vendredi 3 octobre 2025 : journée de solitude pour la communauté, messe vers 6h45 après Laudes.

Commentaires sur la Règle



Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 31 v 01-12 Du cellérier du monastère ce qu'il sera. écrit le 18 décembre 2018
Verset(s) :

1. On choisira pour cellérier du monastère un membre de la communauté qui ait sagesse, maturité de caractère, sobriété ; qui ne soit pas grand mangeur, hautain, turbulent, injuste, lent, prodigue,

2. mais qui ait la crainte de Dieu. Il sera comme un père pour toute la communauté.

3. Il prendra soin de tout,

4. il ne fera rien sans l'ordre de l'abbé ;

5. il observera les ordres reçus,

6. il ne fera pas de peine aux frères.

7. Si un frère lui présente une requête déraisonnable, il ne le peinera pas en le repoussant avec mépris, mais avec humilité il opposera à cette mauvaise demande un refus raisonnable.

8. Il veillera sur son âme, en se souvenant toujours de cette parole de l'Apôtre : « Qui fait bien son service, se procure une belle place. »

9. Il prendra soin des malades, des enfants, des hôtes et des pauvres avec toute sa sollicitude, sachant sans aucun doute qu'il devra rendre compte pour toutes ces personnes au jour du jugement.

10. Il considérera tous les vases du monastère et tout son avoir comme les vases sacrés de l'autel ;

11. il ne tiendra rien pour négligeable.

12. Il ne cédera pas à l'avarice ni ne sera prodigue ou dissipateur de l'avoir du monastère, mais il fera tout avec mesure et selon les ordres de l'abbé.

Commentaire :

« Il prendra soin de tout... il prendra soin des malades,des enfants, des hôtes et des

pauvres » ... La charge que confie St Benoit au cellérier n'est pas petite! Prendre soin, prendre

de toute chose comme les vases sacrés de l'autel, prendre soin des personnes plus vulnérables

« avec toute sa sollicitude ... »Le mot « cura» est un mot qui revient plusieurs fois dans la RB.

A deux exceptions près, il est utilisé pour signifier le soin des personnes, qu'elles soient en

difficulté matérielle ou spirituelle. La première exception concerne le soin à apporter à la

ponctualité pour sonner les offices. La seconde se trouve dans notre chapitre à propos du soin

à apporter à tout l'avoir géré par le cellérier, mais aussi tout ce qu'il a sous sa responsabilité.

Mais c'est au seul cellérier qu'échoit le rôle global de prendre soin et des objets et des

personnes. «Prendre soin»pourrait donc être une bonne devise pour guider l'activité du

cellérier, surtout s'il commence à prendre sa charge comme notre F. Benoit.

En échangeant avec F. Benoit, celui-ci me disait mesurer la place grandissante du soin

ou de l'attention à porter à nos employés. Avec l'arrivée de Wadi, leur nombre augmente. Ils

sont 6 maintenant au service de la communauté, 3 hommes et 3 femmes. Il est important de

pouvoir les rencontrer régulièrement pour qu'ils soient à l'aise dans leur travail. Il revient

particulièrement au cellérier, en lien avec les responsables d'emploi, de dire si des choses ne

vont pas ou si des questions se posent. J'insiste ici pour qu'on évite de faire directement une

remarque alors qu'on n'est pas mandaté pour. .. Nos employés ont besoin d'avoir des vis-à-vis

qui soient habilités à leur dire quelque chose. C'est sensible particulièrement pour la cuisine.

Qu'on veille à transmettre au responsable d'emploi ou au cellérier nos doléances. Dans le même

temps où nous demandons à des personnes extérieures de nous rendre un service, il nous faut

accepter de perdre une certaine prise sur la manière avec laquelle les choses se déroulent.

Chacun doit accepter de ne pas s'immiscer en tout comme s'il avait son mot à dire sur tout.

Ceci, qui est déjà vrai entre frères, l'est davantage avec nos employés. Le cellérier tiendra

désormais à cet endroit une place plus importante, et d'autant plus importante qu'il ne s'agit

pas de leur laisser non plus une complète autonomie. Le travail a ses exigences qu'il faut tenir,

et pouvoir rappeler. Ces évolutions de notre vie communautaire n'ont rien d'extraordinaire. Par

le passé, nous avons connu un plus grand nombre d'employés et d'ouvriers, nombre qui a

fluctué selon les besoins. Notre aujourd'hui prend ce visage. Il nous demande d'entrer peu à

peu dans une autre manière de nous rapporter, et à ces personnes, et au champ d'activité qui

leur est confié. - 18 décembre 2018

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 30 v 01-03 Des enfants d'âge tendre, comment les corriger. écrit le 15 décembre 2018
Verset(s) :

1. Tout âge et degré d'intelligence doit recevoir un traitement approprié.

2. Aussi chaque fois que des enfants et des adolescents par l'âge, ou des adultes qui ne peuvent comprendre ce qu'est la peine d'excommunication,

3. quand donc ceux-là commettent une faute, on les punira par des jeûnes rigoureux ou on les châtiera rudement par des coups, afin de les guérir.

Commentaire :

« Afin de les guérir» ... Par ce mot se conclue ce chapitre et avec lui, le « code

pénitentiel» de la RB. Guérir l'enfant, guérir l'adulte qui ne comprend pas: voilà l'unique but

de ces chapitres. « Veux-tu être guéri ?»demande Jésus à l'homme malade depuis 38 ans, près

de la piscine de Bethzatha (ln 5, 6). « Veux-tu être guéri? »telle est la question qu'il nous faut

garder au terme de ces chapitres, pour la laisser résonner comme une voix d'espérance en nos

vies. Tous, nous sommes affrontés à cette maladie qu'est notre péché. Maladie qui nous éprouve

quand nous peinons à quitter certaines ornières dans lesquelles nous retombons facilement.

Mais maladie dont le Christ veut patiemment nous guérir. Il ne requiert que le consentement de

notre part. « Veux-tu guérir? » Le reste, il s'en occupe. « Lève-toi, prends ton brancard et

marche» lance-t-il à l'homme paralysé depuis 38 ans. A travers la pédagogie de la vie

monastique, Jésus nous offre de nombreuses occasions de nous lever, de prendre notre brancard

et de marcher. Nous lever: contre la tentation d'abattement, de paresse ou de laisser-aller, notre

horaire nous entrai ne à demeurer toujours en alerte. Toujours prêts à nous lever pour aller à la

rencontre du Christ qui appelle à la prière, ou qui nous interpelle par la demande d'un frère. La

vie régulière se fait alors maitresse de vie. Elle nous donne la joie d'être debout, et de nous

donner sans nous retenir. La vie monastique nous apprend aussi à prendre notre brancard.

Prendre notre brancard, c'est nous souvenird'où le Christ nous a tirés et de quel mal il nous a

sauvés. C'est ne pas oublier notre faiblesse et nos limites, les assumer sans les projeter ou les

rejeter sur les autres. Rien de plus pénible dans la vie commune que l'incapacité à reconnaitre

ses erreurs ou ses fautes. Aucun de nous ne peut faire le malin dès lors qu'il se souvient de quel

brancard il a été relevé ... « Marche », nous dit enfin le Christ. St Benoit invite même à

« courir». Si le péché nous paralyse, « celui qui met son espérance dans le Seigneur trouve des

forces nouvelles, ... il coure sans se lasser, il marche sans se fatiguer », nous rappelait il y a

quelques jours le prophète Isaïe (Is 40, 31). La vie commune nous offre bien des moyens de

nous alléger pour retrouver une marche allègre, peu à peu moins fatigante. Dans quelques jours,

nous en vivrons un avec le sacrement de la réconciliation, ce rendez-vous de grâce avec le

Seigneur et avec nos frères, pour déposer nos fardeaux ainsi que nos pauvretés en les

reconnaissant humblement.Le Seigneur les prend sur lui et nous donne sa vie en échange, la

lente guérison promise à ceux qu'il aime. - 15 décembre 2018

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 29 v 01-03 Si des frères qui sortent du monastère doivent être reçus de nouveau. écrit le 14 décembre 2018
Verset(s) :

1. Un frère qui est sorti du monastère par sa propre faute, s'il veut revenir, commencera par promettre de s'amender complètement du défaut qui l'a fait sortir,

2. et alors on le recevra au dernier rang, pour éprouver par là son humilité.

3. S'il s'en va de nouveau, il sera reçu ainsi jusqu'à trois fois, en sachant qu'ensuite on lui refusera toute autorisation de retour.

Commentaire :

De même que l'on avertit trois fois un frère qui commet une faute avant de lui infliger

la peine d'excommunication (RB 23), de même on permet trois retours à un frère qui est sorti

avant de rompre définitivement avec lui. Trois fois ... Nous pouvons entendre ici une mesure

empreinte de miséricorde et de patiencepour laisser toujours une porte ouverte. Une image se

présente à moi, tirée du film « Silence », regardé ensemble en janvier. Je revois la figure de ce

japonais devenu chrétien qui sert tout d'abord de guide aux missionnaires, qui les trahit ensuite,

se repent, pour trahir et revenir plusieurs fois de suite ... A chaque fois, il revient demander

l'absolution et la reçoit, même du prêtre renégat à la fin. Mise en scène poignante d'une sorte

d'obstination au salut qui peut habiter un cœur d'homme dont l'espérance n'est vaincue ni par

sa honte ni par sa culpabilité.

En permettant le retour d'un frère jusqu'à trois fois, St Benoit nous entraine sur les

chemins de la patience de Dieu. Mais il le fait avec réalisme. L'Evangile enseigne à pardonner

jusqu'à sept fois sept fois, c'est-à-dire sans limite, comme Dieu peut le faire l'égard de chacun

d'entre nous. Ici la restriction à 3 fois pour un retour possible montre qu'il ne s'agit pas

seulement de la miséricorde offerte à un pécheur, mais aussi de la capacité à vivre ensemble

dans un monastère sous une même règle. Le frère en est-il capable? Peut-il faire sien, comme

une exigence heureuse et féconde, le dynamisme de la charité dans l'humilité qui donne sens et

colonne vertébrale à notre quête? S'il revient au monastère, c'est cette humilité que lui est

demandée d'abord ... Celle-ci sera éprouvée par le fait qu'il occupera la dernière place. Dans la

compréhension de la règle d'alors, le frère qui revient doit ainsi comprendre qu'on le considère

comme un nouveau-venu, un nouvel appelé par Dieu, et non comme un ancien que Dieu avait

appelé autrefois. L'humilité consiste pour lui à accepter de recommencer, ce qui arrive encore

aujourd'hui quand un frère, qui a été relevé de ses vœux, demande à revenir.

Patience et miséricorde du côté de la communauté qui accueille de nouveau. Humilité

et réalisme pour le frère qui revient. Avec sagesse, ce petit chapitre peut nous aider à prendre

au sérieux, et la bonté de Dieu toujours accueillant au pécheur qui se repent, et l'équilibre de

notre vie qui demande une attention délicate. - 14 décembre 2018

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 28 v 01-07 De ceux qui, souvent repris, ne veulent pas s'amender. écrit le 13 décembre 2018
Verset(s) :

1. Si un frère a été fréquemment repris pour une faute quelconque, si même après excommunication il ne s'amende pas, on lui infligera une punition plus rude, c'est-à-dire qu'on lui fera subir le châtiment des coups.

2. S'il ne se corrige pas non plus par ce moyen, ou que même, ce qu'à Dieu ne plaise, il se laisse emporter par l'orgueil et veuille défendre sa conduite, alors l'abbé agira comme un médecin sagace :

3. s'il a appliqué tour à tour les cataplasmes, l'onguent des exhortations, la médecine des divines Écritures, enfin le cautère de l'excommunication et des coups de verge,

4. et s'il voit que son industrie ne peut plus rien désormais, il aura encore recours à un remède supérieur : sa prière pour lui et celle de tous les frères,

5. afin que le Seigneur, qui peut tout, procure la santé à ce frère malade.

6. S'il ne se rétablit pas non plus de cette façon, alors l'abbé prendra le couteau pour amputer, comme dit l'Apôtre : « Retranchez le pervers du milieu de vous » ;

7. et encore : « Si l'infidèle s'en va, qu'il s'en aille »,

Commentaire :

Hier, je disais que face à une liberté humaine qui s'entête, il n'y avait que la charité à

opposer. Mais même celle-ci peut se révéler impuissante. St Benoit fait appel alors à un ultime

recours, celui de la prière, le «remède supérieur », pour éviter à tout prix la séparation

inéluctable en cas d'opposition manifeste.

Sans le dire explicitement, St Benoit faire preuve d'une grande foi en la prière, au

« Seigneur qui peut tout ». Certainement, entre toutes les prières, la prière pour la conversion

d'un homme est une prière qui plait au Seigneur. Il l'entend et même la suscite en nous. Il veut

l'exaucer. Nous nous souvenons de la prière de Monique pour son fils Augustin, prière

persévérante qu'une longue patience a couronné de succès. Combien de prières de mères, de

pèrespour leurs enfants ne montent-elles pas ainsi ... Et dans une communauté, combien de

prières cachées, combien d'offrandes de soi dans le jeûne ou d'autres petits sacrificespour que

la grâce fasse son œuvre dans nos relations ou bien dans tel frère qui peine. Nous avons tous,

je crois l'expérience d'entendre parfois des personnes nous dire: « je prie pour vous», et de

mesurer qu'il ne s'agit pas seulement de mots, mais d'une attention fidèle et de temps donnés.

La prière d'intercession pour les uns pour les autres est un don précieux qui irrigue la vie d'une

communauté, de l'Eglise et finalement de toute l'humanité. En priant pour les autres, d'une

manière assidue et précise, nous nous portons mutuellement.Nous assumons cette part de

responsabilité qui revient aux membres du corps du Christ et qui trouve dans la prière sa

meilleure expression. La communion qui lie les enfants de Dieu dans l'Esprit Saint nous rend

responsable les uns des autres. Si nous ne pouvons pas changer les autres, nous savons que Dieu

lui peut ouvrir des cheminsdans un cœur humain. La prière ne nous situe pas en position de

supériorité, comme si nous étions des justes. Nous-mêmes, nous nous plaçons comme des

pauvresdevant Dieu pour appeler sur l'autre les mêmes grâces dont nous nous savons l'objet.

Dans la confiance du centurion qui intercède pour son esclave ou de Jaïrepour sa petite fille,

ou des porteursqui descendent le paralytique depuis le toit au pied de Jésus, présentons nos

frères à la miséricorde de Dieu, comme beaucoup le font à notre endroit. - 13 décembre 2018

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 27 v01-09 Combien l'abbé doit avoir de sollicitude pour les excommuniés. écrit le 12 décembre 2018
Verset(s) :

1. C'est avec toute sa sollicitude que l'abbé prendra soin des frères délinquants, car « ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin du médecin, mais les malades. »

2. Aussi doit-il user de tous les moyens comme un médecin sagace ;: envoyer des senpectas , c'est-à-dire des frères anciens et sagaces,

3. qui comme en secret consoleront le frère hésitant et le porteront à satisfaire humblement, et le « consoleront pour qu'il ne sombre pas dans une tristesse excessive »,

4. mais comme dit encore l'Apôtre : « Que la charité s'intensifie à son égard », et que tous prient pour lui.

5. En effet, l'abbé doit prendre un très grand soin et s'empresser avec tout son savoir-faire et son industrie pour ne perdre aucune des brebis qui lui sont confiées.

6. Qu'il sache en effet qu'il a reçu la charge des âmes malades, non une autorité despotique sur celles qui sont en bonne santé.

7. Et qu'il craigne la menace du prophète, par laquelle Dieu dit : « ;Ce qui vous paraissait gras, vous le preniez, et ce qui était chétif, vous le rejetiez. »

8. Et qu'il imite l'exemple de tendresse du bon pasteur, qui abandonnant ses quatre-vingt-dix-neuf brebis sur les montagnes, partit à la recherche d'une seule brebis qui s'était perdue ;

9. sa misère lui fit tellement pitié, qu'il daigna la mettre sur ses épaules sacrées et la rapporter ainsi au troupeau.

Commentaire :

Quels sont les moyens dont dispose l'abbé ici, ou la communauté en général, pour aider

un frère qui se met à l'écart de la vie commune, souvent enfermé dans la conviction de son bon

droit? St Benoit en cite quelques-uns: envoyer des anciens qui consolent et encouragent à

revenir humblement, intensifier la charité autour de lui et prier. Et à l'abbé en particulier est

recommandée moins des choses à faire qu'une attitude de miséricorde qui l'a~e au Christ

Bon Pasteur. En christianisme, face à une liberté mal engagée, mais liberté tout de même, seule

peut vaincre la charité.

L'image du Bon Berger, image christique par excellence, replace cette situation banale

d'un frère qui s'égare, voire qui s'entête dans la désobéissance, dans la lumière de toute l'œuvre

divine du salut.Ce qui se joue pour un frère, et finalement pour chacun de nous plus ou moins,

est ce qui se joue pour toute l'humanité cherchée par Dieu. Tous et chacun, à l'image de Dieu,

nous sommes créés libres afin d'entrer librement dans la joie d'aimer. Le péché n'annihile pas

notre liberté et notre capacité d'aimer, mais les rend infirmes. Il les affaiblit pour en entraver le

beau dynamisme. Au lieu d'utiliser notre liberté pour aimer et nous donner, nous l'utilisons

pour nous occuper principalement de nous, pour sauvegarder notre intérêt, dans l'illusion que

nous pouvons sauver notre peau. Un frère qui s'excommunie est un frère qui, à l'image de ce

que nous sommes tous plus ou moins, un frère qui pense n'avoir plus besoin du cadre

communautaire pour retrouver sa vraie liberté. Il se croit libre alors qu'il est esclave de lui-

même. Nous avons embrassé la vie commune au monastère dans la conscience de notre grand

besoin de salut.Nous avons reconnu en elle qu'elle peut nous permettre de retrouver notre vraie

liberté. C'est dans la conscience de notre propre faiblesse que nous pouvons regarder un frère

qui s'égare sans le juger, ni le mépriser. Son errance nous rappelle la nôtre profonde dont le

Seigneur nous guérit peu à peu par notre fidélité. De celle-ci, nous n'avons pas à nous glorifier,

mais plutôt à la reconnaitre comme un cadeau, une grâce qui nous est faite. Aller à la recherche

de la brebis perdue, pour l'abbé en particulier et pour tous dans le souci porté à son sujet, nous

invite à l'humilité. Il s'agit de sortir de nos évidences, ou de notre assurance de bien faire et de

ce qui doit être bien fait, pour tenter de rejoindre le frère perdu dans ses illusions ou ses peurs.

« Je suis doux et humble de cœur»nous dira Jésus dans l'évangile. Dans cette phrase, nous

pouvons entendre que dans le cœur de Jésus, il y a une place pour tout homme, surtout le

pécheur. Et dans le nôtre? - 12 décembre 2018

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 26 v 01-03 De ceux qui entrent en rapport avec les excommuniés sans permission écrit le 11 décembre 2018
Verset(s) :

1. Si un frère se permet, sans permission de l'abbé, d'entrer en rapport avec un frère excommunié de n'importe quelle façon, ou de lui parler ou de lui faire parvenir un message,

2. il subira une peine d'excommunication similaire.

Commentaire :

La situation rapportée par Benoit dans ce chapitre se comprend dans le contexte global

de l'excommunication qui impliquait une séparation stricte dans un but thérapeutique. Comme

nous ne la pratiquons plus, ce chapitre peut donc nous paraitre étrange et étranger. .. Mais de

même que Benoit met en garde contre une sorte de complicité dans le mal, nous pouvons nous

demander quelle solidarité est mise en place au service de la communion blessée? Comment

unir nos forces pour œuvrer à réparer la communion?

Parmi les spectacles que l'actualité met assez souvent sous nos yeux, il y a celui de la

mobilisation diplomatique lors d'un conflit entre deux états. Souvent nous ne retenons que les

images trop fortes des violences de la guerre qui se déchainent. Mais nous ne voyons pas ou

n'entendons pas tout ce qui se fait souvent très discrètement pour essayer de renouer le dialogue.

Combien de fois, nous apprenons que le conseil de sécurité de l'ONU se réunit, pour essayer

d'empêcher l'escalade. Nous pouvons nous réjouir de voir se déclencher le réflexe de l'appel

à une autorité supérieure pour éviter le pire. Si ces médiations humaines ne sont pas toujours

couronnées de succès, elles jouent cependant un rôle prépondérant dans le maintien toujours

fragile de la paix. De même les interpellations des uns et des autres, du pape entre autre ...

En est-il autrement dans une communauté, comme la nôtre? Il n'est pas rare que

lorsqu'un problème se pose ou qu'un frère aille mal, un ou plusieurs frères viennent me trouver

soucieux que quelque chose puisse être fait pour améliorer la situation. Parfois le sujet est

abordé avec le prieur et sous-prieur, ou encore en conseil, parfois simplement avec les intéressés

et des frères proches. Ce souci que les uns et les autres portent vis-à-vis d'un ou de plusieurs

frères qui peinent, qui se replient ou qui sont en conflit, me semble être une chose à relever.

Que ce souci devienne de plus en plus un réflexe est assurément un bon signe de notre désir de

communion. La charité que le Christ nous appelle à vivre pour la préparation de son Règne

demande que nous ne nous satisfassions jamais de la marginalisation d'un frère ou de la

mésentente entre deux frères. Comme sur un vêtement, une petite déchirure si minime ou si

marginale soit-elle, fragilise toujours l'ensemble du tissu. L'Amour que le Christ a déposé en

nous par son Esprit, nous presse. Qu'il ne nous laisse jamais en repos afin de lutter pour la

communion, sans nous décourager devant les lenteurs ou les obstacles à l'unité. - 11 décembre 2018

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 25 v 01-06 Des fautes graves écrit le 06 décembre 2018
Verset(s) :

1. Quant au frère qui est coupable de faute grave, il sera exclu à la fois de la table et de l'oratoire.

2. Aucun frère n'entrera aucunement en rapport avec lui sous forme de compagnie ou d'entretien.

3. Qu'il soit seul au travail qu'on lui aura enjoint, persistant dans le deuil de la pénitence, sachant cette terrible sentence de l'Apôtre :

4. « Cet homme-là a été livré à la mort de la chair, pour que son esprit soit sauf au jour du Seigneur. »

5. Quant à la nourriture de son repas, il la prendra seul, dans la mesure et à l'heure que l'abbé aura jugées convenables pour lui.

6. Personne ne le bénira en passant, pas plus que la nourriture qu'on lui donne.

Commentaire :

Des fautes graves peuvent blesser voire défaire la communion dans une communauté.

St Benoit ne cherche pas expliciter de quel genre de fautes il s'agit. Mais ce petit chapitre met

en évidence une chose: le fautif souvent ne semble pas mesurer l'ampleur de sa faute et ses

conséquences. C'est ainsi que l'on peut entendre les mesures d'excommunication du repas et

de la prière. En effet elles sont présentées comme une peine qui voudrait toucher le cœur, en lui

mettant bien en évidence devant les yeux combien il s'est coupé de la relation fraternelle.

Ce point de la règle ne rejoint-il pas une expérience que nous vivons? Quand nous

commettons une faute petite ou grande, le premier réflexe n'est-il pas de minimiser l'impact de

la faute « oh ce n'est pas grave », «oh et puis il l'avait mérité» « oh j'étais fatigué ou j'ai déjà

tellement de choses il n'a qu'à supporter » ... Combien de pensées ou de paroles nous viennent

ainsi spontanément. Elles tentent de nous justifier à nos propres yeux, pour nous détourner de

regarder en face l'impact créé sur les autres par une parole dure, un geste indélicat ou un manque

d'attention, sans compter des choses plus graves ... Nous réagissons uniquement centrés sur

notre « ego»afin d'en préserver l'image. L'impact, le mal fait ou bien le manque qui met en

difficulté le frère ne nous préoccupe pas vraiment. Sans nous en rendre compte, nous blessons

la communion parce que nous oublions combien elle est forte et combien elle nous nourrit les

uns par les autres. Nous oublions que dans ce laboratoire de vie qu'est le monastère, notre vie

commune nous rend dépendant les uns des autres de manière plus profonde qu'il n'y parait.

Nous devenons insensibles à ce que nous faisons, tout en étant très sensibles à ce que les autres

peuvent nous faire ou ne pas nous faire. L'excommunication proposée par Benoit veut être

comme un remède à cette insensibilité aveugle. Car s'il y a un vrai danger qui nous guette dans

notre vie commune, c'est celui de l'insensibilité. On dit, on fait des choses sans prendre garde

aux impacts produits sur les autres, et on est même capable de s'en justifier. .. Heureux le frère

qui est marri ou qui se sent mal parce qu'il a blessé un frère. Malheureux celui qui ne veut pas

voir que l'autre peut être blessé et qui de plus s'en justifie. Evagre a cette réflexion sur

l'insensibilité qui suggère en même temps un remède: « L'insensibilité se trouve chez ceux qui

rendent rarement visiteà leurs frères, et la raison en est évidente: en face des malheurs des autres qui

sont accablés par les maladies, ou végètent en prison, ou succombent à une mort subite, l'insensibilité

est mis en fuite, car l'âme peu à peu pénétrée de componction accède à la compassion» (Pensées 11).

Pour lutter contre notre insensibilité chronique, allons vers nos frères qui attendent tout des

autres. Faisons leur une place dans notre cœur. - 6 décembre 2018

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 24 v 01-07 Quelle doit être la gravité de l'excommunication? écrit le 04 décembre 2018
Verset(s) :

1. C'est à la gravité de la faute que doit se mesurer la portée de l'excommunication ou du châtiment.

2. Cette gravité des fautes est remise au jugement de l'abbé.

3. Si toutefois un frère se trouve coupable de fautes légères, on le privera de la participation à la table.

4. Celui qu'on aura privé de la table commune sera au régime suivant ;: à l'oratoire, il n'imposera pas de psaume ou d'antienne ni ne récitera de leçon jusqu'à satisfaction.

5. Quant à la nourriture de son repas, il la prendra seul après le repas des frères :

6. si par exemple les frères ont leur repas à la sixième heure, ce frère aura le sien à none ; si les frères l'ont à none, il l'aura à vêpres,

7. jusqu'à ce que, par une satisfaction convenable, il obtienne son pardon.

Commentaire :

Selon les fautes, St Benoit cherche à établir une graduation de la peine de

l'excommunication. Celle-ci consiste à écarter pour un temps, le frère fautif de certains actes

de la vie commune. A la question « quelle doit être la gravité de l'excommunication », je

voudrais substituer pour l'éclairer une autre question « quel est le poids de la communion qui

nous unit»? Il peut être bon de s'arrêter sur cette réalité de la communion. La dernière fois,je

disais qu'elle est plus grande que nos agacements, énervements, ou encore que nos

incompatibilités de tempéraments. Qu'est-ce qui lui donne donc son poids, sa gravité? Les

deux mots peuvent entendus dans un sens presque analogue ... Si la communion qui nous unit

trouve son origine dans l'appel du Christ qui nous a rassemblés, elle trouve tout son poids dans

sa croix et son sang versé pour réunir les enfants de Dieu dispersés. Si nous sommes ici, c'est

parce que le Christ l'a voulu. Et pourquoi l'a-t-il voulu? Pour que ce groupe d'hommes aux

origines diverses devienne une communauté de frères, en s'entraidant les uns les autres dans la

louange de la gloire de Dieu. Si nous parfois, il nous arrive de râler contre un frère qui nous

indispose ou semble nous contrarier, n'oublions pas que le Seigneur nous a réunis ensemble

pour que les uns par les autres nous grandissions dans la vie chrétienne, et même dans la

sainteté. Tel est le bon vouloir de Dieu qui connait chacun et qui sait ce dont nous avons besoin

les uns et les autres, les uns par les autres ... Ceci n'est pas une option, c'est l'œuvre de Dieu

qui se réalise dans notre petite cellule d'Eglise, comme dans tant d'autres depuis que le Christ

mort sur la croix a fait tomber le mur de la haine entre les hommes... Là s'enracine et trouve

tout son poids notre communion. Nous ne pouvons pas dire: cette communion n'est pas notre

affaire. Elle est là déjà donnée comme une grâce. Nous en sommes les dépositaires et les

serviteurs pour qu'elle se répande partout dans le monde. Dans et par notre vie monastique,

cette grâce de communion prend forme concrète dans l'aujourd'hui de notre XXIos. Ensemble,

elle nous faconne pour nous ouvrir aux autres et nous décentrer de nous-mêmes. Les uns par

les autres, la grâce de la communion nous aide chacun à avoir notre vrai visage d'homme, un

homme fait pour la relation et la communion. Elle nous donne notre visage de frère de tout

homme. Sans cette grâce, nous ne serions pas vraiment des fils de Dieu, car nous manquerions

notre vocation de frère ... Oui, il est grand le bien de la communion qui nous est déjà offert, et

qui est aussi toujours devant nous, dans la réalisation concrète qui advient. Rendons grâce à

Dieu pour ce don, et demandons-lui de nous rendre souple à son œuvre. 4 décembre 2018 -

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 23 v 01-05 De l'excommunication pour fautes écrit le 30 novembre 2018
Verset(s) :

1. Si un frère se montre récalcitrant ou désobéissant ou orgueilleux ou murmurateur et contrevenant sur quelque point de la sainte règle et aux commandements de ses anciens, avec des manifestations de mépris,

2. ses anciens l'avertiront, selon le commandement de Notre Seigneur, une première et une seconde fois en privé.

3. S'il ne s'amende pas, on le réprimandera publiquement devant tout le monde.

4. Si même alors il ne se corrige pas, s'il comprend ce qu'est cette peine, il subira l'excommunication.

5. Mais si c'est une mauvaise tête, il recevra un châtiment corporel.

Commentaire :

Avec ce chapitre 23, nous commençons la série communément appelée le « code

pénitentiel» de la RB. Dans ces chapitres, il peut y avoir un risque de se focaliser soit sur les

fautes, soit sur la manière de corriger d'alors, difficilement compréhensible pour nous. Quel est

le cœur de l'enseignement proposé ici par Benoit? Ne se résume-t-il pas à la question:

comment demeurer en communion les uns avec les autres? Ou formulé négativement: qu'est-

ce qui blesse la communion?

Comme dans une famille humaine, nous aspirons à vivre ensemble, unis, dans la

communion. Cette communion est fondée sur notre même foi. Elle est scellée par la profession

monastique. Dans le Christ et aussi dans une certaine manière de le suivre s'enracine notre

communion. Celle-ci est plus profonde que le seul fait de bien s'entendre. Il peut arriver des

accrochages, des énervements ou des agacements qui n'atteignent pas la communion. Il s'agit

de saute d'humeur, ou bien de fatigues ou d'impatiences qui relèvent davantage de la faiblesse.

C'est la faiblesse de celui qui gêne l'autre par inattention, et la faiblesse de celui qui supporte

difficilement par susceptibilité ou impatience peut-être. La communion ne craint pas nos

faiblesses. Elle veut au contraire les fortifier en nous aidant à les reconnaitre pour mieux les

assumer et ne pas les faire trop porter aux autres. La communion ne craint pas non plus les

incompatibilités de caractères ou de tempérament. Peut-être une rencontre paisible reste encore

difficile. Mais si chacun sait reconnaitre sa propre limite, sans la rej eter sur l'autre, peut s'ouvrir

et se fortifier un lien de communion. Ce lien n'aura jamais la douceur d'un lien d'amitié, mais

il pourra avoir la force d'un lien fraternelvécu dans la lumière de la foi. En elle, je peux

découvrir que le Christ nous a rassemblés en ce lieu. Il nous entraine l'un et l'autre à aller plus

loin dans la communion. Nous sommes si spontanément enclins à réduire la communion entre

nous au seul cercle des frères avec lesquels tout va bien !

Notre vie communautaire peut devenir une parabole pour nous-mêmes et pour ceux qui

peuvent la lire d'une communion toujours en quête de son achèvement.Cette communion est

déjà donnée par le Christ qui nous sauve. Elle est appelée à grandir pour nous ouvrir à l'amour

vrai et concret. En ce jour, nous fêtons St André. Traditionnellement se vit une visite mutuelle

entre les catholiques et les orthodoxes, en quête d'unité. Nous pouvons offrir notre désir et aussi

nos efforts modestes et cachés le plus souvent, pour demeurer en communion entre nous,

esquisse de ce qui se cherche dans l'Eglise et l'humanité. - 30.11.2018

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 22 v 1-8 Comment les moines dormiront écrit le 29 novembre 2018
Verset(s) :

1. Ils auront chacun un lit pour dormir.

2. Ils recevront, par les soins de leur abbé, une literie adaptée à leur ascèse personnelle.

3. Si faire se peut, tous dormiront dans un même local. Si leur grand nombre ne le permet pas, ils reposeront par dix ou par vingt avec leurs anciens, qui veilleront sur eux.

4. Une lampe brûlera continuellement dans cette pièce jusqu'au matin.

5. Ils dormiront vêtus et ceints de ceintures ou de cordes, pour ne pas avoir de couteaux à leur côté pendant qu'ils dorment, de peur qu’ils ne blessent le dormeur pendant son sommeil,

6. et pour que les moines soient toujours prêts et que, quand on donne le signal, ils se lèvent sans attendre et se hâtent de se devancer à l'œuvre de Dieu, mais en toute gravité et retenue.

7. Les frères encore adolescents n'auront pas leurs lits les uns près des autres, mais mêlés aux anciens.

8. En se levant pour l'œuvre de Dieu, ils s'exhorteront mutuellement avec retenue, à cause des excuses des somnolents.

Commentaire :

Une chose me frappe en ce chapitre. Beaucoup des détails donnés sur la manière de

dormir n'ont pas leur fin en eux-mêmes. Ils sont ordonnés à autre chose que le seul sommeil.

Ainsi les indications sur la literie précisent qu'elles concernent l'ascèse personnelle. Les moines

dorment dans une pièce commune où une lampe demeure allumée. Elle sert sûrement de

veilleuse, mais elle rappelle aussi la dimension de veille. Les moines dorment habillés pour être

toujours prêts à se lever pour l'œuvre de Dieu. Les plus jeunes moines sont mélangés aux

anciens, certainement pour respecter la discipline, mais aussi pour mieux s'exhorter au lever

pour la prière. La manière de présenter le sommeil dans ce chapitre laisse entendre que le repos

nocturne n'a pas sa fin en lui-même. Nous dormons pour nous reposer certes, mais nous

dormons comme des veilleurs, toujours prêts à se lever pour la prière, pour l'œuvre de Dieu.

Ces notations de la règle sont toujours bonnes à entendre pour nous. Quelles sont les

dispositions que nous avons aujourd'hui pour vivre le sommeil dans ce même état d'esprit de

veille? Nous avons la coutume du grand silence de la nuit qui veut que l'on ne parle pas après

complies. La coupure d'internet à 20h30 marque une distance avec toutes les activités et les

échanges. Nous choisissons de nous retirer. Nous n'avons pas de couvre-feu qui indiquerait une

heure de fermeture des lumières. Chacun est donc responsable de son heure de coucher.

Comment je gère celle-ci? Si je veille par une lecture, est-ce pour déjà entrer dans la nuit ou

bien est-ce encore pour faire des choses et grignoter du temps? Est-ce que j'entre dans la nuit

dans cet esprit de veille pour le Seigneur, afin qu'il me trouve vraiment dispos pour me lever?

J'invite ici à être attentif, car il peut y avoir des façons d'en faire toujours plus, même sous une

apparente détente qui ne favorise pas finalement le vrai repos.

Nous moines, nous désirons apprendre à vivre notre repos aussi en Dieu et pour Dieu.

L'office des vigiles nocturnes nous entraine à ne pas trainer afin de trouver sans tarder le repos

réparateur. Pour les frères qui ne peuvent y venir, quelle place a la prière le soir avant de se

coucher ou le matin tôt? Comment chacun reste un veilleur pour Dieu? Reprendre quelques

psaumes et/ou une lecture de l'Ecriture permettra d'être en communion avec les frères qui se

lèvent. Vivre la nuit et le sommeil comme des veilleurs peut nous faire découvrir un autre élan

intérieur dans la façon d'aborder nos journées. Peu à peu tout s'ordonne au service du Seigneur

et tout reçoit un surcroît de vie. - 29 novembre 2018