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10. ils affectionneront leur abbé d'une charité sincère et humble ;;
11. « ils ne préféreront absolument rien au Christ. ;»
12. Que celui-ci nous fasse parvenir tous ensemble à la vie éternelle ;!
« Tous ensemble ... » Lors de notre rencontre à Landevennec, le P. Jean Michel a fait une belle conférence sur« la communion dans la RB ». A propos de ce verset, il disait:« Benoît ne conçoit pas que nous avancions les uns sans les autres et encore moins les uns contre les autres à la suite du Christ!». Il est frappant en effet de relever dans ce chapitre quasi conclusif de la règle -si l'on considère le suivant comme un épilogue- que tous les verbes d'action sont au pluriel. Les actions proposées se vivent dans une interaction continue. Le bon zèle pour Benoit trouve son expression essentiellement dans un élan communautaire où chacun et tous ensemble se mettent en mouvement. Fruit de l'œuvre de !'Esprit Saint, ce bon zèle tisse entre nous des liens vivants de fraternité et de communion. Peut-il en être autrement pour des baptisés marqués du sceau de !'Esprit Saint ? Lui le Bon Zélateur, nous rassemble sous la houlette du Bon Pasteur, le Christ. En Jésus, se vit comme« une aimantation», disait encore le P.J. Michel, en soulignant l'importance pour des moines de la préférence de l'office divin qui est inséparablement préférence du Christ. D'office en office, d'heure sanctifiée en heure sanctifiée, le Christ nous conduit ainsi tous ensemble à la vie éternelle. Commencée depuis notre baptême, la vie éternelle se déploie au sein de notre vie communautaire. Si chacun de nous n'y fait pas trop obstacle, tous ensembles, nous faisons déjà signe de la communion à venir, en devenant artisans de communion dès cette terre. Toutes les fois, où nous nous ouvrons au lieu de nous replier, où nous nous donnons au lieu de retenir, l' œuvre de communion se réalise entre nous, et au-delà de nous. Il ne s'agit pas de grandes choses à réaliser, mais plutôt de bon nombre de gestes et d'attentions. Le quotidien en est rempli. Quand on les fait, on a l'impression de ne rien faire d'extraordinaire, mais quand ces gestes manquent, nos yeux s'ouvrent! Car ils font cruellement défaut. A l'image des échanges trinitaires, la vie éternelle sera-elle autre chose qu'un échange de dons entre nous, échange initié dès ici-bas, pour prendre une mesure sans mesure dans l'au-delà. Notre vie présente nous apprend simplement, mais laborieusement parfois à ôter toutes les barrières de notre coeur, toutes les retenues et fausses sécurités... Que le Christ Bon Pasteur et !'Esprit Saint Bon Zélateur. nous apprennent à ne pas avoir peur les uns des autres dans la confiance et dans l'espérance que chacun n'a pas encore révélé tout son être, tout son visage...
8. ils pratiqueront la charité fraternelle avec désintéressement ;;
9. avec amour ils craindront Dieu ;
Comment entendre ces deux manifestations du bon zèle dans la relation au prochain et à Dieu ? Au sujet de la première, St Benoit ajoute le mot « chastement» pour caractériser la charité fraternelle ; puis le mot « amour » pour caractériser la crainte envers Dieu. Dans les deux cas, il vient préciser la qualité de la relation qui est en jeu avec les frères et avec Dieu... une précision qui indique une profondeur à ne pas manquer.
« Ils pratiqueront la charité fraternelle chastement)) .... Y-a-t-il une charité qui ne soit
pas chaste ? Un amour qui ne serait pas chaste serait-il encore un amour vrai ? Dans un couple, une famille, dans une relation d'amitié, comme dans une relation fraternelle de communauté, l'amour échangé gui construit et donne la vie tend à la chasteté, ou il n'est pas véritablement amour. Que veut-on dire alors par chaste? Certainement respect, respect de l'intimité, de la limite qui préserve l'espace propre de l'autre. Certainement aussi désir de laisser l'autre libre, de ne pas lui mettre la main dessus. La chasteté ouvre un espace où chacun peut respirer dans la relation, pour se donner librement et dans la justesse. La chasteté prendra des couleurs différentes selon qu'elle est vécue dans le mariage ou dans le célibat. Mais elle donnera toujours le primat à l'autre et tiendra à distance les désirs plus ou moins confus de possession ou de relations fusionnelles. Consentir à cet espace dans la vie fraternelle nous entrainera à demeurer dans l'étonnement devant le mystère de l'autre qui échappe toujours, dans l'émerveillement aussi devant la nouveauté dont l'autre est porteur. .. toujours plus grand que ce qu'on connait.
« Avec amour, ils craindront Dieu )). De nouveau, St Benoit déplace le curseur. La crainte de Dieu si prisée dans les écrits de sagesse, comme nous l'entendions ces jours derniers dans la bouche de Ben Sira aux vigiles, est ici recherchée avec amour. Comme un pédagogue, Benoit sait que notre cœur n'est pas d'emblée capable d'aimer entièrement et totalement. Dans le premier degré d'humilité, il propose au moine de placer toujours devant ses yeux la crainte de Dieu, c'est-à-dire de donner à Dieu la première place dans sa vie. Et toute l'échelle de 1'humilité consistera à tendre vers cet amour gui chasse la crainte. Sur ce chemin, nous sentons peu à peu que le bon zèle est à l'œuvre dans notre vie lorsqu'avec amour, nous craignons Dieu, lorsque notre relation avec lui n'obéit plus seulement à la règle. mais à l'amour, lorsque nous ne faisons plus les choses, les offices et tout le reste par obligation, mais par désir de l'aimer davantage. Soyons heureux d'être guidé par Benoit pour aimer nos frères chastement et notre Dieu de plus en plus.
6. ils s'obéiront à l'envi ;
7. personne ne recherchera ce qu'il juge être son avantage, mais plutôt celui d'autrui ;;
Ces deux manifestations du bon zèle ont quelque chose d'extrême qui ne peut être que le fait de l'œuvre de !'Esprit Saint, voire même sa signature. Obéir à l'autre à l'envie, ne pas rechercher son avantage. mais celui de l'autre. N'est-ce pas la trace par excellence de !'Esprit qui nous faire vivre d'une manière nouvelle, dans le don de soi, don qui peut aller jusqu'au don total des martyrs qui donnent leur vie pour leur Seigneur et pour leurs frères ? La vie chrétienne n'est pas une vie morale au sens d'une vie bien cadrée où tout serait dans les clous, avec mesure et raison. Non elle est une vie morale gui porte en elle un excès, non l'excès téméraire et volontariste de celui qui s'entête, mais l'excès de l'amour suscité par ]'Esprit, excès qui se vit inséparablement dans la vigueur et la douceur, comme naturellement. Les saints en sont une illustration vivante. Ils ont vécu l'excès de l'engagement pour les autres et pour Dieu, en s'oubliant totalement, de manière heureuse (ce qui n'exclue pas du combat) et naturelle, parce qu'ils laissaient !'Esprit Saint les habiter.
St Benoit nous engage ce matin à laisser ce bon Zélateur qu'est !'Esprit Saint, nous entrainer sur ces chemins de l'excès de la charité... S'obéir à l'envie mutuellement en abandonnant mes susceptibilités, en acceptant de passer en second plan, sans chercher à imposer mon point de vue... La vie quotidienne nous en offre bien des occasions. Cet excès dans l'effacement joyeux au regard de la prétention si spontanée à vouloir avoir le dernier mot est peut-être la manière des moines d'être martyrs. Martyr dans le sens de témoin de la grande joie à œuvrer avant tout au bien commun. en laissant en retrait la préoccupation obsédante du souci de soi. S'effacer pour laisser l'avantage à l'autre plutôt que de rechercher le sien propre, nous pouvons le décliner de mille manières. Au repas libre-service, vais toujours prendre toujours du meilleur plat en sachant que d'autres n'en auront peut-être pas après moi? Quand le plat de fruit circule, vais-je prendre le fruit un peu gâté qui est devant moi, ou le laisser au suivant? Ou encore, vais-je mettre en réserve au début du repas un bon dessert pour être sûr d'en avoir, ou bien vais-je goûter la joie de le laisser aux autres, etc... Des petits détails me direz-vous... Mais notre vie monastique commune est appelée à aller jusque-là dans la charité, si elle ne veut pas rester simplement une vie bien rangée, entre gens bien élevés. Elle risquerait alors de n'être au mieux qu'une application stricte d'une règle, où chacun chercherait avant tout à défendre ses droits, tout en veillant à que les autres remplissent bien leurs devoirs. L'Esprit nous entraine
ailleurs« au brasier de la charité» pour notre plus grand bonheur, « éclosion de sa liberté».
3. Tel est donc le zèle que les moines pratiqueront avec un ardent amour ;:
4. ils « se préviendront d'honneurs mutuels » ;
5. ils supporteront sans aucune impatience leurs infirmités corporelles et morales ;;
Je remarque tout d'abord que tous les instruments du bon zèle que nous commençons à lire concernent les relations avec les frères et avec Dieu, et non les pratiques ascétiques corporelles. St Benoit ne nous demande pas d'être zélés en faisant des exploits dans Je jeûne, la veille ou tout autre pratique visant à mieux gérer nos passions. Il nous engage à soigner nos relations avec nos frères et avec Dieu pour aller« tous ensemble vers la vie éternelle », comme il le conclura à la fin. Dans la ligne de ce que nous disait hier, f. Michael Davide, tout se passe comme s'il nous était proposé de chercher et de goûter dès ici-bas, une abondance de vie dans la vie fraternelle et dans la relation avec Je Seigneur qui soit la préparation et l'ébauche de la vie éternelle. Il s'agit d'entrer dans un échange vécu jusque dans l'excès de la générosité qui nous fasse goûter au plaisir de vivre ensemble et avec Dieu. F. Michaël Davide parlait d'érotisation de notre vie, non au sens d'acte sexuel, mais au sens où elle déploie toutes ses potentialités d'énergies données et reçues dans Je plaisir de vivre ensemble, parce que la vie est
bonne... Je lis ensemble ces deux premiers instruments ou expressions du bon zèle... « Ils se
préviendront d'honneurs mutuels »... Reprise de Paul (Rm 12, 11), cette expression suggère un empressement de part et d'autre vécu dans Je respect et l'attention. Les« énergies érotiques» dont parlait Je f. Michael Davide, vécues dans !'intimité de la vie fraternelle, n'ont rien d'envahissant ou d'étouffant. Elles sont empreintes de délicatesse qui se donne sans s'imposer. Et en liant cette première recommandation avec la suivante sur Je support des infirmités, nous mesurons jusqu'où l'honneur rendu à l'autre peut aller... jusqu'à l'aimer avec ses infirmités, si pesantes soient elles. Dans la patience et l'accueil de l'autre avec ses limites, la relation fraternelle peut déployer alors des énergies où « l'amour éros» en quête de réciprocité s'accomplit en« amour agapé », amour désintéressé où tout est don. Cet« amour agapé » va nous permettre de changer notre regard sur l'autre pour l'honorer au lieu même où spontanément nous sommes tentés de la mépriser. Ceci nous demande d'aller chercher, ou plutôt d'accueillir des énergies que l'on n'a pas spontanément en nous. Ces énergies nous viennent de )'Esprit Saint Lui l'Amour Agapé répandu en nos cœurs. Lui seul peut nous entrainer à aimer jusque-là. Nous lui demandons en ces jours de désensabler cette source d'amour qu'il a déjà ouverte en nous depuis notre baptême, Lui la Source claire.
1. S'il existe un zèle mauvais et amer qui sépare de Dieu et conduit en enfer,
2. il existe aussi un bon zèle qui sépare des vices et conduit à Dieu et à la vie éternelle.
Mauvais zèle-bon zèle : le premier sépare de Dieu et conduit en enfer, le second sépare
des vices et conduit à Dieu et à la vie éternelle... D'une manière simple et directe, Benoit décrit le mystérieux combat qui se livre en nous. Notre cœur est souvent pris entre deux mouvements : le mauvais élan et le bon élan. Le premier est amer, le second sera doux. Le premier conduit à l'enfer, ou comme dirait notre P. Germain à l'enfe1mement sur soi. Le second conduit à Dieu et aux frères comme en témoigneront ensuite les 5 instruments sur les 8 proposés par Benoit. Mystérieux combat auquel nous sommes confrontés quotidiennement : vais-je me laisser à aller à m'enfermer sur moi, sur mon plaisir immédiat, sur mes problèmes, voire mes légitimes soucis, ou bien vais-je me ressaisir et m'ouvrir aux autres et au Seigneur présent? Entre les deux mouvements, nous oscillons, et nous cherchons. Heureux sommes-nous si nous restons vigilants pour ne pas nous installer dans une tiédeur assoupissante, ou dans l'activisme ou encore le divertissement. Et en même temps, ce serait une fausse piste de croire que tout dépend de nous, et que nous pouvons par nous-mêmes tout maitriser afin de nous orienter toujours vers le bien. De même que nous ne connaissons pas toujours ni pourquoi ni comment nous penchons vers le mal, de même nous pouvons nous surprendre à avoir la bonne réaction et à dire la bonne parole au moment opportun ... Accepter une part de non-maitrise dans notre combat entre le bien et le mal fait partie du chemin de l'humilité. li nous revient avant tout de nous tourner sans cesse vers le Seigneur Jésus qui est la Voie, la voie de vie et de vérité. En cette semaine qui nous prépare à la Pentecôte, nous pouvons nous ouvrir aussi davantage à l'œuvre de ]'Esprit Saint qui est notre principal zélateur ou entraineur dans le bon zèle. Il nous attire vers le bien dans une fermeté gui n'est jamais dure. li nous pousse avec détem1ination sans nous bousculer. Lui, l'Amour entre le Père et le Fils vient habiter et transformer notre cœur, en un cœur qui s'élargit et s'affermit pour se tourner plus en vérité vers davantage de personnes. Mystérieuse habitation qui ne fait pas de bruit, « silence frémissant » et « murmure du nom du Père au cœur des fils » comme nous le chantons. Au long des jours, « viens Esprit Saint, source claire nous ramener vers le Père ».
1. Si l'on enjoint à un frère des choses pénibles ou impossibles, il recevra l'ordre de celui qui commande en toute douceur et obéissance.
2. S'il voit que le poids du fardeau excède absolument la mesure de ses forces, il représentera à son supérieur, patiemment et opportunément, les raisons de son impuissance,
3. sans orgueil ou résistance ni contradiction.
4. Si, après ses représentations, l'ordre du supérieur se maintient sans qu'il change d'avis, l'inférieur saura qu'il est bon pour lui d'agir ainsi,
5. et par charité, confiant dans le secours de Dieu, il obéira.
Frère Adalbert soulignait la beauté littéraire de ce chapitre : Sa structure est claire. Trois phrases, chacune commence par une hypothèse et finit par une directive. On voit ainsi se dérouler un drame en trois actes: L'ordre pénible et sa réception; le constat d'impossibilité et l'ouverture au supérieur. Le maintien de l'ordre, et son exécution. A chaque étape, Benoit indique la manière de penser et d'agir. L'ensemble est remarquablement agencé.
Benoit décrit ici un moment privilégié de notre vie. Un temps de plus grande lucidité sur soi. Suis-je vraiment libre. Ma vie est-elle donnée à Dieu et à mes frères? Il y a des événements qui viennent cogner ce que nous vivons, pour vérifier que cela sonne juste. Que derrière le quotidien un peu répétitif, il y a un cœur qui aime, un homme qui cherche Dieu, qui veut le servir et faire ce qu'il attend. Ce don de soi, nous en sommes mauvais juges sur nous-mêmes. C'est plus facile de le voir chez les autres. Il n'est pas rare d'entendre dire d'un frère:« Sa vie est vraiment donnée». Et lui-même n'en a peut-être pas conscience, pris dans les combats des jours.
Nous dépensons souvent beaucoup d'énergie pour éviter certaines situations, certaines rencontres, certains événements. Dans cet interminable combat de Jacob, Dieu peut sembler, à première vue, avoir le dessous. Nous pensons lui imposer notre volonté, éviter le choc, faire semblant d'obéir tout en imposant notre volonté.
Mais il arrive aussi que ce que nous pensions impossible, intolérable, se présente à nous. Nous pouvons être tentés de tout laisser tomber. Ou nous soumettre de mauvais gré, tomber dans l'amertume. Mais parfois nous découvrons avec surprise que l'impossible devient possible, avec l'aide de Dieu. Nous découvrons alors que Dieu a si bien travaillé notre cœur que les murs que nous avions dressés pour nous protéger sont devenus inutiles. Ce long travail de dépouillement, c'est la voie royale, le chemin de la liberté intérieure.
1. Ce n'est pas seulement envers l'abbé que tous doivent pratiquer le bien de l'obéissance, mais en outre les frères s'obéiront mutuellement,
2. sachant que par cette voie de l'obéissance ils iront à Dieu.
3. Aussi, mis à part les ordres de l'abbé ou des prévôts qu'il institue, ordres auxquels nous ne permettons pas que l'on préfère ceux des particuliers,
4. pour le reste tous les inférieurs obéiront à leurs anciens en toute charité et empressement.
5. Si quelqu'un est pris à contester, on le réprimandera.
6. De plus, si un frère reçoit une réprimande quelconque de l'abbé ou de n'importe lequel de ses anciens pour quelque raison que ce soit, si mince qu'elle puisse être,
7. et s'il sent que l'esprit de n'importe quel ancien est légèrement irrité contre lui ou ému si peu que ce soit,
8. aussitôt et sans délai il se prosternera à terre et fera satisfaction, étendu à ses pieds, jusqu'à ce qu'une bénédiction vienne calmer cette émotion.
9. Celui qui refuse de faire cela, on lui infligera un châtiment corporel, ou bien, s'il est obstiné, on le chassera du monastère.
« Que ! 'on s'obéisse mutuellement ...» On pourrait aussi traduire que l'on s'obéisse les uns les autres. Mutuellement ou les uns les autres traduit le mot latin « invicem » que l'on retrouve dans le grand commandement de Jésus : « aimez-vous les uns les autres» (Jn 15, 12,17). Jésus a commandé de s'aimer les uns et les autres, non de s'obéir les uns les autres. Ql!f fait donc St Benoit en nous proposant de nous obéir les uns les autres ? Il ne nous donne pas un commandement supplémentaire, mais il nous entraine à goûter et à partager le « bien de l'obéissance ». Dans une communauté monastique, le« bien del 'obéissance» est recherché et accueilli par les moines dans leur désir d'être pleinement uni au Christ, le seul obéissant. Ils désirent prendre leur part de ce labeur dans l'intime conviction, qu'uni au Christ, ils participent à la venue du Royaume en notre monde. L'obéissance est un chemin d'engagement personne] qui veut libérer le cœur et nous faire grandir dans l'amour du Christ suivi jusqu'au bout. Mais le bien de l'obéissance, s'il enracine notre vie dans le Christ, peut aussi être une épiphanie de la vie fraternelle accomplie. S'obéir les uns les autres va donner à voir comment nos relations mutuelles peuvent se laisser transformer en vue du Royaume. Jésus disait : « A ceci tous reconnaitront que vous êtes mes disciples, si vous avez del 'amour les uns pour les autres» (Jn l 3, 35). De même ne peut-on pas dire que notre obéissance mutuelle fait signe en ce monde déjà de la vie du Royaume où les relations humaines seront réconciliées et transfigurées ? Et cela à travers mille petits gestes quotidiens : accepter de me laisser interpeller par un frère qui me dit une parole, ou bien qui me demande un service ; entrer dans les vues d'un autre et laisser les miennes ; adhérer à un projet qui rallie l'ensemble en renonçant à mes idées originales... Autant de manières d'incarner cette obéissance mutuelle qui seront autant d'occasions de nous donner de la joie les uns aux autres.N'est-ce pas cette joie qui transparait dans le Ps 132 : « Oui, il est bon, il est doux pour des fi-ères, de vivre ensemble et d'être unis ! » Seigneur, partage nous le secret de cette joie... le secret de ta joie.
1. On évitera, au monastère, toute occasion de présomption,
2. et nous décrétons que personne n'aura le droit d'excommunier ou de frapper aucun de ses frères, s'il n'en a reçu pouvoir de l'abbé.
3. Mais « on reprendra les coupables en présence de tous, afin de faire peur aux autres. ;»
4. Quant aux enfants jusqu'à l'âge de quinze ans, tous auront soin de les maintenir dans l'ordre et les surveilleront,
5. mais en toute mesure et raison.
6. Si quelqu'un se permet quoi que ce soit contre un adulte sans instructions de l'abbé ou s'emporte sans discrétion contre des enfants, il subira les sanctions de règle,
7. car il est écrit : « Ce que tu ne veux pas qu'on te fasse, ne le fais pas à autrui. ;»
« Ou 'on ne se permette pas de frapper »... Ce titre peut nous surprendre et nous faire
sourire à première vue. Mais il ne nous faut pas longtemps pour mesurer en nous-même ces parts de violence plus ou moins cachées ou en sommeil qui peuvent se réveiller un jour. Nous sommes capable de violence sans que 1'on sache toujours bien comprendre la disproportion entre la violence verbale ou physique imaginée, voire mise en acte, et ce qui l'a occasionnée qui est souvent bien minime. Dans son épitre, St Pierre parle de « notre adversaire, le diable comme un lion rugissant qui rôde cherchant qui dévorer » (1 P 5, 8). Parfois, lorsque nous laissons la colère nous habiter, nous faisons alors l'expérience que le lion est en nous et qu'il nous transforme à son image... prêt à dévorer ou déchirer, à maltraiter sûrement. .. Juste avant, le même Pierre invite à « rester sobre à veiller », « à nous abaisser sous la main puissante de Dieu», à nous décharger sur lui « de tous nos soucis puisqu'il prend soin de nous» (1 P 5, 6- 7). L'antidote de la colère serait alors la sobriété, la vigilance, l'humilité et la confiance en Dieu ... à cultiver en amont pour préparer notre cœur à tenir ferme dans l'adversité lorsque celle ci se présente toujours à notre insu.
Humilité. comme antidote de la colère... Si on reprend le titre de ce chapitre, on peut voir que le lien n'est pas fortuit. « Qu'on ne se permette pas... de frapper» traduit le verbe
« non praesumere » qui signifie « prendre avant, prendre d'avance, mais aussi « être fier de de» qui est une manière de« se mettre en avant» ... D'où le mot« présomption» qui signifie une certaine « prétention » et « suffisance » à se mettre en avant, et à décider des choses avant tous, tout seul... Dans la RB, Benoit met plusieurs fois en garde contre la présomption où l'on se permet de faire ou dire des choses comme si nous étions tout seul, sans attention à la communauté ... Par ex, le terme revient 3 fois à propos de la réunion du chapitre où chacun est invité à donner sa parole, mais sans avoir la présomption de l'imposer (RB 3)... Tel est l'aveuglement dans lequel nous tombons souvent: celui de croire que ce que je pense est l'exacte vérité, et que celle-ci doit s'imposer. F01ie de cette présomption d'avoir raison, la colère fera tout pour détruire les obstacles qui se mettent en travers de mon illusoire prétention. Heureuse vie commune qui m'ouvre alors les yeux et les oreilles pour me faire découvrir combien la réalité est plus grande que ce que je peux en mesurer. Rude et éprouvante vie commune qui vient rogner mes prétentions à avoir raison et à vouloir imposer mes points de vue. Pour ne pas subir l'épreuve de la vie commune, à la façon d'une victime, cultivons en nous la recommandation de st Pierre : « abaissez-vous donc sous la main puissante de Dieu, afin qu'il vous élève en temps voulu».
1. Il faut prendre soin que personne au monastère, en aucune occasion, ne se permette de défendre un autre moine ou de lui servir comme de protecteur,
2. même s'ils sont unis par un lien de parenté quelconque.
3. Les moines ne se le permettront d'aucune manière, car cela peut être l'occasion de conflits très graves.
La vigueur avec laquelle St Benoit réagit dans ce chapitre peut nous surprendre. Car il y a une indignation qui est bonne et saine. Face à l'injustice, à la méchanceté, nous pouvons même avoir le sentiment de trahir ce qu'il y a de plus noble et de plus authentique en nous, si nous ne prenons pas la défense du plus pauvre, du plus petit. Qu'y a-t-il de répréhensible à prendre la défense d'un autre, surtout s'il est fragile, et victime d'injustice ?
La Bible parle souvent de la défense de la veuve et de l'orphelin, du pauvre, de l'opprimé, du juste persécuté. Jésus a été le premier à blâmer celui qui charge ses frères de pesants fardeaux, celui qui condamne sans appel les pécheurs. Au cœur du christianisme, il y a une résistance à l'injustice, à l'oppression, au mensonge. Une résistance qui demande souvent du courage, et un authentique don de soi. Il ne faudrait pas que la vie monastique émousse cette capacité d'indignation ! Elle devrait plutôt l'affiner et la développer.
Mais le but de St Benoit, dans la Règle, c'est de guérir notre humanité blessée, de lui rendre sa dignité, sa beauté originelle. Il sait le péril qu'il y a à vouloir se poser en défenseur d'un frère : « Je le protège. » Je me mets au-dessus de lui. Je le considère comme moins grand que moi. Je crois être le seul à savoir ce qui est bon pour lui. Mieux que le Père Abbé et le reste de la communauté !
Nos relations fraternelles supposent l'égalité. Parce que c'est la vérité, devant Dieu. Un frère peut avoir besoin de moi, mais cela est juste si je reconnais le lieu où, moi aussi, j'ai besoin de lui. Bien souvent, quand je prends la défense d'un frère, ce sont mes propres opinions, mes intérêts que je défends. Ou ma relation avec lui, une complicité peut être.
Il faut beaucoup de courage pour aimer en vérité. Un courage qui suppose une profonde lucidité sur ce qui m'anime vraiment, au plus intime de moi. Cette lucidité demande que je sois capable de prendre du recul, même vis-à-vis de ce qui m'indigne.
1. Les frères qui vont partir en voyage se recommanderont à l'oraison de tous les frères et de l'abbé,
2. et à la dernière oraison de l'œuvre de Dieu, on fera toujours mémoire de tous les absents.
3. Quant aux frères qui reviennent de voyage, le jour de leur retour, à toutes les heures canoniales, quand s'achève l'œuvre de Dieu, ils se prosterneront sur le sol de l'oratoire
4. et demanderont à tous de prier en raison de leurs manquements, de peur de s'être laissé prendre en voyage à voir ou entendre une chose mauvaise ou une parole déplacée.
5. Et personne ne se permettra de rapporter à un autre tout ce qu'il aura vu ou entendu hors du monastère, car cela fait de très grands ravages.
6. Si quelqu'un se le permettait, il subira le châtiment de règle.
7. De même celui qui se permettrait de sortir de la clôture du monastère et d'aller n'importe où et de faire n'importe quoi, même de peu d'importance, sans l'autorisation de l'abbé.
Ici commence ce qu'on peut appeler l'appendice de la Règle. Une demi douzaine de chapitres ajoutés à celui du portier, qui était primitivement le dernier. La demande de relire régulièrement la Règle, en était la conclusion. La première des questions traitées est celle des voyages : Après la porte du monastère, le franchissement de cette porte, au départ et au retour.
Saint Benoit n'a pas écrit sa Règle pour des moines pèlerins. Il se méfie des gyrovagues. Le vœu de stabilité est au cœur de la conversion monastique.
Pourtant, être moine, c'est entrer dans une dynamique du voyage, du déracinement permanent, de l'exil, de l'exode pour suivre le Christ. Le dynamisme de la conversion. Mais être moine c'est aussi apprendre qu'il ne sert à rien de courir le monde: C'est le cœur qui doit se mettre en route. L'important n'est pas de bouger, mais d'être vivant, d'avoir le cœur vivant.
Il n'est pas utile de s'agiter, comme les gyrovagues pour qui le seul point stable est leur volonté propre. Ils fuient toute occasion de se convertir. Ce voyage auquel nous sommes invités ne nous mènera pas au bout du monde. Notre pèlerinage est intérieur. Le désert que nous avons à traverser est au-dedans de nous. Essayer de se rendre disponible, chercher la liberté du cœur, être à l'écoute de Dieu, de sa volonté sur nous aujourd'hui.
Si nous confondons l'invitation au voyage que le Seigneur nous adresse, avec nos démangeaisons de changement, nous passons à côté de l'essentiel. Nous risquons avoir couru en vain. C'est pour cela que St Benoit n'aime pas trop les voyages. Il ne veut pas que nous prenions l'ombre pour la réalité.
Vous vous souvenez peut-être de cette phrase d' Angelus Silesius qui résume cela : « Il y en a qui vont dans de lointains pèlerinages; ils processionnent autour du temple sans entrer dans le sanctuaire. Mais moi, je vais en pèlerinage vers l'ami qui demeure en moi. »