perfection. Il nous faut alors nous remettre à l'école de Jésus doux et humble de
coeur, et nous laisser enseigner par lui. Nous pourrons recevoir de lui, et la capacité à aimer et
celle de nous donner comme lui jusqu'au bout. « Seigneur Jésus, rends notre cœur semblable
au tien ... » (26-07-2016)
8. Levons-nous donc enfin, puisque l'Écriture nous éveille en nous disant : « L'heure est venue de nous lever du sommeil »,
9. et les yeux ouverts à la lumière de Dieu, écoutons d'une oreille attentive ce que la voix divine nous remontre par ses appels quotidiens :
10. « Aujourd'hui, si vous entendez sa voix, n'endurcissez pas vos cœurs ;» ;;
11. et encore : « Qui a des oreilles pour entendre, qu'il entende ce que l'Esprit dit aux Églises. »
12. Et que dit-il ? « Venez, mes fils, écoutez-moi, je vous enseignerai la crainte du Seigneur.
13. Courez, pendant que vous avez la lumière de la vie, de peur que les ténèbres de la mort ne vous atteignent. »
Comment bien écouter? Comment bien entendre la voix divine? L'insistance de
Benoit sur l'écoute nous contraint à nous poser ces questions. La difficulté est réelle. Soit le
Seigneur se manifeste de facon très voilée, qu'on pense au bruit de fin silence de l'Horeb, ou
encore aux paraboles utilisée par Jésus qui suggèrent davantage qu'elles n'affirment. Ou soit,
il parle de façon très directe et tranchante par la bouche des prophètes, ou à la façon du
discours sur la montagne, et alors il est difficile d'accueillir vraiment ces paroles qui
bousculent. Dans le premier cas de la parole voilée, l'écoute demande de s'engager dans la
recherche, avec patience, avec finesse aussi. Dans le second cas de la parole directe, l'écoute
nous demande de l'humilité pour ne pas nous endurcir le cœur et devenir dur d'oreille.
Comment bien écouter pour recueillir la voix divine qui s'exprime de tant de manières
à travers les Ecritures comme dans notre vie quotidienne? N'est-ce pas en nous tenant devant
Celui qui nous parle, avec cette confiance absolue qu'il ne peut nous vouloir que du bien?
S'il s'adresse à nous, Lui notre Père des Cieux, Lui notre Seigneur Jésus, c'est par amour et
par désir de nouer une relation toujours plus vivante avec lui et avec nos frères. C'est cet acte
de foi en la bonté de la parole qui nous est adressé qui nous fait souvent défaut. Ne nous
surprenons-nous pas parfois en flagrant délit de nous méfier de Dieu? Qu'est-ce qu'il va
encore me demander? La parole de l'autre me dérange. Je me méfie parce que je pense ma
vie en fonction de mes seuls intérêts et préoccupations. Je me pense comme une totalité
autonome qui se gère elle-même. Mais n'est-ce pas cela que la Parole de Dieu et la parole des
frères viennent bousculer? La Parole vient opérer une brèche dans ma carapace toujours en
train de reformer, pour m'introduire dans une relation plus ouverte et disponible. Je ne suis
pas un être isolé, mais un être fait pour la relation. Cette relation va me bousculer, changer
mes plans, modifier mes façons de penser si j'accepte de me laisser atteindre par la Parole.
Pour écouter vraiment, et demeurer à l'écoute, il nous faut cultiver cette foi et cette confiance
dans le Seigneur qui me veut du bien. Il nous faut faire taire la voix de l'adversaire qui, depuis
le jardin d'Eden, insinue toujours un doute sur la bonté et la véracité de Dieu qui me parle et
me bouscule parfois. Nous pouvons dire avec le psalmiste: « Seigneur, je le sais, tes
décisions sont justes; Tu es fidèle quand tu m'éprouves» (Ps 118, 75) -( 22-07-2016)
4. Avant tout, quand tu commences à faire quelque bien, demande-lui très instamment, dans la prière, de le conduire à sa perfection,
5. afin que lui qui a daigné nous mettre au nombre de ses fils, n'ait jamais à s'attrister de nos mauvaises actions.
6. En tout temps, en effet, il nous faut lui obéir au moyen des biens qu'il met en nous, de sorte que non seulement, père irrité, il ne vienne jamais à déshériter ses fils,
7. mais aussi que, maître redoutable, courroucé de nos méfaits, il ne nous livre pas au châtiment perpétuel, comme des serviteurs détestables qui n'auraient pas voulu le suivre jusqu'à la gloire.
Un point me frappe dans ces lignes entendues: quand St Benoit envisage l'appel à
suivre le Christ en prenant les armes de l'obéissance, il le pense dans la perspective de la vie
éternelle. L'objectif final est de suivre le Christ jusqu'à la gloire. Aussi est-ce la raison pour
laquelle il faut demander dans la prière, la grâce d'être ainsi conduit jusqu'à la perfection.
Autrement dit, pas de demi-mesure. Mais la perfection, dont il s'agit, n'est pas une perfection
abstraite, ou une idée. Non, c'est la perfection de l'appel entendu à suivre le Christ. A chacun
l'appel a été adressé d'une façon unique. Il nous revient d'aller jusqu'au bout de cet appel.
Notre bonheur sera dans une réponse entière. Je crois que nous avons tous fait un jour
l'expérience de mesurer, combien il pouvait y avoir une certaine tristesse à rester dans la
médiocrité. Alors qu'il y a une vraie joie à aller au bout, à chercher sans relâche à nous
donner. Heureux sommes-nous, si en mesurant notre faiblesse, nous ne nous décourageons
pas, en nous appuyant sur la grâce implorée dans la prière.
St Benoit nous donne une parole d'encouragement quand il affirme : « Il nous faut lui
obéir (au Seigneur) au moyen des biens qu'il met en nous» ... Au moyen des biens qu'il met
en nous. Si le Seigneur nous appelle à prendre les armes glorieuses de l'obéissance, il nous en
donne aussi les moyens. Nous ne sommes pas démunis pour répondre. A tous, il fait le don de
son Esprit, qui nous apprend à entrer peu à peu dans l'obéissance du Christ, la seule qui plait
au Père. L'Esprit Saint déploie ainsi en nous la vie des fils de Dieu, en nous rendant
semblable à Jésus. Peu à peu, il nous fait passer d'une obéissance de peur, ou d'une
obéissance extérieure à une obéissance plus intérieure. Il nous apprend à faire de notre vie un
consentement, consentement à la réalité, consentement d'amour à la Parole. Il y a des jours où
cela nous est plus facile, et d'autres où cela semble bien loin, voire inatteignable. L'essentiel
n'est-il pas de garder le désir, de demeurer ouvert à toute parole et de prier quand c'est trop
difficile ... (21-07-2016)
1. ÉCOUTE, ô mon fils, ces préceptes de ton maître et tends l'oreille de ton cœur. Cette instruction de ton père qui t'aime, reçois-la cordialement et mets-la en pratique effectivement.
2. Ainsi tu reviendras, par ton obéissance laborieuse, à celui dont tu t'étais éloigné par ta désobéissance paresseuse.
3. À toi donc, qui que tu sois, s'adresse à présent mon discours, à toi qui, abandonnant tes propres volontés pour servir le Seigneur Christ, le roi véritable, prends les armes très puissantes et glorieuses de l'obéissance.
Avec ce début du prologue, nous avons comme le concentré de notre vie monastique et
chrétienne. Un concentré que nous pourrions apprendre par cœur pour laisser résonner chaque
mot. Tous les mots importants sont là: « écouter, fils, cœur, père, aimer, mettre en pratique,
revenir, obéissance-désobéissance, volonté, servir, le Seigneur Christ.:.» Durant les 73
chapitres qui vont suivre, St Benoit ne cessera de reprendre ces mots importants pour donner à
notre vie quotidienne sa vraie saveur et sa vraie dimension. Et cette dimension n'est pas
seulement celle de notre vie individuelle, voire communautaire. Mais elle est celle de toute
notre humanité en marche. Le « qui que tu sois» auquel s'adresse Benoit, est l'être humain,
l'Adam du début de la genèse qui, par sa désobéissance, a perdu le sens du chemin. Comment
retrouver ce chemin et ce sens ?
Dans les échanges que nous avons eus avec le P. Antoine, le prieur de Thien An, celui-
ci nous disait que la culture asiatique est une culture matriarcale qui insiste sur deux éléments,
le «je» et le « tu ». Alors que la culture européenne, issue de la tradition judéo-chrétienne
insiste sur trois éléments: le «je », le « tu » et la « loi ». Dans une perspective
d'inculturation, il relevait qu'il n'était pas facile pour des asiatiques d'intégrer la loi. En
écoutant ce début du prologue, je repense à cet échange sur nos deux cultures. St Benoit, à la
suite du début de la genèse part du constat qu'il n'est aisé pour personne d'accepter la loi, une
parole qui vient du dehors et qui introduit un changement, voire une rupture. Ecouter, obéir à
une parole n'est pas facile. Cela nous déplace toujours, nous sort de nous-même. Nous avons
besoin d'un guide. C'est le Christ. Lui la Parole, la Loi, s'est fait comme l'un de nous pour ne
pas nous effrayer.Pour nous permettre d'entendre et d'accepter sa Parole, il n'a pas haussé la
voix, il ne s'est en rien imposé. Il s'est mis à notre service en nous lavant les pieds. Il nous a
montré le chemin de l'obéissance. Mais surtout, il a donné son Esprit, fruit de sa mort et sa
résurrection. L'Esprit, Lui la Loi intérieure, nous rend alors capable d'écouter. Il nous en
donne la force et le goût.Cette loi n'est plus extérieure. Loi intérieure, l'Esprit nous donne la
force de prendre les armes de l'obéissance, pour aller au bout de nos résistances inscrites en
notre chair. Ensemble, prenons les armes de l'obéissance, pour entrer plus résolument dans
une profonde relation filiale avec notre Père, et dans une profonde relation avec nos frères.
Jérémie le prophète a pris ses armes de l'obéissance ... Il s'est ouvert à la parole semée en lui. (20-07-2016)
1. S'il existe un zèle mauvais et amer qui sépare de Dieu et conduit en enfer,
2. il existe aussi un bon zèle qui sépare des vices et conduit à Dieu et à la vie éternelle.
3. Tel est donc le zèle que les moines pratiqueront avec un ardent amour ;:
4. ils « se préviendront d'honneurs mutuels » ;
5. ils supporteront sans aucune impatience leurs infirmités corporelles et morales ;;
6. ils s'obéiront à l'envi ;
7. personne ne recherchera ce qu'il juge être son avantage, mais plutôt celui d'autrui ;;
8. ils pratiqueront la charité fraternelle avec désintéressement ;;
9. avec amour ils craindront Dieu ;
Pour St Benoit, observer cette Règle, c'est faire preuve d'un
commencement de vie religieuse. Nous ne sommes qu'à un début.
Nous avons beaucoup plus beau à découvrir. C'est une découverte
insoupçonnée qui nous attend, si nous parvenons jusqu'à Dieu.
Si notre vie monastique est vécue avec fidélité, avec générosité, elle
est alors facile, nous nous y sentons à l'aise, nous y trouvons une
joie très grande. Mais au contraire, elle devient lourde, elle nous
écrase, si nous traînons les pieds, si nous marchandons avec Dieu.
Entendons aujourd'hui l'appel de Dieu au don de notre vie.
« Toi qui te hâtes. » Dans ce court chapitre, il est question deux fois
de se « hâter ». Dans l'Evangile nous avons plusieurs exemples de
hâte: Marie, enceinte de Notre Seigneur, se hâte vers Elisabeth. Les
bergers, avertis de la naissance du Sauveur, se hâtent vers l'étable
de Bethléem. Zachée se hâte de descendre de son sycomore, pour
recevoir Jésus. Et Jésus lui-même nous dit sa hâte que le feu qu'il est
venu allumer sur la terre embrase tous les hommes. Et nous? Vers
qui, vers quoi nous hâtons-nous, au fil de nos journées?
« Avec l'aide du Christ », appliquons-nous à vivre selon notre Règle.
Elle nous donne Dieu, elle nous conduit sur son chemin. Mais il en
est de la Règle comme de l'Ecriture: Ce n'est pas de l'extérieur,
mais de l'intérieur que nous devons apprendre à la connaitre. En la
vivant. Il s'établit alors peu à peu en nous une connaissance
nouvelle, dans l'Esprit Saint. Pour cela nous devons la lire, l'écouter,
la prier. Demander à Dieu son aide pour la mettre en pratique et lui
permettre de se révéler à nous. A la mesure de notre désir de Dieu,
dans chacun de ces mots, nous découvrirons Dieu. Une personne
qui nous connait bien dit ceci: « La Règle, elle n'est pas réservée aux
moines. C'est un mode d'emploi pour vivre l'Evangile ». (16/7/16 )
1. S'il existe un zèle mauvais et amer qui sépare de Dieu et conduit en enfer,
2. il existe aussi un bon zèle qui sépare des vices et conduit à Dieu et à la vie éternelle.
3. Tel est donc le zèle que les moines pratiqueront avec un ardent amour ;:
4. ils « se préviendront d'honneurs mutuels » ;
5. ils supporteront sans aucune impatience leurs infirmités corporelles et morales ;;
6. ils s'obéiront à l'envi ;
7. personne ne recherchera ce qu'il juge être son avantage, mais plutôt celui d'autrui ;;
8. ils pratiqueront la charité fraternelle avec désintéressement ;;
9. avec amour ils craindront Dieu ;
10. ils affectionneront leur abbé d'une charité sincère et humble ;;
11. « ils ne préféreront absolument rien au Christ. ;»
12. Que celui-ci nous fasse parvenir tous ensemble à la vie éternelle ;!
Ce qui est remarquable dans ce chapitre, c'est qu'il nous offre une
image du cœur de l'homme. En deux phrases Saint Benoit dresse ce
portrait. Il commence au premier verset par citer le zèle amer. Mais
à partir du second verset, et jusqu'au bout, il nous décrit le bon zèle,
sans plus revenir sur le zèle amer.
Saint Benoit nous montre donc l'humanité, quand elle est
transformée par la rencontre de Dieu. D'une part il est lucide, car il
sait que le mal existe. Que la méchanceté est monnaie courante.
Que l'amertume et l'aigreur enferment ceux qui s'y laissent aller
dans un véritable enfer.
Mais il s'émerveille surtout du bien. Car ce qui est étonnant, ce n'est
pas le mal. Cette pente sur laquelle nous glissons si facilement. Mais
c'est le bien. Voilà la bonne nouvelle, au terme de la Règle. Le bien
est possible. Il est appelé à prendre de plus en plus de place dans
nos vies.
Saint Benoit est donc lucide, mais plein d'espérance. Et nous
sommes tous appelés à cette transformation intérieure, qui consiste
à être lucides sur le mal. En nous, d'abord, puis autour de nous.
Mais à rayonner d'espérance, parce que le Christ a vaincu le mal,
une fois pour toutes.
Nous le savons tous d'expérience, ce n'est pas parce que l'on aime
que l'on entre au monastère. C'est pour apprendre à aimer. Et pour
apprendre à aimer, Benoit nous engage à pratiquer ces actes
d'amour qui, peu à peu, avec le temps, vont transformer notre être
profond, éveiller cet amour qui vit au plus profond de notre cœur.
Pour Benoit, l'amour, c'est la manière d'être de Dieu lui-même, qui
ne fait pas de différences entre nous. (15/7/16 )