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1. Il faut prendre soin des malades avant tout et par-dessus tout, en les servant vraiment comme le Christ,
2. puisqu'il a dit : « J'ai été malade, et vous m'avez rendu visite »,
3. et : « Ce que vous avez fait à l'un de ces plus petits, c'est à moi que vous l'avez fait. »
4. Mais les malades, de leur côté, considéreront que c'est en l'honneur de Dieu qu'on les sert, et ils ne peineront pas, par leurs vaines exigences, leurs frères qui les servent.
5. Il faut pourtant les supporter avec patience, car des hommes de cette espèce font gagner une plus grande récompense.
6. L'abbé veillera donc avec le plus grand soin à ce qu'ils ne souffrent d'aucune négligence.
Nous retrouvons un chapitre familier de la RB, un chapitre important pour nos relations fraternelles. Avec lui, nous retrouvons la conviction évangélique qui anime et guide Benoît : « Servir les malades comme le Christ », conviction appuyée sur l’évangile de Mt 25 : « J’ai été malade et vous m’avez rendu visite » et « ce que vous avez fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que nous l’avez fait ».
Le risque pour nous est de réentendre ces phrases évangéliques comme des choses évidentes car très bien connues, sans vraiment les écouter. On les sait avec la tête, mais changent-elles effectivement notre regard sur notre frère ? Changent-elles notre cœur dans sa manière de se situer face à un frère dans la détresse, face à un pauvre qui arrive à l’impromptu à la porte ou à l’église ? Ces phrases évangéliques, qui nous invitent à reconnaitre le Christ dans toute personnes démunie, font partie de ces sentences à l’égard desquelles nous ne sommes jamais quitte. On les connait avec notre tête, mais si nous sommes un peu lucides, il nous faut confesser que notre cœur reste toujours à convertir. C’est certainement la raison de l’insistance de Benoît quand il utilise le mot «vraiment » « revera » en latin, qui étymologiquement signifie « chose vraie ». Il faut apprendre à servir les malades comme le Christ, comme étant une chose vraie. C’est une chose vraie qu’ils sont le Christ. Ce regard de foi sans cesse renouvelé approfondit notre cœur et le rend plus sensible au mystère de chaque être. En regardant les plus pauvres comme le Christ s’ouvre pour nous un champ immense de communion avec les hommes et avec notre Dieu qui est tout proche. Ne nous lassons de chercher et de nous ouvrir à cette réalité profondément humaine et profondément divine. (2011-06-07)
12. Quand il n'y a qu'un repas, les semainiers recevront auparavant, en plus de la ration normale, un coup à boire et un pain chacun,
13. pour que, au moment du repas, ils servent leurs frères sans murmure et sans trop de fatigue.
14. Mais aux jours sans jeûne, ils attendront jusqu'aux grâces.
15. Le dimanche, aussitôt après la fin des matines, les hebdomadiers entrant et sortant se courberont à tous les genoux à l'oratoire, en demandant que l'on prie pour eux.
16. Celui qui sort de semaine dira ce verset : « Tu es béni, Seigneur Dieu, qui m'as aidé et consolé. »
17. L'ayant dit trois fois, celui qui sort recevra la bénédiction. Puis celui qui entre continuera en disant : « Dieu, viens à mon aide ; Seigneur, hâte-toi de m'aider. »
18. Tous répéteront les mêmes mots par trois fois, et ayant reçu la bénédiction, il entrera.
Entrer et sortir dans les services de la cuisine occasionne un petit rituel commencé par le lavement des pieds, la remise des ustensiles, et comme nous venons de l’entendre part une brève prière le dimanche à la fin des laudes. De ce rituel nous n’avons gradé que la prière d’action de grâce et d’invocation, dite le samedi matin, après lecture des services de semaine. Un petit rituel simplifié donc. Il passe presque inaperçu et peut-être le vit-on parfois comme une routine. Mais est-il si négligeable qu’il en a l’air ?
Quand j’entends parfois la difficulté qu’a le responsable des services à attribuer les différentes fonctions de la semaine, je pense que non. Des frères refusent en mettant en avant la fatigue, la surcharge, ou le fait d’être plus requis que d’autres. Si le responsable des services doit veiller à une juste répartition dans l’équité, les frères doivent de manière habituelle pouvoir répondre positivement aux demandes. Et s’il y a des raisons majeures, les présenter humblement sans revendications.
C’est là que nous retrouvons la raison profonde de ce petit rituel du samedi matin. Il nous redit que le service des frères, sans l’aide de Dieu, ne nous est pas si naturel. Les élans de générosité spontanée s’émoussent vite au contact de la réalité qui est, effectivement, lourde à porter parfois en raison des emplois et des responsabilités. Laissés à nous-mêmes nous préférons notre tranquillité et nos aises. Aussi nous faut-il cultiver cette attitude de confiance en Dieu jusque dans toutes les petites tâches à accomplir. Apprendre à lui demander son aide pour les vivre vraiment avec un cœur disponible aux autres et décentré de soi. Lui seul peut nous permettre d’être des serviteurs à l’image de Jésus Serviteur. Par nous-mêmes, nous n’en sommes pas capables. (2011-06-04)
1. Les frères se serviront mutuellement et personne ne sera dispensé du service de la cuisine, sauf maladie ou si l'on est occupé à une chose d'intérêt majeur,
2. parce que cela procure une plus grande récompense et charité.
3. Aux faibles, on accordera des aides, pour qu'ils ne le fassent pas avec tristesse,
4. mais ils auront tous des aides suivant l'importance de la communauté et l'état des lieux.
5. Si la communauté est nombreuse, le cellérier sera dispensé de la cuisine, ainsi que ceux qui, comme nous l'avons dit, sont occupés à des tâches d'intérêt supérieur.
6. Les autres se serviront mutuellement dans la charité.
7. Celui qui va sortir de semaine fera les nettoyages le samedi.
8. Ils laveront les linges avec lesquels les frères s'essuient les mains et les pieds.
9. Ils laveront aussi les pieds de tous, non seulement celui qui sort, mais aussi celui qui va entrer.
10. Il rendra au cellérier, propres et en bon état, les ustensiles de son service.
11. Le cellérier, à son tour, les remettra à celui qui entre, de façon à savoir ce qu'il donne et ce qu'il reçoit.
Quand on regarde dans la RB l’usage du mot « servir », il est toujours utilisé pour évoquer le service des frères et le service de Dieu, notamment à travers les frères. Une fois, on trouve une mention négative à propos des gyrovagues qui se servent eux-mêmes, dont on dit qu’ils sont « asservis » à leur volonté propre.
Le verbe « servir » engage donc une relation très concrète avec les autres et avec Dieu. Benoît le souligne fortement ici à propos de la cuisine. Il voit dans le fait de faire la cuisine une occasion de se servir mutuellement et de vivre la charité. Le geste du lavement des pieds accompli par celui qui sort et par celui qui entre en fonction renforce la dimension symbolique conférée au service de la cuisine. Par ce geste symbolique, les cuisiniers entrent dans le grand mouvement d’amour du Christ qui s’est voulu serviteur des hommes jusqu’à leur donner sa vie ; On mesure par cette association de geste symbolique la haute estime dans laquelle Benoît tient le service de la cuisine. Si aujourd’hui, nous associons spontanément la cuisine à une symbolique familiale et maternelle – le soin maternel auprès des enfants -, pour Benoît la symbolique est d’abord Christique. Cuisiner, c’est se servir mutuellement à tour de rôle, c’est se mettre aux pieds des frères pour subvenir à leur besoin élémentaire de manger et de survivre. SI dans notre pratique actuelle, la cuisine est devenue un emploi avec toute sa complexité technique, la dimension symbolique soulignée par Benoît n’en demeure pas moins réelle. Nous mesurons aisément que nos frères cuisiniers, en nous servant jour après jour les repas, ne font pas qu’accomplir leur devoir. En se mettant au service de notre subsistance, ils nous aident à vivre bien, ils nous donnent la vie. Nous pouvons les remercier chacun d’être ainsi au service de notre vie très concrète, de notre bien-être. Merci pour leurs attentions, pour le soin donné au repas et à leur qualité, à leur présentation. A travers ces mille gestes quotidiennement repris, ils nous témoignent une grand charité ils nous donnent la vie. (2011-06-01)
3. Ici, que celui qui a moins de besoins, rende grâce à Dieu et ne s'attriste pas ;
4. quant à celui qui a plus de besoins, qu'il s'humilie de son infirmité et ne s'enorgueillisse pas de la miséricorde qu'on a pour lui,
5. et ainsi tous les membres seront en paix.
6. Avant tout, que le fléau du murmure ne se manifeste sous aucun prétexte par aucune parole ou signe quelconque.
7. Si l'on y est pris, on subira une sanction très sévère.
Benoît laisse bien entendre à travers ces lignes qu’il n’est pas aisé dans une communauté de vivre le « chacun selon ses besoins ». On a déjà vu le délicat équilibre à maintenir entre le « tout sera commun entre tous » et le « à chacun selon ses besoins ». Ici on mesure ce qui se passe quand les besoins différents sont honorés. L’un qui a moins besoin peut s’attrister de recevoir moins. L’autre qui en a davantage peut s’enorgueillir des attentions qu’on lui accorde. Nous savons combien tout ceci n’est pas seulement un cas d’école et que ces sentiments, voire ces murmures peuvent nous habiter.
Et pourquoi ceci nous laisse-t-il si peu indifférent ? Certainement parce qu’à travers la prise en compte des besoins de chacun se vit une reconnaissance plus profonde, une reconnaissance de ce que chacun est avec ses limites et ses infirmités pour reprendre le mot de Benoît, avec ses dons aussi. Cette reconnaissance nous est nécessaire à chacun, reconnaissance fraternelle, reconnaissance de l’abbé. Comment vivre cela, sans que naisse le murmure, afin que tous soient en paix ?
Benoît invite chacun à un travail spirituel pour prendre une juste distance par rapport à ses propres besoins et à ceux des autres. Celui qui a peu de besoins doit rendre grâce à Dieu au lieu de s’attrister de ne pas recevoir comme son voisin. Celui qui reçoit davantage doit s’humilier, se faire petit devant les attentions qu’on lui témoigne. Ainsi chacun est invité à se décentrer de lui-même, à ne plus se regarder, mais à se resituer en profondeur devant Dieu pour lui rendre grâce ou pour s’humilier. En se décentrant de soi-même, on cesse de se comparer aux autres. On apprend à exister simplement tel que l’on est devant Dieu et devant les autres. Cette attitude de vérité, joyeuse et humble, nous libère du souci de nous-mêmes. Aucun de nous n’a de besoins à revendiquer, tous il nous faut apprendre à les discerner, à les soumettre au regard d’un autre pour qu’ils soient reconnus. Cette remise de nos besoins au jugement d’un autre de la communauté est une grâce, la grâce de nous recevoir des frères, comme nous nous recevons de Dieu. (2011-05-31)
1. Comme il est écrit : « On distribuait à chacun selon ses besoins. ;»
2. Ici nous ne disons pas que l'on fasse acception des personnes, – ;à Dieu ne plaise ! – mais que l'on ait égard aux infirmités.
Avec ce chapitre propre à Benoît est introduit un équilibre par rapport au chapitre précédent. Autant Benoît insiste sur la nécessité de ne rien s’attribuer en propre et de rechercher à tout mettre en commun, autant il est respectueux des besoins de chacun. En s’appuyant sur Ac 4, de nouveau il ne fait d’une certaine manière qu’expliciter et appliquer ce que l’Ecriture met en avant ; la communion fraternelle avec la mise en commun des biens ne se fera pas au détriment de la singularité des personnes. C’est ce que le communisme n’a pas pu comprendre ni mettre en application comme l‘ont montré les dérives totalitaires des goulags ou du Cambodge. Nous sommes ici devant un équilibre délicat qui ne peut être vécu que dans l’Esprit. C’est l’équilibre entre communauté et personne. Comme moine, nous choisissons de vivre dans une communauté. Nous voulons librement nous laisser former, informer par la vie commune. Nous avons reconnu là un puissant moyen d’entrer dans le mystère de la communion trinitaire ; et en même temps, la communauté et l’abbé en son nom, sont attentifs à chacun et à ses besoins. Benoît associe ici besoin à « infirmité ». Besoin est la traduction de l’expression « opus est » : ce qui est nécessaire, utile ce dont on a besoin. Le mot « infirmité – infirmitas » en latin, renvoie à l’idée de faiblesse corporelle ou de faiblesse de caractère. Ainsi on comprend l’association faite par Benoît entre « ce qui est nécessaire » et « faiblesse personnelle ». Le besoin personnel renvoie donc à quelque chose de nécessaire, Il ne s’agit donc pas de caprices ou de désirs plus ou moins imaginaires. Comment faire pour ne pas confondre besoin et caprice ? Je vois deux voies : la première est personnelle, chacun doit savoir examiner en lui-même ce qui se passe quand tel désir surgit. Est-ce vraiment un besoin vital un désir plus ou moins imaginaire, plus ou moins capricieux ? Grandir en maturité spirituelle passe par ce travail intérieur. La seconde voie sera de soumettre au regard d’un autre ce qui m’habite, en le soumettant librement sans vouloir imposer une direction. L’abbé peut reconnaitre tel besoin et permettre une chose à un frère, qui sort de la vie commune. Chacun peut alors trouver sa place sans trouble pour lui-même, ni pour la communauté. (2011-05-21)
6. Que « tout soit commun à tous », comme il est écrit, en sorte que « ;personne ne dise sien quoi que ce soit », ni ne le considère comme tel.
7. Si quelqu'un est pris à se complaire dans ce vice extrêmement pernicieux, on l'avertira une et deux fois ;
« Tout soit commun à tous » en sorte que « personne ne dise sien quoi que ce soit ». Ce verset tiré de Ac 4 suit celui où il est dit « la multitude des croyants n’avait qu’’un cœur et qu’une âme ». On le voit pour Luc le fait de « rien dire sien » et le fait que « tout soit commun à tous » est une illustration de la communion vécue entre les croyants. Cette communion d’âme et de cœur n’est pas qu’une affaire sentimentale ou spirituelle au sens éthéré, mais elle engage un comportement concret jusque dans les biens mis en commun.
Ce rappel du contexte de la citation des Actes est bon à entendre. Il nous redit que notre mise en commun des biens ne doit pas être prise pour un but en elle-même. Elle n’est que l’expression de cette communion d’âme et de cœur qui trouve son fondement dans la communion trinitaire. Si nous cherchons à mettre nos biens en commun, c’est parce que chacun et tous ensemble, nous désirons vivre en communion, tournés vers le Père, par le Christ, dans l’Esprit Saint. Pour exprimer les choses plus concrètement, on pourrait dire : à chaque fois que nous peinons à vivre la mise en commun des biens, à chaque fois que nous sommes tentés de nous approprier quelque chose de façon cachée, c’est le signe que nous ne vivons pas vraiment de la communion fraternelle. C’est le signe que nous ne croyons pas vraiment que notre vie s’enracine dans la communion trinitaire. Nous préférons nous assurer nous-mêmes, par nos propres forces. Nous ne nous appuyons pas vraiment sur Dieu à travers les frères. Faut-il s’en étonner ? Non car ce n’est pas facile de vivre cette désappropriation, signe de notre communion entre frère et en Dieu. Se donner tout entier à Dieu ne se fait pas en un jour. L’important est de désirer marcher vers cette communion vitale. Pouvoir nommer nos difficultés, dire nos besoins et chercher chaque jour à grandir dans cette communion trinitaire qui est le cœur de notre communion fraternelle. La mise en commun de nos biens professée solennellement le jour de notre profession nous entraine sur ce chemin de communion. Nous pouvons vraiment nous en réjouir. (2011-05-19)
1. Par dessus tout, il faut retrancher du monastère ce vice jusqu'à la racine :
2. que personne ne se permette de rien donner ou recevoir sans permission de l'abbé,
3. ni d'avoir rien en propre, absolument aucun objet, ni livre, ni tablette, ni stylet, mais absolument rien,
4. puisqu'on n'a même pas le droit d'avoir son corps et sa volonté à sa propre disposition.
5. Tout ce dont on a besoin, on le demande au père du monastère, et personne n'a le droit de rien avoir que l'abbé ne lui ait donné ou permis.
« Personne n’a le droit de rien avoir que l’abbé ne lui ait donné ou permis ». Cette phrase est exigeante, d’une exigence par rapport à laquelle nous ne sommes jamais quittes. Elle est l’expression de notre manière de vivre la pauvreté évangélique. A la suite du Christ, nous voulons être pauvre c’est à dire très libre par rapport aux biens, très libre en notre cœur et en notre environnement. Mais nous le mesurons dans la recommandation de Benoît que la pointe ne porte pas sur les objets eux-mêmes, mais sur la grande clarté qu’il doit y avoir avec l’abbé au sujet de leur possession. L’essentiel est dans la lumière et dans la relation. Lumière pour que rien ne soit gardé de façon dissimulée et relation pour que toute chose soit reçue dans l’obéissance, non pas prise, mais reçue. Voilà la belle exigence que nous sommes appelées à vivre à propos de nos objets ; être des hommes clairs et désireux de vivre dans l’obéissance.
Vivre cette exigence n’est pas qu’une affaire du noviciat. C’est l’affaire de toute notre vie. Elle est surtout de l’ordre d’une liberté intérieure à conquérir, à laisser grandir en nous. Les objets ne sont pas importants en eux-mêmes et pourtant nous nous y attachons facilement. Pourquoi ? Parce qu’ils nous aident à vivre, parce qu’ils symbolisent quelque chose d’important. Tout cela est bon, mais quand cela devient un absolu, quelque chose d’acquis et d’incontournable, nous risquons de perdre notre liberté. Et c’est ce bien là qui est le plus précieux. La clarté avec l’abbé et la communauté est un très sûr moyen de croitre en liberté par un vrai lâcher prise. Car nous valons bien plus que tout ce dont nous nous entourons. Travaillons cette liberté intérieure, travaillons là constamment, elle nous permettra de demeurer des hommes d’abord tournés vers les autres et non centrés sur nous-mêmes. Pour cela il est toujours bon de se demander : est-ce que par rapport aux objets significatifs et au matériel dont je me sers, je suis au clair ave l’abbé et la communauté ? (2011-05-18)
1. Pour l'avoir du monastère en outils, vêtements et biens de toute sorte, l'abbé choisira des frères, de vie et mœurs dont il soit sûr,
2. et il leur remettra ces différents objets, comme il le jugera bon, pour qu'ils les conservent et les recueillent.
3. De ces objets, l'abbé gardera l'inventaire. Ainsi, quand les frères se succèdent à tour de rôle dans l'emploi, il saura ce qu'il donne et ce qu'il reçoit.
4. Si quelqu'un traite les biens du monastère sans propreté ou sans soin, on le réprimandera.
5. S'il ne s'amende pas, il subira les sanctions de règle.
Ce chapitre suit assez naturellement celui sur le cellérier. Il le précise même en donnant à l’abbé une responsabilité directe sur tous les objets du monastère dont il confie la garde à ses frères. On mesure à travers ces lignes combien les objets étaient précieux, car sûrement assez rares et couteux. Il exigeait un compte et un soin précis. Nous sommes loin de ce qu’un article récent affirmait dans La Croix « aujourd’hui on ne répare plus, on jette ». Cela visait particulièrement le matériel informatique. Notre monde occidental qui produit en grande quantité et à moindre coût de nombreux objets prend de plus en plus l’habitude de jeter au lieu de réparer. Désormais, c’est le temps passé qui est le critère premier. S’il faut trop de temps d’une main d’œuvre bien payée mieux vaut jeter que réparer. Logique qui prend de plus en plus le dessus sur toute autre considération. Et nous moines que faire ? Spontanément, on n’aime pas jeter, sensible au prix des choses, mais aussi peut être car nous vivons d’une autre intelligence du temps qui passe. Notre temps, si nous ne voulons pas le perdre, nous ne sommes pas angoissés à devoir le rentabiliser à tout prix. Nous voulons vivre le temps non d’abord en vertu de sa valeur marchande ou comptable, mais en vertu de la possibilité qu’il nous offre d’habiter les rencontres et nos activités et d’être présent à Dieu. Pour cela nous acceptons de limiter notre temps de travail et de nous contenter du nécessaire pour nos besoins.
Mais que faire avec les choses qu’on ne peut réparer, puisque nous ne pouvons sortir du système économique qui impose son rythme ? Récemment, nous avons donné à Emmaüs, tout un ensemble d’ordinateurs usagés, inutilisables. Ils ont mis en place un service de récupération avec des possibilités de recyclage de pièces, en direction de l’Afrique. Système qui n’est pas non plus sans poser de questions. Acceptons de ne pas bien savoir toujours ce qu’il faut faire. Veillons, comme je le disais déjà, à notre manière d’utiliser et d’entretenir ce qui est à notre disposition pour ne pas gaspiller, ni laisser perdre. Résistons à l’appétit d’avoir du « toujours neuf » ou du « dernier cri ». Nous aimerions apprendre au monastère à consommer autrement plus sobrement. (2011-05-13)
17. Si la communauté est nombreuse, on lui donnera des auxiliaires, pour que lui aussi, grâce à leur aide, il remplisse la charge qui lui est confiée sans perdre la paix de l'âme.
18. On donnera ce qui est à donner et on demandera ce qui est à demander au moment voulu,
19. afin que personne ne soit troublé ou peiné dans la maison de Dieu.
Ces quelques lignes illustreraient bien à elles seules la devise « Pax » que l’on associe à la vie bénédictine. Celle-ci en effet est soucieuse d’organiser toute chose pour favoriser la paix dans le monastère jusque dans les détails.
Ici l’organisation touche la tâche du cellérier et aussi la vie en général dans la maison de Dieu. Concernant le cellérier, si Benoît lui demande beaucoup, il n’oublie pas cependant qu’il est aussi un homme. Il prévoit donc ainsi qu’on lui adjoigne des collaborateurs pour qu’il fasse son service avec une âme égale, pour traduire mot à mot le latin. Ces collaborations sont bonnes pour le soulager concrètement, mais aussi pour partager entre plusieurs frères la gestion de l’économie du monastère. Qu’avec F.Cyprien, il y ait F.Benoît à la comptabilité, et F.Hubert à la sous-cellérerie est une chose heureuse pour la coresponsabilité dans la communauté. Sans compter de nombreux autres frères associés de loin ou de près à l’organisation de la vie économique du monastère.
Benoît aborde enfin un autre point plus général pour que « personne ne soit troublé dans la maison de Dieu ». Il énonce dans ce but un principe tout simple : « on donnera ce qui est à donner et l’on demandera ce qui est à demander au moment voulu ». Au « moment voulu » pas avant, pas après. Cette petite notation comme bien d’autres dans la RB est pleine de sagesse. Dans la vie quotidienne, dans nos relations de travail, nous sommes invités à demeurer attentifs « au moment voulu », au moment qui convient, au moment propice pour donner et pour demander les choses. Cette attention au moment opportun veut faire de nous des hommes présents à la réalité concrète de la même manière que nous voulons être des hommes d’écoute dans toute notre vie. C’est un même dynamisme intérieur que nous sommes appelés à vivre. Celui de vivre, non plus à contre temps des autres ou de Dieu, mais de vivre dans le « bon temps ». Cette attention nous enseigne, et à ne pas gaspiller notre temps et à ne pas vouloir le remplir, le bourrer à tout prix. Vivre les choses au moment voulu, comme elles le doivent est une école de pacification. (2011-05-12)
16. Il fournira aux frères la ration prescrite sans arrogance ni délai, de peur qu'ils ne s'irritent, en se souvenant de ce que mérite, selon la parole divine, « celui qui irritera un des petits. »
Comme pour compléter, la recommandation précédente sur la parole aimable en cas d’impossibilité de donner quelque chose, voici ce rappel fait au cellérier. Il doit, pour tout ce qui est en son pouvoir le faire sans arrogance ni délai pour ne pas irriter les frères.
Aucun de nous n’aime attendre quelque chose qui doit venir et curieusement il nous arrive de faire attendre nos frères. Pourquoi ce décalage ? A la fois, nous supportons mal de devoir attendre, mais nous ne voyons pas où est le problème quand des frères s’impatientent à notre égard. Quand nous ne répondons pas à un billet, à une question posée, à un service demandé. Nous sommes souvent très aveugles sur nos fonctionnements et plus intraitables encore sur ceux des autres. Pourquoi cela ? L’association des deux expressions « sans arrogance et sans délai » proposées à l’attention du cellérier, nous donne une piste de compréhension. Il y a une forme d’arrogance à faire attendre, comme il y a une forme d’arrogance à ne pas supporter d’attendre. A l’inverse, il y a une vraie humilité à ne pas vouloir faire attendre les autres, comme il y a une vraie humilité à patienter devant l’insouciance des autre s à notre égard. L’arrogance est ce trop plein de nous-mêmes qui nous aveugle sur nous-mêmes au point de vouloir que les autres s’adaptent à nous « quand je ne suis pas pressé, qu’ils attendent » et « quand je suis pressé, qu’ils ne me fassent pas attendre ». Nous connaissons tous un jour ou l’autre ce genre de réflexe intérieur et ce genre de comportement extérieur qui envenime la vie commune. « Sans arrogance, ni délai » dans l’humble diligence, dans la hâte joyeuse à rendre service, à répondre à un billet, à faire un travail demandé, nous pouvons faire de gros progrès sur nos chemins spirituels. Alors ce n’est plus nous qui sommes au centre infatué de nous-mêmes, mais les frères, la communauté. C’est un chemin de joie qui peut s’ouvrir à nous !! (2011-05-11)