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38. ni paresseux,
« Ni paresseux »... Dans le dictionnaire Robert je trouve cette citation de Renard : « Paresse: habitude prise de se reposer avant la fatigue " - On pourrait gloser avec le sourire: « On ne sait jamais. si on allait se fatiguer. il vaut mieux se reposer avant». Dans notre vie monastique plutôt laborieuse, la paresse est-elle pour nous un réel danger ? Qu'est-ce qui nous guette en ce domaine qui mérite notre attention plus particulière ? La paresse comme volonté délibérée de se reposer. surtout pendant que le chef regarde ailleurs, n·est pas trop notre tentation monastique. La paresse peut plutôt recouper une certaine tendance à repousser ce qu'on doit faire au lieu de !"affronter en face. maintenant. Ou bien elle peut s'assimiler avec une certaine lenteur à répondre à une demande. On traine les pieds, soit parce qu'il nous en coûte d"obéir, soit peut-être parce qu· on veut montrer qu· on existe. La paresse peut être associée encore à une certaine lassitude. Je crois qu·en contexte monastique. la paresse se conjugue volontiers avec une forme d"acédie, cet état intérieur qui se traduit par une perte de goût des choses de Dieu. En nous le moteur tourne au ralenti. on peine à rebondir.
Peut-on trouver une lumière dans les Ecritures? Me vient la remarque que le maitre de la parabole fait à son serviteur qui a reçu un seul talent et qui ra enfoui dans la terre : serviteur paresseux ! Ce dernier ajoute qu'il a eu peur de 1·cxigencc du maitre. Sa paresse est liée à la fausse image que le serviteur se fait de son maitre. Il n'entend pas la confiance de son maitre qui lui confie ses biens à faire valoir. A l’instar de ce serviteur. nous sommes paresseux en notre propos monastique lorsque nous oublions le beau cadeau que représente !"appel du Seigneur à nous donner à son service. Nous oublions les grâces qu'il nous a faites ou qu'il nous faits. Nous nous replions sur nos propres forces que nous découvrons vite impuissantes, au lieu de le regarder lui. Et nous risquons de murmurer ou de nous distraire pour oublier davantage. Est-il possible de lutter contre cette tendance qui peut nous plomber'' Comme lorsqu'on traverse de telles difficultés. pouvoir en parler, d"abord au Seigneur dans la prière, et à un frère dans l'ouverture du cœur, est salutaire. Nous osons regarder la chose en face. en acceptant d"être tel que nous sommes devant un autre. En parlant au Seigneur, on lui demande sa grâce. son secours. son Esprit Saint. En parlant à un frère. on lui demande son écoute. sa bienveillance. ses encouragements. Ces regards nous espèrent plus nous n'espérons en nous-mêmes à ce moment précis. lis peuvent réveiller en nous le désir. la parresia, cet élan à nous donner. « Donne à ton Serviteur ta force, sauve le fils de ta servante » (Ps 85. 16).
34. Ne pas être orgueilleux,
« Ne pas être orgueilleux ,,. ll est presque étonnant de trouver cette recommandation parmi les instruments de l'art spirituel. tant il peut paraitre évident que tout chrétien doit lutter contre l'orgueil. Que signifie ce rappel? Peut-être simplement que dans nos vies, rien ne doit être considéré comme acquis, même pour la pensée. Nous restons pauvres même dans nos intentions et dans nos pensées. pour ne pas parler de tous nos manquements. « Ne pas être orgueilleux». cet instrument sonne comme une alerte à l'égard d'une tendance qui peut imprégner beaucoup de nos paroles et gestes. A la racine du péché. l'orgueil s'insinue sournoisement dans nos vies. Dans notre prétention à nous suffire, à ne pas dépendre des autres. à se penser au-dessus. Nous en méfier, rester vigilant sur notre propension à le laisser nous conduire à notre insu ... tel est certainement le propos de cet instrument.
En contraste. cet instrument nous suggère que le vrai bien est l'humilité. cette disposition grâce à laquelle chacun peut enfin se sentir bien chez soi... L'humilité nous est tellement plus connaturelle que l'orgueil. Celui-ci introduit comme un écartèlement clans notre cœur. entre des désirs ou des pensées qui peuvent conduire à la démesure, et notre désir profond d'être à notre juste place. L'humilité repose le cœur, l'orgueil le fatigue. L'humilité unifie tout l'être. l'orgueil nous tiraille nous obligeant à courir après d'illusoires chimères. Le psalmiste replace souvent les choses dans le bon sens. tel que les regarde le Seigneur: « Tu sauves le peuple des humbles, les regards· hautains lu les rabaisses" (Ps 17.28). « Le Seigneur renverse les puissants de leur trône, il élève les humbles» (Le l, 52). chantons-nous chaque soir ù Vêpres... Le Seigneur a choisi son camp. En Jésus, lui-même s'est abaissé. Tout cela nous le savons par cœur. Et pourtant, comment l'entendre vraiment, comment laisser l'humilité guider vraiment notre conduite'' Peut-être nous faut-il nous mettre davantage à l'écoute de l'amour du Seigneur qui est blessé par nos prétentions vis-à-vis de lui ou de nos frères, par toutes nos résistances et duretés à l'égard des autres quand ils n'ont pas droit à notre patience ou à notre compassion ... «L'amour prend patience, l'amour rend service : l'amour ne jalouse pas: il ne vante pas. il ne se gonfle pas d'orgueil ... » nous dit Paul (1 Co 13). Que le Seigneur doux et humble de cœur. nous enseigne ce chemin de vérité et de joie. Regardons-le, écoutons-le ...
29. Ne pas rendre le mal pour le mal,
30. ne pas faire d'injustice, et de plus supporter patiemment celles qui nous sont faites,
31. aimer ses ennemis,
32. quand on nous maudit, ne pas répondre en maudissant, mais bénir au contraire,
33. souffrir persécution pour la justice.
Il me semble que les instruments que nous venons d'entendre sont des instruments évangéliques par excellence. En effet bon nombre d'instruments déjà entendus ou encore à venir pourraient faire partie de catalogue de vertus qu·on rencontrerait dans les diverses traditions philosophiques ou religieuses. Mais ceux-ci touchent à la substance même du message laissé par le Christ à ses disciples et repris très vite par Paul, Pierre et ensuite par la tradition des premiers martyrs. Pour vaincre le mal, le Christ a choisi de ne pas riposter. et de s"offrir librement à !"oppression par amour pour nous. Au cœur du mal et de l'injustice. il s·est situé démuni sans autre force que son amour pour ses bourreaux et sa confiance envers son Père. Là était son arme principale. là s'est jouée la victoire définitive du bien sur le mal. victoire manifestée par sa résurrection. Notre foi en la victoire du Christ sur toute la puissance de la mort et du mal est toute entière concentrée ici. Quand le Seigneur Jésus nous appelle à sa suite, il nous entraine aussi sur ce chemin. Non seulement il nous engage à donner le témoignage de l'amour fraternel. mais il nous appelle tous à participer à sa victoire sur le mal, par notre vie qui supporte l'injustice par amour. qui souffre persécution sans répondre. qui aime et prie pour ses ennemis. Pierre recommande dans son épitre : « Si vous supportez des coups pour avoir commis une faute, quel honneur en attendre ? Mais si vous supportez la souffrance pour avoir fait le bien, c'est une grâce aux yeux de Dieu. C'est bien à cela que vous avez été appelés, car c'est pour vous que le Christ a souffert: il vous a laissé un modèle afin que vous suiviez ses traces ... » (1 P 2, 20-21). Je crois qu'on n'entre pas sur ce chemin à coup de volonté. Car il est trop abrupt. Il nous prend trop à rebrousse-poil. La générosité de Pierre était bien insuffisante pour qu'il puisse suivre Jésus en sa Passion. Mais il nous revient les uns et les autres de nous bisser conduire par !'Esprit sur ce chemin. C'est lui qui nous donnera d'être plus attentifs à ne pas manquer les occasions d'aimer. au cœur même des adversités. C'est lui qui suscite notre prière pour demander la force d'aimer toujours. en pareille situation. A l'heure où nous ressentons vivement l'injustice de l'agression russe contre l'Ukraine ou celle des groupes islamistes à l'encontre des populations du Sahel. nous pouvons nous sentir démunis. Nous prions. Mais n'avons-nous pas prise aussi, à notre niveau. sur ce combat pour la justice, en r0pondant par l'amour là où nous sommes à l'injustice que nous pouvons éprouver, en souffrant avec patience et désir d'aimer, sans répliquer à qui nous offense ou nous malmène ?
27. Ne pas jurer, de peur de se parjurer,
28. émettre la vérité de son cœur et de sa bouche.
« Ne pas jurer. de peur de se parjurer, émettre la vérité de son cœur et de sa bouche ». Ces instruments nous posent implicitement la question : comment vivre et parler en vérité'' Comment être des hommes de vérité 0 En effet. celui qui jure au risque de se parjurer, c'est-à dire au risque de revenir sur ce qu'il a juré. est un homme qui n'est pas sûr de lui. Il a besoin de prendre quelqu'un à témoin. souvent Dieu qui voit tout. pour assurer qu'il dit vrai. Ou encore. il a besoin de mettre en gage une somme d'argent ou un bien quelconque pour dédommager celui envers qui il s'engage, au cas où il défaillirait en sa parole. Jurer. c·est se chercher des appuis... alors qu'on est toujours susceptible de reprendre sa parole.... A cette tentation. Benoit oppose le 2d instrument qui est d'une grande limpidité et simplicité:« émettre la vérité de son cœur et de sa bouche ». Magnifique programme! Il s'agit de parler de là où nous sommes, maintenant. Cependant. s'agit-il seulement d'être sincère 0 St Benoit nous engage à aller plus
loin que la sincérité. Il s'agit de tendre à la vérité qui est en nous. dans une cohérence entre le cœur et la bouche. La sincérité d'un moment n'est parfois pas la vérité de l'être profond. En effet. à une prise de position sincère peut parfois succéder une attitude opposée qui remet tout en cause. et qui peut nous laisser très déçu sur nous-mêmes, avec un amer sentiment d'avoir trahi en nous-mêmes quelque chose de plus profond. Que l'on pense à la sincérité de Simon Pierre au soir du Jeudi Saint quand il affirme être prêt à se battre pour Jésus. Outre le fait inconfo11able de se sentir inconsistant, ce qui nous blesse davantage, c'est la prise de conscience que nous nous mentons à nous-mêmes. Nous touchons ici notre faiblesse face à la vérité. Pierre en a pleuré amèrement. Si Jésus a pu dire : « Je suis la Vérité »,nous.nous sommes toujours en quête de notre propre vérité. Nous disons et faisons des choses qui veulent approcher de la vérité. mais nous n'y sommes jamais complètement. Faut-il dès lors s'arrêter de parler ou de s'engager ? Non, nous cheminons sous le regard d'un Dieu qui est Amour et Vérité. en qui la Vérité n'est jamais telle qu'elle ne pourrait que nous éblouir ou nous aveugler. Dans son Amour. i I nous accompagne pour que nous osions devenir nous-mêmes en vérité, sans crainte du regard des autres, ni peur de tomber. Son Amour nous fortifie et nous relève. Pouvoir être en vérité devant quelqu'un à travers l'ouverture du cœur. ou le sacrement de réconciliation par ex. sera une bonne pédagogie pour nous accepter en vérité. Persévérant dans ce travail, peu à peu. nous consentirons à la vérité de nos limites et de nos pauvretés pour nous appuyer sur elles. autant que sur nos qualités et sur nos forces.
26. ne pas se départir de la charité.
« Ne pas se départir de la charité » Il y a quelques jours en parlant avec un frère de situations relationnelles conflictuelles vécue ici ou là dans l'Eglise et auxquelles nous pouvons être mêlés. cet instrument m'est revenu à l'esprit. Il peut être un repère fort. une sorte de phare qui offre une lumière dans l'obscurité. Il ne s'agit pas d'être hypocrite ou de donner une paix mensongère. comme s'il n'y avait pas de problèmes. Et par ailleurs. pris au milieu de conflits, sommé parfois de prendre parti pour tel ou tel. il ne s'agit pas non plus de tout bénir. Ne pas se départir de la charité peut nous entrainer dans une situation inconfortable, parce que justement nous percevons que la charité invite à une prise de hauteur que les personnes en conflits ne veulent ou ne peuvent absolument pas adopter. Ne pas abandonner le regard, l'attitude de charité. c'est continuer à aimer les personnes alors même qu'elles ne peuvent pas s'entendre entre elles. C'est chercher à apporter de la lumière et de la justice pour favoriser l'émergence de la vérité. Porter ceux qui se trompent sans leur donner raison. mais en leur faisant sentir qu'ils sont plus grands que leurs erreurs. La charité nous invite toujours à mettre la personne au centre. avant les idées qu'elle défend, ou les actions qu'elle développe. D'une manière analogue, un couple d'amis me disait que dans leur vie de famille où les enfants prennent des directions qu'ils n'auraient pas prise et où leurs propres parents se sont séparés. qu'ils percevaient qu'il fallait qu'ils restent là pour tous comme une présence d'amour toujours ouverte et disponible. A leur manière. ils ne se départissent pas de la charité. Leur foi leur permet de tenir cette posture d'accueil inconditionnel toujours dérangée. L'amour se fait alors patience, écoute. disponibilité. Ne pas se départir de la charité, on le pressent c'est tout un programme. Rester rivé. accroché à la charité coûte que coûte, c·est la manifestation la plus haute de notre identité de chrétien. Là est notre bien le plus précieux, celui qui nous rend heureux car il ouvre des chemins de vie toujours nouveaux. li est le don de !'Esprit répandu en nos cœurs. De bien des manières. il s'impose à nous. Dans certaines situations difficiles. on ne peut pas faire autrement que d'adopter ce1taines attitudes ou prendre telle position inconfortable au nom de la charité. Réjouissons-nous de ressentir cela et d'v être poussé comme malgré nous. Et lorsque nous passons à côté. nous pouvons à l'inverse ressentir comme un goût amer... Le goût amer d'avoir fermé son cœur, d'avoir été complice d'une injustice, ou bien d'avoir manqué de courage. La charité nous presse, dit St Paul. Elle nous entraine toujours plus en bousculant nos peurs ou nos égoïsmes. Laissons-nous conduire par !'Esprit...
24. Ne pas entretenir la tromperie dans son cœur,
25. ne pas donner une paix mensongère,
« Ne pas entretenir la tromperie dans son cœur, ne pas donner une paix mensongère » ... Ces deux instruments peuvent trouver comme un résumé en ce verset du Ps 11, 2-3 : « La loyauté a disparu chez les hommes. Entre eux la parole est mensonge, cœur double lèvres menteuses ». Si le cœur est double, s'il y a de la tromperie en lui, les paroles qui sortiront de la bouche ne pourront qu’être menteuses, toujours fuyantes pour que la fausseté ne soit pas démasquée. Le livre des proverbes énonce : « L'ennemi se cache derrière ses lèvres, il dissimule, au fond de lui, sa tromperie. Au charme de sa voix ne te fie pas, il a dans le cœur sept projets abominables. Sa ruse a beau cacher sa haine, sa malice apparaitra au grand jour » (Pr 26, 24-25). « Dire la vérité selon son cœur » (Ps 14. 2) est toujours un travail pour chacun de nous, une vigilance sans cesse à garder. Il ne faut pas se tromper de vérité. Il ne s’agit pas de la vérité qui concerne l'autre, que je pense sur lui et que je déverserais sans retenue sur sa tête ... Car est-ce seulement la vérité ? Non, il s'agit de la vérité que chacun de nous porte et qu’il est. Être soi-même sans tromperie, sans fausseté. Comment nous tenir là ? Selon nos éducations et nos histoires, c’est plus ou moins facile. Car parfois, a pu prédominer l'impératif de faire toujours bonne figure, quitte à s'arranger avec la vérité. Parfois, il n’était pas permis d’être faible ou vulnérable, donc on était hypocrite. Sur ce terrain, la vie monastique nous offre un beau chemin de liberté, la liberté de devenir soi-même à ses propres yeux et aux yeux des autres. La veille sur notre cœur, l’ouverture du cœur où l'on accepte d'être sous le regard d’un autre sans faux semblants, le pardon échangé qui permet à chacun d'être regardé comme plus grand que ses fautes, la vie commune où nous nous soutenons dans nos faiblesses reconnues sont autant d’atouts pour oser exister soi-même tel que nous sommes. Et ce n'est pas facile, car l'hypocrisie ou la duplicité de notre cœur vient souvent de notre difficulté à nous regarder ou à nous accepter nous-mêmes tel que nous sommes avec nos pauvretés. Dans l’intime du cœur peut se vivre une forme de haine de soi qui est toujours mortifère. Le Siracide fait cette recommandation qui peut nous ouvrir une voie de salut : « Ne te dérobe pas à la crainte du Seigneur, ne viens pas avec lui avec un cœur double » (Si 1 28). Dans notre relation au Seigneur, nous pouvons oser être sans fard, sans masque. Demandons-lui cette grâce, et accueillons son regard d'amour qui toujours aime en nous davantage le petit que le superbe.
22. Ne pas accomplir l'acte qu'inspire la colère,
23. ne pas réserver un temps pour le courroux.
Deux instruments qui sonnent comme d"heureux conseils à l'heure où parfois nous pourrions perdre pied en nous laissant aller à la colère. En pareil moment. nous sommes souvent heureux de croiser sur notre route des personnes qui savent nous aider à retrouver la raison. à prendre de la distance par rapport à un premier mouvement énervé... Si ces personnes croisées sont habitées par la paix. leur paix déborde assez naturellement sur nous. Si elles ne le sont pas. alors une parole dite pour apaiser peut faire l'effet inverse. être comme de l'huile jetée sur le feu! Ces deux instruments nous entrainent à nous exercer sur nous-mêmes pour déminer nos impatiences. qui peuvent vite grandir en ardeurs pour se transformer en colère. « Repose toi sur le Seigneur et compte sur lui. Ne t'indigne pas devant celui qui réussit, devant l'homme qui use d intrigues. Laisse la colère. calme ta fièvre. ne t'indigne pas, il n'en viendrait que du mal». nous conseille le psalmiste (Ps 36. 7-8). Fondamentalement, dans les adversités, le psalmiste met sa confiance clans le Seigneur. En sa main sont toutes choses. de lui seul ou clans sa seule lumière peut venir la justice face à une situation qui nous irrite ou nous abat. La colère ne peut qu'ajouter au mal. Dans son épitre, St Jacques recommande: « Sache-le mes frères bien aimés: chacun doit être prompt à écouler, lent à parler, lent à la colère. car la colère de l'homme ne réalise pas ce qui est juste selon Dieu,, ( Jc 1. 19-20). Dans notre recherche d'une 1·ie juste. sous le regard du Seigneur et au service de la venue de son Royaume. pour désamorcer ks mouvements de colère qui peuvent monter en nous. il nous faut cultiver à la fois l'espérance c:t la douceur. Notre espérance est que le mal n'aura jamais le dernier mot. Dans le temps long de Dieu, temps déjà entrevu dans le temps long de l"histoire des hommes, une situation d'injustice ne peut pas perdurer. Le psalmiste l'exprimait à sa manière après avoir exhorté à ne pas s'indigner: « Les méchants seront déracinés ...encore un peu de temps plus d'impies: tu pénètres chez lui, il n'y est plus» (Ps 36. 9. l 0). Cultiver l'espérance. cultiver aussi la douceur en accueillant sans cesse la Parole de Dieu pour la laisser faire son œuvre en nous. St Jacques poursuit son exhortation : «C'est pourquoi. ayant rejeté tout œ qui est sordide et tout débordement de méchanceté. accueillez dans la douceur la Parole semée en vous : c'est elle
qui peul sauver vos âmes» (Je I. 21). Accueillir la Parole dans la douceur, une douceur faite
de révérence: c'est Dieu qui parle; douceur faite de soumission. si Dieu parle c'est pour notre bien : douceur faite de confiance. la Parole remet les choses dans le bon axe.
20. Se rendre étranger aux actions du monde,
21. ne rien préférer à l'amour du Christ.
Ces deux instruments peuvent être regardés comme les deux faces d'une même réalité: une face négative. se rendre étranger aux actions du monde et l'autre positive. ne rien préférer à l'amour du Christ. Se rendre étranger aux actions du monde parce qu'on ne préfère rien à 1·amour du Christ. On peut entendre cette proposition dans une logique johannique où le monde représente ce qui s"oppose à Dieu. les ténèbres face à la lumière. Cette logique a le mérite d"être claire. mais elle peut nous laisser insatisfait car les choses que nous vivons sont-elles si tranchées? Aussi peut-on l'entendre aussi dans la compréhension courante du monde que l'on a aujourd'hui : le monde considéré comme la réalité physique qui apparait sous nos yeux avec sa variété de manifestation. son étendue géographique et sa diversité humaine. Les actions du monde ne sont pas mauvaises en soi. Elles sont même nécessaires. Il nous faut agir dans ce monde et le construire. Mais ces actions n'ont pas leur fin en elles-mêmes. Elles sont ordonnées ù un projet. au dessein de Dieu. Elles sont tendues vers son Royaume. Aussi peut-on entendre dans ces deux instruments un même dynamisme: celui d'un détachement, d'une prise de distance pour une préférence. Se rendre étranger aux actions du monde : agir en ce monde sans nous laisser modeler par le monde et sa logique de seule survie ; agir en ce monde en se gardant d"oublier sa finalité : celle de nous ouvrir à la vie avec Dieu et en Lui ... Car comme le dit Jésus dans l'évangile de Jean: nous n'appartenons pas au monde, ou selon le psalmiste. nous ne sommes que des pèlerins en ce monde. Dans la perspective de l'imminence de la fin des temps. Paul invitait les corinthiens : « ceux qui ont une femme soient comme s'ils n'en avaient pas. ceux qui profitent de ce monde comme s'ils n'en profitaient pas vraiment. Car il passe, ce monde lei que nous le voyons » (1 Co 7. 29. 31 ). Dans ce mouvement de détachement. de prise de distance. l"invitation à ne rien préférer à l'amour du Christ offre un critère de discernement sûr: nous gardons cette distance, non en vertu d'un mépris. mais en raison d·une préférence. d"un amour qui inscrit dans la réalité de notre vie humaine son plus profond dynamisme. Et en retour. cette invitation à l'amour du Christ préféré entre tous ne peut se vivre que concrètement par une prise de distance vis-à-vis de tout ce que nous faisons, une sorte de pas de côté qui nous garde vigilant pour ne pas faire de la partie. ou du temporaire le tout de notre vie. Notre cœur a reconnu une lumière, un appel. une voix. une joie plus profonde: l"amour du Christ qu'il ne nous faut pas perdre de vue, ne pas lâcher.
14. Restaurer les pauvres,
15. vêtir les gens sans habits,
16. visiter les malades,
17. ensevelir les morts,
18. secourir ceux qui sont dans l'épreuve,
19. consoler les affligés.
Nous entendons ces instruments en ce jour de la nativité de la Vierge Marie. Instruments de charité, instruments d"humanité qui nous convoquent à l'amour le plus élémentaire vis-à-vis de tout être humain. Instruments qui ne sont pas sans rappeler la parabole du jugement dernier. ..« J'avais faim et vous m'avez donné à manger, j'étais nu et vous m·avez habillé, j 'étais malade et vous· m'avez visité (Mt 25. 35-36) ». Ils résonnent comme un appel dont l'écho ne cesse de se propager d"âge en âge. avec des modalités sans cesse à inventer. Puisqu'en ce jour, nous regardons la Vierge Marie, il est intéressant de constater que lorsqu'on parle d"elle. ce n'est pratiquement jamais, à la différence de la plupart des saints, pour exalter ses actions de charité. On a juste relevé son empressement à aller visiter sa cousine Élisabeth qui devait être heureuse d·avoir un coup de main à !"approche de la naissance de Jean. Lorsqu·on vénère la Vierge Marie, on magnifie, on met d'abord en évidence la grandeur. la profusion du don de Dieu en sa faveur. Comme nous l'avons chanté cette nuit aux vigiles, nous la reconnaissons « bénie de Dieu». « Elle est bénie de Dieu. la Vierge docile au souffle de !'Esprit. la femme qui met au jour le premier-né, la Mère qui voit mourir son Fils en croix, la Reine qui prie pour nous». Marie est « bénie entre toutes les femmes ». non en vertu de ses mérites. mais par pure grâce de Dieu. La bénédiction de Dieu est venue sur elle comme un immense cadeau fait à elle tout d"abord. et à travers elle. à toute notre humanité. li est bon de nous remettre devant ce mystère de gratuité, mystère de grâce dont Marie est le réceptacle et l'instrument. Marie se prête à I"œuvre de grâce pour devenir la Mère du Sauveur, en le portant dans son ventre puis dans ses bras lors de sa naissance, pour le recueillir de nouveau dans ses bras à la descente de la croix. comme nombre de représentations aiment la suggérer. Tout au service du Fils de Dieu fait homme, nous aimons la regarder comme pleinement là au moment où il faut et de la manière qu'ïl faut. Apparente passivité sans éclat ni grande démonstration qui révèle peut-être la plus profonde activité qui soit : être là, et bien là. là où nous sommes placés. Et on peut penser que pour Marie aussi. à Nazareth ou ailleurs, cela a parfois pris la forme de restaurer les pauvres, de vêtir les gens nus et de visiter les malades. A part la visitation à Élisabeth, l'évangile ne nous en relate rien. Car pour Marie. il importait d"être vraiment là dans la mission qui lui revenait. le reste en découlait comme naturellement. En est-il autrement pour nous? Si chacun de nous accueille la grâce et l'appel qui est le sien. d'être vraiment là pour se donner au Seigneur. que ce soit à l'office, à la lectio. au travail, au repas, l'appel du pauvre, ou du frère qui a besoin ne nous viendra+il pas comme une grâce autant que comme une tâche à accomplir?
9. et « ne pas faire à autrui ce qu'on ne veut pas qu'on nous fasse ;».
« Ne pas fitire à autrui ce qu'on ne veut pas qu ·on 11011.1'.fàsse ,,. Avec cet instrument_ St Benoit reste bien dans la ligne des préceptes du décalogue qu'il a énoncé juste avant. li préfère la frmrnile négative issue de Tb 4,15, à celle formulée positivement en Mt 7, 12 ou Le 6, 31:
« donc tour ce que rn11.1· voudrie::: que les autres .fitssent pour vous. fàitn-le pour eux vous aussi». En quelque sorte, la formulation positive est presqu'infinic et peut donner le vertige. Jusqu'où va l'amour de l'autre'! Peut-être est-ce pour cela que Mt ajoute:« voilà ce que disent la Loi er lesprophères ». En d'autres termes, la formule positive est comme un résumé de toute
]'Ecriture. On n'est pas loin non plus de la conviction de Paul exprimée aux Galates : « lvlettez- 1'01/S au service les uns des autres. ('ar toute la loi est accomplie dans 1'unique parole que voici: ·111 aimeras Ion prochain comme toi-même'» (Ga 5, 13-14).
St Benoit à la suite du Maitre, a préféré la formulation négative qui peut apparaitre plus concrète. Peut-être voit-on mieux spontanément ce qu'on n'a pas envie qu'on nous fasse, pour essayer de ne pas le faire nous-même. Et en même temps, est-ce toujours si vrai ? Cet instrument
,·ient aiguiser la connaissance de nous-même. li peut 111'entrainer à oser avec courage braquer
le faisceau lumineux sur des zones d'ombre que je ne vois pas trop dans ma vie. Peut-être y-a l-il des choses que je n'aime pas subir, mais que je me permets quand même de faire aux autres. ou des choses pour lesquelles je ne suis pas trop gêné de peser sur les autres... Ce petit examen ne vise pas à nous torturer l'esprit et le cœur_ mais simplement de nous faire sourire sur les incohérences dont nous sommes capables, en nous en défendant même parfois dans un premier mouvement si quelqu'un met le doigt dessus. S'il ne s'agit pas de nous rendre impeccable à nos propres yeux, cette vigilance sur nous-même peut nous aider à moins peser sur les autres. Car dans la vie fraternelle, une des choses qui rend pénible nos relations, c'est notre aveuglement. Nous faisons et disons des choses dont les autres voient manifestement que nous ne sommes pas à la hauteur, soit parce que nous disons et ne faisons pas, soit parce que nous faisons ce que surtout nous n'aimons pas qu'on nous fasse.... Lorsque nous sommes dans cette posture, les autres doivent nous porter comme des enfants, nous supporter. Mieux nous connaitre nous permet alors d'être un peu moins incohérent, un peu plus léger pour les autres, plus heureux avec nous-même et plus confiant avec le Seigneur !