vendredi 3 octobre 2025 : journée de solitude pour la communauté, messe vers 6h45 après Laudes.

Commentaires sur la Règle



Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07, 56-58 de l'humilité écrit le 05 juin 2018
Verset(s) :

56. Le neuvième degré d'humilité est que le moine interdise à sa langue de parler et que, gardant le silence, il attende pour parler qu'on l'ait interrogé.

57. En effet, l'Écriture indique qu'« en parlant beaucoup, on n'évite pas le péché »,

58. et que « l'homme bavard ne marche pas droit sur la terre ».

Commentaire :

Humilité et maitrise de la parole, ce 9° nous indique un lien explicite entre les deux.

Le moine humble interdit à sa langue de parler. Il se refuse au bavardage. On peut entendre ici

que le moine humble n'a pas le désir de faire parler de lui. Il n'éprouve pas le besoin de parler

pour montrer qu'il existe. Son assurance est ailleurs, elle n'est pas en lui, ni en ce qu'il peut

exprimer. Dans tout ce chapitre sur l'humilité, nous sommes invités finalement à chercher: où

est-ce que je mets mon assurance? Est-ce dans le désir de capter l'attention ou la

reconnaissance des autres par ma parole? Je sais parler et attirer les regards ... .j'en tire une

certaine fierté. J'ai le sentiment d'exister. Ou bien à l'inverse, est ce que je mets mon

assurance dans un certain mutisme. Je me réfugie derrière une certaine compréhension du

silence monastique, et je me tais plus par peur ou par retenue, que par une écoute véritable.

L'humilité n'est pas ni dans la propension aveugle à s'étaler, ni dans la retenue qui calcule.

Dans notre vie monastique, se taire ou parler est toujours une affaire de don. Dans le silence

comme dans la parole, je me donne. Je me donne à l'autre, à Dieu aussi, par mon silence qui

lui ouvre un espace. Je l'accueille vraiment en lui faisant une place dans ma vie, dans mon

cœur. J'accepte que ce qu'il dit, ce qu'il exprime trouve un écho en moi. De même quand je

parle, c'est pour me donner. Je ne cherche pas à briller ou à épater la galerie, mais je partage

quelque chose qui compte pour moi. Je me donne, mais je ne me mets pas non plus à nu. Je ne

veux pas imposer aux autres mon intimité, sauf dans l'ouverture du cœur ou une relation plus

proche. L'humilité de notre silence et de notre parole se jouera dans la qualité du don, dans la

qualité de notre présence aux autres.

Où est-ce que je mets mon assurance? Le moine humble se donne vraiment en son

silence et en sa parole, parce qu'il a mis son assurance en Dieu, et en ses frères, dans la

confiance qui l'accueillent tel qu'il est, non tel qu'il rêverait d'être reconnu. Oui, frères,

cultivons en nous-mêmes le désir d'être simple devant Dieu et devant nos frères, dans le

silence comme dans la parole. Nous sommes plus aimés dans notre pauvreté assumée que

dans nos images idéales rêvées.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07, 55 De l'humilité écrit le 02 juin 2018
Verset(s) :

55. Le huitième degré d'humilité est que le moine ne fasse rien qui ne se recommande de la règle commune du monastère et des exemples des supérieurs.

Commentaire :

Ce 8° degré peut s'entendre comme la face positive des deux degrés précédents. Les

6°et 7° manifestaient l'humilité du moine qui apprend à renoncer à toute fausse image de soi,

dans une profonde acceptation de sa faiblesse et de ses limites. Ce 8° laisse apparaitre

1 'humilité du moine qui ne revendique rien pour lui-même sinon de faire ce que la règle

commune lui commande. Il n'a pas d'autres prétentions que de faire ce qu'on lui demande ou

de suivre les bons exemples de ses frères. Il ne trouve pas son assurance en lui-même, mais

dans la vie commune et dans la vie des frères.

A l'heure où l'on magnifie beaucoup l'originalité, la créativité et la nouveautéque

chacun est appelé à déployer, comment bien entendre ce 8° ? St Benoit ne nous invite pas à

être sans personnaliténi à entrer dans une soumission grégaire. Je crois qu'il nous invite à

recueillir la joie profonde qui se cache dans l'accueil de la vie donnée. Je n'invente pas ma vie

à chaque instant. Elle risquerait de devenir vite épuisante. J'accueille la vieà travers mille

gestes, mille paroles répétés chaque jour, selon des rites plus ou moins établis. Avec son

cadre, son horaire et ses pratiques, notre vie commune participe de ce même mouvement

structurant de notre vie humaine. Loin de me dépersonnaliser en faisant comme tout le

monde, je deviens cet être capable de vivre avec les autres et pour les autres. Je deviens un

peu plus moi-même en développant cette part sociale et communautaire de mon humanité.

J'élargis ma capacité à être, à être avec d'autres, par les autres et pour eux. Quand on arrive au

monastère, sije me souviens bien, j'étais frappé des attentions ou des prévenancesqu'on

pouvait avoir pour moi (tenir une porte, veiller à ce que je ne manque de rien à table, un billet

de fête, etc ... ). Dans le monde, je ne percevais pas que la vie quotidienne pouvait être aussi

chargée d'attentions. J'ai reçu ces marques fraternelles comme autant d'exemples d'anciens à

imiter.Ils me montraient quelque chose de désirable à vivre qui donne du bonheur. Ainsi,

notre vie commune, dans son apparente monotonie et dans l'obéissance concrète qu'elle

demande, nous rend plus sensibles à une qualité de présence aux autres dans les petites choses

du quotidien. Accepter d'entrer dans la banalité quotidienne est signe d'humilité. Je ne suis

pas le centre du monde qui invente ma vie à chaque instant. Et cette humilité devient

humanité de surcroitlorsqu'elle nous ouvre aux autres, ainsi qu'à l'épaisseur et à la beauté de

la réalité. Rendons grâce pour les trésors que recèlent dans sa simplicité notre vie monastique. - 02.06.2018 -

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 07, 51-54 De l'humilité écrit le 30 mai 2018
Verset(s) :

51. Le septième degré d'humilité est que, non content de déclarer avec sa langue qu'on est le dernier et le plus vil de tous, on le croie en outre dans l'intime sentiment de son cœur,

52. en s'humiliant et en disant avec le prophète : « Pour moi, je suis un ver et non un homme, l'opprobre des hommes et le rebut du peuple.

53. J'ai été exalté, humilié et confondu. »

54. Et aussi : « Il m'est bon que tu m'aies humilié, pour que j'apprenne tes commandements. »

Commentaire :

Ce 7° degré nous pose problème! En effet nous sommes

habités par deux attitudes contraires. Soit nous nous sentons au-

dessous de tout, parce que nous avons été confrontés à l'échec, à

nos limites, à notre incompétence. Et alors nous croyons être

arrivés au t= degré d'humilité. Soit nous avons le désir de le vivre

par vertu. Mais dès que quelqu'un nous fait sentir qu'il nous voit

ainsi, nous devenons amers, et nous nous révoltons.

Le problème de l'humilité, c'est que ni les humiliations, ni la vertu,

ne suffisent pour qu'elle devienne réelle. Il ne suffit pas de tout

rater pour être humble, ni de le vouloir par vertu. Dans ces deux

cas, l'humilité n'est qu'un faux semblant. Je me souviens de l'un de

nos professeur, au studium, qui nous disait: « Je n'ai aucune

humilité, ni vrai, ni fausse ... » C'est sans doute cela l'humilité.

L'humilité n'est pas d'abord un regard négatif sur soi. Mais plutôt

un regard renouvelé sur mes frères. Elle ne consiste pas à se

déprécier soi-même, à se voir pire que ce que nous sommes. Non,

bien au contraire! L'humilité véritable, c'est de reconnaitre les

dons que Dieu nous fait, sans que nous y soyons pour rien. Et

surtout de nous émerveiller de ce que la grâce fait dans nos frères.

L'humilité n'est donc pas une force négative. Elle est une

puissance positive qui sait reconnaitre l'œuvre de Dieu. Elle a

toujours à voir avec la vérité. Sur nous-même et sur les autres.

La clé de l'humilité, c'est l'amour. Seul celui qui aime sait

reconnaitre la beauté de son frère. Seul celui qui aime voit au-delà

des apparences. Il discerne le don caché, le trésor dans le champ,

la perle rare qui fait de chacun de nos frères un trésor.

L'humilité, c'est d'abord un cœur qui aime. Et des yeux qui

s'ouvrent.

Le dernier verset de ce degré: « Il m'est bon que tu m'aies humilié,

pour que j'apprenne tes commandements» nous dit encore cela.

L'expérience de l'humiliation pardonnée, c'est la rencontre d'un

« je » et d'un « Tu ». L'irruption de Dieu dans notre vie. - 30/5/18 -

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 07, 49-50 De l'humilité écrit le 29 mai 2018
Verset(s) :

49. Le sixième degré d'humilité est que le moine se contente de tout ce qu'il y a de plus vil et de plus abject, et que, par rapport à tout ce qu'on lui commande, il se juge comme un ouvrier mauvais et indigne,

50. en se disant avec le prophète : « J'ai été réduit à néant et je n'ai rien su. J'ai été comme une bête brute auprès de toi et je suis toujours avec toi. »

Commentaire :

Le 1 er degré d'humilité nous disait qu'il faut chercher à vivre sous

le regard de Dieu. Par amour pour le Christ, vouloir participer à sa

Passion: c'étaient le 2ème, 3ème et 4ème degré. Avoir des

rapports de Foi avec notre Père Spirituel: le 5eme. Nous allons

aborder maintenant un degré un peu rude.

Ce degré est celui de l'humble acceptation de soi. Il marque le

renversement le plus profond que puisse connaitre une existence

humaine. Le moine devient « action de grâces ». Jusque là, d'une

certaine manière, quand les choses n'allaient pas, nous cherchions

un coupable. C'était la faute, de la communauté, de l'époque que

nous vivons, du temps qu'il fait, ou bien de notre enfance, de nos

parents, de la chance que l'on ne nous a pas donnée ...

Et puis, un beau matin quelque chose finit par basculer. Le

problème n'est plus de chercher un coupable, des responsables.

Non, le problème est devenu beaucoup plus simple. Il s'agit

d'aimer, tout simplement ce qui est! Aimer le lieu et les frères,

comme ils sont. La communauté et le travail qui nous sont donnés.

Aimer aussi nos propres limites, et les dons reçus. Mais aussi nous

aimer tout simplement nous-mêmes. Parce que Dieu nous aime

ainsi. C'est Lui qui nous donne la Vie. Et nos frères aussi nous

aiment comme nous sommes.

Ce sixième degré, c'est la fin d'un rêve. La fin d'une tentation.

Celle de vouloir correspondre à une image de nous-même qui

nous empêche de nous accepter en vérité comme nous sommes.

Ce sixième degré, c'est le passage si important du rêve de soi, à

l'humble acceptation de soi. L'accueil simple et paisible de la

réalité.

Pour que notre vie bascule dans ce sixième degré, il faut souvent

bien des années. Avec leur cortège d'épreuves, de désillusions, de

révoltes. Mais cela vient un jour. A force d'amour et de patience,

Dieu finit toujours par nous conduire là. Les frères qui nous ont

quittés ces derniers temps étaient des exemples souvent lumineux

de ce parcours de vie qui conduit à la simplicité et à la joie. Ce

bonheur est plus beau que nos rêves. Un simple bonheur

d'homme. Car Dieu s'est incarné pour nous apprendre à devenir

vraiment homme. -29/5/18 -

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 07, 44-48 De l'humilité écrit le 26 mai 2018
Verset(s) :

44. Le cinquième degré d'humilité est que, par une humble confession, on ne cache à son abbé aucune des pensées mauvaises qui se présentent à son cœur, ni des mauvaises actions qu’on a commises en secret.

45. L'Écriture nous y exhorte en disant : « Révèle ta voie au Seigneur et espère en lui. »

46. Et elle dit aussi : « Confessez-vous au Seigneur, parce qu'il est bon, parce que sa miséricorde est à jamais. »

47. Et à son tour le prophète : « Je t'ai fait connaître mon délit et je n'ai pas dissimulé mes injustices.

48. J'ai dit : je m'accuserai de mes injustices devant le Seigneur, et tu as pardonné l'impiété de mon cœur. »

Commentaire :

A la session d'Orval, sur l'ouverture du cœur, nous avons eu une conférence

du P. Césaire de Prad'Mill sur ce passage de la Règle. Prad'Mill est une

fondation de Lérins, en Italie. Ce que je vais dire est extrait des notes prises.

Ce 5ème degré d'humilité est un degré de passage: Passer de l'effort de

supporter les autres à l'effort de se supporter soi-même.

« Que, par une humble confession, on ne cache à son Abbé aucune des

pensées mauvaises qui se présentent à son cœur, ni des mauvaises actions

qu'on a commises en secret ». Ici, St Benoit ne dit pas: « révèle» mais: « ne

cache pas ». Ne fais pas comme Adam, qui s'est caché pour échapper au

regard de Dieu. Ne pas avoir honte de nos pauvretés, de nos limites. Le

chemin de la vie monastique est un chemin de retour vers Dieu. Dorothée de

Gaza disait: « Si Adam ne s'était pas caché, s'il s'était présenté nu devant

Dieu, Dieu lui aurait pardonné sa faute, Il l'aurait remis dans sa splendeur

première ». Mais Adam a déchargé sa faute sur Eve. Il n'a pas menti, mais il a

caché son propre péché.

La Règle ne parle pas seulement des actes mauvais, mais aussi des pensées

mauvaises. Ce domaine des pensées, c'est un domaine tellement complexe

que nous ne pouvons pas nous débrouiller seul. Il ne s'agit pas de faire

attention à toutes nos pensées: ce serait tomber dans le scrupule. Mais les

pensées mauvaises luttent contre notre désir de faire le bien. St Antoine

disait: « Ce qui peut nous délivrer de ces pensées, c'est l'humilité. » Il ne

s'agit pas de les exposer sur la place publique, mais de s'en ouvrir au Père

Spirituel. L'ouverture du cœur pour arriver à la pureté du cœur.

Dans un premier mouvement, la tentation n'est qu'une pensée, une simple

suggestion, et nous sommes tentés de dialoguer avec elle. Comme Eve. Mais

nous ne devons pas dialoguer avec ce qui est mauvais. La tentation nous

trompe, nous avons besoin d'aide pour discerner ce qui vient de l'Esprit de

Dieu, et ce qui vient du Mauvais. Laisser juger nos pensées par la doctrine de

l'Eglise. Nous sommes comme des mouches prises dans une toile

d'araignée: plus nous nous agitons, nous débattons, plus nous sommes

ligotés. Nous avons besoin de l'aide du Père Spirituel, et de sa prière. Lui peut

nous aider à discerner ce qui nous entraine loin de la Vérité. Dans l'ouverture

du cœur, on lutte contre la volonté propre, qui veut nous faire prendre un

chemin tordu. Le mur, ce sont les lèvres closes, la non ouverture. Dès que je

dis cette pensée qui me trouble, je lui donne sa vraie dimension. Le but de

l'humilité n'est pas de nous abaisser, mais de rendre gloire à Dieu.

Et nous ne devons pas oublier non plus que ces tentations nous sont utiles.

Evagre disait: « Enlève les tentations, et plus personne ne sera sauvé. » Les

tentations nous mettent devant un choix. Dans notre vie nous devons préférer

l'amour du Christ. - 26/5/18 -

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 07, 38-43 De l'humilité écrit le 25 mai 2018
Verset(s) :

38. Et voulant montrer que le fidèle doit même supporter pour le Seigneur toutes les contrariétés, elle place ces paroles dans la bouche de ceux qui souffrent : « A cause de toi, nous sommes mis à mort chaque jour. On nous regarde comme des brebis de boucherie. »

39. Et sûrs de la récompense divine qu'ils espèrent, ils poursuivent en disant joyeusement : « Mais en tout cela, nous triomphons, à cause de celui qui nous a aimés. »

40. Et ailleurs, l'Écriture dit aussi : « Tu nous as éprouvés, ô Dieu, tu nous as fait passer par le feu, comme on fait passer au feu l'argent. Tu nous as fait tomber dans le filet. Tu nous as mis sur le dos des tribulations. »

41. Et pour montrer que nous devons être sous un supérieur, elle poursuit en ces termes : « Tu as fait chevaucher des hommes sur nos têtes. »

42. En outre, ils accomplissent le précepte du Seigneur par la patience dans les adversités et les injustices : frappés sur une joue, ils présentent aussi l'autre ; à qui ôte leur tunique, ils abandonnent aussi le manteau ; requis pour un mille, ils en font deux ;

43. avec l'Apôtre Paul, ils supportent les faux frères, et ils supportent la persécution et quand on les maudit, ils bénissent.

Commentaire :

La fin de ce quatrième degré d'humilité ressemble un peu à une descente en

enfer! En effet, St Benoit compare le moine à une brebis d'abattoir, à l'argent

purifié au feu, à l'homme pris au piège, écrasé par des fardeaux accablants. Il

voit deux causes à cette situation: les supérieurs mis à notre tête, et les faux

frères, qui nous maudissent et disent du mal de nous.

Ici, St Benoit s'adresse à nous, quand nous sommes dans la tempête, quand

elle nous assaille de toutes parts. Quand elle nous fait gémir et grincer,

comme un bateau qui va couler. Il s'agit de ce sentiment d'incompréhension.

Lorsque nous avons l'impression que le monde entier se ligue contre nous.

Que rien ne nous réussit. Qu'au bout de toutes nos entreprises il y a toujours

l'échec. St Benoit veut nous aider quand nous nous sentons méconnu,

incompris, dénigrés par nos frères et même par nos supérieurs. la vie de Frère

Roger entendue au réfectoire nous montre que ces moments difficiles

existent. Pour un frère, et même pour une communauté.

Le risque, c'est l'amertume. Lorsque le piège semble se refermer sur nous. St

Benoit nous dévoilera l'issue de cette situation dans le degré suivant. La sortie

du piège, c'est l'ouverture de son cœur. Pour le moment, il s'agit de nous

taire, de garder silence, de supporter. Car nous ne pouvons rien faire de plus.

Vivre l'instant présent, car nous ne pouvons pas en supporter davantage.

Nous pouvons alors être tentés par l'amertume, et même par le murmure.

Nous retourner contre nos frères, contre nos supérieurs. Mais ce serait nous

tromper de cible. Dans cette position, le pardon nous semble impossible. Tout

ce que nous pouvons faire, c'est durer, attendre dans la nuit. Croire que ce

champ de bataille, cette dévastation, est permise par Dieu. Voilà le lieu que

Dieu a choisi pour se révéler à nous. Il veut nous reconstruire à sa

ressemblance.

C'est le moment de nous écrier, comme David, « Qui suis-je donc,

Seigneur? » David ne dit pas: « Seigneur, je ne suis rien. » Son cri a la forme

d'une interrogation. C'est un cri de désarroi et d'incompréhension. C'est le

mystère que chacun de nous est pour lui-même. Nous sommes à l'image et à

la ressemblance de Dieu. Nous sommes bien plus grands que ce que nous

imaginons. Ce que Dieu a détruit, ce sont nos rêves de gloire, de réussite, de

réalisation humaine.

Le grand paradoxe de l'humilité, c'est de découvrir avec stupeur que nous

sommes infiniment plus grands que ce petit « ego» auquel nous nous

accrochons. L'homme passe infiniment l'homme. « Car tu as du prix à mes

yeux, et je t'aime », nous dit Dieu en Isaïe. (Is 43/4) -25 Mai 18 -

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07, 35-37 De l'humilité écrit le 22 mai 2018
Verset(s) :

35. Le quatrième degré d'humilité est que, dans l'exercice même de l'obéissance, quand on se voit imposer des choses dures et contrariantes, voire des injustices de toute sorte, on embrasse la patience silencieusement dans la conscience,

36. et que, tenant bon, on ne se décourage ni ne recule, selon le mot de l'Écriture : « Celui qui persévérera jusqu'à la fin, celui-là sera sauvé. ;»

37. Et aussi : « Que ton cœur soit ferme ! Supporte le Seigneur. »

Commentaire :

Ce matin, je fais volontiers le lien entre ce 4 0 d'humilité et le temps ordinaire que

nous reprenons, après les festivités pascales conclues par la Pentecôte. St Benoit insiste sur la

patience embrassée silencieusement dans les choses dures et contrariantes, sans se décourager

ni reculer. Dans la seconde lecture de la Pentecôte, nous entendions Paul nous dire que la

patience était un fruit de l'Esprit Saint, au côté de la douceur, de l'amour, de la fidélité et de la

maitrise de soi. De façon très consonante au terme de ce chapitre, Benoit dira que l'amour

auquel parvient le moine humble est une œuvre de l'Esprit Saint. Oui, avec ce temps ordinaire

qui recommence, nous entrons, sous la conduite de l'Esprit, dans la vie simple et quotidienne

qui requiert notre patience et notre persévérance. Patience et persévérance dans

l'accomplissement de notre service liturgique qui peut peser à certains jours. Patience et

persévérance pour demeurer fidèle dans la justesse de nos relations et dans notre vie donnée

au Seigneur. Patience et persévérance pour traverser les épines de discordes dans la maitrise

de soi et la paix, sans se laisser démonter. J'entendais quelqu'un dire il y a peu que la vie

monastique était un « martyr à petit feu». Si on a pu dire qu'en son origine la vie monastique

est née alors que s'achevait la période des persécutions contre les chrétiens, le lien entre

martyr et vie monastique est suggestif. En effet, les premiers chrétiens ont été des martyrs, des

témoins, non pas tant parce qu'ils ont souffert des tortures plus ou moins effrayantes, mais

parce qu'ils ont persévéré dans leur foi jusqu'au bout, jusqu'à la mort. Dans leur propos, les

moines ne poursuivent pas d'autres buts: celui de persévérer jusqu'au bout, jusqu'à la mort

dans une vie donnée et redonnée au Seigneur et aux frères chaque jour. Cette vie exigeante

qu'est la nôtre n'est pas une vie de torture. Nous ne sommes pas masochistes. Cependant à

certains jours, cette vie est rude et âpre parce que, comme les premiers martyrs, on choisit de

la remettre à un autre, au Seigneur, à travers l'obéissance et la vie commune. On choisit de ne

plus s'appartenir à soi-même. Voilà qui nous associe aux martyrs des premiers siècles et de

toujours. En ce début de temps ordinaire, au gré des activités quotidiennes, retrouvons ce sens

de la patience et de la persévérance. Elles nous apprendront à porter le poids du jour d'une

manière paisible qui pourra faire signe de l'espérance qui nous habite. Notre vie présente

parlera de la vie à venir. - 22.05.2018 -

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07 34 De l'humilité écrit le 18 mai 2018
Verset(s) :

34. Le troisième degré d'humilité est que, pour l'amour de Dieu, on se soumette au supérieur en toute obéissance, imitant le Seigneur, dont l'Apôtre dit : « S'étant fait obéissant jusqu'à la mort. »

Commentaire :

« Qu'on se soumette au supérieur en toute obéissance, imitant le Seigneur» ... Imitant

le Seigneur. Par 4 fois dans la Règle, Benoît exhorte à imiter le Seigneur Jésus ou ses paroles.

Dans trois cas, cela concerne l'obéissance, une fois au chapitre 5 et deux fois dans ce chapitre

7 et le dernier cas concerne l'abbé, appelé à imiter le bon pasteur dans son zèle pour aller

chercher la brebis égarée ...

Dans la vie chrétienne, il n'y a qu'un modèle c'est le Christ. .. Lui seul mérite que

nous essayons de conformer notre vie à la sienne et lui seu:,peut nous permettre de le faire par

le don de l'Esprit. Et ce n'est pas un hasard, si par 3 fois dans la Règle, Benoît invite à imiter

le Christ en son obéissance. En situant là, le lieu de notre imitation du Christ, elle nous place

au cœur de sa vie et au cœur de sa relation avec le Père. Il ne s'agit pas de vouloir imiter le

Christ en ses belles actions, en son charisme prophétique ou en ses capacités d'orateur. Non,

chacun peut rejoindre le Christ en son mystère le plus intime, à travers l'obéissance. C'est là

qu'Il vit en son être de Fils totalement tourné vers le Père et totalement donné pour faire sa

volonté. C'est là que chacun de nous peut grandir dans sa dignité d'enfant de Dieu, de fils du

Père, en devenant, peu à peu, nous aussi capable d'obéir et de nous donner pour faire sa

volonté. En ce 3° degré, Benoit précise qu'on imite le Christ «pour l'amour de Dieu».

L'amour de Dieu est déjà répandu dans nos cœurs par l'Esprit Saint qui nous a été donné.

Déjà, avec sa force, nous pouvons vivre quelque chose de cette intimité de Jésus pour son

Père. Modestement à notre place, mais réellement. La vie monastique qui est concrète nous

offre des repères pour incarner l'obéissance filiale à la suite du Christ. A travers l'obéissance

rendue au supérieur, chacun peut entrer dans ce mouvement de dépendance aimante vis à vis

du Père, mais aussi chaque fois que nous nous obéissons entre frères, ou plus simplement par

l'obéissance à nos coutumes communautaires ... Tous ces moyens concrets veulent nous

établir dans une disponibilité de cœur aimante à l'égard de notre Père des Cieux, en Jésus, par

l'Esprit Saint. - 18.05.2018 -

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07, 31-32 De l'humilité écrit le 17 mai 2018
Verset(s) :

31. Le second degré d'humilité est que, n'aimant pas sa volonté propre, on ne se complaise pas dans l'accomplissement de ses désirs,

32. mais qu'on imite dans sa conduite cette parole du Seigneur disant ;: « Je ne suis pas venu faire ma volonté, mais celle de celui qui m'a envoyé. ;»

Commentaire :

« Le 2d degré est que n'aimant pas sa volonté propre, on ne se complaise pas dans

l'accomplissement de ses désirs .... » Est-il possible de ne pas avoir de volonté propre? St

Benoit ne nous demande pas ici de ne pas avoir de volonté propre. Il sait bien que chacun de

nous a une volonté avec laquelle il s'engage dans des choix petits ou grands, avec plus ou

moins de liberté. Etre humble ne consiste pas à renier sa volonté, mais à ne pas l'aimer et à ne

pas se complaire dans l'accomplissement de ses désirs. Le 2d degré nous invite à un choix,

celui de décider de ne pas donner la première place à notre volonté propre, ni à faire de

l'accomplissement de nos désirs la priorité ... Celui qui est humble a intégré ce choix. Il fait

passer la volonté de Dieu avant la sienne propre. Il cherche à accorder sa volonté à celle de

Dieu. Il prend pour modèle le Seigneur Jésus qui disait: « .le ne suis pas venu faire ma

volonté, mais celle de celui qui m'a envoyé ». L'homme humble ressemblant de plus en plus à

Jésus devient paradoxalement un homme universel, accessible à tous, ouvert à tout homme

rencontré, comme le Maitre de Galilée. N'étant pas attaché à lui-même, mais à celui qui

l'envoie, il rejoint tout le monde sans prétention. Je pense ici au Père de Foucauld qui a

cherché à être le frère universel de tous, au cœur du désert. Parmi les Touaregs, partageant

leur vie et leur culture, dans la pauvreté, il se faisait proche de tous. Même les plus aisés, les

français colons de l'époque aimaient sa compagnie et remarquaient sa belle distinction,

cachée sous l'apparente pauvreté.

Au sein du monastère, dans le microcosme que représente une communauté

monastique avec sa grande diversité, le moine humble est appelé à devenir ce frère universel

qui fait sa place à chacun, parce qu'il n'est pas préoccupé d'assurer la sienne. La vie

fraternelle est une belle école d'humilité. Ecole éprouvante car elle nous surprend souvent en

flagrant délit de préoccupation excessive de nous-mêmes, de nos soucis, de nos travaux,

comme si les autres n'existaient pas vraiment ... Comment me décentrer de moi-même afin de

regarder l'autre pour lui-même? Comment ne chercher pas mon intérêt en voulant

absolument me préserver du temps, des facilités ou des avantages ... ? Pour mieux regarder

nos frères, contemplons Jésusqui est complètement décentré de lui-même. Demandons-lui la

grâce d'être comme lui préoccupé de faire la volonté du Père.

- 17.05.2018 -

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07, 23-30 De l'humilité écrit le 16 mai 2018
Verset(s) :

23. Dans les désirs de la chair, croyons que Dieu nous est toujours présent, puisque le prophète dit au Seigneur : « Devant toi sont tous mes désirs. »

24. Il faut donc se garder du désir mauvais, puisque « la mort est placée sur le seuil du plaisir. »

25. Aussi l'Écriture a-t-elle donné ce précepte : « Ne suis pas tes convoitises. »

26. Si donc « les yeux du Seigneur observent bons et méchants »,

27. si « le Seigneur, du haut du ciel, regarde sans cesse les enfants des hommes, pour voir s'il en est un qui soit intelligent et qui cherche Dieu »,

28. et si les anges commis à nous garder rapportent au Seigneur quotidiennement, jour et nuit, les actes que nous accomplissons,

29. il nous faut donc prendre garde à tout instant, frères, de peur que, comme dit le prophète dans un psaume, Dieu ne nous voie à un moment « dévier » vers le mal « et devenir mauvais »,

30. et qu'après nous avoir épargnés dans le temps présent, parce qu'il est bon et qu'il attend que nous nous convertissions à une vie meilleure, il ne nous dise dans le futur : « Tu as fait cela, et je me suis tu. »

Commentaire :

« Vivre en présence de Dieu» : n'est-ce pas une manière de résumer ce premier degré

de l'humilité dont nous achevons aujourd'hui la lecture? Dieu est. Il est là. Il est toujours

éternellement présent, et à Lui-même et à toute sa création. Dire qu'il nous regarde, comme St

Benoit le suggère, veut moins signifier qu'il épie nos actes ou qu'il nous surveille, mais

davantage qu'il est présent à tout ce que nous sommes, s'il est vraiment Dieu. Nous ses

créatures, sorties de sa main, nous n'existons qu'en lui. Nous sommes enveloppés de sa

bienveillance, et soutenus par son action créatrice qui ne cesse de se prolonger à travers nous.

Rien de notre vie humaine n'échappe à son oeuvre vivifiante. Nous couper de lui, c'est nous

couper d'une source vitale. Il y a une dizaine de jours, l'image évangélique de la vigne et des

sarments, nous suggérait un lien étroit et essentiel entre le Christ et chacun de ses disciples.

Séparés de la vigne, les sarments dépérissent. Par cet enseignement, Jésus laisse entendre

combien la relation qui l'unit à son disciple est profonde et capitale. Au disciple, il est

seulement demandé de demeurer, de rester attaché à la vigne. Rien d'autre. A notre tour, il

s'agit d'être. D'être là en laissant la sève de la vigne nous apporter la vie et nous vivifier.

Dieu est là. Jésus vivant est là. Il nous propose d'être là sous son regard, attaché à sa parole,

uni à son souffle. Nos pensées, notre volonté, nos désirs trouveront peu à peu un nouveau

point d'attraction. Non plus la satisfaction par nous-mêmes de nos plaisirs immédiats, mais

l'ouverture à Dieu qui est là, qui connait nos besoins, et qui va en prendre soin. Nous quittons

la peur d'être seul et l'illusion de devoir nous débrouiller par nous-mêmes. Dieu est là qui

veille. Demeurer en lui, n'est pas une chose statique, mais au contraire très dynamique. C'est

apprendre à rester en sa présence au gré des évènements, des paroles entendues ou des

rencontres. A travers notre quotidien, il nous donne rendez-vous avec lui, autant qu'avec

nous-mêmes et avec les autres. Peut-être avez-vous déjà fait cette expérience de répondre à un

frère, qui veut vous dire quelque chose, que vous êtes pressés et que vous n'avez pas le temps

maintenant de l'entendre. Mais quelques instants après, vous réalisez que votre rendez-vous

initial a pris du retard et que vous auriez très bien pu vous arrêter pour écouter le premier

frère, au moins pour recueillir sa question ... N'en est-il pas souvent ainsi: nous sommes

conviés à être présents à tout ce qui survient. Dieu est là qui s'invite à l'improviste.

Apprenons à lui faire bon accueil, à demeurer en lui en toute chose. - 16.05.2018 -