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14. C'est ce que le prophète nous fait voir, quand il montre Dieu toujours présent à nos pensées, en disant : « Dieu scrute les cœurs et les reins. »
15. Et encore : « Le Seigneur connaît les pensées des hommes. »
16. Et il dit encore : « Tu as compris mes pensées de loin. »
17. Et : « Car la pensée de l'homme s'ouvrira à toi. »
18. D'autre part, pour être attentif à veiller sur ses pensées perverses, le frère vertueux dira toujours dans son cœur : « Je ne serai sans tache devant lui que si je me tiens en garde contre mon iniquité. »
Craindre Dieu, en garder le souvenir : Ier degré, I cr signe del 'humilité au travail en nous
pour rejoindre notre désir le plus profond qui est la mémoire de Dieu, selon le texte du prophète
Isaïe que je citais jeudi ...
St Benoit montre ce travail à l'oeuvre au niveau de nos pensées. Son point d' insistance
est que Dieu est présent à toutes nos pensées, et qu'en conséquence, il nous revient d'être nous
présent à nos pensées, particulièrement les pensées mauvaises qui viennent gâcher notre paix
intérieure. Si Dieu connait nos pensées, nous-mêmes ne pouvons-nous pas les connaitre ?
Serions-nous seulement ballottés de pensée en pensée sans pouvoir comprendre ce qui se passe
en nous ? Son propos est de nous rappeler notre responsabilité vis-à-vis des pensées que nous
roulons dans notre coeur. Derrière ce rappel, nous pouvons reconnaitre la haute conception de
l'être humain que se fait St Benoit à la suite des pères. L'homme, cet être qui pense, est capable
avec la grâce de Dieu, d'une certaine maitrise de lui-même. Les pères du désert prennent
l'image de notre esprit comme d'un gardien qui demande à nos pensées qui frappe à la porte,
et qui, selon que la pensée est bonne ou mauvaise, lui donne la permission d'entrer. Parfois,
cependant, nous pouvons faire l'expérience que la pensée s'engouffre en notre coeur sans
demander aucune permission, pour venir semer le désordre en nous ... Les pensées de colère ou
les pensées sexuelles sont particulièrement fo1tes en la matière, plus sournoises seront les
pensées de découragement et de tristesse, mais non moins fortes aussi. St Benoit en ce premier
degré ne prétend pas que nous puissions toujours maitriser nos pensées et les tenir à bonne
distance. Non, mais il nous pense capable d'être attentif, de veiller sur ce qui se passe dans notre
coeur, de se tenir sur nos gardes. N'est-ce pas cela déjà l'humilité? Savoir que nous sommes
fragiles. Nous sommes en danger lorsque nous laissons certaines pensées occuper notre coeur,
et nous pouvons pécher en leur faisant trop bon accueil.. Ici, le souvenir de Dieu peut devenir
prière, demande à l'aide à notre Père qui connait notre faiblesse. Lui qui est bon et aussi pure
lumière désire nous voir devenir bon et pur comme Lui. L'humilité, c'est savoir crier vers lui
quand la tempête des pensées est trop forte. Ce cri vers Dieu se conjuguera souvent aussi avec
le fait de parler à une personne qui peut aider par son écoute, le père spirituel par ex. Face à nos
pensées, nous nous découvrons souvent nous-mêmes comme un mystère à nos propres yeux.
C'est humilité d'accepter de ne pas tout comprendre, et de s'en remettre au Seigneur avec
confiance dans la prière, ainsi qu'à w1e personne dans la parole.- 09 novembre 2019
11. et que l'on se souvienne toujours de tout ce que Dieu a prescrit, en repassant toujours dans son esprit de quelle façon la géhenne brûle à cause de leurs péchés ceux qui méprisent Dieu, ainsi que la vie éternelle qui est préparée pour ceux qui craignent Dieu.
12. Et se gardant à toute heure des péchés et des vices, à savoir ceux des pensées, de la langue, des mains, des pieds et de la volonté propre, ainsi que des désirs de la chair,
13. l'homme doit être persuadé que Dieu le regarde toujours du haut des cieux à tout instant, que le regard de la divinité voit ses actions en tout lieu et que les anges en font à toute heure le rapport.
St Benoit commence l'énumération et la description des degrés qui sont donnés « par
l 'appel divin pour qu'on les gravisse », selon ces propres mots. Degré, fruit de l'appel divin,
étape de croissance ... Ces degrés que nous disent-il? Sont-ils de nouveaux commandements?
Ou bien ne sont-ils pas d'abord, des indices, indices de crnissance dans ) 'humilité? Dans le
discours de Pinufius, texte qui est la source principale de ce chapitre, Cassien parle de « signes »
d' humilité, plutôt que de degrés ... Penser les degrés comme des indices peut nous éviter l'écueil
de les considérer uniquement sous l'angle de la progression. pour aussi les regarder comme la
manifestation de ce que nous sommes vraiment sous le regard de Dieu : des fils créés pour être
accordés à Dieu, à son amour de Père. Et l'humilité est le meilleur moyen de nous accorder à
notre Père, dans le Christ. Le péché et ses blessures ont faussé le jeu. Ils nous compliquent les
relations avec notre Père et avec nos frères. De la hauteur illusoire sur laquelle il nous place, il
nous faut toujours descendre. On a le sentiment d'être humilié en descendant, ou encore de
s'humilier. Mais en fait, il s'agit de revenir à notre place, la nôtre, et aussi de venir à la place
où le Christ s'est tenu pour, avec lui, coopérer activement aux oeuvres du Père. De ce chemin,
l'échelle nous propose des indices, des signes.
1 cr degré : avoir toujours la crainte de Dieu devant les yeux, fuir l'oubli en se souvenant
de ce que Dieu a prescrit. .. La crainte de Dieu : veut-elle nous maintenir sous la peur d'un Dieu
qui nous abaisserait sous son autorité despotique ? Si St Benoit semble la présenter ainsi dans
une dynamique pédagogique, au contraire, le sage Ben Sira nous en offre une vision très
heureuse : « La crainte du Seigneur est gloire et fierté, ioie et couronne d'allégresse. La crainte
du Seigneur réjouira le coeur; elle procure plaisir, joie et longue vie. La crainte du Seigneur
est un don du Seigneur car elle fait persévérer sur les voies de l'amour ... » (Si 1, 11-12). Je
pourrai continuer la citation qui nous laisse pressentir que la crainte du Seigneur, don du
Seigneur, nous entraine à persévérer dans l'amour, dans la recherche de la justice. Elle est joie
et plaisir parce qu'elle rend l'homme à lui-même, en la plaçant sous le regard de son Dieu avec
confiance. De même le souvenir de Dieu que St Benoit exhorte à conserver, est-il une sorte de
surmoi qu' il faudrait garder sans cesse pour être sûr de ne pas faire de bêtise ? Dans un cantique
que nous chantons le lundi à Laudes, le prophète Isaïe nous fait entendre autre chose : « Dire
ton nom, faire mémoire de toi. c 'est le désir del 'âme. Mon âme te désire, et mon esprit, au.fond
de moi te guette dès l'aurore » (Is 26, 8-9). Au fond de notre être, nous avons le désir de Dieu.
Craindre Dieu, garder son souvenir voudrait ainsi réveiller le meilleur de nous-même. - 07 novembre 2019
5. Aussi, frères, si nous voulons atteindre le sommet de la suprême humilité et si nous voulons parvenir rapidement à cette élévation céleste, à laquelle on monte par l'humilité de la vie présente,
6. il nous faut, pour la montée de nos actes, dresser cette échelle qui apparut en songe à Jacob, et sur laquelle il voyait des anges descendre et monter.
7. Cette descente et cette montée n'ont assurément pas d'autre signification, selon nous, sinon que l'élévation fait descendre et l'humilité monter.
8. Quant à l'échelle dressée, c'est notre vie ici-bas. Quand le cœur a été humilié, le Seigneur la dresse jusqu'au ciel.
9. D'autre part, les montants de cette échelle, nous disons que c’est notre corps et notre âme. Dans ces montants, l'appel divin a inséré différents degrés d'humilité et de bonne conduite, pour qu'on les gravisse.
Echelle de l' humilité, c' est notre vie ici-bas, nous dit St Benoit. Et il précise: les
montants en sont notre corps et notre âme, et les échelons, les degrés d' humilité .. . L'image est
à la fois claire et un peu complexe. On voit bien une échelle, mais on ne voit pas complètement
bien comment elle prend consistance dans notre vie humaine ... entre notre âme et notre
corps ... Une chose est sûre, l' humilité se situe aux jointures de notre être, au niveau le plus
profond ...
Pour essayer de mieux comprendre cette image de l'échelle, il me semble que nous
pouvons regarder le Christ en Croix. Là, fixé sur la Croix, il rend visible à nos regards le mystère
de l'humilité ... Par la main des hommes, il est élevé de terre, et c'est alors qu'il est humilié,
abaissé au plus bas ... Et dans cet abaissement total, il vit l'élévation, la glorification la plus vraie
qui prépare la résurrection. « Maintenant le Fils de l'homme est glorffié », dit Jésus au moment
où Judas sort pour le livrer aux chefs des juifs (Jn 13, 31 ). L' évangéliste Jean est celui qui a le
plus mis en lumière ce mystère de la gloire de la Croix ... où se vit simultanément un mouvement
d' abaissement radical et de glorification ... En s'abaissant Jésus est glorifié, et en lui le Père est
glorifié. La croix devient cette échelle déroutante où l'on monte en s'abaissant. Elle seule nous
montre ce mouvement inversé, totalement étranger à notre échelle spontanée de valeurs ... Sans
un mot, Jésus nous laisse un enseignement fort, très fort. Il nous laisse entrevoir la profondeur
de son être, un être totalement remis et abandonné à son Père. Ne comptant pas sur ses forces,
ni sur son bon droit. .. se laissant trainer dans la boue de l' infamie et de la déchéance, il n'est
pourtant pas passif. En supportant les offenses et en pardonnant, il porte nos péchés, il aime . ..
Humilié, il s'humilie ... S' humiliant il est glorifié et il nous glorifie ... Devant l'abaissement de
Jésus, nous balbutions tant nous mesurons que s'ouvre un mystère abyssal d'amour et de don.
Contempler la Croix, en méditer le mouvement intime d' amour, voilà une voie sûre pour laisser
grandir en nous le désir de grandir en humilité, et de grandir en amour ... Le crucifix que nous
avons au choeur, peut nous aider à orienter notre contemplation et notre quête ... Laissons-le
nous enseigner . .. - 05 novembre 2019
1. La divine Écriture, frères, nous proclame : « Quiconque s'élève sera humilié, et qui s'humilie sera élevé. »
2. En parlant ainsi, elle nous montre que toute élévation est une sorte d'orgueil.
3. Le prophète fait voir qu'il s'en garde, lorsqu'il dit : « Seigneur, mon cœur ne s'est pas élevé et mes yeux ne se sont pas levés. Je n'ai pas marché dans les grandeurs, ni dans des merveilles au-dessus de moi. »
4. Mais qu'arrivera-t-il, « si mes sentiments n'étaient pas humbles, si j'ai exalté mon âme ? Comme l'enfant sevré sur sa mère, ainsi tu traiteras mon âme. »
Si St Benoit, à la suite du Maitre, entreprend de parler de l'humilité, il ne le fait que sous l'autorité de la Parole de Dieu. Des Ecritures, nous pouvons apprendre, sans risque, ce qu'est l'humilité. Ainsi le chapitre s'ouvre par : « qui s'élève sera humilié, qui s'abaisse sera élevé », citation qui conclue deux paraboles en Luc, notamment celle du pharisien et du publicain, entendue dimanche. Cette parabole est en toile de fond de ce chapitre 7, puisque la dernière citation scripturaire, mise dans la bouche du moine humble, est la parole du publicain qui s'humilie devant Dieu dans sa prière. Cet homme devient en quelque sorte un modèle pour le moine dans sa quête d'humilité. Comment apprendre l'humilité ? N'est-ce pas en regardant, en écoutant des personnes humbles, celles dont la Bible nous raconte l'histoire et celles que nous croisons sur nous route ? L'humilité ne s'imite pas par reproduction, mais elle attire qui sait la reconnaitre et communique alors quelque chose d'elle-même comme par osmose...
Quand Jésus conclue la parabole avec l'adage : « Qui s'élève sera humilié, qui s'abaisse sera élevé », il offre en quelque sorte une clé de lecture de l'histoire du salut qui traverse toutes les Ecritures. Avec cette clé, on peut comprendre comment Dieu s'y prend pour conduire et sauver les hommes. Depuis Joseph dans la Genèse en passant par Moïse, David, Josias ou encore le prophète Daniel déporté puis mis à l'honneur, comme nous l'entendions cette nuit, la conviction s'est forgée que Dieu est du côté des petits et de ceux qui sont humiliés : « Tel est faible, il a besoin de soutien, il manque de moyen et ne surabonde que de misère. Mais les yeux du Seigneur l'ont regardé avec bienveillance, pour le relever de son abaissement, et redresser sa tête, à l'étonnement de tous » nous assure Si 11,12. Même ceux qui se comportent d'abord en ennemi de Dieu, mais qui s'humilie, Dieu les exauce et les relève. Ainsi Acab, qui a usurpé la vigne de Nabot, par le mensonge et le meurtre. Il se repend et s'humilie après que le prophète Elie le lui ai reproché en lui disant : « Parce que tu t'es déshonoré en faisant ce qui est mal aux yeux du Seigneur, je ferai venir sur toi le malheur... » Le récit continue : « Quand Acab entendit ces paroles prononcées par Elie, il déchira ses habits, se couvrit le corps d'une toile à sac ; et il jeûnait, il gardait la toile à sac pour dormir et marchait lentement. Alors la parole du Seigneur fut adressée à Elie : 'Tu vois comment Acab s'est humilié devant moi ! Puisqu'il s'est humilié devant moi, je ne .ferai pas venir le malheur de son vivant '... » 1R 21, 20-21,27-29). Dans son cantique, Marie résumera cela en chantant : « le Seigneur renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles... » - 31-10-2019
1. Faisons ce que dit le prophète : « J'ai dit : je surveillerai mes voies, afin de ne pas pécher par ma langue. J'ai placé une garde devant ma bouche. Je me suis tu et j'ai été humilié et j'ai gardé le silence sur les choses bonnes. »
2. En ce passage, le prophète montre que, si l'on doit parfois renoncer à des paroles bonnes à cause de la taciturnité, à bien plus forte raison l'on doit s'interdire les discours mauvais à cause du châtiment qui frappe le péché.
3. Donc, même s'il s'agit de paroles bonnes, saintes et édifiantes, les disciples parfaits ne recevront que rarement la permission de parler, pour qu'ils gardent un silence plein de gravité,
4. car il est écrit : « En parlant beaucoup, tu n'éviteras pas le péché ;» ;;
5. et ailleurs : « Mort et vie sont au pouvoir de la langue. »
6. Car parler et enseigner convient au maître, se taire et écouter sied au disciple.
7. Aussi, lorsqu'on aura quelque chose à demander à un supérieur, on le demandera en toute humilité et respectueuse soumission.
8. Quant aux bouffonneries, ainsi qu'aux paroles oiseuses et portant à rire, nous les condamnons en tous lieux à la réclusion perpétuelle, et nous ne permettons pas au disciple d'ouvrir la bouche pour de tels propos.
Notre attitude face au silence est le plus souvent marquée d'ambivalence. Nous pouvons
le rechercher comme nous pouvons le fuir. Le rechercher comme un refuge qui rassure et le fuir
comme un désert qui fait peur. Entre les deux écueils, comment habiter le silence afin de lui
faire produire tous les fruits que notre cadre monastique en espère ? Trois verbes me viennent
à l'esprit: respecter, goûter, discerner. ..
Respecter le silence dans la maison. Il n'est pas un absolu, mais il est comme un écrin
vital qui veut protéger. Il est une sorte de rempart contre une certaine dispersion dans les paroles
ou l'agitation. Il peut nous garder d'une certaine propension à nous répandre en paroles qui
nous rassurent peut-être, et nous centrent sur nous-mêmes souvent. Respecter le silence, c'est
garder en souvenir que notre vie monastique se propose de nous conduire, toujours plus loin
que nous n'imaginons, dans le recueillement, dans l'unification de notre vie en vue de l'union
à Dieu. Les temps et les espaces réservés au silence sont toujours à préserver. Sans cesse il nous
faut être vigilant dans le secteur de la plonge et du réfectoire. Si l'on doit parler, on va dans un
local attenant. De même autour de la salle des coules ou le cloître, ayons le courage d'inviter
un frère qui veut parler, à aller dans les lieux appropriés. Respecter le silence devient ici une
attention fraternelle pour les autres frères qui occupent ces mêmes lieux.
Goûter. Beaucoup de nos contemporains pris dans le tourbillon des occupations nous
envient. Notre cadre, s'il n'est pas parfait, nous permet de goûter le silence, d'apprécier la
possibilité qu'il offre de nous pacifier, mais aussi de centrer sur ce que nous avons à vivre. Les
temps du matin et du soir sont propices pour dom1er au silence sa vraie profondeur d'écoute de
la Parole. En lien avec la lectio et 1 'oraison, il peut être une caisse de résonnance propice pour
laisser la Parole résonner, nous habiter. .. Le silence nous donne de goûter une autre qualité de
présence à nous-même, aux autres et au Seigneur qui est toujours là.
Discerner. Discerner entre le bon et le moins bon silence, entre la parole nécessaire et le
silence qui fait obstacle. Parfois, il faudra enfreindre la règle, mais le plus souvent celle-ci reste
un repère face à nos paresses ou aux raccourcis trop faciles. Dans notre coeur, la quête du silence
plus intérieur, nous apprend à faire le tri entre les pensées qui accaparent, occupent tout le
terrain au point d'être assourdissantes, et celles qui pacifient et unifient l'être ... D'un côté la
pensée qui juge, critique, murmure ou trouble, de l'autre celle qui voit le bon côté des choses,
qui fait confiance, qui admire, qui sourit...
14. Mais cette obéissance elle-même ne sera agréable à Dieu et douce aux hommes, que si l'ordre est exécuté sans frayeur, sans lenteur, sans tiédeur ou murmure ni réponse négative,
15. car l'obéissance prêtée aux supérieurs, c'est à Dieu qu'elle s'adresse, puisqu'il a dit lui-même : « Qui vous écoute, m'écoute. »
16. Et les disciples doivent la prêter de bon gré, car « Dieu aime celui qui donne avec joie. »
17. En effet, si le disciple obéit contre son gré, et qu'il murmure non seulement oralement, mais même dans son cœur,
18. même s'il exécute l'ordre, ce ne sera pas pour autant agréé de Dieu, qui regarde son cœur murmurer.
19. Et pour une action de ce genre il n'obtient aucune faveur ; bien plus, il encourt la peine des murmurateurs, s'il ne se corrige en faisant satisfaction.
Du livre d' A. Candiar sur l'épitre à Philémon, je retiens que la liberté consiste à faire ce
que ce l'on veut, et que ce vouloir trouve toute sa plénitude lorsque nous voulons ce que Dieu
veut. Là est notre profonde joie : vouloir et faire ce que Dieu veut. A ce niveau, nous faisons
alors vraiment ce que nous voulons, puisque nous le faisons avec Dieu. pour lui et en lui. A.
Candiar disait que le Seigneur désirait nous voir tellement libre à ce niveau de profondeur qu'il
ne nous forçait jamais ni ne nous contraignait de quelque manière que ce soit. Il désire que nous
puissions lui répondre librement, quitte à prendre le risque que nous le lui répondions jamais,
ou encore que nous le maltraitions dans notre liberté mal utilisée. Ainsi l'ont fait les chefs du
peuple juif en maltraitant Jésus, et ainsi sommes-nous toujours capables de faire
personnellement et collectivement aujourd'hui encore en le maltraitant à travers nos
semblables.
Je crois que nous pouvons entendre les propos de St Benoit de ce matin, dans cette même
lumière. L'obéissance vécue dans un monastère ne peut-être que libre. donc joyeuse, ou alors
elle ne sera pas vraiment digne de ce nom. « Dieu aime celui qui donne avec ;oie». En faisant
voeu d'obéissance sous une règle et un abbé, nous choisissons de travailler, de nous exercer à
la libe11é vécue à ce niveau de profondeur. Passer de l'obéissance décidée à l'obéissance
profondément consentie. Passer de l'obéissance voulue à l'obéissance voulant vraiment comme
Dieu veut. Si nous faisons voeu d'obéissance, c'est parce que nous savons que nous n'y sommes
pas d'emblée accordés. Il faut bien toute une vie pour apprendre à être libre comme le Christ,
c'est-à-dire pour apprendre à obéir comme lui jusqu'à la mort à la volonté bonne du Père. Une
bonne part de notre labeur est d'expérimenter que nous tâtonnons dans l'accueil de notre liberté.
Entre la capacité à choisir entre ceci et cela, et la liberté de choisir selon !'Esprit de Dieu pour
vouloir ce que Dieu veut, il y a nos « oui » et nos « non », nos hésitations. Dans cette recherche,
le Seigneur nous accompagne par sa Parole, il nous guide à travers la pédagogie de la vie
monastique. Et en même temps, il respecte nos lenteurs. Le mesurer peut nous faire réaliser
combien il nous aime avec délicatesse. Sur le chemin de l'obéissance, dans la quête de la liberté,
c'est son amour qui se manifeste un peu plus.
10. Ceux qui sont pressés du désir d'avancer vers la vie éternelle,
11. ceux-là adoptent la voie étroite, dont le Seigneur dit : « Étroite est la voie qui conduit à la vie » ;
12. ne vivant pas à leur guise et n'obéissant pas à leurs désirs ni à leurs plaisirs, mais marchant au jugement et au commandement d'autrui, demeurant dans les cœnobia, ils désirent avoir un abbé pour supérieur.
13. Ces hommes-là, certes, imitent la maxime du Seigneur, dans laquelle il dit : « Je ne suis pas venu faire ma volonté, mais celle de celui qui m'a envoyé. »
« Adopter la voie étroite ». Ce thème évangélique trouve ici une lumière toute
particulière et une application concrète. Dans l'évangile, Jésus lance cette invitation:« Entrez
par la parle étroite. Elle es/ grande la porte, il est large le chemin qui conduit à la perdition ...
Mais elle est étroite la porte, il est resserré le chemin qui conduit à la vie ... » (Mt 7,13-14).
Mais il n'indique pas de manière de vivre précise. St Benoit donne une application concrète à
ce chemin resserré, à cette voie étroite, dans la pratique de l'obéissance. La voie large est
assimilée au fait de ne vivre qu'à sa guise, au gré de ses désirs et plaisirs. A l'inverse, la voie
étroite consiste à marcher au jugement et commandement d'autrui, à demeurer dans une
communauté avec un abbé pour supérieur ... La voie dont il s'agit ici, est bien une voie
spirituelle, entendue au sens de travail intérieur sur soi-même, fait à partir du choix d'un cadre
et d'une discipline de vie qui veut le favoriser. Si nous choisissons de vivre avec des frères et
sous une règle et un abbé, c'est parce que nous avons reconnu que cette voie est bonne pour
grandir et avancer avec confiance vers la vie éternelle. Une voie resserrée, certes mais une voie
bonne pour nous. Car le Seigneur est bon, il ne nous appelle pas pour nous faire souffrir sur un
chemin qui serait exigent. Non, cette voie resserrée l'est comme peut l'être un corset pour
maintenir la colonne vertébrale après un accident ou une opération. Elle a une fonction
pédagogique et curative, pour soutenir cette part de nous-même qui est faible ou inconsciente,
voire malade. Plus profondément, comme le suggère Benoit, en faisant le choix de cette voie
étroite, nous entrons dans le proiet d'amour de Dieu tel que Jésus lui-même y est entré, lorsqu'il
dit : « Je ne suis pas venu faire ma volonté, mais celle de celui qui m'a envoyé» (Jn 6, 38).
Avec Jésus et à sa suite, avec notre f. Martin qui s'engage ce soir pour 2 ans, nous prenons part
au projet d'amour du Père pour le monde. Sans bien savoir comment, chemin faisant grandit la
conviction que notre obéissance, notre fidélité, notre amour fraternel, les renoncements assumés
au quotidien, non seulement construisent en nous l'homme intérieur, mais sont utiles pour
l'Eglise et pour le monde. Une vie qui s'ajuste et se greffe sur la vie de Jésus, est une vie qui
participe au salut du monde. C'est bien sûr un regard de foi. Mais la joie qui grandit, la liberté
et l'amour qui donnent plus d'aisance dans le don de nous-mêmes sont là comme de petits
signes de la vie éternelle à laquelle on aspire. Même si le chemin se poursuit avec les jours de
brouillard et de peine, avec la nécessaire vigilance, le Seigneur est là qui accompagne nos pas
1. Le premier degré d'humilité est l'obéissance sans délai.
2. Elle convient à ceux qui estiment n'avoir rien de plus cher que le Christ.
3. À cause du service saint qu'ils ont voué, ou à cause de la crainte de la géhenne et de la gloire de la vie éternelle,
4. aussitôt qu'un supérieur leur commande quelque chose, comme si c'était commandé par Dieu, ils ne peuvent souffrir le moindre délai dans l'accomplissement.
5. C'est d'eux que le Seigneur a dit : « Dès que son oreille a entendu, il a obéi. »
6. Et il dit encore aux docteurs : « Qui vous écoute, m'écoute. »
7. Ces hommes-là, donc, abandonnant sur-le-champ leurs intérêts personnels et délaissant leur volonté propre,
8. les mains libres immédiatement et laissant inachevé ce qu'ils faisaient, avec une obéissance qui emboîte le pas, font suivre à leurs actes la voix de celui qui ordonne.
9. Et comme au même instant, l'ordre proféré par le maître et l'œuvre accomplie par le disciple, les deux choses se déroulent ensemble, à vive allure, avec la rapidité qu'inspire la crainte de Dieu.
Que retenir de ce début de chapitre qui place haut la barre del' obéissance ? Il me semble
que sur le fond, il nous pose cette question : où en suis-je de ma conscience d'être inséré dans
un projet gui me dépasse et dans lequel je suis cependant étroitement impliqué ? Pour le dire
autrement : où en suis-je de ma compréhension que ma vie monastique la plus quotidienne est
une part impo11ante du projet de Dieu pour notre monde ? En effet, comme le dit très bien St
Benoit, fondamentalement quand j'obéis à un frère ou au P. Abbé, c'est au projet de Dieu que
j'obéis ... St Benoit utilise les expressions suivantes pour le dire: «L'obéissance sans délai
convient à ceux qui esliment n'avoir rien de plus cher que le Christ» ou c'est « comme si
c'était commandé par Dieu» ou encore citant l'évangile : « qui vous écoute, m'écoute». Obéir
à un frère, à l'abbé, pour obéir fondamentalement à Dieu ... pour entrer vraiment dans son projet
pour le monde. A travers les choses les plus simples : obéir à la cloche sans délai pour la prière,
obéir à la demande d'un service avec amour, répondre à une obédience confiée avec bonne
volonté ... Entrer dans ce mouvement d'une vie donnée, c'est profondément entrer dans la vie
telle que Dieu la rêve pour nous. Dieu souhaite nous voir entrer dans le dynamisme d'une vie
donnée, sans cesse échangée. L'inverse, c'est une vie gardée. Je me réserve. Je compte mon
don, mon temps, ma disponibilité, parce que je veux maitriser ma vie, pensant que l'idée, le
projet que j'en ai, est le seul vraiment intéressant qui soit... Au monastère, par l'obéissance
vécue sans cesse sous la lumière de la Parole de Dieu, je viens apprendre que le plus important
est de me donner en me recevant d'un autre. La parole qui s'adresse à moi pour me dire ou me
demander quelque chose vient me chercher dans ma prétention secrète et illusoire de n'exister
que par moi-même. En fait cette parole, de la plus banale à la plus forte vient me mettre au jour.
Elle vient me chercher dans des capacités de don que je n'ai peut-être même jamais entrevues.
Si je consens, si j'essaie de répondre, je découvre dans la lumière de la foi que je prends place
dans le projet d'amour de Dieu. Ma vie prend sens dans toutes ses réponses à la Parole parce
qu'elle devient plus aimante, plus libre, décentrée ... N'est-ce pas quelque chose du propre
mystère de notre Dieu qu'il nous est alors donné d'approcher? Le mystère de l'échange
trinitaire dans le don réciproque et dans l'amour? Sortir de soi par l'obéissance à une parole
pour naitre à soi-même dans une relation ... Notre Dieu n'a-t-il pas d'autre projet pour les
hommes que de nous associer ainsi à sa vie trinitaire ?
75. Tels sont les instruments de l'art spirituel.
76. Si nous les exerçons sans cesse, jour et nuit, et les remettons au jour du jugement, nous recevrons du Seigneur cette récompense qu'il a promise :
77. « Ce qu'aucun œil n'a vu, aucune oreille entendu, ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment. »
78. Quant à l'atelier où nous accomplirons assidûment tout cela, c'est la clôture du monastère et la stabilité dans la communauté.
St Benoit conclue ce long chapitre de la règle par une belle évocation de la vie
monastique comme un art spirituel. Les différents instruments énumérés sont autant d'outils à
notre disposition pour façonner l'enfant de Dieu sauvé par le Christ et rené dans !'Esprit Saint
en homme nouveau témoin du Royaume. Mystérieux travail spirituel où s'allient
inséparablement l'oeuvre de la grâce et l'oeuvre humaine, la première précédant et couronnant
toujours la seconde, et cependant ne pouvant faire sans elle. St Irénée a une belle image pour
illustrer ce travail de la grâce : celle des deux mains du Père que sont le Fils et !'Esprit Saint.
L'une et l'autre Personne Divine, ses deux mains n'auront qu'un seul immense ouvrage, nous
porter iusqu 'au secret de son visage » de Père, comme nous le chantons à l'hymne de Vêpres
le dimanche. Mus par ses deux mains divines, nous sommes entrainés à mettre la main à
l'ouvrage. Telle est notre dignité de fils de Dieu, prendre paii à notre retour vers le Père. Nous
disposons des instruments offerts par !'Ecriture ou par la tradition grosse de l'expérience et de
la sagesse reçue de génération en génération. St Benoit invite à les utiliser « sans cesse iour et
nuit» ou encore« assidûment». Car l'ouvrage dont il s'agit est notre propre conversion. Celleci
ne peut s'arrêter tant que nous sommes sur cette terre. En effet, avant de goüter la vie heureuse
du Royaume, il nous revient de demeurer vigilants pour orienter notre coeur vers notre Père des
Cieux, et rester ouverts, aimants vis-à-vis de nos frères. Une lutte mystérieuse se joue au plus
profond de notre coeur entre la part acquise à cette course vers le Père et vers nos frères, et cette
part qui résiste encore, pensant trouver en elle-même et par elle-même la vie heureuse. Par
grâce, pour nous soutenir dans cet ouvrage de conversion, nous recevons un bel atelier. Nous
ne travaillons pas dehors, sous les intempéries avec les moyens du bord. Non, nous avons un
bel atelier bien équipé qu'est le cloître du monastère, inséparable de la stabilité dans la
communauté. Quelle chance avons-nous I Nous le mesurons aisément lorsque nous nous
retrouvons seuls. La fidélité à l'office, à la prière, ou encore la sobriété libre vis-à-vis des biens
matériels deviennent plus peineux, voire difficiles. Laissés à nous-même, la course peut se
ralentir et l'élan spirituel se perdre dans les sables. Nous sommes faibles. Sur ce chemin de
conversion, l'atelier du monastère se révèle une aide précieuse pour chacun et la stabilité dans
la communauté un ancrage f01i pour marcher ensemble. Car l'atelier est inséparablement
soutien pour chacun et signe d'une oeuvre de communion en train de se réaliser pour l'Eglise et
pour le monde. Rendons grâce à Dieu d'être ainsi embauchég.lai1s un tel atelier
74. Et ne jamais désespérer de la miséricorde de Dieu.
Durant l'année jubilaire 2016 sur la Miséricorde, le pape François nous a aidés à
redécouvrir la miséricorde de notre Père des Cieux, manifestée en Jésus. Je le cite : « Rien de
ce qu'un pécheur qui se repent place devant la miséricorde de Dieu ne peut demeurer ffiM
l'étreinte de son pardon » (Misericordia et misera 2). St Benoit avait perçu ce caractère
inconditionnel de la Miséricorde divine, lui qui, a ajouté le mot« misericordia » au texte qu'il
reçoit de la Règle du Maitre. Le« ne jamais dése.1pérer de Dieu» chez le Maitre, devient« ne
jamais dése.1pérer de la miséricorde de Dieu » chez Benoit. « La Miséricorde, ajoute le pape
François, demeure sans cesse un acte gratuit du Père céleste, un amour inconditionnel et
immérité » (ibid). C'est la foi qui peut nous aider à ne jarr.ais désespérer de la miséricorde de
Dieu. Car à l'inverse, le péché et la honte d'avoir fait une grosse faute peuvent instiller en nous
le doute : Dieu peut-il me pardonner? Suis-je encore pardonnable? Le poids de la honte peut
nous tirer vers le bas nous laissant sous le seul regard accusateur qui soit : le nôtre, dans le grand
ressentiment de se sentir blessé et d'avoir pu blesser autrui. «Jamais» nous dit Benoit, ne jamais
désespérer. .. Ce «jamais» fait le pendant au « touiours » de la Miséricorde offerte. Si Dieu
est Dieu, peut-il être autrement? Telle est la Bonne Nouvelle : notre Dieu, Père de Jésus Christ,
n'a pas d'autre visage à notre égard que celui de la miséricorde. Il est toujours le miséricordieux,
comme nous le chanterons ce soir avec le Ps 135 : « éternel est son amour» ou selon la
traduction proche du latin« sa miséricorde demeure pour l'éternité». Et ajoute le pape François
« de génération en génération, elle embrasse toute personne qui met en lui sa confiance, la
lran~fàrme en lui donnant sa propre vie» (ibid 2). Notre Dieu a-t-il une autre manière de nous
communiquer sa vie ? Sa miséricorde n • est pas effarouchée par notre péché, car ce qui
l'intéresse est notre coeur. Dieu est habité par le désir d'entrer en relation avec nous. Car il sait
que tel est aussi notre désir. même au milieu de nos errances qui peuvent nous éloigner de lui.
Le pape François poursuit : « La miséricorde renouvelle et libère car elle est la rencontre de
deux coeurs : celui de Dieu qui vient à la rencontre de celui del 'homme. Celui-ci est réchauffé,
et celui-là le guérit: le coeur de pierre est transformé en coeur de chair (cf Ez 36,26), capable
cl 'aimer malgré son péché. C 'es/ ici que l'on prend conscience d'être vraiment une « créature
nouvelle» (cf Ga 6, 15) : je suis aimé, donc j'existe: je suis pardonné, donc je renais à une
vie nouvelle ; il m'a été.fait miséricorde, doncje deviens instrument de miséricorde » (ibid 16).
En ce mois, devenons missionnaire en accueillant davantage la miséricorde pour devenir
instrument de miséricorde.