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5. Si c'est un jour de jeûne, une fois les vêpres dites, après un petit intervalle on passera à la lecture des Conférences, comme nous l'avons dit ;
6. on lira quatre ou cinq feuillets ou autant que l'heure le permettra,
7. tandis que tous se rassemblent grâce à ce délai de la lecture, si l'un ou l'autre était pris par une fonction à lui confiée, –
8. donc une fois que tous seront réunis, ils célébreront complies, et en sortant des complies, on n'aura plus désormais la permission de dire quelque chose à quiconque, –
9. si quelqu'un est pris à transgresser cette règle du silence, il subira un châtiment sévère, ;-
10. sauf s'il survient une nécessité du fait des hôtes ou que l'abbé vienne à commander quelque chose à quelqu'un.
11. Cependant cela même devra se faire avec le plus grand sérieux et la réserve la plus digne.
En écoutant ces lignes, on pourrait se demander pourquoi une telle insistance sur le silence après complies ? A cause de la tradition sûrement. Pour éviter des tentations multiples aussi. Mais je pense qu’il y a une sorte de réflexe anthropologique à vouloir instaurer une telle limite. Une limite qui distingue nettement et sans ambigüité le temps du jour et celui de la nuit. Cette limite du point de vue physique peut être variable en fonction des saisons. Si elle peut être atténuée grâce aux lampes à huile et maintenant grâce à l’électricité, la prescription du silence total après l’office de complies vient la renforcer et l’établir sans équivoque. Cette limite inscrit fortement le moine dans le rythme cosmique et le fait entrer dans une perception des choses plus profonde. Il y a un temps pour faire des choses, et il y a un temps pour se reposer. Il y un temps pour être actif et un temps pour être passif. Il y a un temps pour parler et il y a un temps pour se taire et écouter davantage. Enter dans cette alternance en consentant à la limite, donne à notre vie une autre profondeur. En acceptant cette limite du grand silence, en acceptant de ne plus travailler après complies et de laisser les activités du jour, nous vivons concrètement le lâcher prise. Nous entrons dans une remise très concrète de notre vie à Dieu dans le silence, le repos, la prière. Nous acceptons de ne plus être les maîtres de notre vie. Cette limite consentie du grand silence transforme en un acte d’obéissance à Dieu, ce qui pourrait être qu’une machinale sujétion au rythme naturel. La limite ici nous oblige à saisir le sens de notre vie à une autre dimension. Notre vie ne change pas dans son rythme, mais prend toutes ces harmoniques.
Soyons heureux d’avoir de telles limites dans notre vie. Elles nous apprennent à nous ouvrir à une autre dimension de notre existence qui ne se réduit pas à ce qu’on dit ou ce qu’on fait. Elle est aussi comme une terre qui a besoin de repos, de silence pour que puisse se réaliser les germinations profondes. Ne méprisons pas ce temps de silence de la nuit ni les espaces et les temps de silence que nous propose notre rythme monastique. C’est à ce prix que notre vie trouvera peu à peu toute sa fécondité, sa belle profondeur. (2011-07-15)
1. De la sainte Pâque à la Pentecôte, les frères prendront leur repas à sexte et souperont le soir.
2. À partir de la Pentecôte, pendant tout l'été, si les moines n'ont pas de travaux agricoles et que les ardeurs excessives de l'été ne les incommodent pas, ils jeûneront jusqu'à none les mercredis et vendredis.
3. Les autres jours ils déjeuneront à sexte.
4. S'ils ont du travail aux champs ou si la chaleur de l'été est excessive, il faudra maintenir le déjeuner à sexte, et ce sera à l'abbé d'y pourvoir.
5. Et il équilibrera et réglera toute chose en sorte que les âmes se sauvent et que les frères fassent ce qu'ils font sans murmure fondé.
6. Des Ides de septembre au début du carême, le repas sera toujours à none.
7. En carême, jusqu'à Pâques, le repas sera à vêpres.
8. Cependant les vêpres seront célébrées de telle façon que l'on n'ait pas besoin au repas de la lueur d'une lampe, mais que tout s'achève à la lumière du jour.
9. Et de même en tout temps, l'heure du souper ou du repas sera suffisamment tôt pour que tout se fasse à la lumière.
Ce chapitre parle des repas, de leur horaire, avec en filigrane la question du jeûne. N’ayant pas eu beaucoup de temps pour préparer, je reprends un chapitre déjà donné ; il y a quelques années, au sujet de notre manière de manger et notamment au libre service.
Je voudrai relever trois écueils. Manger, nous avons cela en commun avec les animaux et pourtant nous ne voulons pas manger comme les animaux. Toute l’éducation consiste dans cette humanisation de l’acte de manger. Et pourtant chemin faisant, de vieux réflexes reviennent parfois et l’on risque de « bouffer » au lieu de manger. Je vois trois tentations possibles, la tentation du chien, celle de l’écureuil et la tentation du sanglier !
La tentation du chien est celle de dévorer la nourriture, d’enfiler son repas sans lever la tête sans se soucier de ses voisins, d’ingurgiter le plus vite possible et parfois le plus possible. Contre cela, il est bon de lever la tête, de prendre de la distance par rapport à son assiette, d’être attentif à ses voisins et de s’attendre, de manger en rendant grâce à Dieu.
La tentation de l’écureuil est sensible au libre service surtout. Je me sers et je fais des réserves d’un bon plat parce que si j’attends, en aurai-je encore ? J’entasse, je prends beaucoup et peut en aurais-je trop, alors je remets un bout de fromage sur le chariot ou un fruit etc. Faire des réserves et remettre des aliments à moitié mangé. Contre cette tentation, peut-être est-il bon de manger en accueillant ce qui est proposé sans le retenir, ni l’accaparer. Apprendre être libre, accueillir avec action de grâce quand il y a et des bonnes choses et des moins bonnes.
La tentation du sanglier est encore autre. Le sanglier, on le sait, remue, retourne des champs pour y trouver des vers et des racines. En libre service, la tentation est là de remuer, retourner, fouiller dans la corbeille à pain ou dans le bac à salades pour y chercher (je n’espère pas des vers) mais de belles feuilles, ou dans le cageot de fruits pour choisir une belle pomme. Comme le sanglier, on fouille, plutôt que de prendre ce qui vient. Il est bon alors de penser au frère après moi qui n’a pas envie de manger ce que plusieurs ont tâté avant lui, comme moi-même je n’aime pas ce que d’autres ont fouillé.
Trois tentations qui nous ramènent à des réflexes de l’animal en nous et contre lesquels il nous est bon de savoir résister. Et quand nous nous sentons faibles, invoquons le Christ venu sauver des hommes malades. (2011-07-12)
5. Si les conditions locales et le travail ou la chaleur de l'été font qu'il en faut davantage, le supérieur en aura le pouvoir, en veillant toujours à ne pas laisser survenir la satiété ou l'ivresse.
6. Nous lisons, il est vrai, que « le vin n'est absolument pas fait pour les moines », mais puisqu'il est impossible d'en convaincre les moines de notre temps, accordons-nous du moins à ne pas boire jusqu'à satiété, mais plus sobrement,
7. puisque « le vin fait apostasier même les sages. »
8. Quand les conditions locales feront que l'on ne puisse même pas trouver la quantité indiquée ci-dessus, mais beaucoup moins ou rien du tout, les habitants du lieu béniront Dieu et ne murmureront pas.
9. Car nous recommandons ceci avant tout : qu'on s'abstienne de murmurer.
« Les habitants du lieu béniront Dieu et ne murmureront pas ». Bénir Dieu ou murmurer : telle est l‘alternative que Benoît envisage quand on ne pourra pas se procurer de vin pour le repas. Si le murmure apparait être le mouvement spontané qui monte au cœur, Benoit recommande vivement qu’on s’en abstienne et qu’on bénisse plutôt Dieu. Tout se passe comme si une position neutre était difficile sur un sujet aussi sensible que le vin. Dans ce couple « bénir –murmurer », nous avons une expression assez fréquente de notre combat intérieur quand surviennent des contrariétés, ou une difficulté ou une remarque : comment réagissons-nous ? Que le premier mouvement soit d’énervement ou d’impatience, cela n’a rien d’étonna nt quand la chose est importante et qu’elle engage la vie de la communauté, dans une situation ou une décision qui nous gêne, allons-nous résister et murmurer ? Ou bien allons-nous essayer de prendre de la hauteur en remettant tout cela sous le regard de Dieu ? Bénir Dieu, va même jusqu’à proposer Benoît. Entre les deux attitudes, nous mesurons bien la différence de couleur et de goût. D’un côté le murmure a un effet rongeur, il obscurcit le regard qui fait que l’on voit tout en noir et que tout devient matière à critique et contestation. Il recouvre notre quotidien d’une chape de tristesse et rend notre vie pesante. De l’autre côté, se placer dans la contrariété ou dans l’adversité, sous le regard de Dieu ne fait pas s’évanouir la difficulté, mais cette disposition du cœur et de foi nous aide à remettre les choses à leurs justes places : qu’est-ce que ne pas avoir ceci ou ne pas pouvoir faire cela au regard de la joie qu’il y a à chercher à faire la volonté de Dieu ? Se placer dans la contrariété sous le regard de Dieu, c’est lui remettre ce qui nous peine ou nous fait souffrir. Cette attitude de confiance et de prière nous libère de notre prétention secrète et tenace à être les maitres de notre vie. C’est le Seigneur qui nous conduit à travers la communauté, la Règle et notre vie monastique. C’est ainsi que nous avons choisi de le laisser nous guider, à travers les joies, mais aussi les contrariétés et adversités de toutes sortes. Qu’il nous vienne en aide !! (2011-07-07)
1. « Chacun tient de Dieu un don particulier, l'un comme ceci, l'autre comme cela. »
2. Aussi est-ce avec quelques scrupules que nous déterminons la quantité d'aliments pour les autres.
3. Cependant, eu égard à l'infirmité des faibles, nous croyons qu'il suffit d'une hémine de vin par tête et par jour.
4. Mais ceux à qui Dieu donne la force de s'en passer, qu'ils sachent qu'ils auront une récompense particulière.
Ce chapitre sur la boisson et la manière avec laquelle Benoît aborde la question, peut nous faire réfléchir sur le lien qu’il y a entre le don de Dieu et la pratique communautaire.
Benoît dit que chacun reçoit de Dieu un don particulier ; ainsi au sujet de la boisson, l’un aura un besoin plus ressenti alors qu’un autre pourra s’en passer. Cette manière spirituelle de voir les choses dans la lumière de Dieu est heureuse. Elle nous engage à ne pas juger selon des critères moraux, des façons différentes de se situer par rapport à la nourriture ou à la boisson. Dieu sait vraiment ce qu’il a donné à chacun.
En même temps, Benoît exprime une conviction ascétique qui veut que le vin ne convienne pas aux moines, car le risque est là de l’ivresse ou de la légèreté qui fait perdre aux moines leur propos de conversion. Soit positivement l’abstinence permet au moine d’acquérir une récompense particulière. Quelle pratique commune est dès lors possible ? Benoît accepte de prendre un profil bas par rapport à sa conviction ascétique, en permettant de boire le vin habituellement, mais sobrement. Semble-t-il à l’époque, une pratique commune en conformité avec l’idéal entrevu n’était pas possible. Ce constat peut nous aider à mieux considérer notre pratique actuelle sur le sujet. Habitant dans une région non viticole et héritier de la tradition du Père Muard, nous sommes portés par une pratique de consommation de vin, limitée aux jours de fête. Cette pratique façonne une manière d’être et de vivre en communauté dans laquelle nous nous retrouvons bien. Une vraie sobriété et en même temps une vraie joie de fête. La grâce de cette pratique communautaire est de nous tirer tous ensemble vers le haut. La sobriété des jours ordinaires nous redit que nous sommes en chemin, en marche pour chercher Dieu et son Royaume qui n’est pas de cette terre. Et la joie des jours de fête contribue à élargir notre action de grâce à Dieu notre Père qui désire le bonheur de ses enfant dès ici-bas. Nous pouvons nous réjouir d’être portés par cette pratique que nous recevons de nos pères qui allie sobriété et joie. Elle nous entraine dans notre faiblesse à demeurer tournés vers l’essentiel sans nous assécher. Elle nous prend chacun avec vos donc particuliers dans un même dynamisme humain et spirituel. (2011-07-06)
6. S'il arrive que le travail devienne plus intense, l'abbé aura tout pouvoir pour ajouter quelque chose, si c'est utile,
7. en évitant avant tout la goinfrerie et que jamais l'indigestion ne survienne à un moine,
8. car rien n'est si contraire à tout chrétien que la goinfrerie,
9. comme le dit Notre Seigneur : « Prenez garde que la goinfrerie ne vous appesantisse le cœur. »
10. Quant aux enfants d'âge tendre, on ne gardera pas pour eux la même mesure, mais une moindre que pour les plus âgés, en gardant en tout la sobriété.
11. Quant à la viande des quadrupèdes, tous s'abstiendront absolument d'en manger, sauf les malades très affaiblis.
Après l’insistance sur le « il suffit » de la première partie de ce chapitre, qui donne une norme commune, Benoît en vient à considérer les exceptions. Il ya celle dû à l’excès de travaux pour lequel l’abbé peut permettre une ration supplémentaire. Il y a ensuite la prise en compte des enfants d’âge tendre et des malades. A chaque situation, doit correspondre des adaptations appropriées du menu.
Ces dispositions de la Rège sont heureuses et pleines de sagesse. Elles disent l’attention de la communauté pour chacun. Elles peuvent nous aider, et à accepter les exceptions, et à recevoir ces régimes particuliers comme un don sans avoir à se servir soi-même.
Sans envie, ni jalousie, nous pouvons accepter les exceptions permises aux frères qui en ont besoin. La Règle veut permettre de répondre aux besoins vitaux sans favoriser les caprices. Les frères qui n’ont pas de besoins particuliers doivent surtout se réjouir d’être en bonne santé et pouvoir se contenter du régime communautaire.
Par ailleurs, ceux qui ont besoin de régimes doivent apprendre à tout recevoir comme un don. Autant ils doivent exprimer leur besoins autant ils le feront sans exigence exagérée. L’attention qui est requise ici est de ne pas prendre l’habitude de se servir soi-même. Il revient aux cuisiniers et à l’infirmier de veiller à ce que les frères aient ce qui est nécessaire. Je regrette de voir de temps en temps des frères se lever de table pour aller chercher telle ou telle chose qui leu r manque. Si cette chose est nécessaire elle devrait être prévue à l’avance avec les frères compétents. Si elle n’est pas nécessaire qu’on se contente de ce qui est donné. Mais qu’on évite de se lever pour se servir soi-même. Le repas commun n’est pas un libre-service. Il nous inscrit dans un vivre ensemble qui façonne très profondément notre être communautaire. Il nous donne de vivre de cette grâce par laquelle on se sert les uns les autres, et non en se servant soi-même. (2011-07-03)
1. Nous croyons qu'il suffit à toutes les tables pour le repas quotidien, qu'il ait lieu à sexte ou à none, de deux plats cuits, en raison des diverses infirmités,
2. pour que celui qui ne peut manger de l'un, fasse son repas de l'autre.
3. Donc deux plats cuits suffiront à tous les frères ; et s'il y a moyen d'avoir des fruits ou des légumes tendres, on en ajoutera un troisième.
4. Une livre de pain bien pesée suffira pour la journée, qu'il y ait un seul repas ou déjeuner et souper.
5. Si l'on doit souper, le cellérier gardera le tiers de cette même livre pour le rendre au souper.
« Il suffit » : cette parole de Benoît sonne étrangement à nos oreilles contemporaines si souvent habituées à entendre dans le contexte de notre société de consommation : « toujours plus » ou « jamais assez ». Si nous sommes un peu attentifs à notre ressenti, à ce que nous vivons, il n’est pas rare que nous percevions ce dilemme entre le « il suffit » et le « toujours plus – toujours mieux ». Le « il suffit » de la Règle nous engage sur une voie de sobriété, voire de renoncement à nos rêves de toute puissance et le « toujours plus – toujours mieux » qui régit notre société de consommation nous tire vers une course de plus en plus rapide pour posséder le dernier produit sorti. Il ne faut pas être surpris qu’il y ait un dilemme et que ce dilemme nous gêne, voire nous écartèle. Ne pas ressentir ce dilemme serait inquiétant. Cela signifierait que l’on a pris ses libertés avec notre Règle de vie et que l’on consomme sans scrupule. Notre Règle de vie nous pose en situation de résistance par rapport à l’esprit ambiant de notre société de consommation. Ce « il suffit » nous engage sans grand éclat de voix dans une attitude prophétique dans notre monde actuel. La Règle nous entraine à nous contenter de peu pour ne pas manquer de l’essentiel. Nous choisissons d’avoir des voitures bas de gamme. Nous ne recherchons pas le dernier ordinateur ou le dernier programme à la mode. Nous n’avons pas le réseau pour le téléphone portable et nous en sommes heureux. Nous choisissons de ne pas avoir tous les objets ou appareils à usage personnel mais de les mettre en commun (appareil photos, appareil audio etc)
Nous avons une nourriture partagée ensemble et nous ne faisons pas de réserve personnelle. Si nous avons besoin de quelque chose, nous le demandons, nous ne nous servons pas nous-mêmes. Voilà quelques aspects de ce que ce « il suffit » implique très concrètement dans notre vie quotidienne. Vivre cela, c’est demeurer dans cet esprit de liberté à l’égard des biens pour ne pas les accaparer ou les convoiter. A certains jours la tentation est là de prendre, de nous servir nous-mêmes, de faire comme tout le monde d’avoir toujours plus. Que l’appel de l’Evangile à être libres à la suite du Christ nous garde sous sa lumière et sous sa joie pour une vie sobre. (2011-06-25)
5. Et il se fera un silence complet, en sorte que, dans la pièce, on n'entende personne chuchoter ou élever la voix, sinon le seul lecteur.
6. Quant à ce qui est nécessaire pour manger et boire, les frères se serviront à tour de rôle, de telle sorte que nul n'ait besoin de rien demander.
7. Si pourtant on a besoin de quelque chose, on le demandera en faisant retentir un signal quelconque, plutôt qu'en élevant la voix.
8. Personne non plus, dans la pièce, ne se permettra de poser aucune question sur la lecture ou sur autre chose, pour ne pas donner d'occasion,
9. sauf si le supérieur voulait dire brièvement un mot pour l'édification.
10. Le frère lecteur hebdomadier prendra le mixte avant de commencer à lire, à cause de la sainte communion et de peur que le jeûne ne lui soit pénible à supporter.
11. Mais c'est plus tard qu'il prendra son repas, avec les hebdomadiers de la cuisine et les serviteurs.
12. Les frères ne liront ni ne chanteront tous à la suite, mais seulement ceux qui édifient les auditeurs.
Benoît préconise le silence au réfectoire, comme à l’église. Le climat de recueillement doit être de même qualité, de même écoute. Le temps du repas durant lequel on entend une lecture ne nous sort pas de ce climat d’écoute dans lequel nous désirons demeurer. Nous en mesurons la chance et pour rien au monde, nous ne souhaiterions avoir un repas en parlant. Il est intéressant de voir qu’on cherche à promouvoir des « diners en silence ». La Croix de mardi 21 rapportait l’initiative proposée à de jeunes cadres « surbookés », très occupés, de diner en silence. Au-delà du côté un peu chic de la chose, on peut entendre une recherche pour une autre façon de vivre, plus profondément plus vraie. Le repas en silence permet une autre approche du fait de manger. L’article disait « On se surprend à prendre le temps de mâcher, de goûter chaque bouchée, chaque geste prend de l’importance ». Nous savons cependant que ce n’est pas automatique et que cela requiert un vrai silence intérieur. SI des pensées nous travaillent ou nous préoccupent, alors on ne goûte plus vraiment les choses. De même on n’écoute plus vraiment la lecture et on ne fait pas attention à ses voisins. Le silence extérieur a pour but de nous conduire à ce silence intérieur qui est ouverture et accueil. Si à l’intérieur, le roulement des pensées et des soucis captive notre attention, le silence espéré laisse place alors à un grand vacarme.
Ainsi le silence extérieur nous engage à un lâcher-prise, à un décentrement de nous-mêmes ou alors il nous laisse prisonnier de notre brouhaha et de notre cinéma intérieur. Au réfectoire, comme à l’église, les lectures sont des points d’appui pour ouvrir nos horizons intérieurs. Le récit d’histoires humaines, les témoignages de foi nous déplacent d’eux-mêmes. Si nous y consentons, nous pouvons faire l’expérience heureuse de nous élargir. Nous nous élargissons par les connaissances reçues, mais aussi par les multiples résonnances que la lecture trouve dans notre vie. Nous nous élargissons encore en communiant les uns avec les autres, mais aussi à travers notre présence les uns aux autres. Nos repas en silence sont alors de vrais moments de joie et de communion dans le fait de manger et d’écouter ensemble. (2011-06-25)
1. La lecture ne doit jamais manquer aux tables des frères. Il ne faut pas non plus que la lecture y soit faite au hasard par le premier qui aura pris un livre, mais un lecteur pour toute la semaine entrera en fonction le dimanche.
2. En entrant, après la messe et la communion, il demandera que tous prient pour lui, afin que Dieu éloigne de lui l'esprit d'orgueil.
3. Et tous, à l'oratoire, diront par trois fois ce verset, qui sera toutefois entonné par lui : « Seigneur, tu m'ouvriras les lèvres, et ma bouche annoncera ta louange. »
4. Et alors, ayant reçu la bénédiction, il entrera en fonction pour la lecture.
Ces lignes entendues ce matin confirment s’il en était besoin le lien étroit évoqué hier par Mgr Danneels entre le réfectoire et l’église. La vie monastique et la liturgie ne sont pas deux choses hermétiquement séparées. Benoît pense la vie monastique de manière unifiée pour faciliter l’unification intérieure de chacun et l’unification de tous. Si certaines pratiques comme celles décrites au sujet du lecteur ne sont plus en cours, nous en gardons d’autres qui veulent nous aider à cette unification de notre vie sous le regard de Dieu. Au début du repas, à l’invitation « prions le Seigneur » nous nous inclinons en silence quelques instants, comme à l’église, avant d’entendre l’oraison. Inclination et silence veulent nous entrainer à nous tenir sous le regard de notre Père à qui nous demandons tout et de qui nous nous recevons tout entier. Dans l’oraison qui suit, nous reconnaissons bénéficiaire de ses dons et de sa bénédiction, à travers le repas que nous désirons prendre avec action de grâce. Petit rituel d’entrée, bien proche de celui de l’oraison d’entrée de la messe. Si la portée est différente, cette prière nous situe de part et d’autre dans une attitude de confiance et de reconnaissance pour tous les dons reçus de notre Père des Cieux, qu’ils soient ceux de la terre ou ceux de la vie bienheureuse dans le Christ.
Dans cette lumière, nous comprenons que le début du repas est un moment important de notre rassemblement qui demande notre présence à tous. Veillons à ne pas tarder après Sexte à descendre au réfectoire. Ce n’est pas le moment de s’attarder en salle des casiers ou ailleurs. Si nous sommes en retard nous attendons près de la porte. Et nous ne regagnons notre place qu’après le martyrologe et le coup de gong. Nous marquons par là la conscience de ce que notre retard affecte notre rassemblement communautaire sous le regard de notre Père des Cieux. (2011-06-24)
1. Bien que la nature humaine incline par elle-même à l'indulgence pour ces âges, celui des vieillards et celui des enfants, l'autorité de la règle doit cependant y pourvoir.
2. On aura toujours égard à leur faiblesse et on ne les astreindra nullement aux rigueurs de la règle en matière d'aliments,
3. mais on aura pour eux de tendres égards et ils devanceront les heures réglementaires.
Nous sommes tous marqués par ce principe démocratique qui veut que la Loi soit la même pour tous. Avec ce corollaire : si tous ne peuvent se conformer à la Loi, il faut changer la Loi. Ce n’est absolument pas la perspective de St Benoit. Pour lui, la Règle est une manière de vivre, un art de vivre. Tous, nous devons y tendre, en tenant compte de la situation particulière de chaque personne.
Derrière le principe égalitaire, bien souvent, se cache une réalité que nous avons du mal à reconnaitre : la peur. Derrière cet égalitarisme de façade se cache la peur de ne pas être considéré. La différence nous fait peur. Si l’autre peut faire cela, alors, pourquoi pas moi ? Cette revendication remonte à l’enfant jaloux que nous avons tous été un jour. Notre tendance alors, c’est d’en faire moins, sous prétexte que d’autres ne peuvent respecter la Règle. Et la conséquence de cette tendance, c’est de relativiser la Règle. Sous prétexte que tout le monde ne peut la vivre.
L’attitude de Benoit est radicalement différente. Il ne s’agit pas de relativiser, mais d’humaniser. En tenant compte de la réalité des personnes. Benoit estime qu’il ne convient pas d’en faire moins, pour que tout le monde fasse la même chose. Au contraire, comme il le dit ailleurs dans la Règle, il faut encourager les plus forts à aller de l’avant, sans décourager les plus faibles. Cela suppose une véritable maturité.
C’est certainement la question que nous devons nous poser, dans notre relation avec la Règle, mais aussi avec toute forme de règle, avec les usages de notre communauté, le coutumier du monastère. Ce n’est pas parce qu’un frère prend des libertés que nous devons prendre les mêmes. Sans juger celui qui fait ce qu’il peut. Mais avec le désir de porter la communauté vers Dieu. (2011-06-18)
6. L'abbé veillera donc avec le plus grand soin à ce qu'ils ne souffrent d'aucune négligence.
7. Ces frères malades auront un logement à part affecté à leur usage, et un serviteur qui ait la crainte de Dieu et qui soit attentionné, soigneux.
8. Toutes les fois que c'est utile, on offrira aux malades de prendre des bains, mais à ceux qui sont bien portants et surtout aux jeunes, on ne le permettra que plus rarement.
9. En outre, on permettra aux malades très affaiblis de manger de la viande, pour qu'ils se remettent ; mais quand ils seront mieux, ils se passeront tous de viande comme à l'ordinaire.
10. L'abbé prendra le plus grand soin que les malades ne soient pas négligés par les cellériers ou par les serviteurs. Lui aussi, il est responsable de toute faute commise par ses disciples.
Ce chapitre est d’abord l’occasion de remercier notre frère infirmier, et ceux qui l’aident dans cette charge.
St Benoit craint l’impatience des frères, leur négligence envers les frères malades. Au début du chapitre, il disait : « Il faut les supporter avec patience. » Et ici : « L’Abbé prendra le plus grand soin que les malades ne soient pas négligés par les cellériers ou par les serviteurs. Il est responsable de toute faute commise par ses disciples. » (v.10)
Dans ce passage, Benoit établit, en fait, le principe de délégation du pouvoir dans la vie communautaire. Chacun est concerné et doit accomplir sa tâche : ici vis-à-vis des frères malades. Avec soin, sans impatience. Mais cela ne retire pas la responsabilité de l’Abbé : il doit veiller à ce que les tâches soient assurées, que le travail soit fait.
Pour que cela fonctionne, 2 conditions sont nécessaires. Benoit les énumère dans ce chapitre. La 1ère condition de cette délégation du pouvoir, c’est le contrôle. Avec son complément : le fait de rendre compte de sa gestion, de son travail. Benoit va ici à l’encontre de notre tentation de nous approprier notre emploi, la charge qui nous est confiée. D’en faire notre bien. De considérer le frère comme celui qui dépend de nous, sur qui nous avons pouvoir. Non plus comme celui au service de qui nous sommes. Chacun de nous, dans la fonction qu’il occupe, peut se demander comment il se situe.
La 2de condition que nous rappelle Benoit dans ce chapitre, c’est la visée fondamentale de tout travail, de toute charge, dans une communauté monastique : le Christ Jésus. Nous ne sommes pas ici pour faire la cuisine, la comptabilité, ou de la poterie. Ni pour devenir célèbre, occuper une place importante, tyranniser nos frères. Nous sommes moines parce que nous désirons connaître et aimer et servir le Christ. Avec le temps, nous risquons oublier l’essentiel, nous focaliser sur l’accessoire. Au dernier jour de notre vie, nous entendrons cette phrase du Christ, citée par Benoit : « C’est à moi que vous l’avez fait. » (2011-06-17)