vendredi 15 août 2025 : fête de l’Assomption, horaire des dimanches (vigiles la veille à 20h45, messe à 10h) + concert à 16h.

Nota : L’office de None (14h45) sera prié au dolmen de ND de la Pierre-qui-Vire.

Commentaires sur la Règle



Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 07-08 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 27 août 2022
Verset(s) :

7. ne pas porter faux témoignage. »

8. Honorer tous les hommes,

Commentaire :

« Ne pas porter de faux témoignage, honorer tous les hommes ». Ces deux instruments l'ont apparaitre la face ténébreuse et la face lumineuse d'une réalité à laquelle nous sommes souvent confrontés : le fait de parler sur autrui. Il est difficile de passer une journée sans émettre un avis sur une autre personne. Et cependant faut-il autant que cela parler sur les autres? Je suis parfois frappé par ces conversations qui se passent à parler sur les autres, mais jamais sur soi. On s'attarde sur la vie des autres, mais on ne sait pas partager quelque chose de ce que l'on vit ou de ce que l'on réfléchit. Comme moines, et notamment dans nos groupes de communauté, il nous faut veiller à éviter cette dérive. Car la parole sur ]e5 autres peut vite se transformer en propos désavantageux sur les autres dont on rit facilement. voire en médisance feutrée où l'on insinue des choses toujours en défaveur de l'autre... Parfois c'est la calomnie qui n'est pas loin du faux témoignage, puisque la calomnie consiste à répandre des choses fausses sur autrui. Nous avons une telle propension à voir ce qui ne va pas chez les autres 1 « Honorer tous les hommes ». nous recommande St Benoit en universalisant le précepte du décalogue qui limitait lï10nneur au père et à la mère. Honorer tous les hommes. c'est, pour reprendre les mots de P. Lathuillière entendu dimanche,« soupçonner les autres du meilleur». Notre regard si prompt à s’arrêter sur la face obscure est appelé à se tourner résolument vers la face lumineuse. Chacun est capable du meilleur. Et beaucoup ne pourront le donner que si d'autres viennent l'espérer. le susciter et le faire advenir par leur bienveillance a-priori. Ce changement de regard vient nous chercher chacun très profondément au lieu de notre incapacité. et notre pauvreté à aimer. Mais si cette petitesse est reconnue et accueillie. la grâce du Sei1meur va pouvoir opérer. lui qui nous aime et nous espère toujours plus nous n'espérons en Lui. En ce lieu d'indigence, nous trouvons la joie et la force parce que profondément nous sommes regardés avec tendresse par notre Père des Cieux. Acceptons-nous dans la prière, dans les sacrements. de nous laisser aimer et honorer avec grand respect par notre Dieu') Peut-être une part de nous le désire, et une autre en a peur... Nous laisser reconnaitre comme un enfant bien-aimé par notre Père nous entraine à consentir à né pas tout maitriser. S'il nous en coûte parfois. là se trouve pourtant notre appui. notre assurance à partir de laquelle nous pourrons honorer tous les hommes. Le Seigneur qui nous espère au meilleur, nous donne son regard pour soupçonner chacun du meilleur. ..

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 05-06 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 26 août 2022
Verset(s) :

5. ne pas voler,

6. ne pas convoiter,

Commentaire :

« Ne pas voler. ne pas convoiter » .. Le 1"' instrument désigne un acte et le second le mouvement intérieur qui conduit à cet acte. On vole parce qu'avant on convoite d'abord un objet ou un quelconque bien. La convoitise est à la source de nombreux maux. On peut réentendre la lettre de St Jacques : «D'où viennent les guerres, d'où viennent les conflits entre vous? N'est-ce pas justement de tous ces désirs qui mènent leur combat en vous-mêmes? Vous êtes pleins de convoitises et vous n'obtenez rien, alors vous tuez; vous êtes jaloux et vous n'arrivez pas à vos fins, alors vous entrez en conflit et vous faites la guerre... » (Jc 4.1-2). Dans un monastère. Dieu merci, le vol est plutôt rare. Elle relève parfois plus de la cleptomanie, une maladie étrange qui fait tout subtiliser sans besoin réel. .. Mais la convoitise, elle, reste bien présente en chacun de nous comme un dynamisme assez spontané, car elle a pai1ie liée profondément avec notre désir de vivre et d'exister. De même que nous désirons vivre, nous désirons posséder des biens. de la nourriture. de la sécurité dans des relations stables. et beaucoup d'autres choses... Ce désir va-t-il pour autant se transformer en convoitise, en cette propension à vouloir ce que l'autre possède. ou à envier ce qu'il est ! Que faisons-nous lorsque nous sentons ce désir monter en nous, lorsque nous regardons avec envie ou jalousie ce qu'un frère a et pas moi, et ce qu'il est et que je ne suis pas Laisser monter ce désir en nous, peut nous conduire à des actes qui dépassent les limites du respect d'autrui, pour entrer en rivalités avec lui... Repérer ce mouvement intérieur sournoisement présent en nous. pouvoir en parler, va nous aider à déjouer ses pièges dans lesquels nous regrettons toujours de tomber. Plus profondément. la vie commune nous révèle que ce qu'est l'autre, ce qu'il a et que je n'ai pas. est aussi un cadeau pour moi. comme il l'est pour tous. Ses talents. ses capacités, les biens mis à sa disposition en vertu d'une mission particulière, m'enrichissent en me révélant des horizons ou des possibilités dont je peux jouir par le simple contact, par la vie commune, sans que j'ai à m'attrister de ne pas les avoir. Le "tout est commun entre nous' que nous rappelons lors de la profession solennelle, va jusque-là. De même, ce regard positif sur la richesse de l'autre qui ne me manque pas, parce que partagée dans la vie commune, me renvoie à ma propre unicité. Sous la lumière de !'Esprit Saint, je peux regarder avec gratitude les dons que j'ai reçus et dont les autres peuvent jouir si je me prête simplement à la vie commune. En acceptant d'être moi­ même. un parmi les autres, va m'être révélé parfois à mes propres yeux des qualités ou des aptitudes que je n'aurai jamais soupçonnées. Un appel et une demande vont ouvrir des champs inconnus de possibilité. Au lieu de voler ou d'envier. c'est la joie de se donner.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 04 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 24 août 2022
Verset(s) :

4. ne pas commettre d'adultère,

Commentaire :

« Ne pas commettre d'adultère». Tous. nous avons besoin de réentendre ces paroles du décalogue qui posent une limite. Commettre l'adultère. c"est franchir une limite, ce qui entraine de graves conséquences pour soi. mais aussi pour les autres avec lesquels nous vivons. Car profondément. commettre l'adultère altère les relations. Cette relation infidèle qui fait sortir d'une relation stable. vient altérer la relation d"alliance vécue dans un couple. Peut-être s'agira­ t-il d'un accident de parcours qui exigera de part et d'autre de vraies paroles pour retisser le lien et assainir la relation par le pardon échangé. Peut-être, et c'est souvent le cas. cela entrainera une rupture de la relation première et fera alors entrer les uns et les autres dans une sorte de tsunami qui bouleverse tous les repères. De multiples raisons peuvent peut-être expliquer cela. mais peut-être est-ce tout simplement dû à une négligence qui a entrainé une déviance qui aurait pu être évitée. Dans une communauté religieuse, qu'un de ses membres vive avec une personne extérieure une relation adultérine. vient altérer la relation d'alliance avec la communauté. voire la rompre. Si la situation est différente de celle d"un couple. cette rupture d"un frère ou d'une soeur d'avec sa communauté touche des ressorts semblables de la relation. Dans le mariage comme dans le célibat consacré. l'alliance scellée par une parole donnée nous constitue. Elle vient enraciner la relation à un niveau dont nous ne mesurons jamais totalement la portée. La confiance échangée clans l'amour. l'espace d’intimité offert, différent dans un couple et clans une communauté, permet à chacun d'exister lui-même, d'être reconnu. d"aimer et d'être aimé. Celte stabilité du lien devient source d'un bonheur qui, dans sa profondeur. peut inclure aussi bien les moments difficiles, les conflits que les moments d'heureuses reconnaissances. Cependant comme nous le disait Nathalie Denis Kuhn l'autre soir. il n'est pas surprenant que les êtres sexués que nous sommes soient un jour bouleversés par la rencontre d"une personne et conduits à se poser des questions. Accueillir cela, nous disait-elle, pouvoir en parler avec l’intéressé ou un 1/3 ajoutait-elle, et enfin se demander que faire de cela au regard de son engagement premier pour discerner à quoi ou à qui suis-je vraiment attaché? Elle insistait sur la mise en perspective de cet émoi ressenti avec le désir profond qui nous habite et qui nous constitue dans le choix de vie choisie. Pouvoir dire « non » à une aventure qui risque de se perdre et de nous perdre. Pouvoir accepter d'être bouleversé en parlant pour que cela prenne sens au regard de l'engagement premier. Ne jamais rester seul avec ces bouleversements

intérieurs à travers l'ouverture du cœur. Pour nous moine. prier, porter cela dans la prière sera source de lumière et de vérité. Au nom de J.C.,mort et ressuscité pour nous.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 03 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 17 août 2022
Verset(s) :

3. Ensuite « ne pas tuer,

Commentaire :

« Ne pas tuer». Lors de mon dernier voyage pour Bouaké. dans l'avion, j'ai regardé un film de Mel Gibson, «Tu ne tueras point» ... Un film un peu rude à regarder puisqu'ïl évoque une des batailles les plus violentes et meurtrières de la 2de guerre mondiale. opposant les américains aux japonais dans le Pacifique. Il raconte l'histoire vraie d'un jeune américain qui s'engage dans l'armée comme infirmier. Pour ne pas tuer. il refuse absolument de porter une arme au nom de sa foi de chrétien Adventiste du 7° jour. Sa détermination lui vaut tout d'abord d'être incompris et rejeté par ses supérieurs et ses camarades qui voudraient qu'il sache au moins utiliser une arme, même dans son service d'infirmier. Il finit par être admis et enrôlé comme tel dans son régiment. Au cœur de la terrible bataille. il se lance les mains nues pour aller chercher ses camarades blessés. Et alors que tous ont dû rebrousser chemin devant la puissance du feu ennemi, il continue de nuit à chercher les blessés restés sur le champ de bataille. En prenant des risques extrêmes. il en sauvera ainsi 70. Sa bravoure lui vaut alors d'être reconnu comme un vrai soldat, et même d'être vénéré comme un saint. Car on a compris qu'il puisait cette force hors du commun dans la prière. Ce film m'a touché. En relisant cet instrument de la règle. je pense à la leçon qui ressort du film. Au cœur de ce conflit, cet homme a fait briller une autre lumière. Face à la folie meurtrière qui, pour être résolue. nécessitait malheureusement de prendre les armes. cet homme a témoigné de l'absolu du respect dé la vie et de toute vie. On le voit même tenter de sauver un japonais. Notre vie monastique ne nous confronte pas nécessairement à ces situations extrêmes. Mais n'avons-nous pas en tout à témoigner de l'absolu impératif du respect de la vie, de toute vie et cela jusque dans les recoins plus subtils

et intimes qui soient. On est attentif aujourd'hui aux atteintes faites aux enfants qui peuvent tuer en eux le désir de vivre, mais aussi aux personnes adultes plus vulnérables qu'on peut si fort blesser et abimer par abus de pouvoir ou d'autorité. L'impératif « tu ne tueras point» trouve donc des résonances multiples. A la manière de ce soldat américain, une manière pour lutter contre la tentation de tuer par une parole, un regard. une altitude ambiguë. n·est-ce pas de nous désarmer... Au lieu d'ériger des défenses, ou bien de ruminer des pensées de contre-attaque vis-à-vis d'un frère qui nous a blessé ou simplement dérangé, cultivons le désarmement de notre cœur. Tournons-nous vers le Seigneur pour transformer en prière nos ressentiments, nos agressivités ou nos inquiétudes Prenons appui sur lui, vivons désarmé !

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 01 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 13 août 2022
Verset(s) :

1. En premier lieu, « aimer le Seigneur Dieu de tout son cœur, de toute son âme, de toutes ses forces » ;

Commentaire :

« Aimer son prochain comme soi-même». Pourquoi est-ce si difficile d'aimer son prochain') Peut-être parce qu'il est difficile de s'aimer soi-même... Lors de la dernière session. Mme Nifle disait: « aimer les autres comme soi-même, c'est un chemin, car il est tentant parfois d'aimer les autres plus que soi-même. Il est difficile de s'aimer soi-même, pas si simple. d'être légitime à être là ... » Cette parole est bienfaisante car elle nous sort d'une approche trop moralisatrice de la charité chrétienne, réduite à un « il faut » ou à un « tu dois ». Comme pour le premier commandement.« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu », le second commandement,« Tu aimeras ton prochain comme loi-même», est un inaccompli que l'on traduit souvent par un futur. Moins qu'un « tu dois», il désigne une promesse de vie, un horizon possible. un chemin de sainteté: « il t'est promis d'aimer ton prochain comme toi-même", sous entendu il t'est possible d'aimer ton prochain et de t'aimer toi-même. Mme Nifle ajoutait:« On met beaucoup de temps à enfin pouvoir s'estimer" .... Difficulté de s'aimer soi-même. Cette constatation très humaine rejoint l'expérience que nous faisons tous au monastère. La vie commune est comme un miroir qui nous renvoie sans cesse à notre réalité. Face à un frère plus brillant ou plus à l'aise dans un domaine, ou plus ceci ou plus cela. j'apparais comme je suis, différent. Vais-je consentir à cette différence sans chercher à me mesurer, ou encore pire à me déprécier ? Si je reste sur le mode de la comparaison, je risque de développer une combattivité pour surpasser l'autre ou à l'inverse je peux tomber dans une sorte de démission avec moi-même et sombrer dans la déprime. Comment m'accepter comme je suis sans chercher à me comparer. Ce chemin reste très personnel. Il passe par des moments. tantôt heureux. tantôt éprouvants. de reconnaissance et de reconnexion à ce que je suis. Une rencontre, un regard qui encourage, une parole, une lecture. un moment de prière, un évènement difficile traversé .... Nous restons un mystère à nous-mêmes. Parfois comme le suggérait Mme Nifle, si l'estime de soi est trop difficile, à un point tel qu'elle plombe toute notre vie. accepter de se faire aider par quelqu'un de l'extérieur pourra permettre d'ouvrir un chemin de vie. Une chose est sûre : le Seigneur qui sait tout cela nous a appelés à la Vie, à travers la pédagogie monastique. Il connait les voies pour nous faire grandir dans une capacité à aimer plus en vérité à la suite de Jésus. Il nous aime. Son amour reconnu et accueilli devient un appui solide sur lequel fonder l'estime de nous-même et déployer notre capacité à nous donner aux autres. Soyons à l'écoute de son Esprit à l' œuvre dans nos vies.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 01 Quels sont les instruments des bonnes œuvres? écrit le 09 août 2022
Verset(s) :

1. En premier lieu, « aimer le Seigneur Dieu de tout son cœur, de toute son âme, de toutes ses forces » ;

Commentaire :

Nous retrouvons ce beau et long chapitre des instruments des bonnes œuvre. avec en sa tête le premier commandement. Je garde en mémoire ce que nous disait Mme G. Nifle sur les 10 commandements de la loi de Moïse, dont la plupart ont des verbes à l'inaccompli, que l'on traduit le plus souvent en français. par des verbes au futur. Dans cette lumière. apparait clairement que le premier commandement repris par Jésus. n'est pas exactement le premier instrument proposé ici par Benoit. La dynamique n'est pas la même. Le premier commandement au futur se présente comme une promesse autant que comme un appel. Faisant suite à la confession de foi en l'unicité du Dieu d'Israël : « Écoute Israël, le Seigneur notre Dieu est ·unique», le premier commandement est une promesse. la promesse qu'il sera donné ù Israël, d'aimer de manière totalement unifiée. « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur. de toute ton âme, et de toute ta force » (Dt 6, 4). Le premier commandement avant d'être un appel, peut être entendu comme une confession d'espérance. De même que Dieu est Un, de même Israël, et chacun de ses membres est en marche vers l'unité de son être en Dieu. Lorsque Israël est invité à garder ces paroles, à les répéter et à les inscrire à l'entrée de sa maison, il est convié à entrer dans cet amour de Dieu gui unifie tout en Lui.

Repris dans le catalogue de ce chapitre 4, le premier commandement devient davantage un instrument. un outil sur le chemin de la vie intérieure. Le verbe n'est plus au futur, mais à l'infinitif: aimer. Avec sa trousse à outil. le moine est invité à se disposer. à s'exercer à aimer en unifiant toutes ses facultés. son cœur, son âme et ses forces. Comme le veut ce chapitre, nous entrons dans une dynamique plus ascétique dans laquelle nous nous exerçons à aimer. Tout l'être est convoqué, le cœur avec sa dimension relationnelle et d’intelligence, l'âme avec sa dimension vitale de désir, nos forces qui engagent notre être corporel. Si aimer Dieu est une promesse, l'appel que celle-ci contient vient réveiller notre responsabilité et manifester notre dignité. Nous sommes capables d'aimer notre Dieu, d'entrer dans une relation avec lui qui prend tout notre être. Et en même temps, souligner que l'instrument à l'infinitif n'est pas exactement le commandement au futur. permet de ne pas oublier qu'aimer Dieu ne se réduit pas à l'effort que nous sommes conviés à faire. Promesse offerte, c'est toujours une grâce, un cadeau reçu avant d'être une exigence. Aimer Dieu de toutes nos facultés est l'horizon de grâce de notre vie sur cette terre, parce qu'il nous sera offert en plénitude dans le Royaume.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 03, v 07-13 De l'appel des frères en Conseil écrit le 04 août 2022
Verset(s) :

7. Tous suivront donc en tout la règle comme leur maîtresse, et nul n'aura la témérité de s'en écarter.

8. Personne au monastère ne suivra la volonté de son propre cœur,

9. et nul ne se permettra de contester avec son abbé insolemment ou en dehors du monastère.

10. Si quelqu'un se le permet, il subira les sanctions de règle.

11. De son côté, cependant, l'abbé fera tout dans la crainte de Dieu et le respect de la règle, sachant qu'il devra sans aucun doute rendre compte de tous ses jugements au juge souverainement équitable qu'est Dieu.

12. S'il est question de choses moins importantes pour le bien du monastère, il aura recours seulement au conseil des anciens,

13. comme il est écrit : « Fais tout avec conseil, et quand ce sera fait, tu ne le regretteras pas. »

Commentaire :

« Tous suivront donc en tout la règle comme leur maitresse ». La règle. une maitresse de vie : à la lois un soutien et un appel, à la fois une chance et une exigence. Choisir de se meure sous une règle. ce ·n est pas vouloir mettre sa vie en règle. ou encore faire tout pour être en règle. Dans ce cas, nous restons dans la mentalité récusée par Paul, en cherchant notre justice dans la règle, comme les juifs la cherchaient dans la loi. Sur ce point, nous devons toujours être vigilants. En effet. la règle veut être au service de notre croissance sous la loi de l'évangile, qui est une loi de liberté (Je?, 12). comme nous l'entendions hier de la pai1 de St Jacques. Pour penser le rôle de la règle tant au plan personnel que communautaire, j'aime bien l'image du forage d'un puits. Lorsqu'on creuse un puits, pour éviter les éboulements de terre, on solidifie les parois, soit avec des buses, soit en injectant du béton. De même la règle est cette structure gui permet de consolider notre vie au fur et à mesure qu'elle s'approfondit, contre les éboulements intérieurs ou extérieurs qui pourraient obstruer et nous asphyxier. .. Plus la structure permet de solidifier les zones extérieures et superficielles, plus nous pouvons continuer à creuser ou à nous laisser creuser. Autrement dit, acquérir peu à peu de l'aisance dans les petites choses. pour obéir sans contorsion extrême à la cloche. ou bien à la demande d'un frère. nous aide à nous préparer à un don plus généreux dans les difficultés. ou bien dans une responsabilité plus grande à assumer. Celui qui ne parvient pas à vivre les choses simples de la vie quotidienne demandées par la règle, est comme ce puits dont on ne parvient pas à consolider les premiers mètres de sa paroi. Car notre vie monastique et spirituelle ne cesse de nous entrainer vers un approfondissement de notre don au Christ et aux autres dans une meilleure connaissance de soi. Chemin faisant, on peut rencontrer des niveaux plus durs ou des épreuves. qui demande de creuser avec plus d'assiduité. Il ne faut pas s'en étonner. ni se décourager devant ces obstacles: tel aspect non encore bien identifié de mon histoire ou de ma personnalité, tel trait de caractère qui devient plus saillant. .. Là encore, patiemment, l'observance de la règle permet de solidifier notre vie. pour patiemment creuser notre puits intérieur, sans crainte de voir les parois s'effondrer sous la poussée des forces inconnues plus ou moins obscures. Peu à peu, nous tendons vers cette source gui nous fait devenir des fils. et gui murmure en nous : viens vers le Père... pour reprendre les mots d'une hymne.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 03, v 01-06 De l'appel des frères en Conseil écrit le 30 juillet 2022
Verset(s) :

1. Chaque fois qu'il sera question au monastère de quelque chose d'important, l'abbé convoquera toute la communauté et dira lui-même de quoi il est question.

2. Une fois entendu le conseil des frères, il en délibérera à part soi et fera ce qu'il juge le meilleur.

3. Or si nous avons dit que tous seraient appelés au conseil, c'est que souvent le Seigneur révèle à un inférieur ce qui vaut le mieux.

4. Or donc les frères donneront leur avis en toute soumission et humilité, et ils ne se permettront pas de défendre leur opinion effrontément,

5. mais la décision dépendra de l'abbé : celle qu'il juge être plus opportune, tous y obéiront.

6. Toutefois, s'il sied aux disciples d'obéir au maître, il convient que celui-ci dispose toute chose avec prévoyance et justice.

Commentaire :

Dans les derniers mois, nous avons vécu des chapitres conventuels assez importants et denses, je pense notamment à ceux sur l'opportunité ou non d'accompagner les laïcs de Chauveroche dans leur recherche d'une vie communautaire. Nous avons expérimenté 1'importance de la parole donnée par chacun. et celle de l'écoute mutuelle pour essayer d'avancer. L'importance aussi d'un secrétaire qui consigne les débats pour ensuite mettre en forme un état de la question au moment « t » et indiquer des avancées possibles sur lesquelles continuer de se prononcer et de chercher. Avancer ensemble dans une réflexion demande beaucoup d'énergie et de patience. d'engagement et de liberté. A la différence de Benoit qui donne déjà de précieux repères pour la prise des décisions importantes, nous sentons le besoin plus affirmé de ne pas seulement faire un tour de l'assemblée capitulaire pour recueillir les avis et laisser ensuite le jugement à l'abbé. Pour faire droit à la réflexion de chacun. ainsi qu'à une plus grande complexité des questions, il nous faut accepter de passer plus de temps pour évaluer les tenants et aboutissants d'un sujet. afin d'instruire au mieux le dossier. Cela peut passer par J'écoute de personnes extérieures comme nous l'avons fait pour Chauveroche. Outre le temps passé, ce genre de cheminement commun pour rechercher ensemble la volonté de Dieu pour telle ou telle question ou situation nous éprouve tous. Car il nous oblige à consentir à la fois à dire ce que l'on pense, mais aussi à ne pas nous accrocher à notre pensée. Une sorte de discernement s'opère à l'intérieur de nous qui nous bouscule. Il ne s'agit alors ni de démissionner en s'en remettant au jugement des autres, ni de se blinder dans une position qui n'entend pas ce qui se dit à côté. Discerner passe nécessairement par une étape d'ouverture inconfortable où l'on ne sait pas bien où l'on est. pour examiner en vérité toutes les hypothèses. A ce propos, M. Delbrêl dans des notes proposées à ses équipes, sur la manière de vivre les décisions communes, dit quelque chose qui rejoint bien Benoit.« Nous avons tendance à garder noire point de vue initial. Or ce point de vue une fois brassé avec celui des autres doit sortir de nous. Il a apporté ce qu'il devait apporter, il ne compte plus" (in « J'aurai voulu». Œuvres Complètes, T 14, p 47). c'est au prix de ce travail de liberté intérieure que le discernement final de chacun, fait au moment du vote. a le plus de chance de porter du fruit, un fruit bon pour lui et bon pour la communauté. Nous cherchons ensemble la volonté de Dieu.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 02, v 30-40 Ce que doit être l'abbé écrit le 29 juillet 2022
Verset(s) :

30. L'abbé doit toujours se rappeler ce qu'il est, se rappeler le titre qu'on lui donne, et savoir que « plus on commet à la garde de quelqu'un, plus on lui réclame ».

31. Et qu'il sache combien difficile et ardue est la chose dont il s'est chargé, de diriger les âmes et de se mettre au service de caractères multiples : l'un par la gentillesse, un autre par la réprimande, un autre par la persuasion... ;

32. et selon la nature et l’intelligence d’un chacun, il se conformera et s’adaptera à tous, de façon non seulement à ne pas subir de perte dans le troupeau commis à sa garde, mais aussi à se féliciter de l’accroissement d’un bon troupeau.

33. Avant tout, qu'il ne laisse point de côté ni ne compte pour peu de chose le salut des âmes commises à sa garde, en prenant plus de soin des choses passagères, terrestres et temporaires,

34. mais qu'il songe sans cesse qu'il est chargé de diriger des âmes, dont il devra aussi rendre compte.

35. Et pour ne pas se plaindre d'un éventuel manque de ressources, qu'il se souvienne qu'il est écrit : « Cherchez d'abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît » ;

36. et encore : « Rien ne manque à ceux qui le craignent. »

37. Et qu'il sache que, quand on se charge de diriger les âmes, on doit se préparer à en rendre compte.

38. Et autant il sait avoir de frères confiés à ses soins, qu'il soit bien certain qu'il devra rendre compte au Seigneur de toutes ces âmes au jour du jugement, sans parler de sa propre âme, bien entendu.

39. Et ainsi, craignant sans cesse l'examen que le pasteur subira un jour au sujet des brebis qui lui sont confiées, en prenant garde aux comptes d'autrui, il se rend attentif aux siens,

40. et en procurant aux autres la correction par ses avertissements, lui-même se corrige de ses vices.

Commentaire :

Cette fin de chapitre sonne comme un avertissement sévère à l'endroit de l'abbé. En même temps, elle met bien en valeur la dimension spirituelle de sa charge, sa dimension pastorale. St Benoit parle à trois reprises du fait que l'abbé' est chargé de « diriger les âmes ». Ce souci des âmes, du bien spirituel des personnes doit l'emporter sur les soucis matériels... car il est ordonné à la croissance du Royaume et de sa justice...

Si Benoit parle par trois fois de diriger les âmes, il développe plus abondamment I"activité pastorale de l'abbé, en utilisant une autre expression : « se mettre au service de caractères multiples (multorum servire moribus) ». Il y a ainsi un contraste fort entre les deux verbes utilisés successivement : diriger et se mettre au service. Et pourtant il est tentant de penser que pour Benoit diriger les âmes, c'est se mettre au service des personnes dans leur unicité. Comme il le précise, selon la nature et l’intelligence d'un chacun. Ensuite, il poursuit encore en disant dans le même sens: « il se conformera et s 'adaptera à tous». En quoi consiste cette mise au service, cette adaptation. cette conformité i chacun et à tous : en la capacité d'adopter des attitudes diverses. La gentillesse pour l'un. la réprimande pour l'autre, ou encore lu persuasion. L'abbé est appelé à trouver la bonne manière pour permettre à chacun et à tous de grandir et de croitre dans la recherche de Dieu, dans l'accomplissement de sa vocation. Autrement dit, la relation entre l'abbé et le frère est toujours une relation, non pas à deux mais à trois. Entre l'abbé et le frère, il va le Seigneur qui appelle et qui conduit chacun. Si l'abbé peut avoir une parole, quelle qu'en soit la manière, c·est pour ramener chacun et tous à la vérité de la relation avec le Seigneur. Et si le frère cherche à écouter, à comprendre, peut-être parfois ù être corrigé, c'est dans le désir de suivre la vérité de son appel. C'est en sens que se comprend au mieux l'autorité de l'abbé à l'égard de chaque frère, et de la communauté. Le mot « autorité». auctoritas, vient du verbe augeo, qui veut dire faire croitre. accroitre, augmenter, développer... L'autorité de l'abbé n'a de sens que pour faire grandir chacun et la communauté, en nombre peut-être, mais surtout dans la qualité de sa vie. Quand St Benoit parle de « l'accroissement du troupeau» dont l'abbé par son service doit pouvoir se féliciter, il utilise le mot « augmentatio » qui appartient à la famille du verbe « augeo. Et le moteur de cette croissance pour l'abbé comme pour chaque frère demeure la recherche du Royaume et de sa justice. Que le Seigneur nous garde vivant dans cette recherche.

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 02, v 23-29 Ce que doit être l'abbé écrit le 28 juillet 2022
Verset(s) :

23. Dans son enseignement, d'autre part, l'abbé doit toujours observer la norme que l'Apôtre exprime ainsi : « Reprends, supplie, réprimande »,

24. c'est-à-dire que, prenant successivement des attitudes diverses, mêlant les amabilités aux menaces, il se montrera farouche comme un maître et tendre comme un père.

25. C'est dire qu'il doit reprendre durement les indisciplinés et les turbulents, supplier d'autre part les obéissants, les doux et les patients de faire des progrès ; quant aux négligents et aux méprisants, nous l'avertissons de les réprimander et de les reprendre.

26. Et qu'il ne laisse point passer les fautes des délinquants, mais qu'il les retranche jusqu'à la racine dès qu'elles commencent à se montrer, pendant qu'il en a encore le pouvoir, se souvenant de la condamnation d'Héli, le prêtre de Silo.

27. Les âmes bien nées et intelligentes, qu'il les reprenne une et deux fois par des admonitions verbales,

28. mais les mauvais sujets, durs, orgueilleux, désobéissants, que les coups et le châtiment corporel les arrêtent dès le début de leur faute, vu qu'il est écrit : « On ne corrige pas un sot avec des mots »,

29. et encore : « Frappe ton fils de la verge et tu délivreras son âme de la mort. »

Commentaire :

Avec ce paragraphe, plus qu'en d'autres passages de la Règle, nous pouvons mesurer la différence culturelle qui nous sépare de l'époque de Benoit. La vision de !"abbé comme maitre farouche qui peut aller jusqu'à donner des coups pour corriger les « mauvais sujets durs el orgueilleux » nous semble tout simplement impossible à admettre. Tout se passe comme si à une dureté des caractères devait correspondre une certaine rudesse de l'autorité. La culture avait-elle tellement changé entre le temps de Benoit et celui de Paul à qui il emprunte la recommandation « reprends. supplie et réprimande» pour lui donner le développement et la compréhension concrète entendue ?

En effet, la recommandation que Paul donne à Timothée vient mettre en valeur combien son ministère est essentiellement un ministère de la Parole. C'est la Parole de !"évangile qu'il s'agit d'annoncer, et c'est par la parole humaine qu'il s"agit de convaincre les auditeurs. Face à des gens gui s'opposent à la prédication de l'évangile, certains milieux juifs. peut-être déjà marqués par la gnose. Paul exhorte Timothée : « Proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps. dénonce le mal, fais des reproches, encourage, toujours avec patience et souci d’instruire ». Et il poursuit un peu plus loin : « Toi en toute chose, garde la mesure, supporte la souffrance.. fais ton travail d'évangélisateur, accomplis jusqu'au bout ton ministère» (2 Tm 4, 2 5). Spontanément je me sens plus à l'aise avec cette perspective paulienne qui situe le rôle de Timothée sur le seul plan de la parole, une parole persévérante. exigeante, et parfois aussi impuissante qui va jusqu'à occasionner des souffrances pour celui qui l'annonce. Je crois que le service de l'abbé peut trouver là un éclairage et un encouragement réel. Est bien mis en lumière son rôle au service de la Parole divine pour qu'elle rejoigne chaque frère. Si Timothée s'adressait à des païens non encore ou à peine convertis. l'abbé s'adresse à des frères qui ont choisi de faire de la conversion le propos essentiel de leur vie. Les moines s'engagent à sans cesse se tourner et se retourner vers Dieu leur Père, à la suite du Christ. Aussi l'abbé est-il convié à les encourager, avec patience dans le souci d'instruire, mais aussi à dénoncer le mal sans le voir partout, ou encore parfois à faire des reproches pour aider chacun à progresser. Tâche toujours délicate car sujette soit à exagération soit à démission. Être là au bon endroit et au bon moment pour permettre à chacun de rester ouvert à la Parole, et désireux de demeurer sous la Parole divine, parce qu'elle est bonne et parce qu'elle ne peut que nous vouloir du bien.