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15. Comme literie, il suffira d'une natte, d'une couverture ordinaire et d'une autre en laine, et d'un chevet.
16. Cependant ces lits seront fréquemment inspectés par l'abbé, à cause des objets appropriés qui pourraient s'y trouver.
17. Et si l'on trouve chez quelqu'un un objet qu'il n'a pas reçu de l'abbé, il subira une sanction très grave.
18. Et pour retrancher radicalement ce vice de la propriété, l'abbé donnera tout ce qui est nécessaire,
19. c'est-à-dire coule, tunique, chaussons, chaussures, ceinturon, couteau, stylet, aiguille, mouchoir, tablette, pour ôter tout prétexte de nécessité.
20. Cependant l'abbé aura toujours égard à cette phrase des Actes des Apôtres ;: « ;On donnait à chacun selon ses besoins. ;»
21. Ainsi donc l'abbé, lui aussi, aura égard aux infirmités des nécessiteux, non à la mauvaise volonté des envieux.
22. Dans tous ses jugements, cependant, il songera à la rétribution de Dieu.
On peut être surpris devant le ton que prend Benoît pour parler du vice de la propriété . Déjà au chapitre 33, il tonnait avec force sur le sujet.
Pourquoi une telle véhémence ?
Le parallèle de ce chapitre dans la Règle du Maître peut donner des pistes. Comme toujours le Maître développe chaque sujet en donnant des citations scripturaires et des arguments théologiques. A propos des moines qui sont tentés de dissimuler des objets et de s’approprier des biens, il cite l’exemple de Saphir et Ananie quand ils déposèrent tous leurs biens aux pieds des apôtres, ils furent jugés et condamnés à une mort subite à cause de ces possessions particulières qu’ils avaient frauduleusement soustraites (RM 82.21).
Dans une communauté où l’idéal est d’avoir tout en commun, la volonté de dissimuler un bien tout en simulant avoir tout donné était considéré comme une grave tromperie. On simule le don total, mais en fait on garde pour soi une partie. C’est une grave atteinte à la fidélité Dieu et à la confiance envers les frères.
En d’autres termes, le frère qui dissimule sous son lit des objets ou qui s’en procure par lui-même alors qu’il a promis par ses vœux de se donner et de se recevoir tout entier du monastère, n’est-il pas comme Saphir et Ananie, en train de tricher avec lui-même et de faire mentir sa profession ?
Cela est inacceptable, car cela blesse la confiance et fausse l’engagement fondamental de la vie monastique.
Celle-ci en effet, à la manière de la vie des apôtres et des premières communautés chrétiennes, veut être une sorte d’épiphanie de la communion fraternelle qui est le fruit de l’Esprit. Chaque frère s’engage par la profession à se donner et à se recevoir jour après jour.
Désormais tout est commun antre nous conclue le rituel de profession.
Ce qui est signifié le jour de notre profession doit être vécu et approfondi durant toute la vie. Avec le temps les tentations ne manquent pas de se ménager quelques arrangements par lesquels on peut tricher avec cette communion fraternelle.
Résister à ses tentations pour demeurer clair et limpide à l’égard des biens, creuse en nous une vraie liberté intérieure.
C’est la liberté des enfants de Dieu qui savent qu’ils se reçoivent tout entier de leur Père du Ciel !!
(2011-08-31)
9. En recevant du neuf, on rendra toujours l'ancien, qui devra être déposé temporairement au vestiaire pour les pauvres.
10. Il suffit en effet à un moine d'avoir deux tuniques et deux coules pour la nuit et pour laver ces effets.
11. Ce qui serait en plus, c'est du superflu, il faut le retrancher.
12. De même les chaussons et tout ce qui est ancien ;; on le rendra en recevant du neuf.
13. Ceux qui sont envoyés en voyage recevront du vestiaire des caleçons, qu'ils y remettront à leur retour après les avoir lavés.
14. Les coules et tuniques seront un tant soit peu meilleures que celles qu'ils portent d'ordinaire. Ils les recevront du vestiaire en partant en voyage et les remettront au retour.
« Ce qui est en plus, c’est du superflu ». La dernière fois, je soulignais un élément important de la pédagogie monastique qui est « d’apprendre à tout recevoir ». Aujourd’hui, les lignes entendues mettent en évidence un autre élément de notre pédagogie monastique « se libérer du superflu ». Le mot latin « superfluus » évoque ce qui est au dessus du flux, ce qui coule en abondance, ce qui déborde. Pour poursuivre l’image, le moine est appelé à demeurer léger dans le flux de la vie, sans se laisser encombrer par les choses, les objets et les préoccupations qui alourdissent inutilement sa marche. Etre des hommes du nécessaire pour demeurer toujours en quête de l’Unique nécessaire.
Chacun de nous doit veiller à ne pas laisser son espace s’encombrer au gré du flux et du reflux de la vie. Celle-ci se charge en effet de déposer, comme la mer sur une plage, quantité de choses. La recommandation de Benoît de rendre l’usagé quand on reçoit du neuf est précieuse. De temps en temps, faisons le vide pour ne pas thésauriser des choses du passé qui ne font plus vivre. S’il y a des documents ou des objets qui peuvent avoir un caractère d’archive, parlons en avec le frère archiviste, surtout s’il s’agit de choses qui concernent la communauté ou de pièces personnelles. Veillons au caractère sacré de notre cellule. Elle est le lieu de notre intimité avec nous-mêmes sous le regard de Dieu. Veillons à ne pas la laisser devenir un bazar ou un musée. Cet espace nous façonne et nous apprend à habiter avec nous-mêmes. S’il est trop désordonné ou encombré, il risque de n’être que le reflet de notre difficulté d’habiter avec nous-mêmes. C’est le signe qu’il y a là un combat à ne pas ignorer, mais plutôt à affronter.
La recherche de l’Unique nécessaire demande qui nous affrontions cette tendance récurrente à amasser. Elle voudrait faire de nous des hommes du flux, toujours bien en prise avec la vie qui se donne et non des hommes du superflu. (2011-08-30)
1. On donnera aux frères des vêtements selon la nature des lieux où ils habitent et selon le climat de ceux-ci,
2. car dans les régions froides il faut davantage, dans les chaudes moins.
3. Cette appréciation est donc l'affaire de l'abbé.
4. Pour notre part, cependant, nous croyons que dans les lieux moyens il suffit aux moines d'avoir chacun une coule et une tunique, –
5. coule velue en hiver, lisse ou usée en été, –
6. et un scapulaire pour le travail ; pour se couvrir les pieds, des chaussons et des souliers.
7. Quant à la couleur ou à l'épaisseur de tous ces effets, les moines ne s'en plaindront pas, mais ils les prendront tels qu'on peut les trouver dans la province où ils demeurent, ou ce qui peut s'acheter meilleur marché.
8. Cependant l'abbé veillera à la mesure, de façon que ces vêtements ne soient pas trop courts pour ceux qui les portent, mais à leur mesure.
« Les moines ne s’en plaindront pas ». A propos du vêtement et des effets qu’il reçoit du monastère, le moine est appelé à être libre. Libre par rapport à des exigences de beauté ou de confort qui risquent de ne plus avoir beaucoup de rapport avec ce qu’il est venu chercher ici. Ces exigences que révèlent-elles ? Un désir de paraitre d’une certaine manière. Le désir d’être dans le vent, à la mode ou encore le désir de correspondre à telle image et pas à telle autre. Nous savons que l’exploitation de ces désirs est le ressort principal de la publicité. « Les moines ne s’en plaindront pas ». Là où le mouvement naturel nous porterait à nous plaindre, à avoir des exigences pour soigner notre image, la pédagogie monastique du « tout recevoir » est une école de liberté. Liberté à l’égard de cette illusion tenace du paraitre qui est sensible dans la tenue vestimentaire. Notre habit monastique dans sa simplicité, dans son uniformité aussi, veut nous sortir de ce souci illusoire d’un certain paraitre à la manière du monde. Sachons être accueillant à ce que nous propose le frère linger. Humblement nous renonçons à nous construire une image de nous-mêmes par les vêtements. Nous consentons à nous recevoir. Que nous sentions des résistances en nous n’a rien d’étonnant. Elles sont le signe de notre liberté encore en travail d’enfantement. Ne pas laisser nos résistances avoir le dernier mot nous rendra alors un peu plus libre. Quant à la tentation qui voudrait que l’on se débrouille par soi-même pour obtenir les vêtements que l’on désire, elle est une impasse qui nous laisse prisonnier de nos illusions de paraitre et d’autonomie. Faisons confiance à nos frères lingers, faisons confiance à notre pédagogie monastique du « tout recevoir ». Elle veut nous rendre libres !! (2011-08-27)
1. Il ne sera aucunement permis à un moine de recevoir ou de donner, sans permission de l'abbé, lettres, eulogies ou petits présents quelconques, ni de ses parents, ni d'aucun homme, ni entre eux.
2. Même si ses parents lui envoient quelque chose, il ne se permettra pas de l'accepter avant d'en avoir référé à l'abbé.
3. Si l'abbé permet qu'on l'accepte, il sera en son pouvoir de donner la chose à qui il veut,
4. et le frère à qui on l'avait envoyée ne s'en fâchera pas, « pour ne pas donner d'occasion au diable. »
Les cadeaux, donnés et reçus : c’est par cette question que Benoit termine les chapitres consacrés aux relations avec les personnes de l’extérieur.
Un objet peut être considéré de divers points de vue : son utilité, sa beauté, sa valeur affective. Son utilité est objective : Benoit dira ailleurs que chacun doit recevoir de l’Abbé ce qui lui est nécessaire. Demander, et recevoir, nous savons bien que c’est pour nous la première façon de vivre la pauvreté. Sur la beauté des choses, la Règle nous recommande de ne pas nous préoccuper de la couleur du tissus de nos vêtements, nous contenter de choses simples. Mais un objet peut aussi avoir pour nous une valeur objective, liée à ce qu’il évoque pour nous. Une personne, une période de notre vie, un lieu qui nous a marqués. Dans ce cas, ce n’est ni l’utilité, ni la beauté de l’objet qui importent, mais la charge affective que nous y mettons. L’objet prend alors une valeur symbolique. Un cadeau peut avoir cette triple dimension : son utilité, sa beauté, sa charge symbolique.
Dans ce chapitre, Benoit ne considère ni l’utilité, ni la valeur de l’objet, mais son poids affectif. Recevoir un cadeau, donner des cadeaux, c’est une manière d’exister aux yeux des autres. Comme dans les chapitres précédents, Benoit met le doigt sur un point important de notre vie d’homme : notre affectivité. Il faut dire d’abord que le désir de posséder est une pathologie, le signe d’une carence. Nous souffrons tous de déséquilibres liés à notre histoire. Il est bon d’en prendre conscience. D’oser les reconnaître. De pouvoir les nommer. C’est la condition nécessaire pour pouvoir grandir. C’est le but de ces chapitres : non pas nous culpabiliser. Mais nous aider à voir plus clair en nous-mêmes. Si nous nous justifions, si nous nous fermons le cœur, quand nous les entendons, cela nous montre à quel point nous sommes emprisonnés en nous-mêmes. La Règle nous offre une bonne grille de lecture de ce que nous vivons. Pour nous aider à discerner nos points faibles, sans les masquer sous des justifications. C’est seulement quand nous pouvons reconnaître nos petitesses qu’une guérison est possible. Pour advenir à l’être que nous sommes vraiment. Celui que nous sommes appelés à devenir par vocation. (2011-08-25)
16. La cuisine de l'abbé et des hôtes sera à part, afin que les hôtes arrivant à des heures incertaines, – ils ne manquent jamais au monastère, – les frères n'en soient pas dérangés.
17. Dans cette cuisine entreront en charge pour l'année deux frères qui remplissent bien la fonction.
18. S'ils en ont besoin, on leur procurera des aides, pour qu'ils servent sans murmure, et inversement, quand ils ont moins d'occupation, ils iront au travail là où on leur commande.
19. Et l'on y veillera, non seulement pour eux, mais aussi dans tous les services du monastère :
20. quand ils en ont besoin, on leur attribuera des aides, et inversement, quand ils sont libres, ils obéiront aux commandements qu'on leur donne.
21. Quant au logement des hôtes, il sera confié à un frère dont l'âme est pénétrée de la crainte de Dieu.
22. Il y aura là des lits garnis en nombre suffisant, et la maison de Dieu sera administrée par des sages et sagement.
23. Celui qui n'en a pas reçu l'ordre n'entrera aucunement en rapport avec les hôtes ni ne conversera avec eux,
24. mais s'il les rencontre ou les aperçoit, il les saluera humblement, comme nous l'avons dit, et demandant une bénédiction, il passera son chemin en disant qu'il n'a pas permission de converser avec un hôte.
La suite de ce chapitre, sur l’accueil des hôtes, passe d’une Foi et d’une Charité débordantes, à une attitude réservée, presque défiante ! Le mystère de la vie monastique est dans ce contraste : La ferveur de l’hospitalité. Et les exigences d’une conversion qui est toujours en chantier. P. Adalbert dit ceci : « C’est seulement dans le Royaume de Dieu qu’il ne sera plus nécessaire de jeûner et de se taire, de se tenir sur ses gardes, et de se séparer du prochain. Mais ces jeûnes et ce silence, cette prudence et cette séparation conduisent effectivement au Royaume de Dieu. »
Après avoir proclamé que, dans l’hôte qui passe, c’est le Christ lui-même qui est accueilli, Benoit insiste sur la séparation nécessaire entre les moines et les hôtes. Une maison des hôtes à part, avec un réfectoire à part. De plus, comme les hôtes n’entrent pas dans le bâtiment réservé aux moines, de même les moines ne vont pas, sauf s’ils en ont reçu la mission, dans le bâtiment réservé aux hôtes.
Seul l’Abbé, et les frères nommés par l’Abbé, pour un temps, ont le responsabilité des hôtes. Il n’est pas bon qu’un frère se mêle d’aller évangéliser les hôtes de sa propre initiative !
« L’hôtellerie sera confiée à un frère dont l’âme est pénétrée de la crainte de Dieu. » « La maison de Dieu sera administrée sagement, par des sages. » Nous sommes dans la maison de Dieu, une maison de prière. Nous devons avoir comme première préoccupation de garder au monastère son vrai visage. Sinon, que trouveraient les hôtes ? L’empressement et la gentillesse ne suffisent pas. Quand nous avons à accueillir, nous sentons bien où cesse le don de soi, où commence la recherche de nous-mêmes. Accueillir, même nos parents ou nos amis, cela peut être une occasion très bonne pour grandir dans la crainte de Dieu : c'est-à-dire la préoccupation première de sa présence, et la recherche de sa gloire. Il y a là matière à grandir dans le véritable amour de Dieu et du prochain. Ces rencontres, recevons les comme une mission : c’est Dieu qui m’y invite. (2011-08-24)
1. Tous les hôtes qui se présentent doivent être reçus comme le Christ, car il dira : « J'ai été hôte et vous m'avez reçu. »
2. « A tous » on rendra les honneurs qui leur sont dus, « surtout aux frères dans la foi » et aux étrangers.
3. Lors donc qu'un hôte sera annoncé, le supérieur et les frères iront à sa rencontre avec toutes les politesses de la charité.
4. On commencera par prier ensemble, et ensuite on échangera la paix.
5. Ce baiser de paix ne doit se donner qu'après qu'on ait prié, à cause des illusions du diable.
6. En saluant, on donnera toutes les marques d'humilité à tous les hôtes qui arrivent ou qui partent.
7. La tête inclinée, le corps prosterné par terre, on adorera en eux le Christ que l'on reçoit.
8. Une fois reçus, on conduira les hôtes à l'oraison, et après cela le supérieur s'assiéra avec eux, lui ou celui qu'il aura désigné.
9. On lira devant l'hôte la loi divine, pour l'édifier. Après quoi, on lui donnera toutes les marques d'hospitalité.
10. Le supérieur rompra le jeûne à cause de l'hôte, sauf si c'est un jour de jeûne majeur que l'on ne puisse violer,
11. tandis que les frères continueront à observer les jeûnes accoutumés.
12. L'abbé versera l'eau sur les mains des hôtes.
13. L'abbé, ainsi que toute la communauté, lavera les pieds de tous les hôtes.
14. Après le lavement des pieds, on dira ce verset : « Nous avons reçu, ô Dieu, ta miséricorde au milieu de ton temple. »
15. On accordera le maximum de soin et de sollicitude à la réception des pauvres et des étrangers, puisque l'on reçoit le Christ davantage en leur personne, la crainte des riches obligeant par elle-même à les honorer.
Accueillir tous les hôtes comme le Christ. Les honorer tous. Benoit insiste sur tous. Son souci, il l’a dit au ch 4, c’est d’ « honorer tous les hommes ». Sans faire entre eux de différence, sans tenir compte de la fortune, ni du niveau social. Au contraire, puisque c’est le Christ que l’on reçoit, le plus grand soin doit aller à ceux qui lui appartiennent le plus : les « frères dans la foi ». (L’expression vient de Galates 6/10.) Et les pauvres, les étrangers, ceux dont le Christ a partagé l’indigence. Toute la tradition biblique nous l’a dit : l’hôte, l’étranger, est envoyé par Dieu. Parfois, c’est Dieu lui-même.
Benoit décrit l’hospitalité avec ferveur. Il la conçoit comme un hommage au Christ. Comme un accueil du Christ. Il la décrit comme une liturgie : prière, baiser de paix, lecture de la Parole de Dieu, repas : on va jusqu’à rompre le jeûne à cause le l’hôte, car il représente l’Epoux, en compagnie duquel on ne peut jeûner. (Mat 9/15) Jusqu’au Lavement des pieds. Pour s’assurer que cet hôte est bien un envoyé de Dieu, Benoit demande de commencer par prier avec lui. C’est une pratique que nous avons perdue, et qui surprendrait ceux que nous accueillons. Mais prier avant d’aller rencontrer celui qui arrive, ou celui qui demande à nous voir, c’est nous remettre devant Dieu, et dans la vérité de cet accueil. L’hôte qui vient au monastère n’y vient pas pour une rencontre ordinaire. Confier à Dieu cette rencontre, avant de s’y rendre, prier pour celui que nous allons rencontrer, cela change notre façon de l’aborder, de l’écouter, ce que nous allons dire. Pour Benoit, l’hôte n’est pas seulement celui qui demande l’hospitalité, celui qui demande un service, il est un signe de Dieu. « Dieu, nous avons reçu ton amour, ta miséricorde, au milieu de ton temple. » L’hôte nous apporte quelque chose. C’est un don. L’hôte n’est pas celui qui dérange le bel ordre du monastère, notre vie solitaire et tranquille. Il est l’irruption de la miséricorde de Dieu dans notre vie. Il y a comme un renversement évangélique : les hôtes sont un don que Dieu fait à la communauté. Pourquoi ? Peut-être parce qu’ils nous rappellent que nous ne sommes pas venus nous installer au monastère. Nous sommes des étrangers, des passants sur la terre. Le monastère n’est pas notre maison, c’est la maison de Dieu : nous pouvons être tentés d’en faire notre propriété. Nous ne devrions pas pouvoir dire à un hôte : « vous n’êtes pas chez vous ! » En acceptant d’être dérangés, nous entrons dans une démarche de libération. (2011-08-23)
1. L'oratoire sera ce que signifie son nom, et on n'y fera ou déposera rien d'autre.
2. L'œuvre de Dieu achevée, tous sortiront dans un silence complet et l'on aura le respect de Dieu,
3. en sorte qu'un frère qui voudrait prier à par soi en particulier, n'en soit pas empêché par l'importunité d'un autre.
4. Si en outre, à un autre moment, il voulait prier à part soi en privé, il entrera et il priera sans bruit, non à voix haute, mais avec larmes et application du cœur.
5. Donc celui qui ne fait pas ainsi, on ne lui permettra pas de demeurer à l'oratoire, une fois achevée l'œuvre de Dieu, comme il a été dit, de peur qu'un autre n'y trouve un empêchement.
La place de ce chapitre dans la Règle est intéressante : Après les chapitres sur la discipline intérieure du monastère, les absences, voici l’oratoire. En effet, l’oratoire, c’est le centre du monastère, le cœur de ses différentes activités. Non seulement l’Office Divin doit nous aider à devenir des hommes de prière, mais tout, dans le monastère, doit y concourir.
Benoit écrit pour des cénobites, et pourtant notre vie commune reste subordonnée à la solitude avec Dieu. Il faut que tout, dans le monastère soit organisé pour que chacun puisse s’adonner à la prière personnelle, prolongée, « avec l’application du cœur. »
Le moine de St Benoit n’a pas de cellule. L’oratoire est pour lui le lieu de l’office divin, et celui de la prière personnelle. Il faut donc éviter deux obstacles : Transformer l’oratoire en lieu de travail, ou en dépotoir. Eviter que des frères bruyants empêchent les autres de prier.
« Afin qu’un autre frère ne soit pas gêné. » Ce rappel de Benoit, à propos de l’oratoire, s’applique à toute notre vie. Ce n’est pas une règle de politesse. Ce qui est en cause, c’est le respect de l’autre. Même dans la prière, pour éviter que ma prière devienne une gêne pour les autres. Ce qui gêne, c’est l’envahissement d’un moi bruyant et bavard. Benoit souligne ici cette enflure du moi, qui empêche de voir l’autre. Qui emprisonne dans le moi. Et il met en évidence, dans ce chapitre, que cela peut arriver aussi à des hommes qui prient beaucoup. Ou plutôt, qui s’imaginent être des hommes de prière.
On peut se demander pourquoi Benoit a choisi de souligner ce point justement au sujet de l’oratoire. Il aurait pu le faire à propos du réfectoire, ou du travail. Pourquoi insister sur l’importance de l’autre, sur le respect du frère, en parlant de la prière personnelle ? Là où on l’attendrait le moins !
Benoit fait ainsi du respect de l’autre, de l’amour de l’autre, le critère de vérité de toute démarche spirituelle. C’est que dit St jean : « Celui qui dit qu’il aime Dieu, et qui n’aime pas son frère, est un menteur. » Et Jean de la Croix commente : « c’est sur l’amour que nous serons jugés. » (2011-08-20)
1. Un frère qui est envoyé pour une commission quelconque et dont on attend le retour au monastère ce jour-là, ne se permettra pas de manger au dehors, même s'il y est invité tout à fait instamment par quiconque,
2. sauf si son abbé lui en a donné l'ordre.
3. S'il fait autrement, il sera excommunié.
Pour comprendre ce court chapitre, il faut d'abord se rappeler sa source. La RM avait, sur ce sujet des repas des frères en voyage, un chapitre très compliqué et très long. Il énumérait les circonstances, le jour de la semaine, la qualité de celui qui invitait : moine, laïc ordinaire, ou personne de piété, l'insistance de celui qui invitait... Une casuistique très élaborée, qui prenait en compte toutes ces variables, et la durée du voyage.
Coupant court à toutes ces considérations, Benoit laisse la question au jugement de l'Abbé. Au lieu d'être définie à l'avance par la Règle, la conduite à tenir est décidée sur le moment, par l’Abbé.
La sévérité apparente de Benoit s'explique : nous avons tous en mémoire des exemples de moines qui ont perdu leur vocation à cause de leurs relations avec les gens de l'extérieur du monastère. Même des communautés ont pu se décomposer lorsque des moines se sont mis à mener des vies parallèles.
Aujourd'hui, nous ne formulerions pas ce chapitre tout-à-fait comme il est écrit. Mais demander au P. Abbé si l'on doit manger à l'extérieur, ou bien lui en rendre compte, nous savons bien que c'est le chemin de la vraie liberté du cœur.
A un moment ou à un autre de notre vie monastique, nous faisons tous l'expérience du poids de la vie commune. Alors nous rêvons de relations différentes. Les gens de l'extérieur, les hôtes, nous prennent pour des saints ! Nos frères nous connaissent mieux, ils ont moins d'illusion. Mais les occasions de contacts ne manquent pas. Et il est si facile de trouver de bonnes raisons pour ne pas demander la permission : après tout, nous sommes adultes ! Benoit nous met en garde ici contre cette fausse liberté. Loin de nous rendre vraiment libres, elle nous éloigne du but de notre vie. Il y a des moments où demander une permission requiert un effort immense. Mais c'est aussi le plus bel acte vraiment libre que nous puissions poser. (2011-08-19)
1. Les frères qui sont au travail tout à fait loin et qui ne peuvent se rendre à l'oratoire à l'heure voulue, –
2. et l'abbé estime qu'il en est bien ainsi, –
3. célébreront l'œuvre de Dieu sur place, là où ils travaillent, en fléchissant les genoux avec crainte de Dieu.
4. De même ceux qui sont envoyés en voyage ne laisseront point passer les heures prescrites, mais les célébreront de leur côté comme ils pourront, et ne négligeront pas de s'acquitter de cette prestation de leur service.
Pour Benoit, l'Office Divin n'est pas seulement un acte communautaire, auquel on est obligé quand on est avec les frères. Il est pour chacun une obligation personnelle, qui découle de notre désir de prier sans cesse.
Au ch sur le Carême, Benoit rangeait la prière, avec le jeûne, dans les
« prestations de notre service ». Ici Benoit reprend la même expression :
« servitutis pensum », en l'appliquant à la prière de l'Office seule. Le pensum,
dans la Rome antique, était la charge de travail que devait fournir chaque jour
un esclave. L'Office Divin est le devoir personnel du serviteur de Dieu qu'est le
moine.
Il serait intéressant de faire le relevé de toutes les exhortations à la prière, de toutes les prescriptions relatives à la prière que Ton trouve dans la Règle. C'est presque étonnant, puisqu'il s'agit d'un texte écrit pour des moines, des hommes qui font profession de prière. En réalité, nous le savons par expérience, la prière est à la fois ce qui nous attire et ce qui nous rebute le plus. Il y a en nous une attirance secrète vers la prière, un tel besoin de prier, de rester avec Dieu, de demeurer, que toute exhortation à la prière nous trouve réceptifs et consentants. Mais il y a aussi une répugnance naturelle au labeur qu'elle nous impose. A l'aridité d'une activité qui ne contente pas notre besoin humain de pensée et d'action. C'est pourquoi nous avons besoin d'être sans cesse rappelés à la prière par la succession des heures. Que nous soyons au chœur, avec la communauté, ou pris par un travail, ou en dehors du monastère. Les exhortations à la prière sont utiles pour renouveler notre Foi.
Si nous nous laissons toucher par ces encouragements à prier, nous sentirons se développer en nous une conscience de priants. Notre relation avec le Christ sera plus vivante. Peu à peu la prière nous deviendra comme une seconde nature.
(2011-08-18)
5. Donc en ces jours ajoutons quelque chose aux prestations ordinaires de notre service : oraisons particulières, abstinence d'aliments et de boisson,
6. en sorte que chacun offre à Dieu, de son propre mouvement, avec la joie de l'Esprit-Saint, quelque chose en plus de la mesure qui lui est imposée,
7. c'est-à-dire qu'il retranche à son corps sur la nourriture, la boisson, le sommeil, la loquacité, la plaisanterie, et qu'il attende la sainte Pâque avec la joie du désir spirituel.
8. Cependant ce que chacun offre, il doit le proposer à son abbé et le faire avec l'oraison et l'agrément de celui-ci,
9. car ce qui se fait sans la permission du père spirituel sera mis au compte de la présomption et de la vaine gloire, non de la récompense.
10. Tout doit donc s’accomplir avec l’agrément de l’abbé.
« Attendre la Sainte Pâque, avec la joie du désir spirituel. » II y a un lien entre le désir et le jeûne. Le jeûne manifeste l'humble condition de l'homme devant Dieu. Il suscite, dans le cœur du moine le désir spirituel. C'est très clair dans ce ch sur le Carême. « En ces jours, ajoutons quelque chose aux prestations ordinaire de notre service : oraisons, abstinence d'aliment et de boisson... en sorte que chacun offre à Dieu, de sa propre volonté, avec la joie du Saint esprit, quelque chose en plus de la mesure qui lui est imposée. » Un peu libéré de ses autres appétits, de ses passions, de ses instincts, le moine pourra retrouver l'élan premier qui le porte à « désirer la vie éternelle de toute son ardeur spirituelle » comme le dit encore Benoit au ch. 4. L'homme ne vit pas seulement de pain : il lui faut apprendre à solliciter le Pain de la Parole, à entrer dans la faim et la soif de choses inconnues, à soupirer après une autre table : « Mon âme a soif de Dieu, le Dieu vivant ». La faim physique est parfois un bon moyen de réveiller la faim pour Dieu, la faim de Dieu. Ce désir, l'Eucharistie nous dit qu'il est désir de Dieu même, de sa Présence nourrissante.
Il faut être en situation de manque, pour éprouver le désir. « L'homme comblé, qui n'a plus rien à désirer, est un homme qui s’ennuie. Il en vient à regretter !e temps où il avait faim et soif : alors, il désirait, et, en désirant, il se sentait vivre. Maintenant, comblé, tout le dégoûte ! Jusqu'à lui-même », dit Bertrand Vergely. Et encore : « II y a une absurdité dans l'absence de manque ! Le manque n'est-il pas la condition du désir ? Ne mesure-t-on pas la force d'une présence à l'absence qu'elle est capable de créer en nous ? Attendre, c'est une autre manière de m'unir à l'autre. Qui ne sait pas attendre ne s'appartient pas, et ignore son désir. » (Bertrand Vergely, « Sens et non-sens de la souffrance » Etudes juin 1993)
Le verset du PS 118, que nous chantons à la profession monastique, parle de ce désir, de cette attente : « Reçois-moi, Seigneur, selon ta Parole, et je vivrai, et ne me déçois pas dans mon attente. » Qu'avons-nous fait de notre attente ? Quel est notre désir ? N'oublions pas que c'est Dieu Lui-même qui nous attend. Il attend que nous nous tournions vers Lui. « Dieu attend chaque jour que nous répondions par nos œuvres à ses enseignements » dit Benoit dans le Prologue (v.35). Dieu nous attend. Tournons-nous vers Lui, avec toute la Joie du désir spirituel ! (2011-08-17)