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56. Le neuvième degré d'humilité est que le moine interdise à sa langue de parler et que, gardant le silence, il attende pour parler qu'on l'ait interrogé.
57. En effet, l'Écriture indique qu'« en parlant beaucoup, on n'évite pas le péché »,
58. et que « l'homme bavard ne marche pas droit sur la terre ».
Humilité et maitrise de la parole, ce 9° nous indique un lien explicite entre les deux.
Le moine humble interdit à sa langue de parler. Il se refuse au bavardage. On peut entendre ici
que le moine humble n'a pas le désir de faire parler de lui. Il n'éprouve pas le besoin de parler
pour montrer qu'il existe. Son assurance est ailleurs, elle n'est pas en lui, ni en ce qu'il peut
exprimer. Dans tout ce chapitre sur l'humilité, nous sommes invités finalement à chercher: où
est-ce que je mets mon assurance? Est-ce dans le désir de capter l'attention ou la
reconnaissance des autres par ma parole? Je sais parler et attirer les regards ... .j'en tire une
certaine fierté. J'ai le sentiment d'exister. Ou bien à l'inverse, est ce que je mets mon
assurance dans un certain mutisme. Je me réfugie derrière une certaine compréhension du
silence monastique, et je me tais plus par peur ou par retenue, que par une écoute véritable.
L'humilité n'est pas ni dans la propension aveugle à s'étaler, ni dans la retenue qui calcule.
Dans notre vie monastique, se taire ou parler est toujours une affaire de don. Dans le silence
comme dans la parole, je me donne. Je me donne à l'autre, à Dieu aussi, par mon silence qui
lui ouvre un espace. Je l'accueille vraiment en lui faisant une place dans ma vie, dans mon
cœur. J'accepte que ce qu'il dit, ce qu'il exprime trouve un écho en moi. De même quand je
parle, c'est pour me donner. Je ne cherche pas à briller ou à épater la galerie, mais je partage
quelque chose qui compte pour moi. Je me donne, mais je ne me mets pas non plus à nu. Je ne
veux pas imposer aux autres mon intimité, sauf dans l'ouverture du cœur ou une relation plus
proche. L'humilité de notre silence et de notre parole se jouera dans la qualité du don, dans la
qualité de notre présence aux autres.
Où est-ce que je mets mon assurance? Le moine humble se donne vraiment en son
silence et en sa parole, parce qu'il a mis son assurance en Dieu, et en ses frères, dans la
confiance qui l'accueillent tel qu'il est, non tel qu'il rêverait d'être reconnu. Oui, frères,
cultivons en nous-mêmes le désir d'être simple devant Dieu et devant nos frères, dans le
silence comme dans la parole. Nous sommes plus aimés dans notre pauvreté assumée que
dans nos images idéales rêvées.
55. Le huitième degré d'humilité est que le moine ne fasse rien qui ne se recommande de la règle commune du monastère et des exemples des supérieurs.
Ce 8° degré peut s'entendre comme la face positive des deux degrés précédents. Les
6°et 7° manifestaient l'humilité du moine qui apprend à renoncer à toute fausse image de soi,
dans une profonde acceptation de sa faiblesse et de ses limites. Ce 8° laisse apparaitre
1 'humilité du moine qui ne revendique rien pour lui-même sinon de faire ce que la règle
commune lui commande. Il n'a pas d'autres prétentions que de faire ce qu'on lui demande ou
de suivre les bons exemples de ses frères. Il ne trouve pas son assurance en lui-même, mais
dans la vie commune et dans la vie des frères.
A l'heure où l'on magnifie beaucoup l'originalité, la créativité et la nouveautéque
chacun est appelé à déployer, comment bien entendre ce 8° ? St Benoit ne nous invite pas à
être sans personnaliténi à entrer dans une soumission grégaire. Je crois qu'il nous invite à
recueillir la joie profonde qui se cache dans l'accueil de la vie donnée. Je n'invente pas ma vie
à chaque instant. Elle risquerait de devenir vite épuisante. J'accueille la vieà travers mille
gestes, mille paroles répétés chaque jour, selon des rites plus ou moins établis. Avec son
cadre, son horaire et ses pratiques, notre vie commune participe de ce même mouvement
structurant de notre vie humaine. Loin de me dépersonnaliser en faisant comme tout le
monde, je deviens cet être capable de vivre avec les autres et pour les autres. Je deviens un
peu plus moi-même en développant cette part sociale et communautaire de mon humanité.
J'élargis ma capacité à être, à être avec d'autres, par les autres et pour eux. Quand on arrive au
monastère, sije me souviens bien, j'étais frappé des attentions ou des prévenancesqu'on
pouvait avoir pour moi (tenir une porte, veiller à ce que je ne manque de rien à table, un billet
de fête, etc ... ). Dans le monde, je ne percevais pas que la vie quotidienne pouvait être aussi
chargée d'attentions. J'ai reçu ces marques fraternelles comme autant d'exemples d'anciens à
imiter.Ils me montraient quelque chose de désirable à vivre qui donne du bonheur. Ainsi,
notre vie commune, dans son apparente monotonie et dans l'obéissance concrète qu'elle
demande, nous rend plus sensibles à une qualité de présence aux autres dans les petites choses
du quotidien. Accepter d'entrer dans la banalité quotidienne est signe d'humilité. Je ne suis
pas le centre du monde qui invente ma vie à chaque instant. Et cette humilité devient
humanité de surcroitlorsqu'elle nous ouvre aux autres, ainsi qu'à l'épaisseur et à la beauté de
la réalité. Rendons grâce pour les trésors que recèlent dans sa simplicité notre vie monastique. - 02.06.2018 -
51. Le septième degré d'humilité est que, non content de déclarer avec sa langue qu'on est le dernier et le plus vil de tous, on le croie en outre dans l'intime sentiment de son cœur,
52. en s'humiliant et en disant avec le prophète : « Pour moi, je suis un ver et non un homme, l'opprobre des hommes et le rebut du peuple.
53. J'ai été exalté, humilié et confondu. »
54. Et aussi : « Il m'est bon que tu m'aies humilié, pour que j'apprenne tes commandements. »
Ce 7° degré nous pose problème! En effet nous sommes
habités par deux attitudes contraires. Soit nous nous sentons au-
dessous de tout, parce que nous avons été confrontés à l'échec, à
nos limites, à notre incompétence. Et alors nous croyons être
arrivés au t= degré d'humilité. Soit nous avons le désir de le vivre
par vertu. Mais dès que quelqu'un nous fait sentir qu'il nous voit
ainsi, nous devenons amers, et nous nous révoltons.
Le problème de l'humilité, c'est que ni les humiliations, ni la vertu,
ne suffisent pour qu'elle devienne réelle. Il ne suffit pas de tout
rater pour être humble, ni de le vouloir par vertu. Dans ces deux
cas, l'humilité n'est qu'un faux semblant. Je me souviens de l'un de
nos professeur, au studium, qui nous disait: « Je n'ai aucune
humilité, ni vrai, ni fausse ... » C'est sans doute cela l'humilité.
L'humilité n'est pas d'abord un regard négatif sur soi. Mais plutôt
un regard renouvelé sur mes frères. Elle ne consiste pas à se
déprécier soi-même, à se voir pire que ce que nous sommes. Non,
bien au contraire! L'humilité véritable, c'est de reconnaitre les
dons que Dieu nous fait, sans que nous y soyons pour rien. Et
surtout de nous émerveiller de ce que la grâce fait dans nos frères.
L'humilité n'est donc pas une force négative. Elle est une
puissance positive qui sait reconnaitre l'œuvre de Dieu. Elle a
toujours à voir avec la vérité. Sur nous-même et sur les autres.
La clé de l'humilité, c'est l'amour. Seul celui qui aime sait
reconnaitre la beauté de son frère. Seul celui qui aime voit au-delà
des apparences. Il discerne le don caché, le trésor dans le champ,
la perle rare qui fait de chacun de nos frères un trésor.
L'humilité, c'est d'abord un cœur qui aime. Et des yeux qui
s'ouvrent.
Le dernier verset de ce degré: « Il m'est bon que tu m'aies humilié,
pour que j'apprenne tes commandements» nous dit encore cela.
L'expérience de l'humiliation pardonnée, c'est la rencontre d'un
« je » et d'un « Tu ». L'irruption de Dieu dans notre vie. - 30/5/18 -
49. Le sixième degré d'humilité est que le moine se contente de tout ce qu'il y a de plus vil et de plus abject, et que, par rapport à tout ce qu'on lui commande, il se juge comme un ouvrier mauvais et indigne,
50. en se disant avec le prophète : « J'ai été réduit à néant et je n'ai rien su. J'ai été comme une bête brute auprès de toi et je suis toujours avec toi. »
Le 1 er degré d'humilité nous disait qu'il faut chercher à vivre sous
le regard de Dieu. Par amour pour le Christ, vouloir participer à sa
Passion: c'étaient le 2ème, 3ème et 4ème degré. Avoir des
rapports de Foi avec notre Père Spirituel: le 5eme. Nous allons
aborder maintenant un degré un peu rude.
Ce degré est celui de l'humble acceptation de soi. Il marque le
renversement le plus profond que puisse connaitre une existence
humaine. Le moine devient « action de grâces ». Jusque là, d'une
certaine manière, quand les choses n'allaient pas, nous cherchions
un coupable. C'était la faute, de la communauté, de l'époque que
nous vivons, du temps qu'il fait, ou bien de notre enfance, de nos
parents, de la chance que l'on ne nous a pas donnée ...
Et puis, un beau matin quelque chose finit par basculer. Le
problème n'est plus de chercher un coupable, des responsables.
Non, le problème est devenu beaucoup plus simple. Il s'agit
d'aimer, tout simplement ce qui est! Aimer le lieu et les frères,
comme ils sont. La communauté et le travail qui nous sont donnés.
Aimer aussi nos propres limites, et les dons reçus. Mais aussi nous
aimer tout simplement nous-mêmes. Parce que Dieu nous aime
ainsi. C'est Lui qui nous donne la Vie. Et nos frères aussi nous
aiment comme nous sommes.
Ce sixième degré, c'est la fin d'un rêve. La fin d'une tentation.
Celle de vouloir correspondre à une image de nous-même qui
nous empêche de nous accepter en vérité comme nous sommes.
Ce sixième degré, c'est le passage si important du rêve de soi, à
l'humble acceptation de soi. L'accueil simple et paisible de la
réalité.
Pour que notre vie bascule dans ce sixième degré, il faut souvent
bien des années. Avec leur cortège d'épreuves, de désillusions, de
révoltes. Mais cela vient un jour. A force d'amour et de patience,
Dieu finit toujours par nous conduire là. Les frères qui nous ont
quittés ces derniers temps étaient des exemples souvent lumineux
de ce parcours de vie qui conduit à la simplicité et à la joie. Ce
bonheur est plus beau que nos rêves. Un simple bonheur
d'homme. Car Dieu s'est incarné pour nous apprendre à devenir
vraiment homme. -29/5/18 -
44. Le cinquième degré d'humilité est que, par une humble confession, on ne cache à son abbé aucune des pensées mauvaises qui se présentent à son cœur, ni des mauvaises actions qu’on a commises en secret.
45. L'Écriture nous y exhorte en disant : « Révèle ta voie au Seigneur et espère en lui. »
46. Et elle dit aussi : « Confessez-vous au Seigneur, parce qu'il est bon, parce que sa miséricorde est à jamais. »
47. Et à son tour le prophète : « Je t'ai fait connaître mon délit et je n'ai pas dissimulé mes injustices.
48. J'ai dit : je m'accuserai de mes injustices devant le Seigneur, et tu as pardonné l'impiété de mon cœur. »
A la session d'Orval, sur l'ouverture du cœur, nous avons eu une conférence
du P. Césaire de Prad'Mill sur ce passage de la Règle. Prad'Mill est une
fondation de Lérins, en Italie. Ce que je vais dire est extrait des notes prises.
Ce 5ème degré d'humilité est un degré de passage: Passer de l'effort de
supporter les autres à l'effort de se supporter soi-même.
« Que, par une humble confession, on ne cache à son Abbé aucune des
pensées mauvaises qui se présentent à son cœur, ni des mauvaises actions
qu'on a commises en secret ». Ici, St Benoit ne dit pas: « révèle» mais: « ne
cache pas ». Ne fais pas comme Adam, qui s'est caché pour échapper au
regard de Dieu. Ne pas avoir honte de nos pauvretés, de nos limites. Le
chemin de la vie monastique est un chemin de retour vers Dieu. Dorothée de
Gaza disait: « Si Adam ne s'était pas caché, s'il s'était présenté nu devant
Dieu, Dieu lui aurait pardonné sa faute, Il l'aurait remis dans sa splendeur
première ». Mais Adam a déchargé sa faute sur Eve. Il n'a pas menti, mais il a
caché son propre péché.
La Règle ne parle pas seulement des actes mauvais, mais aussi des pensées
mauvaises. Ce domaine des pensées, c'est un domaine tellement complexe
que nous ne pouvons pas nous débrouiller seul. Il ne s'agit pas de faire
attention à toutes nos pensées: ce serait tomber dans le scrupule. Mais les
pensées mauvaises luttent contre notre désir de faire le bien. St Antoine
disait: « Ce qui peut nous délivrer de ces pensées, c'est l'humilité. » Il ne
s'agit pas de les exposer sur la place publique, mais de s'en ouvrir au Père
Spirituel. L'ouverture du cœur pour arriver à la pureté du cœur.
Dans un premier mouvement, la tentation n'est qu'une pensée, une simple
suggestion, et nous sommes tentés de dialoguer avec elle. Comme Eve. Mais
nous ne devons pas dialoguer avec ce qui est mauvais. La tentation nous
trompe, nous avons besoin d'aide pour discerner ce qui vient de l'Esprit de
Dieu, et ce qui vient du Mauvais. Laisser juger nos pensées par la doctrine de
l'Eglise. Nous sommes comme des mouches prises dans une toile
d'araignée: plus nous nous agitons, nous débattons, plus nous sommes
ligotés. Nous avons besoin de l'aide du Père Spirituel, et de sa prière. Lui peut
nous aider à discerner ce qui nous entraine loin de la Vérité. Dans l'ouverture
du cœur, on lutte contre la volonté propre, qui veut nous faire prendre un
chemin tordu. Le mur, ce sont les lèvres closes, la non ouverture. Dès que je
dis cette pensée qui me trouble, je lui donne sa vraie dimension. Le but de
l'humilité n'est pas de nous abaisser, mais de rendre gloire à Dieu.
Et nous ne devons pas oublier non plus que ces tentations nous sont utiles.
Evagre disait: « Enlève les tentations, et plus personne ne sera sauvé. » Les
tentations nous mettent devant un choix. Dans notre vie nous devons préférer
l'amour du Christ. - 26/5/18 -
38. Et voulant montrer que le fidèle doit même supporter pour le Seigneur toutes les contrariétés, elle place ces paroles dans la bouche de ceux qui souffrent : « A cause de toi, nous sommes mis à mort chaque jour. On nous regarde comme des brebis de boucherie. »
39. Et sûrs de la récompense divine qu'ils espèrent, ils poursuivent en disant joyeusement : « Mais en tout cela, nous triomphons, à cause de celui qui nous a aimés. »
40. Et ailleurs, l'Écriture dit aussi : « Tu nous as éprouvés, ô Dieu, tu nous as fait passer par le feu, comme on fait passer au feu l'argent. Tu nous as fait tomber dans le filet. Tu nous as mis sur le dos des tribulations. »
41. Et pour montrer que nous devons être sous un supérieur, elle poursuit en ces termes : « Tu as fait chevaucher des hommes sur nos têtes. »
42. En outre, ils accomplissent le précepte du Seigneur par la patience dans les adversités et les injustices : frappés sur une joue, ils présentent aussi l'autre ; à qui ôte leur tunique, ils abandonnent aussi le manteau ; requis pour un mille, ils en font deux ;
43. avec l'Apôtre Paul, ils supportent les faux frères, et ils supportent la persécution et quand on les maudit, ils bénissent.
La fin de ce quatrième degré d'humilité ressemble un peu à une descente en
enfer! En effet, St Benoit compare le moine à une brebis d'abattoir, à l'argent
purifié au feu, à l'homme pris au piège, écrasé par des fardeaux accablants. Il
voit deux causes à cette situation: les supérieurs mis à notre tête, et les faux
frères, qui nous maudissent et disent du mal de nous.
Ici, St Benoit s'adresse à nous, quand nous sommes dans la tempête, quand
elle nous assaille de toutes parts. Quand elle nous fait gémir et grincer,
comme un bateau qui va couler. Il s'agit de ce sentiment d'incompréhension.
Lorsque nous avons l'impression que le monde entier se ligue contre nous.
Que rien ne nous réussit. Qu'au bout de toutes nos entreprises il y a toujours
l'échec. St Benoit veut nous aider quand nous nous sentons méconnu,
incompris, dénigrés par nos frères et même par nos supérieurs. la vie de Frère
Roger entendue au réfectoire nous montre que ces moments difficiles
existent. Pour un frère, et même pour une communauté.
Le risque, c'est l'amertume. Lorsque le piège semble se refermer sur nous. St
Benoit nous dévoilera l'issue de cette situation dans le degré suivant. La sortie
du piège, c'est l'ouverture de son cœur. Pour le moment, il s'agit de nous
taire, de garder silence, de supporter. Car nous ne pouvons rien faire de plus.
Vivre l'instant présent, car nous ne pouvons pas en supporter davantage.
Nous pouvons alors être tentés par l'amertume, et même par le murmure.
Nous retourner contre nos frères, contre nos supérieurs. Mais ce serait nous
tromper de cible. Dans cette position, le pardon nous semble impossible. Tout
ce que nous pouvons faire, c'est durer, attendre dans la nuit. Croire que ce
champ de bataille, cette dévastation, est permise par Dieu. Voilà le lieu que
Dieu a choisi pour se révéler à nous. Il veut nous reconstruire à sa
ressemblance.
C'est le moment de nous écrier, comme David, « Qui suis-je donc,
Seigneur? » David ne dit pas: « Seigneur, je ne suis rien. » Son cri a la forme
d'une interrogation. C'est un cri de désarroi et d'incompréhension. C'est le
mystère que chacun de nous est pour lui-même. Nous sommes à l'image et à
la ressemblance de Dieu. Nous sommes bien plus grands que ce que nous
imaginons. Ce que Dieu a détruit, ce sont nos rêves de gloire, de réussite, de
réalisation humaine.
Le grand paradoxe de l'humilité, c'est de découvrir avec stupeur que nous
sommes infiniment plus grands que ce petit « ego» auquel nous nous
accrochons. L'homme passe infiniment l'homme. « Car tu as du prix à mes
yeux, et je t'aime », nous dit Dieu en Isaïe. (Is 43/4) -25 Mai 18 -
35. Le quatrième degré d'humilité est que, dans l'exercice même de l'obéissance, quand on se voit imposer des choses dures et contrariantes, voire des injustices de toute sorte, on embrasse la patience silencieusement dans la conscience,
36. et que, tenant bon, on ne se décourage ni ne recule, selon le mot de l'Écriture : « Celui qui persévérera jusqu'à la fin, celui-là sera sauvé. ;»
37. Et aussi : « Que ton cœur soit ferme ! Supporte le Seigneur. »
Ce matin, je fais volontiers le lien entre ce 4 0 d'humilité et le temps ordinaire que
nous reprenons, après les festivités pascales conclues par la Pentecôte. St Benoit insiste sur la
patience embrassée silencieusement dans les choses dures et contrariantes, sans se décourager
ni reculer. Dans la seconde lecture de la Pentecôte, nous entendions Paul nous dire que la
patience était un fruit de l'Esprit Saint, au côté de la douceur, de l'amour, de la fidélité et de la
maitrise de soi. De façon très consonante au terme de ce chapitre, Benoit dira que l'amour
auquel parvient le moine humble est une œuvre de l'Esprit Saint. Oui, avec ce temps ordinaire
qui recommence, nous entrons, sous la conduite de l'Esprit, dans la vie simple et quotidienne
qui requiert notre patience et notre persévérance. Patience et persévérance dans
l'accomplissement de notre service liturgique qui peut peser à certains jours. Patience et
persévérance pour demeurer fidèle dans la justesse de nos relations et dans notre vie donnée
au Seigneur. Patience et persévérance pour traverser les épines de discordes dans la maitrise
de soi et la paix, sans se laisser démonter. J'entendais quelqu'un dire il y a peu que la vie
monastique était un « martyr à petit feu». Si on a pu dire qu'en son origine la vie monastique
est née alors que s'achevait la période des persécutions contre les chrétiens, le lien entre
martyr et vie monastique est suggestif. En effet, les premiers chrétiens ont été des martyrs, des
témoins, non pas tant parce qu'ils ont souffert des tortures plus ou moins effrayantes, mais
parce qu'ils ont persévéré dans leur foi jusqu'au bout, jusqu'à la mort. Dans leur propos, les
moines ne poursuivent pas d'autres buts: celui de persévérer jusqu'au bout, jusqu'à la mort
dans une vie donnée et redonnée au Seigneur et aux frères chaque jour. Cette vie exigeante
qu'est la nôtre n'est pas une vie de torture. Nous ne sommes pas masochistes. Cependant à
certains jours, cette vie est rude et âpre parce que, comme les premiers martyrs, on choisit de
la remettre à un autre, au Seigneur, à travers l'obéissance et la vie commune. On choisit de ne
plus s'appartenir à soi-même. Voilà qui nous associe aux martyrs des premiers siècles et de
toujours. En ce début de temps ordinaire, au gré des activités quotidiennes, retrouvons ce sens
de la patience et de la persévérance. Elles nous apprendront à porter le poids du jour d'une
manière paisible qui pourra faire signe de l'espérance qui nous habite. Notre vie présente
parlera de la vie à venir. - 22.05.2018 -
34. Le troisième degré d'humilité est que, pour l'amour de Dieu, on se soumette au supérieur en toute obéissance, imitant le Seigneur, dont l'Apôtre dit : « S'étant fait obéissant jusqu'à la mort. »
« Qu'on se soumette au supérieur en toute obéissance, imitant le Seigneur» ... Imitant
le Seigneur. Par 4 fois dans la Règle, Benoît exhorte à imiter le Seigneur Jésus ou ses paroles.
Dans trois cas, cela concerne l'obéissance, une fois au chapitre 5 et deux fois dans ce chapitre
7 et le dernier cas concerne l'abbé, appelé à imiter le bon pasteur dans son zèle pour aller
chercher la brebis égarée ...
Dans la vie chrétienne, il n'y a qu'un modèle c'est le Christ. .. Lui seul mérite que
nous essayons de conformer notre vie à la sienne et lui seu:,peut nous permettre de le faire par
le don de l'Esprit. Et ce n'est pas un hasard, si par 3 fois dans la Règle, Benoît invite à imiter
le Christ en son obéissance. En situant là, le lieu de notre imitation du Christ, elle nous place
au cœur de sa vie et au cœur de sa relation avec le Père. Il ne s'agit pas de vouloir imiter le
Christ en ses belles actions, en son charisme prophétique ou en ses capacités d'orateur. Non,
chacun peut rejoindre le Christ en son mystère le plus intime, à travers l'obéissance. C'est là
qu'Il vit en son être de Fils totalement tourné vers le Père et totalement donné pour faire sa
volonté. C'est là que chacun de nous peut grandir dans sa dignité d'enfant de Dieu, de fils du
Père, en devenant, peu à peu, nous aussi capable d'obéir et de nous donner pour faire sa
volonté. En ce 3° degré, Benoit précise qu'on imite le Christ «pour l'amour de Dieu».
L'amour de Dieu est déjà répandu dans nos cœurs par l'Esprit Saint qui nous a été donné.
Déjà, avec sa force, nous pouvons vivre quelque chose de cette intimité de Jésus pour son
Père. Modestement à notre place, mais réellement. La vie monastique qui est concrète nous
offre des repères pour incarner l'obéissance filiale à la suite du Christ. A travers l'obéissance
rendue au supérieur, chacun peut entrer dans ce mouvement de dépendance aimante vis à vis
du Père, mais aussi chaque fois que nous nous obéissons entre frères, ou plus simplement par
l'obéissance à nos coutumes communautaires ... Tous ces moyens concrets veulent nous
établir dans une disponibilité de cœur aimante à l'égard de notre Père des Cieux, en Jésus, par
l'Esprit Saint. - 18.05.2018 -
31. Le second degré d'humilité est que, n'aimant pas sa volonté propre, on ne se complaise pas dans l'accomplissement de ses désirs,
32. mais qu'on imite dans sa conduite cette parole du Seigneur disant ;: « Je ne suis pas venu faire ma volonté, mais celle de celui qui m'a envoyé. ;»
« Le 2d degré est que n'aimant pas sa volonté propre, on ne se complaise pas dans
l'accomplissement de ses désirs .... » Est-il possible de ne pas avoir de volonté propre? St
Benoit ne nous demande pas ici de ne pas avoir de volonté propre. Il sait bien que chacun de
nous a une volonté avec laquelle il s'engage dans des choix petits ou grands, avec plus ou
moins de liberté. Etre humble ne consiste pas à renier sa volonté, mais à ne pas l'aimer et à ne
pas se complaire dans l'accomplissement de ses désirs. Le 2d degré nous invite à un choix,
celui de décider de ne pas donner la première place à notre volonté propre, ni à faire de
l'accomplissement de nos désirs la priorité ... Celui qui est humble a intégré ce choix. Il fait
passer la volonté de Dieu avant la sienne propre. Il cherche à accorder sa volonté à celle de
Dieu. Il prend pour modèle le Seigneur Jésus qui disait: « .le ne suis pas venu faire ma
volonté, mais celle de celui qui m'a envoyé ». L'homme humble ressemblant de plus en plus à
Jésus devient paradoxalement un homme universel, accessible à tous, ouvert à tout homme
rencontré, comme le Maitre de Galilée. N'étant pas attaché à lui-même, mais à celui qui
l'envoie, il rejoint tout le monde sans prétention. Je pense ici au Père de Foucauld qui a
cherché à être le frère universel de tous, au cœur du désert. Parmi les Touaregs, partageant
leur vie et leur culture, dans la pauvreté, il se faisait proche de tous. Même les plus aisés, les
français colons de l'époque aimaient sa compagnie et remarquaient sa belle distinction,
cachée sous l'apparente pauvreté.
Au sein du monastère, dans le microcosme que représente une communauté
monastique avec sa grande diversité, le moine humble est appelé à devenir ce frère universel
qui fait sa place à chacun, parce qu'il n'est pas préoccupé d'assurer la sienne. La vie
fraternelle est une belle école d'humilité. Ecole éprouvante car elle nous surprend souvent en
flagrant délit de préoccupation excessive de nous-mêmes, de nos soucis, de nos travaux,
comme si les autres n'existaient pas vraiment ... Comment me décentrer de moi-même afin de
regarder l'autre pour lui-même? Comment ne chercher pas mon intérêt en voulant
absolument me préserver du temps, des facilités ou des avantages ... ? Pour mieux regarder
nos frères, contemplons Jésusqui est complètement décentré de lui-même. Demandons-lui la
grâce d'être comme lui préoccupé de faire la volonté du Père.
- 17.05.2018 -
23. Dans les désirs de la chair, croyons que Dieu nous est toujours présent, puisque le prophète dit au Seigneur : « Devant toi sont tous mes désirs. »
24. Il faut donc se garder du désir mauvais, puisque « la mort est placée sur le seuil du plaisir. »
25. Aussi l'Écriture a-t-elle donné ce précepte : « Ne suis pas tes convoitises. »
26. Si donc « les yeux du Seigneur observent bons et méchants »,
27. si « le Seigneur, du haut du ciel, regarde sans cesse les enfants des hommes, pour voir s'il en est un qui soit intelligent et qui cherche Dieu »,
28. et si les anges commis à nous garder rapportent au Seigneur quotidiennement, jour et nuit, les actes que nous accomplissons,
29. il nous faut donc prendre garde à tout instant, frères, de peur que, comme dit le prophète dans un psaume, Dieu ne nous voie à un moment « dévier » vers le mal « et devenir mauvais »,
30. et qu'après nous avoir épargnés dans le temps présent, parce qu'il est bon et qu'il attend que nous nous convertissions à une vie meilleure, il ne nous dise dans le futur : « Tu as fait cela, et je me suis tu. »
« Vivre en présence de Dieu» : n'est-ce pas une manière de résumer ce premier degré
de l'humilité dont nous achevons aujourd'hui la lecture? Dieu est. Il est là. Il est toujours
éternellement présent, et à Lui-même et à toute sa création. Dire qu'il nous regarde, comme St
Benoit le suggère, veut moins signifier qu'il épie nos actes ou qu'il nous surveille, mais
davantage qu'il est présent à tout ce que nous sommes, s'il est vraiment Dieu. Nous ses
créatures, sorties de sa main, nous n'existons qu'en lui. Nous sommes enveloppés de sa
bienveillance, et soutenus par son action créatrice qui ne cesse de se prolonger à travers nous.
Rien de notre vie humaine n'échappe à son oeuvre vivifiante. Nous couper de lui, c'est nous
couper d'une source vitale. Il y a une dizaine de jours, l'image évangélique de la vigne et des
sarments, nous suggérait un lien étroit et essentiel entre le Christ et chacun de ses disciples.
Séparés de la vigne, les sarments dépérissent. Par cet enseignement, Jésus laisse entendre
combien la relation qui l'unit à son disciple est profonde et capitale. Au disciple, il est
seulement demandé de demeurer, de rester attaché à la vigne. Rien d'autre. A notre tour, il
s'agit d'être. D'être là en laissant la sève de la vigne nous apporter la vie et nous vivifier.
Dieu est là. Jésus vivant est là. Il nous propose d'être là sous son regard, attaché à sa parole,
uni à son souffle. Nos pensées, notre volonté, nos désirs trouveront peu à peu un nouveau
point d'attraction. Non plus la satisfaction par nous-mêmes de nos plaisirs immédiats, mais
l'ouverture à Dieu qui est là, qui connait nos besoins, et qui va en prendre soin. Nous quittons
la peur d'être seul et l'illusion de devoir nous débrouiller par nous-mêmes. Dieu est là qui
veille. Demeurer en lui, n'est pas une chose statique, mais au contraire très dynamique. C'est
apprendre à rester en sa présence au gré des évènements, des paroles entendues ou des
rencontres. A travers notre quotidien, il nous donne rendez-vous avec lui, autant qu'avec
nous-mêmes et avec les autres. Peut-être avez-vous déjà fait cette expérience de répondre à un
frère, qui veut vous dire quelque chose, que vous êtes pressés et que vous n'avez pas le temps
maintenant de l'entendre. Mais quelques instants après, vous réalisez que votre rendez-vous
initial a pris du retard et que vous auriez très bien pu vous arrêter pour écouter le premier
frère, au moins pour recueillir sa question ... N'en est-il pas souvent ainsi: nous sommes
conviés à être présents à tout ce qui survient. Dieu est là qui s'invite à l'improviste.
Apprenons à lui faire bon accueil, à demeurer en lui en toute chose. - 16.05.2018 -