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56. Le neuvième degré d'humilité est que le moine interdise à sa langue de parler et que, gardant le silence, il attende pour parler qu'on l'ait interrogé.
57. En effet, l'Écriture indique qu'« en parlant beaucoup, on n'évite pas le péché »,
« Que le moine interdise à sa langue de parler… » La formulation de ce 9 ° peut nous laisser un peu sur la touche avec son côté abrupt qui semble ne pas laisser place à autre chose que le silence. J’ai l’impression cependant que la vie quotidienne nous offre beaucoup d’occasion de nous affronter à cette question du silence juste qui est signe d’humilité… Je prends plusieurs exemples. Dans les groupes, il n’est pas si aisé de vivre cette discipline où l’on s’interdit de parler momentanément pour permettre à un autre frère de parler. Comment entrer dans cette discipline chacun et tous ensemble, de telle sorte que la parole circule vraiment entre nous ?
Si parfois, cela signifie « mettre un frein à sa langue » selon l’expression du psalmiste, cela ne veut en rien dire s’enfoncer dans un mutisme par lequel subtilement, en se mettant hors du jeu du partage, on se met en fait au centre, devenant un objet d’inquiétude pour les autres. Mettre un frein à sa langue, apprendre à ne pas couper l’autre, le laisser finir ce qu’il a à dire, est un bel exercice d’humilité. On se tait et l’on parle parce qu’on se sait un parmi d’autres, sans prétention de détenir la vérité ou la science que le sujet. On se tait et l’on parle parce qu’on a le désir non de faire avancer ses propres idées, mais de chercher ce qui va contribuer au bien commun. Et cela est encore humilité. Ce n’est pas ce que je pense ou dis qui compte, même si je suis convaincu de son importance, mais ce à quoi on va parvenir ensemble à élaborer, à mieux préciser ou connaitre… La recherche de la vérité est à ce prix de l’humilité consentie, parce qu’elle inséparable de la fraternité honorée. Un autre exemple. La vie quotidienne se charge continuellement de nous confronter à nos limites ou imperfections. Les évènements et parfois les frères mettent le doigt sur des faiblesses, ou des incohérences.
Comment allons-nous réagir ? En nous mettant en colère contre le mauvais sort ? En envoyant promener le frère qui nous fait une remarque ? L’humilité n’est pas ici une idée, mais elle engage une posture très concrète d’ouverture et d’accueil pour apprendre à regarder en face la réalité, notre réalité présente. Se mettre en colère ou se rebiffer signe notre aveuglement, lié peut-être à des peurs ou des angoisses. Nous n’avons pas encore consenti à notre humus, à cette part imparfaite en nous, à notre être toujours en devenir, quelque soit notre âge. Choisir l’humilité comme boussole, c’est choisir de toujours continuer à apprendre. C’est choisir d’entrer dans une écoute plus réelle de ceux qui nous entourent. La vie commune est ici une belle école d’humilité, non une humilité qui rabaisserait en faisant mal, mais une humilité qui libère en nous replaçant dans une juste dépendance vis-à-vis des autres. Osons prendre l’humilité pour boussole.
55. Le huitième degré d'humilité est que le moine ne fasse rien qui ne se recommande de la règle commune du monastère et des exemples des supérieurs.
Ce 8 ° est plein de bon sens… L’humilité nous ramène toujours vers les choses pleines de bon sens. Il est habituel lorsqu’on arrive quelque part pour y vivre ou y travailler de s’informer de ce qui se fait là, et comment on fait. On s’insère dans ce qui se vit, en prenant la mesure du réel, pour le découvrir et l’appréhender à sa plus juste place, avant éventuellement de faire autrement. Rien n’est plus troublant et même irritant qu’une personne qui change tout là où elle arrive sans prendre le temps d’accueillir à sa juste valeur ce qui se fait d’abord. Illusion de penser qu’on invente tout à partir de rien, comme si tout commençait avec soi !
Au monastère, l’humilité nous entraine à cultiver au contraire l’attention à ce qui est, à ce qui se fait… la règle commune, les exemples des anciens. C’est une manière de s’enraciner, de vouloir coller à la terre qui nous accueille ici au monastère, dans l’espoir de mieux coller à ma propre terre, à mon propre humus. Car un des enjeux de l’humilité est de consentir à ce monde tel qu’il est, à l’histoire qui l’a façonné. On pourrait rêver qu’à la Pierre-qui-Vire on boive du vin tous les jours, qu’on mange de la viande, ou qu’on ait les vigiles à une autre heure, etc… Sans que ces coutumes locales soient intangibles, ni même qu’on les érige en dogme immuable, elles représentent un art de vivre qui a fait ses preuves et qui a contribué à donner à notre communauté son visage propre. Lorsque nous entrons en cette communauté, lorsque nous cheminons avec elle dans le temps, c’est humilité d’accueillir cette identité propre. Peut-être y-a-t-il des choses qui nous dérangent, voire qui nous choquent, et même des choses qu’on met du temps à accepter. N’y-a-t-il pas dès lors un acte de foi à faire ? Un acte de foi similaire à celui que l’on fait en l’appel de Dieu ? De même que j’ai reconnu et que je crois que Dieu m’a appelé ici, de même je crois que cette vie proposée ici est comme l’environnement qui me convient pour façonner et faire advenir celui que je suis appelé à devenir…
Peut-être mettrai-je du temps à comprendre que telle pratique qui me gêne à priori, voire m’irrite, en fait me convient tout à fait. Pour que j’advienne en ma réalité la plus profonde, de fils de Dieu appelé en ce lieu à servir son règne, j’en ai besoin. Car l’humilité qui me fait accueillir peu à peu les coutumes comme les exemples des anciens a des yeux bien plus perspicaces que mon premier coup d’œil. Ceci ne veut pas dire que tout soit immuable dans notre vie. Mais les évolutions de la communauté devront être guidées par cette même perspicacité du regard pour entrevoir dans le changement à vivre, une même promesse de vie pour tout le corps communautaire en train d’advenir.
49. Le sixième degré d'humilité est que le moine se contente de tout ce qu'il y a de plus vil et de plus abject, et que, par rapport à tout ce qu'on lui commande, il se juge comme un ouvrier mauvais et indigne,
50. en se disant avec le prophète : « J'ai été réduit à néant et je n'ai rien su. J'ai été comme une bête brute auprès de toi et je suis toujours avec toi. »
51. Le septième degré d'humilité est que, non content de déclarer avec sa langue qu'on est le dernier et le plus vil de tous, on le croie en outre dans l'intime sentiment de son cœur,
52. en s'humiliant et en disant avec le prophète : « Pour moi, je suis un ver et non un homme, l'opprobre des hommes et le rebut du peuple.
53. J'ai été exalté, humilié et confondu. »
54. Et aussi : « Il m'est bon que tu m'aies humilié, pour que j'apprenne tes commandements. »
En parlant avec un frère, celui-ci me disait que parfois cela lui était difficile de ne pas se sentir dévalorisé lui-même quand lors du décès d’un frère on évoque sa vie avec tout ce qu’il y a de beau et grand, ou bien quand des frères parlent de leur expérience riche… Il en concluait : je n’en suis pas encore à ce que St Benoit dit dans le chapitre sur l’humilité : « le moine se contente de tout… » ces paroles que nous venons d’entendre… Je lui disais qu’il m’arrive aussi d’éprouver cela. Il n’est pas si facile d’accepter d’être heureusement soi-même, sans se comparer aux autres, pour s’apitoyer sur ce qu’on n’a pas et que l’on voit chez les autres. Le moine se contente de tout, et en premier lieu de ce qu’il est lui-même. N’est-ce pas pour chacun de nous la visée foncière de l’humilité vers laquelle tendre : apprendre à être bien en accord avec ce que je suis ; pouvoir entendre parfois ce que les autres me renvoient ou me donnent, même si cela ne correspond pas à l’image que je me fais de moi-même. C’est le sens de ces 6° et 7° degrés, de nous entrainer à mettre notre confiance, non dans les images plus ou moins idéales ou dorées que nous nous faisons de nous-même, mais à mettre notre confiance dans la réalité qui est la nôtre, en s’habituant à être content, même de ce qui est « plus vil », de plus modeste en nous, nos pauvretés, nos faiblesses de « mauvais et indigne ouvrier ».
Mystérieux travail de l’humilité qui ronge notre désir de briller, de gagner toujours, de réussir, d’être performant, pour apprendre à être content, même en nos zones rudes, difficiles et peu reluisantes. Là où spontanément, nous pouvons nous apitoyer sur nous-mêmes, et finalement restés centrés sur nos limites non assumées, l’humilité nous entraine à une profonde réconciliation avec ce que nous sommes et de tout ce qui nous arrive. Et alors, s’opère ou peut s’opérer un déplacement : nous ne sommes plus alors le centre, mais nous sommes au milieu des autres, un parmi d’autres. Pour nous chrétien et moines, c’est une grâce d’apprendre à entrer dans ce mouvement sous le regard du Seigneur, fort de la conviction qu’il désire nous conduire sur ces chemins de paix avec nous-mêmes, avec les autres et avec Lui. Quand nous sommes tentés de maugréer, de murmurer ou de ressasser en nous-mêmes, demandons-lui la grâce de rendre grâce d’abord pour ce qui est beau… « Plus je rends grâce, moins j’ai le temps de me plaindre ». Notre vie peut alors se relire de telle sorte qu’elle apparait sous une autre lumière, celle d’un amour qui veille sur nous et nous conduit au point qu’avec le psalmiste, on peut dire : « Il est bon que tu m’aies humilié, pour que j’apprenne tes commandements ».
44. Le cinquième degré d'humilité est que, par une humble confession, on ne cache à son abbé aucune des pensées mauvaises qui se présentent à son cœur, ni des mauvaises actions qu’on a commises en secret.
45. L'Écriture nous y exhorte en disant : « Révèle ta voie au Seigneur et espère en lui. »
46. Et elle dit aussi : « Confessez-vous au Seigneur, parce qu'il est bon, parce que sa miséricorde est à jamais. »
47. Et à son tour le prophète : « Je t'ai fait connaître mon délit et je n'ai pas dissimulé mes injustices.
48. J'ai dit : je m'accuserai de mes injustices devant le Seigneur, et tu as pardonné l'impiété de mon cœur. »
Est-ce qu’on pourrait résumer ce degré ainsi : pas liberté sans humilité, pas d’humilité sans ouverture du cœur. Cette formule un peu carrée résume un aspect majeur de la tradition monastique. Les pères ont fait rapidement l’expérience du bienfait de l’ouverture du cœur pour avancer avec liberté, joie et paix sur le chemin de la vie spirituelle. Si à leur époque, elle se confondait avec la confession des péchés, peu à peu avec le temps, elle s’en est distinguée pour devenir davantage de ce qu’elle est aujourd’hui : un exercice de liberté, en vue de devenir plus libre. La différence avec la confession des péchés mérite cependant d’être explicitée. La confession ou le sacrement de réconciliation veut d’abord célébrer la miséricorde offerte par notre Dieu, aux pécheurs que nous sommes. Dans l’assurance de son pardon, transmis par l’Eglise, nous déposons devant Dieu nos péchés, nos manquements et nos errances. Ce rite très simple nous relève dans la force du pardon de Dieu qui nous remet debout. L’ouverture du cœur est plus large. Elle est cette capacité à parler de soi pour mieux se connaitre, mais aussi pour apprendre à mieux discerner les appels de l’Esprit Saint. On parlera de ses péchés peut-être, mais aussi de qui habite notre cœur, ce qui l’encombre comme ce qui le dilate, ce qui fait question comme ce qui réjouit. S’ouvrir à l’abbé ou à l’ancien spirituel est une manière de se tenir devant Dieu, en vérité, dans le désir d’être plus libre pour son service. Tant de pensées, tant d’illusions ou de fausses représentations de soi peuvent entraver le chemin.
L’ouverture du cœur sera d’autant plus féconde qu’elle sera régulière et préparée. Car chemin faisant, non seulement nous disons ce qui nous habite, mais nous repérons mieux nos forces et nos points faibles, nous devenons plus attentifs à la Parole que le Seigneur ne cesse de semer dans notre quotidien. Comme la confession, mais peut-être davantage, l’ouverture du cœur est un exercice d’humilité et de confiance. En effet, rien n’oblige à s’ouvrir, si ce n’est le désir de vivre toujours plus dans la lumière, et le désir d’être plus libre. Chacun s’ouvre à un frère en croyant que son écoute, peut-être sa parole, sera un appui et un rempart pour sa vie. Même si ce frère a aussi ses pauvretés et ses défauts. Le Seigneur désire faire son œuvre de salut avec nos pauvres moyens humains. Le croire toujours et encore, est notre force. Chacun peut se demander : où en suis-je dans l’exercice de l’ouverture du cœur ? Ai-je un lieu où je peux parler vraiment ? Si j’en n’ai pas, suis-je prêt à en chercher un, sur place ou à l’extérieur, en accord avec le P. Abbé ?
35. Le quatrième degré d'humilité est que, dans l'exercice même de l'obéissance, quand on se voit imposer des choses dures et contrariantes, voire des injustices de toute sorte, on embrasse la patience silencieusement dans la conscience,
36. et que, tenant bon, on ne se décourage ni ne recule, selon le mot de l'Écriture : « Celui qui persévérera jusqu'à la fin, celui-là sera sauvé. ;»
37. Et aussi : « Que ton cœur soit ferme ! Supporte le Seigneur. »
38. Et voulant montrer que le fidèle doit même supporter pour le Seigneur toutes les contrariétés, elle place ces paroles dans la bouche de ceux qui souffrent : « A cause de toi, nous sommes mis à mort chaque jour. On nous regarde comme des brebis de boucherie. »
39. Et sûrs de la récompense divine qu'ils espèrent, ils poursuivent en disant joyeusement : « Mais en tout cela, nous triomphons, à cause de celui qui nous a aimés. »
40. Et ailleurs, l'Écriture dit aussi : « Tu nous as éprouvés, ô Dieu, tu nous as fait passer par le feu, comme on fait passer au feu l'argent. Tu nous as fait tomber dans le filet. Tu nous as mis sur le dos des tribulations. »
41. Et pour montrer que nous devons être sous un supérieur, elle poursuit en ces termes : « Tu as fait chevaucher des hommes sur nos têtes. »
42. En outre, ils accomplissent le précepte du Seigneur par la patience dans les adversités et les injustices : frappés sur une joue, ils présentent aussi l'autre ; à qui ôte leur tunique, ils abandonnent aussi le manteau ; requis pour un mille, ils en font deux ;
43. avec l'Apôtre Paul, ils supportent les faux frères, et ils supportent la persécution et quand on les maudit, ils bénissent.
Il n’est pas rare d’associer la vie monastique au martyr, soit pour en souligner le lien historique qui associe souvent l’émergence du monachisme avec la fin des persécutions anti-chrétiennes, soit pour manifester combien la vie monastique est un témoignage radical de la foi. Le 4° degré que nous venons d’entendre illustre bien il me semble ce second aspect. La vie monastique comme martyr, non pas martyr par le sang versé, même si les martyrs de Tibbhirine nous en rappellent la possibilité comme pour toute forme de vie chrétienne, mais martyr par la patience. « On embrasse la patience silencieusement dans la conscience » … « Ils accomplissent le précepte du Seigneur par la patience dans les adversités et les injustices » Cette conviction n’est pas sans rappeler le prologue où St Benoit invite le moine à persévérer jusqu’à la mort, partageant ainsi « par la patience les souffrances du Christ ».
La patience dans les épreuves devient ici une manière de se donner, de continuer à aimer alors que tout est difficile, voire insupportable humainement. De même que le martyr de sang pour la confession de la foi ou pour la charité fait signe du Royaume en état d’enfantement, en train de naitre, de même le martyr par la patience associe étroitement à cette gestation du Royaume, comme en témoigne les allusions au discours de Jésus sur la montagne. Frappés sur une joue, ils présentent l’autre, à qui ôte leur tunique, ils abandonnent aussi le manteau… Autant de passages qui suggèrent que la justice du Royaume surpasse notre entendement humain spontané… « Si votre justice ne surpasse pas celle des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le Royaume des Cieux » (Mt 5, 20).
Ainsi st Benoit nous entraine-t-il loin, à partir de notre réalité la plus quotidienne, celle des relations fraternelles et des relations d’obéissance qui ne manquent pas, un jour ou l’autre, de nous confronter à des contrariétés, voire à des injustices. Bien sûr, il ne s’agit pas de faire l’apologie de l’injustice, car tout doit être fait pour les éviter. Mais la réalité humaine est ainsi faite qu’elle nous met toujours à l’épreuve. Sans rien faire d’extraordinaire, par la patience, il nous est donné un levier humain et spirituel fort pour faire progresser la justice du Royaume. Une patience qui nous purifie comme l’argent passé au feu, dégagé des scories du murmure, de l’amertume ou de la rancœur. Une patience que nous ne pouvons que rechercher et mendier pour la recevoir du Christ, le seul qui sût faire de la patience endurée dans la souffrance, un chemin de rédemption.
19. Quant à notre volonté propre, on nous interdit de la faire, quand l'Écriture nous dit : « Et détourne-toi de tes volontés. »
20. Et nous demandons aussi à Dieu, dans l'oraison, que sa volonté soit faite en nous.
21. Avec raison on nous enseigne donc de ne pas faire notre volonté, quand nous prenons garde à ce que dit l'Écriture : « Il est des voies qui paraissent droites aux hommes, et dont l'extrémité plonge au fond de l'enfer »,
22. et aussi quand nous redoutons ce qui est dit des négligents : « Ils se sont corrompus et rendus abominables dans leurs volontés. »
23. Dans les désirs de la chair, croyons que Dieu nous est toujours présent, puisque le prophète dit au Seigneur : « Devant toi sont tous mes désirs. »
24. Il faut donc se garder du désir mauvais, puisque « la mort est placée sur le seuil du plaisir. »
25. Aussi l'Écriture a-t-elle donné ce précepte : « Ne suis pas tes convoitises. »
26. Si donc « les yeux du Seigneur observent bons et méchants »,
27. si « le Seigneur, du haut du ciel, regarde sans cesse les enfants des hommes, pour voir s'il en est un qui soit intelligent et qui cherche Dieu »,
28. et si les anges commis à nous garder rapportent au Seigneur quotidiennement, jour et nuit, les actes que nous accomplissons,
29. il nous faut donc prendre garde à tout instant, frères, de peur que, comme dit le prophète dans un psaume, Dieu ne nous voie à un moment « dévier » vers le mal « et devenir mauvais »,
30. et qu'après nous avoir épargnés dans le temps présent, parce qu'il est bon et qu'il attend que nous nous convertissions à une vie meilleure, il ne nous dise dans le futur : « Tu as fait cela, et je me suis tu. »
Ces lignes de St Benoit ne sont pas des plus agréables à entendre, mettant en avant l’image d’un Dieu qui nous surplomberait de son regard omniscient. Cependant si on veut faire justice à ces textes anciens, il faut essayer d’y reconnaitre une pédagogie à l’œuvre, pédagogie qui n’est plus du tout de mise aujourd’hui. Si St Benoit garde la conviction que Dieu est bon et qu’il attend que nous nous convertissions, en filigrane, il nous faut donc entendre le désir de notre Dieu de nous voir accomplir notre vocation de fils de Dieu, unifiés en leurs désirs et volontés, dans l’accomplissement de sa Volonté.
Je crois que la question à nous poser en écoutant ce texte, est : quelle pédagogie pouvons-nous mettre en œuvre aujourd’hui, pour garder notre volonté et nos désirs éveillés ? Qu’est ce qui peut nous aider à affiner notre discernement intérieur pour éviter les pièges de notre volonté propre et de nos désirs qui nous conduiraient à l’oubli de Dieu ? Avec St Benoit, nous pouvons reconnaitre combien l’Ecriture qu’il convoque beaucoup en ces lignes, sera une lumière précieuse pour ce discernement. L’Ecriture, moins comme une compilation de références que comme une caisse de résonnance de la voix du Seigneur qui nous cherche. A travers toute l’Ecriture, reconnaitre cette voix d’un Père qui nous fait entendre son unique Volonté : nous voir partager sa vie, dans une communion plus étroite et avec lui, et avec nos frères. Si la voie peut paraitre étroite, si faire sa volonté peut nous coûter, c’est qu’en nous, il y a de l’étroitesse, et que la compréhension de notre liberté est souvent très limitée. Il nous faut du temps, et peut-être résistons-nous jusqu’au bout pour comprendre, que faire la volonté de notre Père nous libère et que lui obéir nous fait grandir.
Et au milieu de nos désirs, comment discerner pour éviter les pièges de la recherche de plaisirs qui ne nous rassasient pas ? Peut-être pouvons-nous prendre davantage appui sur toutes les fois où, face à une exigence, nous butons. Pourquoi je bute ? Pourquoi je n’ai pas envie de me laisser faire, pourquoi je cherche des compensations, pourquoi je me ferme aux paroles qui m’alertent ? Acceptons de nous tenir ainsi en vérité avec nous-même, et présentons toutes nos difficultés au Seigneur. Demandons-lui sa lumière. Confions-lui nos désirs pour qu’il nous aide à les ordonner à sa Volonté, Lui qui nous veut plus libre. Ne nous lassons pas de nous remettre sous son regard, pour accueillir de son Esprit, une plus juste compréhension de nous-mêmes.
10. Le premier degré d'humilité est donc que, plaçant toujours devant ses yeux la crainte de Dieu, on fuie tout à fait l'oubli,
11. et que l'on se souvienne toujours de tout ce que Dieu a prescrit, en repassant toujours dans son esprit de quelle façon la géhenne brûle à cause de leurs péchés ceux qui méprisent Dieu, ainsi que la vie éternelle qui est préparée pour ceux qui craignent Dieu.
12. Et se gardant à toute heure des péchés et des vices, à savoir ceux des pensées, de la langue, des mains, des pieds et de la volonté propre, ainsi que des désirs de la chair,
13. l'homme doit être persuadé que Dieu le regarde toujours du haut des cieux à tout instant, que le regard de la divinité voit ses actions en tout lieu et que les anges en font à toute heure le rapport.
14. C'est ce que le prophète nous fait voir, quand il montre Dieu toujours présent à nos pensées, en disant : « Dieu scrute les cœurs et les reins. »
15. Et encore : « Le Seigneur connaît les pensées des hommes. »
16. Et il dit encore : « Tu as compris mes pensées de loin. »
17. Et : « Car la pensée de l'homme s'ouvrira à toi. »
18. D'autre part, pour être attentif à veiller sur ses pensées perverses, le frère vertueux dira toujours dans son cœur : « Je ne serai sans tache devant lui que si je me tiens en garde contre mon iniquité. »
Premier degré d’humilité : se tenir sous la crainte de Dieu pour « fuir tout à fait l’oubli » et pour se « souvenir de ce que Dieu demande ». Il peut paraitre étonnant d’associer ainsi humilité et souvenir, mémoire des commandements de Dieu. St Benoit en fait pourtant le 1er degré de l’échelle. Peut-être ce premier degré met-il bien le doigt sur notre facilité à oublier… pour nous détourner de ce que nous savons être bon pour nous, ou pour abandonner ce que le Seigneur nous demande, pour mener notre vie à notre guise. Je pense au long psaume 77 que nous prions aux vigiles du jeudi. Le psalmiste, celui-là qui est appelé prophète dans l’évangile de Mt 13, 35, insiste auprès des fils d’Israël « pour qu’ils n’oublient pas les exploits du Seigneur, mais observent ses commandements » (Ps 77, 7). Il leur reproche plus loin de ne pas avoir « gardé l’alliance de Dieu » parce qu’ « ils avaient oublié ses exploits, les merveilles dont ils ont été témoins » (Ps 77, 11). Quand le Seigneur les frappe, les fils d’Israël le cherchent… alors ils « se souviennent que Dieu est leur rocher… » (Ps 77, 34-35). Et un peu plus loin : « De nouveau ils tentaient Dieu, ils attristaient le Saint d’Israël. Ils avaient oublié ce jour où sa main les sauva de l’adversaire » (Ps 77, 41-42). Ainsi ce psaume se présente-t-il comme un résumé de l’histoire d’Israël, où se conjuguent fidélité constante de Dieu et fréquentes infidélités d’Israël. Dans cette histoire tumultueuse entre Dieu et son peuple, l’oubli de Dieu apparait comme un élément déterminant. Tout se passe comme si pour Israël, garder le souvenir de Dieu, se rappeler ses commandements, tenir en mémoire son alliance lui coûtait. Il préférait oublier.
A la lumière de ce Ps 77, on peut comprendre que St Benoit fasse un lien fort entre humilité et souvenir de Dieu. C’est humilité de se tenir en alerte pour un autre, en éveil pour écouter sa parole. C’est humilité de prêter l’oreille à la Parole de Dieu… L’oublier nous arrange, nous laisse penser que nous sommes les seuls maitre à bord. Il y a en nous cette part qui résiste et pour ne pas être embêtée, elle oublie. Elle se grise peut-être dans de bonnes choses apparemment, les soucis de la vie quotidienne, le travail etc. Mais il y a une manière de nous donner dans l’activité qui n’est qu’une fuite pour oublier Dieu. Un peu à la manière de Jonas fuyant devant l’exigence d’aller annoncer la Parole de Dieu à Ninive. Nous pouvons demander la grâce de ne pas nous griser dans l’oubli, pour nous tenir humblement dans l’écoute et l’accueil de la volonté de Dieu, au jour le jour. Car Lui est là tout accueil et toute bonté offerte…
1. La divine Écriture, frères, nous proclame : « Quiconque s'élève sera humilié, et qui s'humilie sera élevé. »
2. En parlant ainsi, elle nous montre que toute élévation est une sorte d'orgueil.
3. Le prophète fait voir qu'il s'en garde, lorsqu'il dit : « Seigneur, mon cœur ne s'est pas élevé et mes yeux ne se sont pas levés. Je n'ai pas marché dans les grandeurs, ni dans des merveilles au-dessus de moi. »
4. Mais qu'arrivera-t-il, « si mes sentiments n'étaient pas humbles, si j'ai exalté mon âme ? Comme l'enfant sevré sur sa mère, ainsi tu traiteras mon âme. »
5. Aussi, frères, si nous voulons atteindre le sommet de la suprême humilité et si nous voulons parvenir rapidement à cette élévation céleste, à laquelle on monte par l'humilité de la vie présente,
6. il nous faut, pour la montée de nos actes, dresser cette échelle qui apparut en songe à Jacob, et sur laquelle il voyait des anges descendre et monter.
7. Cette descente et cette montée n'ont assurément pas d'autre signification, selon nous, sinon que l'élévation fait descendre et l'humilité monter.
8. Quant à l'échelle dressée, c'est notre vie ici-bas. Quand le cœur a été humilié, le Seigneur la dresse jusqu'au ciel.
9. D'autre part, les montants de cette échelle, nous disons que c’est notre corps et notre âme. Dans ces montants, l'appel divin a inséré différents degrés d'humilité et de bonne conduite, pour qu'on les gravisse.
L’humilité ressemble à un poisson qu’avec grand effort on a réussi à attraper. Et à peine croit-on l’avoir saisi qu’il nous glisse entre les mains et nous échappe de nouveau… Ou pour reprendre l’image de l’échelle, il nous faut beaucoup descendre en nous-mêmes, et puis nous surprendre à nous être exalté au-dessus de nous même pour redescendre de nouveau en nous-mêmes, avant de nous apercevoir que nous nous sommes de nouveau exaltés, mis en avant, situés comme si nous étions le tout…. Entre orgueil où nous nous élevons aveuglément et humilité où nous ouvrons un peu plus les yeux sur notre vérité profonde, nous oscillons comme en un mouvement de yoyo. Telle est notre condition de pécheur en cette vie, en quête de notre juste identité et positionnement, et devant nous-même et devant les autres et devant Dieu. En retrouvant ce long chapitre de la règle, nous sommes de nouveau conviés à chercher, à creuser ce mystère de l’humilité. Pourquoi cette obstination à creuser et à mieux comprendre ce qui nous échappe toujours ? Parce que St Benoit en fait comme le dynamisme spirituel fondamental de notre attention intérieure. Parce qu’il est précieux pour demeurer ouvert et à l’écoute de la parole et de l’œuvre de l’Esprit. Jamais satisfait, jamais arrivé, toujours en chemin, toujours en quête. Dans la vie monastique qui nous entraine vers une connaissance de soi plus grande, ce cap intérieur peut permettre de déjouer bien des pièges de l’orgueil, que ce soit ceux de l’enflure aveuglée « non je ne demanderai pas pardon », ou bien ceux du repli dépité sur soi « je suis trop nul » … Paradoxalement, l’humilité nous entraine à un déplacement continuel qui s’accompagne de surprise en surprise sur nous-même, mais aussi sur notre Dieu. Car loin d’être surplombant, et encore moins écrasant, notre Dieu nous dévoile son propre visage au fur et à mesure qu’il nous entraine vers notre propre vérité. En Jésus qui s’est abaissé pour nous rejoindre au plus près et pour nous sauver, nous apprenons combien l’humilité, loin d’être un auto-flagellation mortifère, est intimement liée au mouvement de l’amour. Elle est même une expression de l’amour divin. A la suite de Jésus, en lui emboitant le pas, il nous est proposé de faire nôtre cette manière d’aimer, de nous aimer nous-même avec nos faiblesses, nos failles, notre péché, d’aimer nos frères comme ils sont sans les juger, et d’aimer notre Dieu de nous approcher de Lui, sans crainte d’être jugé par Lui. En nous invitant à gravir les échelons de l’humilité, c’est-à-dire à descendre toujours plus dans notre vérité et dans celle de Dieu, St Benoit nous invite finalement à grandir dans l’amour, comme le révèlera le sommet de l’échelle.
1. Faisons ce que dit le prophète : « J'ai dit : je surveillerai mes voies, afin de ne pas pécher par ma langue. J'ai placé une garde devant ma bouche. Je me suis tu et j'ai été humilié et j'ai gardé le silence sur les choses bonnes. »
2. En ce passage, le prophète montre que, si l'on doit parfois renoncer à des paroles bonnes à cause de la taciturnité, à bien plus forte raison l'on doit s'interdire les discours mauvais à cause du châtiment qui frappe le péché.
3. Donc, même s'il s'agit de paroles bonnes, saintes et édifiantes, les disciples parfaits ne recevront que rarement la permission de parler, pour qu'ils gardent un silence plein de gravité,
4. car il est écrit : « En parlant beaucoup, tu n'éviteras pas le péché ;» ;;
5. et ailleurs : « Mort et vie sont au pouvoir de la langue. »
6. Car parler et enseigner convient au maître, se taire et écouter sied au disciple.
7. Aussi, lorsqu'on aura quelque chose à demander à un supérieur, on le demandera en toute humilité et respectueuse soumission.
Pas plus tard qu’hier, je parlais avec deux prêtres. Et chacun s’extasiait sur le silence à la PqV, celui de l’environnement comme celui perçu dans l’église. J’entendais à travers leur propos comme une sourde nostalgie de quelque chose qu’ils ne trouvaient pas dans leur vie citadine bruyante et bien remplie. Certainement, ne mesurons-nous plus bien la chance que nous avons de vivre dans le cadre qui est le nôtre. Le mardi matin, à la suite du f. Jacques, le f. Ambroise propose aux hôtes qui le veulent, une promenade en silence. Être ensemble pour habiter le silence, pour en faire un exercice plus conscient, pour en goûter tout le bienfait.
Ce petit exercice proposé aux hôtes nous rappelle qu’entre nous aussi, nous pouvons goûter et nous offrir ce silence. Ce silence est bienfaisant car il recrée quelque chose entre nous et en nous. Une sorte de stabilité intérieure et une force de communion entre nous. J’ai été frappé il y a quelques jours lorsque j’ai mis la table avec un petit groupe de frères. Chacun arrivait et faisait une tâche sans qu’il y ait besoin de parler. Sans trainer, mais aussi avec belle qualité, je ressentais une certaine allégresse à agir ainsi, avec efficacité, en compagnie de frères. Dans ce service, certes bien rôdé, pas besoin de paroles, sinon un mot pour une question ou pour s’ajuster. Je crois que nous avons avantage à cultiver de tels moments de silence entre nous. Ils sont des moments forts de communion, où chacun a le désir de servir, sans chercher à imposer son point de vue. Chacun se donne et s’ajuste aux autres. J’encourage les uns et les autres pour que nous n’ayons pas peur de nous offrir mutuellement de tel espace de silence, notamment durant le travail. Sans en faire un absolu, mais plutôt une vigilance pour éviter parfois les paroles inutiles qui veulent simplement occuper le terrain mais qui ne créé pas la communion. Nous moines, nous avons là un trésor sur lequel il nous faut veiller. Ne perdons pas de vue la valeur de ce silence qui nous fait entrer dans une autre qualité d’écoute. Ce sera l’écoute des résonances, d’une phrase de l’Ecriture qu’on rumine, d’un psaume, de la prière du Je vous Salue Marie… , l’écoute simplement de ce qui se vit autour de nous. Certes ce silence peut aussi nous faire entendre de manière plus forte les dissonances qui nous habitent. Il peut nous révéler plus fortement nos conflits intérieurs, nos cinémas ponctuels ou plus ou moins lancinants. Le silence n’est jamais sans combat. Nous sommes en chemin pour atteindre ce cœur égal et silencieux en nous, qui est heureux de se tenir en présence du Seigneur et des autres, tel qu’il est. Nous l’entrapercevons un jour, puis nous le perdons. Ne nous décourageons pas !
14. Mais cette obéissance elle-même ne sera agréable à Dieu et douce aux hommes, que si l'ordre est exécuté sans frayeur, sans lenteur, sans tiédeur ou murmure ni réponse négative,
15. car l'obéissance prêtée aux supérieurs, c'est à Dieu qu'elle s'adresse, puisqu'il a dit lui-même : « Qui vous écoute, m'écoute. »
16. Et les disciples doivent la prêter de bon gré, car « Dieu aime celui qui donne avec joie. »
17. En effet, si le disciple obéit contre son gré, et qu'il murmure non seulement oralement, mais même dans son cœur,
18. même s'il exécute l'ordre, ce ne sera pas pour autant agréé de Dieu, qui regarde son cœur murmurer.
19. Et pour une action de ce genre il n'obtient aucune faveur ; bien plus, il encourt la peine des murmurateurs, s'il ne se corrige en faisant satisfaction.
Obéir avec joie ou obéir en râlant ? Notre obéissance monastique n’a de sens que si nous la vivons avec joie. Si, dire cela n’exclue pas qu’il y ait parfois des moments plus laborieux, il demeure que la joie doit demeurer l’horizon de notre obéissance. Et pourquoi cela ? Pas seulement par recherche de notre épanouissement personnel, mais parce qu’il y va de l’honneur de Dieu qui appelle et de sa fidélité. En effet notre obéissance a à voir de manière étroite avec la réponse que nous donnons au Seigneur depuis le premier jour où il nous a fait signe pour entrer au monastère jusqu’à aujourd’hui. Depuis ce jour, nous sommes entrés dans une relation d’écoute particulière avec le Seigneur. Nous avons choisi de mettre son écoute, l’écoute de sa Parole, au cœur de notre vie. Nous sommes entrés dans un chemin d’alliance qui ouvre en nous peu à peu de nouvelles capacités de relation avec le Seigneur d’abord, mais aussi avec les autres. Le propre de la vie religieuse est de donner forme à cette relation d’écoute, de telle sorte que tous les aspects de notre existence humaine soient intégrés et unifiés dans cette dynamique. Le moine n’obéit pas à la cloche et à tous les exercices communautaires, pour ensuite faire ce qu’il veut et ne plus rien avoir à faire avec personne. Toutes les médiations que la vie monastique nous offre, de l’horaire, à la Règle jusqu’au supérieur, en passant par les frères, veulent être des pédagogues au service de cette progressive unification. Nos résistances à entrer dans cette dynamique, nos murmures peuvent parfois être fondés si nous avons mal vécus tel appel ou tel chose demandée de manière abusive ou injuste. Aussi la manière de nous signifier mutuellement cette obéissance, qui nous situe tantôt du côté de celui qui demande, tantôt du côté de celui qui répond reste fragile car liée à nos limites humaines. Ceci nous invite à l’humilité et à la prudence pour ne pas exalter une obéissance qui pourrait devenir ou être perçue comme un carcan. Vivre notre vie monastique comme une relation d’écoute ne peut aller s’approfondissant qu’à condition de prendre très au sérieux, et notre faiblesse et celle des autres. Elle oblige ceux qui ont des responsabilités, l’abbé en premier, a être le plus au clair possible vis-à-vis des raisons pour lesquelles ils demandent quelque chose. Il y a des manières de demander qui ne sont que des projections d’un mal-être personnel ou d’une vie communautaire idéale, et qui ne prennent pas du tout en compte le bien du frère et ses limites. Et pour celui qui accueille un appel, une demande, l’appel est là à ne pas trop vite se cabrer, pour apprendre à reconnaitre en lui le pourquoi de sa résistance, et que celle-ci n’est peut-être pas le tout ce qu’il est. L’obéissance qui creuse en nous l’attitude d’écoute est sans fin. Elle vient tous nous chercher pour nous emmener un peu plus loin dans la capacité à aimer, à nous donner.