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14. Mais cette obéissance elle-même ne sera agréable à Dieu et douce aux hommes, que si l'ordre est exécuté sans frayeur, sans lenteur, sans tiédeur ou murmure ni réponse négative,
15. car l'obéissance prêtée aux supérieurs, c'est à Dieu qu'elle s'adresse, puisqu'il a dit lui-même : « Qui vous écoute, m'écoute. »
16. Et les disciples doivent la prêter de bon gré, car « Dieu aime celui qui donne avec joie. »
17. En effet, si le disciple obéit contre son gré, et qu'il murmure non seulement oralement, mais même dans son cœur,
18. même s'il exécute l'ordre, ce ne sera pas pour autant agréé de Dieu, qui regarde son cœur murmurer.
19. Et pour une action de ce genre il n'obtient aucune faveur ; bien plus, il encourt la peine des murmurateurs, s'il ne se corrige en faisant satisfaction.
Hier nous entendions dans la conférence de B. Bonowitz : «Rien ne peut mieux contribuer à la construction et au dynamisme de la communion dans un monastère que l'aptitude des frères à entreprendre des tâches, prévues ou imprévues, à court ou à long terme. Rien ne peut mieux démolir une communion qu'une attitude d'auto-défense de la part des frères quand ils sentent qu'un service pourrait leur être demandé. » Ces convictions résonnent en écho à ce chapitre sur l'obéissance. Celle-ci ne doit pas seulement être sans délai, mais aussi joyeuse. L'obéissance joyeuse construit la communion fraternelle, le refus d'obéissance ou même celle accomplie avec murmure peut démolir la communion entre nous. Nous mesurons ici combien notre communion est quelque chose de précieux et donc de délicat. Elle se construit grâce à notre vie commune et à son organisation. Mais cela ne suffit pas. Si on la réduisait à une simple organisation, elle ne serait qu'un squelette de vie collective. Notre vie commune tend à la communion, c'est-à-dire à cette manière d'être ensemble où nous nous portons les uns les autres, dans le respect et l'amour mutuel. Nous pourrions très bien observer les règles de vie commune, tout en restant chacun dans son quant à soi, dans son monde. La communion bâtie sur l'attention, la disponibilité et la simplicité des relations nourrit chacun au niveau du cœur . On pourrait dire que la communion entre nous est à la vie commune, ce que l'obéissance joyeuse est à la simple obéissance formelle.
Dire cela, c'est dire que la vie de communion entre nous, ainsi que l'obéissance joyeuse sont toujours à rechercher et à bâtir humblement. Pas d'acquis dans ce domaine. Pas d'automatisme, mais au contraire une humble ouverture à l'autre et à l'inconnu. J'accepte d'être toujours un peu dérangé ou dérouté dans mes habitudes ou mes façons de voir les choses. Et je découvre une joie plus grande à me laisser faire qu'à résister pour mener les choses comme je l'entends. «Dieu aime celui qui donne avec joie» car n'est-ce pas ce qui constitue la vie même de Dieu? Peut-il donner, Lui le donateur de tout bien, autrement qu'avec joie? Entrons dans la joie de notre Dieu, en nous donnant avec joie ...( 01.10.2016).
10. Ceux qui sont pressés du désir d'avancer vers la vie éternelle,
11. ceux-là adoptent la voie étroite, dont le Seigneur dit : « Étroite est la voie qui conduit à la vie » ;
12. ne vivant pas à leur guise et n'obéissant pas à leurs désirs ni à leurs plaisirs, mais marchant au jugement et au commandement d'autrui, demeurant dans les cœnobia, ils désirent avoir un abbé pour supérieur.
13. Ces hommes-là, certes, imitent la maxime du Seigneur, dans laquelle il dit : « Je ne suis pas venu faire ma volonté, mais celle de celui qui m'a envoyé. »
« Ceux qui sont pressés du désir d'avancer vers la vie éternelle »... Nous retrouvons ce thème de la hâte vers la vie éternelle, thème que nous avons déjà rencontré dans le prologue et qui traverse toute la règle. Cette presse, cette hâte n'est-elle pas un des traits caractéristiques de notre vie monastique? Nous choisissons d'aller au plus court, au plus vite, et de ne pas nous arrêter trop en chemin. A la lumière de cette hâte, peuvent se comprendre notre célibat, mais aussi notre désir de ne pas nous encombrer de choses, ou encore notre désir d'obéir « sans délai» à un supérieur et à des frères, selon l'insistance entendue hier. Ces moyens radicaux, que beaucoup de nos contemporains ne comprennent pas, disent l'urgence de notre engagement pour le Royaume. Ils manifestent une option pour la vie éternelle qui n'est pas opposition à la vie de ce monde, mais qui peut révéler plutôt à notre monde la vraie vie pour laquelle il est fait. En choisissant le célibat, la désappropriation et l'obéissance, nous manifestons les valeurs du monde à venir: ce monde où on ne se marie pas, où les choses matérielles n'auront plus leur raison d'être et où la relation de confiance dans l'écoute et le don pour le Seigneur et pour les autres sera première. En faisant ces choix, le signe du monde à venir est en quelque sorte donné, même s'il reste toujours imparfait et bien en deçà de la réalité ...
Si l'obéissance du moine s'éclaire à la lumière de l'obéissance du Christ, elle trouve peut-être toute sa signification à la lumière du monde gui vient. Le moine veut obéir comme le Christ, pour apprendre avec lui et en lui comment être plus tourné vers le Père. La vie éternelle sera-t-elle autre chose? Une vie de communion dans le Christ avec le Père. Prendre au sérieux nos relations d'obéissance à l'abbé, aux frères, mais aussi à la vie selon la règle, c'est tisser patiemment mais sûrement la relation gui demeurera en vie éternelle: une vie de fils de Dieu, uni à Jésus le Fils de Dieu, tournée vers le Père dans le souffle de l'Esprit Saint. Benoit dit que c'est « une voie étroite », dans la mesure où cette obéissance nous coûte, et nous trouve parfois résistant. Autrement dit, c'est nous gui sommes à l'étroit dans nos désirs trop terrestres. L'obéissance veut déployer notre désir afin de nous permettre d'entrer plus généreusement dans cette relation qui nous unit au Christ et nous tourne vers le Père. (30.09.2016)
1. Le premier degré d'humilité est l'obéissance sans délai.
2. Elle convient à ceux qui estiment n'avoir rien de plus cher que le Christ.
3. À cause du service saint qu'ils ont voué, ou à cause de la crainte de la géhenne et de la gloire de la vie éternelle,
4. aussitôt qu'un supérieur leur commande quelque chose, comme si c'était commandé par Dieu, ils ne peuvent souffrir le moindre délai dans l'accomplissement.
5. C'est d'eux que le Seigneur a dit : « Dès que son oreille a entendu, il a obéi. »
6. Et il dit encore aux docteurs : « Qui vous écoute, m'écoute. »
7. Ces hommes-là, donc, abandonnant sur-le-champ leurs intérêts personnels et délaissant leur volonté propre,
8. les mains libres immédiatement et laissant inachevé ce qu'ils faisaient, avec une obéissance qui emboîte le pas, font suivre à leurs actes la voix de celui qui ordonne.
9. Et comme au même instant, l'ordre proféré par le maître et l'œuvre accomplie par le disciple, les deux choses se déroulent ensemble, à vive allure, avec la rapidité qu'inspire la crainte de Dieu.
« Sans délai », l'expression revient deux fois ... et elle est appuyée par d'autres expressions « sur le champs », « immédiatement », « comme au même instant », « à vive allure »... L'insistance de Benoit est étonnante. Comment la comprendre? Que veut-il nous dire sur l'obéissance? Veut-il qu'on devienne comme des robots?
Une expression peut nous mettre sur la piste de ce qu'il vise: « l'obéissance sans délai convient à ceux qui estiment n'avoir rien de plus cher que le Christ» ... Obéir sans délai vient comme naturellement -elle convient, vient avec- chez ceux qui ont mis le Christ à la première place dans leur vie. Ils l'ont tellement mis au centre de leurs préoccupations qu'il le reconnaisse en chaque demande qui leur est faite. En quelque sorte, en chaque appel (service remarque, cloche) qui leur est adressé, ils reconnaissent la voix du Christ. .. Ils vivent leur quotidien dans le monastère comme les disciples de l'évangile qui suivent et écoutent le maitre. Celui-ci qui est vivant au milieu de nous, est reconnu présent à travers tous les frères.
Je me souviens d'un commentaire de Sr Lazare de St Thierry à propos de ce chapitre, disant qu'il s'agissait là d'un idéal. .. non d'une règle de discipline à appliquer à la façon d'un règlement. Autrement dit, il s'agit d'entrer, non dans une obéissance à un règlement, mais d'entrer dans l'obéissance à une personne, le Christ, reconnu dans les appels de la vie quotidienne. Obéir sans délai au Christ au fil des jours, c'est accepter d'entrer dans son projet sur notre vie, et personnelle et communautaire. C'est consentir à ne pas tout savoir, à ne pas tout maitriser afin de le laisser nous conduire à travers les évènements, les rencontres ou simplement à travers la cloche ... L'insistance de Benoit sur le « sans délai» pointe en fait un lieu de résistance assez spontané en chacun de nous : lorsque nous faisons quelque chose nous pouvons si bien nous y investir que cela devient « notre» affaire ... Tout ce qui vient interrompre, modifier ou questionner nos activités, nous le percevons comme pénible à accepter, voire injuste. Sans nous en rendre compte, nous voulons vivre comme si nous étions les seuls maitres à bord. Obéir: oui, mais selon ma vision de la vie monastique! A l'inverse, exerçons-nous à obéir sans délai ni discuter, en nous tournant vers le Christ. Et mesurons ce qui se passe en nous entre cette obéissance-là et les fois où nous résistons. Nous éprouverons la même différence qu'il y a entre la joie sereine, et la tristesse obscure ou tendue. (29.09.2016)
75. Tels sont les instruments de l'art spirituel.
76. Si nous les exerçons sans cesse, jour et nuit, et les remettons au jour du jugement, nous recevrons du Seigneur cette récompense qu'il a promise :
77. « Ce qu'aucun œil n'a vu, aucune oreille entendu, ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment. »
78. Quant à l'atelier où nous accomplirons assidûment tout cela, c'est la clôture du monastère et la stabilité dans la communauté.
En général, nous les hommes, nous aimons les outils et la technique ... Pour réparer une serrure ou une fuite d'eau, nous savons nous dépenser afin de trouver une solution. La difficulté nous stimule même parfois à inventer des résolutions inattendues. Dans l'atelier de l'art spirituel, ne pourrait-il pas en être de même? Face à une difficulté relationnelle, face aux passions qui peuvent parfois nous éprouver, ne pouvons-nous pas aussi faire preuve de grandes imaginations pour qu'une issue s'ouvre? Comment s'engager avec ardeur dans la résolution des conflits avec des frères? Comment donner plus d'attention à la résolution de nos conflits intérieurs? En même temps, nous mesurons qu'il est plus facile de reboucher un trou dans un tuyau que de pardonner à un frère, ou de guérir de la colère ou de l'envie. La conversion de notre cœur relève d'un art qui demande bien plus de patience que n'importe quel autre art ... Elle exige un engagement de tous les instants: « si nous les exerçons sans cesse, jour et nuit» dit Benoit. Peut-être est-ce dans ce « sans cesse, jour et nuit» que réside notre vraie stabilité, non pas d'abord dans un lieu, fût-il cloîtré, mais dans ce travail de vigilance intérieure, repris jour après jour. Etre moine, c'est ne pas se fatiguer de veiller: veiller pour le Seigneur dans la prière, veiller sur les frères qui nous sont confiés, veiller sur nous-mêmes et nos propres faiblesses toujours enclines à nous faire dévier ou tomber. Telle est notre stabilité dans la veille. Au chapitre, le P. David a évoqué la stabilité en ces termes: « On parlait autrefois de fuga mundi (fuite du monde) pour caractériser la vie monastique, mais le schéma s'est inversé: c'est le monde lui-même qui se fuit dans la distraction, qui se fuit en permanence, qui a institué la fuite en avant; dès que l'obstacle se présente, on change, on tourne la page, on bifurque, affectivement, professionnellement; le déménagement tient lieu de conversion. Tandis que la stabilité impose au moine l'enracinement avec lui-même, la confrontation à ses propres limites et à celles de ses frères ... ». Dans l'atelier du monastère, choisissant la stabilité de ce labeur spirituel et relationnelle sans cesse repris, nous choisissons de ne pas fuir. Nous affrontons avec réalisme les difficultés en nous-mêmes et avec les autres, sans esquive, mais aussi dans cette profonde assurance que Dieu est avec nous. Sa miséricorde nous est toujours offerte, sans aucune mesure avec les efforts que nous pouvons faire. (28.09.2016)
75. Tels sont les instruments de l'art spirituel.
76. Si nous les exerçons sans cesse, jour et nuit, et les remettons au jour du jugement, nous recevrons du Seigneur cette récompense qu'il a promise :
77. « Ce qu'aucun œil n'a vu, aucune oreille entendu, ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment. »
78. Quant à l'atelier où nous accomplirons assidûment tout cela, c'est la clôture du monastère et la stabilité dans la communauté.
En général, nous les hommes, nous aimons les outils et la technique ... Pour réparer une serrure ou une fuite d'eau, nous savons nous dépenser afin de trouver une solution. La difficulté nous stimule même parfois à inventer des résolutions inattendues. Dans l'atelier de l'art spirituel, ne pourrait-il pas en être de même? Face à une difficulté relationnelle, face aux passions qui peuvent parfois nous éprouver, ne pouvons-nous pas aussi faire preuve de grandes imaginations pour qu'une issue s'ouvre? Comment s'engager avec ardeur dans la résolution des conflits avec des frères? Comment donner plus d'attention à la résolution de nos conflits intérieurs? En même temps, nous mesurons qu'il est plus facile de reboucher un trou dans un tuyau que de pardonner à un frère, ou de guérir de la colère ou de l'envie. La conversion de notre cœur relève d'un art qui demande bien plus de patience que n'importe quel autre art ... Elle exige un engagement de tous les instants: « si nous les exerçons sans cesse, jour et nuit» dit Benoit. Peut-être est-ce dans ce « sans cesse, jour et nuit» que réside notre vraie stabilité, non pas d'abord dans un lieu, fût-il cloîtré, mais dans ce travail de vigilance intérieure, repris jour après jour. Etre moine, c'est ne pas se fatiguer de veiller: veiller pour le Seigneur dans la prière, veiller sur les frères qui nous sont confiés, veiller sur nous-mêmes et nos propres faiblesses toujours enclines à nous faire dévier ou tomber. Telle est notre stabilité dans la veille. Au chapitre, le P. David a évoqué la stabilité en ces termes: « On parlait autrefois de fuga mundi (fuite du monde) pour caractériser la vie monastique, mais le schéma s'est inversé: c'est le monde lui-même qui se fuit dans la distraction, qui se fuit en permanence, qui a institué la fuite en avant; dès que l'obstacle se présente, on change, on tourne la page, on bifurque, affectivement, professionnellement; le déménagement tient lieu de conversion. Tandis que la stabilité impose au moine l'enracinement avec lui-même, la confrontation à ses propres limites et à celles de ses frères ... ». Dans l'atelier du monastère, choisissant la stabilité de ce labeur spirituel et relationnelle sans cesse repris, nous choisissons de ne pas fuir. Nous affrontons avec réalisme les difficultés en nous-mêmes et avec les autres, sans esquive, mais aussi dans cette profonde assurance que Dieu est avec nous. Sa miséricorde nous est toujours offerte, sans aucune mesure avec les efforts que nous pouvons faire. (28.09.2016)
68. ne pas aimer la contestation,
69. fuir l'élèvement.
« Détester la contestation ». Paul place la contestation, avec la jalousie et l'envie, au rang des convoitises de la chair. Il s'agit de cette forme de contestation qui dégénère en querelle, discorde, esprit de rivalité. C'est peut-être inconscient au début: on se contente de dire ce qu'on pense, sans prendre garde au fait qu'on prend le contre-pied d'un autre. Qu'on s'attache d'autant plus à son idée qu'elle n'est celle d'autrui. Chacun a un domaine où il se sent plus libre de contredire: au nom de l'expérience, du bon sens, et même de la vertu. Rien à voir avec le fait, tout naturel, de donner son avis. Ici, c'est à la décision, ou à l'autorité, que l'on se heurte. Il entre dans cet affrontement une bonne part de refus de toute subordination. De jalousie plus ou moins instinctive de l'autre. Nous comprenons pourquoi Benoit a enchainé la trilogie: jalousie, envie, rivalité. Si nous n'y prenons pas garde, tout devient objet de litige. « Ils en arrivèrent à se quereller sur celui d'entre eux qui leur semblait le plus grand» ! Lc22/24. Abba Pœmen a dit: « Fuis toujours celui qui, dans la conversation, n'arrête pas de contester ».
« Fuir l'élèvement ». On peut traduire aussi: « Fuir l'arrogance ».
Elatio : c'est la tendance à fanfaronner, à se pavaner, à s'élever. C'est une tentation qui est toujours présente en nous, plus ou moins sournoise. Nous pensons au Magnificat: « Il renverse les puissants de leur trône; il élève les humbles. » Cet instrument est important pour St Benoit, puisqu'il l'ajoute à la panoplie héritée du Maître. Et il reviendra sur ce danger plusieurs fois: à propos du lecteur de semaine, qui devra demander la prière de la communauté, « afin que Dieu daigne le préserver de l'esprit de vanité ». RB38/2. De même, le prêtre admis au monastère devra se garder de l'élèvement. Risque, aussi, pour le prieur! Qualité nécessaire au cellérier. Benoit dénonce même, dans le Prologue, le danger de s'enorgueillir de sa bonne observance, au lieu de reconnaître que le bien qui se trouve en nous vient de Dieu. C'est aussi ce que Jésus reproche aux pharisiens. « Un frère demande à Abbé Pœmen : Comment dois-je me conduire, dans le lieu où j'habite? Où que tu sois, répond l'ancien, ne cherche pas à imposer ton point de vue, et tu vivras en paix ». Paix, et humilité, nous ne nous étonnons pas de ce jumelage. Il est dans l'Evangile. (24/9/16)
63. Accomplir chaque jour par ses actes les commandements de Dieu,
64. aimer la chasteté,
65. ne haïr personne,
66. ne pas avoir de jalousie,
67. ne pas agir par envie,
« Accomplir, chaque jour, par ses actes, les préceptes de Dieu ». L'expression est forte. Elle vient du Christ lui-même, qui est venu accomplir la Loi et les Prophètes, c'est-à-dire leur donner leur plénitude de sens. Les faire passer de la lettre au fait. Chacun de nous, à la suite du Christ, est responsable de cet accomplissement. Contribuer à la plénitude de l'Incarnation.
« Aimer la chasteté ». Il faut apprécier cette expression lapidaire de St Benoit. Il situe la chasteté au niveau du commandement de l'Amour. Il ne saurait en être autrement. « Donnez-moi quelqu'un qui aime, il comprendra », disait St Augustin. Aimer la chasteté, cela veut dire qu'on en a jamais fini, qu'on n'est jamais quitte avec la chasteté. Elle est un programme de vie, ouvert sur l'infini. Peut-être que pour être chaste, il ne faut pas être trop attaché à sa pureté. Peut-être que Marie Madeleine l'était beaucoup plus que nous. Elle qui savait aimer au creux de ce qui était débauche. Nous aimons cette Sara l'Egyptienne, tentée pendant 13 ans par le démon de l'impureté, et qui disait seulement dans sa prière: « Seigneur, donne moi la force! »
« Ne haïr personne.» Haïr, détester, rejeter totalement: des sentiments qui existent dans notre cœur. L'homme est divisé. Sa vocation est d'aimer, il peut vouloir détruire ce qu'il faudrait apprendre à aimer quand même. Jésus met la barre très haut: « Aimez vos ennemis, priez pour ceux qui vous persécutent ». Lui n'a pas connu la haine. Méprisé, haï, il n'a su que pardonner. Ne haïr personne, c'est retrouver le chemin de notre unité intérieure: que rien ne se perde de nos aptitudes à aimer. Tout ce qui, en nous, doit servir à aimer. La haine détruit celui qui l'éprouve.
« Ne pas être jaloux ». En latin, c'est le mot « zèle ». C'est l'ardeur que nous mettons à défendre un bien dont nous sommes jaloux. Benoit parlera au ch 72 du bon zèle: le zèle pour Dieu, le zèle de Dieu. Il l'oppose au zèle amer. La jalousie est un poison pour l'âme, pour la relation, pour la vie commune. « Ne pas agir avec envie ». Jalousie et envie peuvent être confondues. Mais l'étymologie permet de comprendre des réalités différentes, que nous éprouvons tous, plus ou moins. La jalousie tient de l'ardeur à défendre, à garder. L'envie relève du regard: voir de travers, voir contre. L'envie est donc une maladie du regard. La jalousie une maladie de la relation. L'envie porte sur les choses ou les qualités que possède mon frère, et que je n'ai pas. Esaü porte un regard mauvais sur son frère parce qu'il envie sa bénédiction. Toute son enfance, il s'est senti moins aimé. Nous sommes faits pour apprendre à aimer. Nous réjouir du bien qui est dans nos frères. (23/9/16)
60. haïr sa volonté propre,
61. obéir en tout aux commandements de l'abbé, même s'il agit lui-même autrement – ce qu'à Dieu ne plaise – en se souvenant du commandement du Seigneur : « Ce qu'ils disent, faites-le ; quant à ce qu'ils font, ne le faites pas. »
62. Ne pas vouloir être appelé saint avant de l'être, mais l'être d'abord, afin d'être appelé ainsi avec plus de vérité.
« Haïr sa volonté propre ». Le latin dit:« Voluntatem propriam odire ».Sans possessif. Peut-être parce que toute volonté propre est haïssable. Obstacle au dialogue. Et la nôtre ne vaut pas mieux que celle des autres, quand elle cherche à s'imposer. Cela montre aussi que la volonté est au service de la relation, du dialogue, du partage. Il faut haïr la volonté propre parce qu'elle refuse les règles de l'amour, et joue le jeu de l'égoïsme et de la haine. C'est dans cette mesure que Montaigne avait raison d'affirmer: « Le moi est haïssable ».
Dans l'Evangile, il n'est pas question de volonté propre. Quand Jésus parle de volonté, il se réfère à celle de son Père: « Non pas ma volonté, mais la tienne. » Il est important que Jésus soit perçu ici comme ayant une volonté personnelle. C'est ce qui fait de Lui une personne humaine. Mais cette volonté trouve sa joie à se lier d'amour avec celle de son Père, au point de ne plus faire qu'un avec elle. C'est même ainsi qu'elle s'accomplit. La prière que Jésus nous apprend rejoint ce mouvement: « Que ta volonté soit faite ». La seule volonté propre que nous devons aimer, et même adorer, t'est celle de Dieu. Précisément parce qu'elle est partage, et échange de consentement.
« Obéir en tout aux ordres de l'Abbé ». Le mot employé par Benoit est praecepta. Ce mot nous renvoie au Prologue: « Ecoute mon fils, les préceptes du Maître ». Cela laisse entendre que les préceptes de l'Abbé sont ceux du Christ. La voix qui appelle est celle du Seigneur: l'Abbé n'est que son porte voix. Cela veut dire aussi que le moine est considéré comme un adulte, qui sait pourquoi et pour qui il obéit. Il ne prendra pas prétexte des mauvais comportements des autres pour se dérober.
« Ne pas vouloir passer pour saint avant de l'être. » La sainteté, c'est la qualité de Dieu. Nous devons nous méfier de nos critères en ce domaine. Ste Thérèse de Lisieux a échappé complètement à la grille de lecture classique des vertus héroïques! Et nous, attendrons-nous d'être saints pour nous déclarer tels? Nous pouvons penser que le jour où cela nous arrivera enfin, et nous pouvons espérer que cela nous arrivera à tous, ce jour-là, être appelé saint ou pas nous sera bien égal. Nous serons tournés tout entier vers Dieu, vers sa Sainteté. Pas vers nous-mêmes. (22/9/16)
55. Écouter volontiers les saintes lectures,
56. se prosterner fréquemment pour prier,
57. confesser chaque jour à Dieu dans la prière, avec larmes et gémissements, ses fautes passées,
58. se corriger de ces fautes à l'avenir.
« Ecouter volontiers les saintes lectures. » Nous pouvons noter d'abord que l'insistance est mise sur l'écoute. Lire c'est écouter. Ecouter la parole d'un autre. Ecouter Dieu qui me parle. La Règle parle très souvent de lecture. Le mot lectio est employé 40 fois! Le plus souvent dans le cadre de l'Office Divin, ou du réfectoire. Au temps de St Benoit, l'oreille était plus sollicitée qu'aujourd'hui: la lecture, même personnelle, se faisait à plus ou moins haute voix. Cela aidait la mémorisation. L'oreille intérieure paresse plus souvent, quand l'oreille externe n'est pas sollicitée. Une lecture proclamée peut éveiller en nous des harmoniques, des consonances, qui seraient passées inaperçues aux yeux.
Pour St Benoit, la lecture est un travail. Il parle de la lectio personnelle au chapitre sur le travail manuel quotidien. (RB48) Les frères doivent consacrer certaines heures au travail des mains. D'autres à la lecture des choses divines.
« Se prosterner fréquemment pour prier ». L'Evangile nous invite à prier sans cesse. Mais nous comprenons bien que cette prosternation ne puisse se faire tout le temps. Cette précision dans l'attitude a un double avantage: Elle dit l'absolue gratuité de la prière, cette relation à Dieu. Elle précise qu'il s'agit ici de la prière personnelle, alors que le même mot, oratio, est utilisé aussi pour la prière communautaire. Benoit nous renvoie à l'Evangile: Jésus nous y est montré souvent en prière solitaire, la nuit, à l'écart, et même prosterné, comme à Gethsémani. Cette attitude exprime une soumission, que nous réservons à Dieu seul. Péguy parlait du « bel agenouillement de l'homme libre ».
« Avouer chaque jour à Dieu dans la prière, avec larmes, ses fautes passées. Se corriger de ces fautes. » Ces deux instruments nous paraissent un peu éloignés de ce que nous vivons aujourd'hui. Peut-être à cause de l'imperfection de notre contrition, ou de notre peu d'amour. Mais plus positivement notre pratique du Sacrement de Réconciliation nous aide à vivre la confiance absolue dans le Pardon. Les fautes d'hier, avouées, ne m'appartiennent plus. Nous avons appris à ne pas y revenir. A fuir le remord comme un poison, un manque de Foi. « Si nous confessons nos péchés, fidèle et juste comme il est, il nous pardonne», dit la 1° Lettre de St jean. (lJn l/9) (20/9/16)
51. Garder sa bouche des paroles mauvaises et déshonnêtes,
52. ne pas aimer à beaucoup parler ;
53. ne pas dire des paroles vaines ou qui portent à rire,
54. ne pas aimer le rire prolongé ou aux éclats.
« Garder sa bouche de toute parole mauvaise. » Cet outil est précieux dans la vie monastique. Mais pas toujours facile à manier. Abba Isaïe disait: « Aime te taire, plutôt que parler. Car le silence thésaurise, mais parler disperse. » Nous avons tous fait l'expérience de cette dispersion. Et aussi de l'aspect superficiel du flux de paroles. Il est difficile de parler longuement de cet instrument ! Surtout quand on est soi-même bavard. Le plus simple est de revenir à l'Ecriture. « Mets une garde à mes lèvres ». Comme nous, le Psalmiste se sait fragile. Garder sa langue du mal, c'est l'une des qualités du juste, dans la Bible. Et Jésus nous dit .« Ne rabâchez pas! » La prière intérieure n'a pas besoin de beaucoup de paroles. Parole et prière sont en dépendance: Il faut que l'une diminue, pour que l'autre grandisse.
« Ne pas dire des paroles vaines, ou qui portent à rire ». Dans cet outil, Benoit nuance le Maître, qui excluait tout à fait ce genre de plaisanteries. Il en reparlera au chapitre sur le silence. Mais sera-t-il suivi? Il est rassurant qu'il demande comme effort de Carême, de retrancher sur ce domaine de la plaisanterie. Nous le savons bien, il y a des plaisanteries qui nous aident à vivre ensemble. Qui dédramatisent. Les plaisanteries mauvaises sont les moqueries, celles qui tournent en ridicule une personne. Toutes les critiques des autres.
« Ne pas aimer le rire prolongé, ou aux éclats ». Un apophtegme raconte: « Quelqu'un vit rire un jeune moine. Il lui dit: Ne ris pas, frère, car tu chasses ainsi la crainte de Dieu. » Nous cherchons le recueillement, la prière continuelle. Mais c'est un apprentissage qui demande du temps et de la patience! C'est au 10ème degré d'humilité seulement que Benoit revient sur la question du rire. Il cite: « Le sot, en riant, élève la voix. »
Parmi les auteurs bibliques, l'ennemi le plus résolu du rire, c'est Qohelet:« L'habillement d'un homme, son rire, sa démarche, révèlent ce qu'il est ». Pourtant la Bible n'ignore pas le rire libérateur: au retour des exilés à Jérusalem, « notre bouche était pleine de rire» dit le Ps 125. Le mot de la fin est à St Jean Climaque, au 7°degré de son échelle: « Dieu, mes amis, ne demande ni ne désire que l'homme s'afflige à cause de la douleur de son cœur. Il préfère plutôt qu'il se réjouisse et qu'il rie, à cause de l'amour qu'il éprouve pour Lui. » (17/9/16)