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6. Quant au monastère, il doit être, si possible, construit de telle façon que tout le nécessaire, c'est-à-dire l'eau, le moulin, le jardin et les divers métiers, s'exerce à l'intérieur du monastère,
7. de sorte que les moines ne soient pas obligés de courir au-dehors de tous les côtés, car ce n'est pas bon du tout pour leurs âmes.
8. Nous voulons que cette règle soit lue souvent en communauté, pour qu'aucun frère ne s'excuse sur son ignorance.
«Le monastère doit être construit de telle façon ». Sans le savoir, Benoit énonce ici un principe d’architecture de base qui veut que l’architecture exprime ce qui se vit en un lieu. Oui la façon de construire un monastère n’est pas anodine au regard du projet de vie que l’on désire y mener. L’insistance porte ici sur le rapport intérieur – extérieur, comme si celui-ci était capital pour la vie du moine. Benoit précise : il n’est pas bon pour l’âme des moines que ceux-ci soient obligés de courir au dehors de tous les côtés. L’architecture du monastère doit donc délimiter un espace précis, un lieu de vie où le moine pourra se recueillir, au lieu de courir à droite, à gauche, où il pourra se recentrer plutôt que de se disperser. Cette insistance de Benoit sur l’intérieur et l’extérieur est importante. Elle est un trait majeur qui caractérise notre propos monastique. Quand le moine fait vœu de stabilité, il s’engage librement à habiter, à travailler, et à vivre dans un périmètre limité. Volontairement, nous avons choisi cette limitation pour mieux nous donner à Dieu dans la prière et à nos frères dans le service quotidien. Cette exigence, nous l’avons désirée et choisie et avec le temps qui passe, il nous faut la rechoisir et l’approfondir. Avec l’âge, nous ne la vivons pas nécessairement de la même manière qu’au début. On connait davantage de personnes par exemple et les relations sont plus nombreuses. Mai s ceux-ci nous engage à une vigilance plus grande : ces relations sont-elles importantes au regard de notre propos ou sont-elles trop mondaines ? Veillons par exemple à ne pas aller le dimanche sur la pace de l’Eglise, pour saluer toujours les mêmes personnes. Cela doit rester exceptionnel. De même, à l’égard de notre voisinage, les relations restent discrètes et on en parle. Frère Mathias fait le lien avec notre paroisse en notre nom à tous. Ces règles veulent nous aider à préserver la qualité de notre vie. Nous voulons chercher Dieu et centrer notre désir et notre énergie à son service. C’est un lent et patient labeur qui porte un fruit précieux pour qui le mène avec constance et profondeur. (2011-10-07)
7. Quant à l'abbé qui a été ordonné, il songera toujours à la charge qu'il a reçue et à celui auquel il devra « ;rendre compte de sa gestion ;».
8. Il saura qu'il doit plutôt « servir que régir ».
9. Il doit donc être « savant » dans la loi divine, pour savoir et avoir d'où « tirer le neuf et l'ancien », chaste, sobre, miséricordieux.
10. Et que « la miséricorde l'emporte toujours sur le jugement », afin qu'il obtienne pour lui le même traitement.
11. « Qu'il haïsse les vices et qu'il aime les frères. »
12. Dans ses réprimandes même, qu'il agisse prudemment et « ;sans rien de trop », de peur qu'en voulant trop gratter la rouille, il ne brise le vase.
13. Il ne perdra jamais de vue sa propre fragilité, et se souviendra « ;qu'il ne faut pas écraser le roseau cassé. »
14. Nous ne voulons pas dire par là qu'il permettra aux vices de se développer, mais qu'il les retranchera prudemment et avec charité, suivant qu'il lui semblera opportun pour chaque individu, comme nous l'avons déjà dit.
15. Et il s'efforcera « d'être plus aimé que redouté ».
16. Il ne sera pas agité et inquiet, il ne sera pas excessif et obstiné, il ne sera pas jaloux et soupçonneux à l'excès, car il ne serait jamais en repos.
17. Dans les ordres qu'il donne, il sera prévoyant et réfléchi, et que l'œuvre qu'il commande soit selon Dieu ou selon le siècle, il usera de discrétion et de mesure,
18. en songeant à la discrétion de saint Jacob, qui disait : « Si je fais peiner davantage mes troupeaux à marcher, ils mourront tous en un jour. »
19. Prenant garde à ce texte et aux autres sur la discrétion, mère des vertus, il mettra de la mesure en tout, en sorte que les forts aient à désirer et que les faibles n'aient pas à prendre la fuite.
20. Et surtout, qu'il garde en tous ses points la présente règle,
21. afin qu'après avoir bien servi, il entende le Seigneur lui dire, comme au bon serviteur qui distribua en son temps le froment à ses compagnons de service :
« La discretio est la mère des vertus. » Cette expression résume les conseils que donne Benoit au Père Abbé, dans les versets que nous venons d’entendre. Benoit reprend cette expression à Cassien. La discretio , c’est la vertu du discernement : elle vise la vie juste, entre les excès. Cassien se méfie autant des excès de vertu que des excès dans le vice ! Pour lui, la volonté humaine se trouve aux prises avec deux forces contradictoires. La fragilité de la chair, qui tend à toujours chercher la satisfaction, le plaisir, le repos. Et le désir de l’esprit, qui voudrait se lancer à corps perdu dans la recherche spirituelle. Pour Cassien, la voie royale du discernement, de la discretio , passe entre ces deux excès.
Le premier excès, celui de la chair, peut nous conduire à sombrer dans la tiédeur, et l’Apocalypse nous rappelle combien elle est détestable !
A l’inverse, le second excès, celui de l’esprit, risque de nous conduire à l’orgueil : le pire de tous les vices. Nous risquerions de nous croire arrivés, de nous imaginer que nous sommes de grands spirituels, et donc meilleurs que tous nos frères.
Pour Cassien, la voie moyenne n’est pas la voie de la médiocrité. Bien au contraire ! Elle est la voie de l’humilité : c’est pourquoi il l’appelle la voie royale . Dans cette voie, nous prenons conscience de nos limites, du désir qui nous habite, et que Dieu seul peut le combler. Nous acceptons d’avoir besoin d’être guidés par un Père Spirituel. D’être mauvais juges sur nous–mêmes.
A propos des excès de jeûne, Macaire le Grand disait ceci : Tu dois jeûner comme si tu devais vivre cent ans. Et tu dois pardonner comme si tu devais mourir demain ! Un trésor de discretio , de discernement. Jeûner est bon, mais que faisons-nous de la charité pour nos frères ? (2011-10-06)
3. Si même toute la communauté choisissait d'un commun accord une personne complice de ses vices, – ;à Dieu ne plaise ;! ;–
4. et que ces vices viennent tant soit peu à la connaissance de l'évêque au diocèse duquel appartient ce lieu et des abbés ou des chrétiens du voisinage,
5. ils empêcheront la conspiration des méchants de l'emporter, et ils institueront dans la maison de Dieu un administrateur qui en soit digne,
6. sachant qu'ils en recevront une bonne récompense, s'ils le font avec une intention pure et par zèle pour Dieu, de même qu'ils commettraient au contraire un péché, s'ils négligeaient de le faire.
Hier nous entendions les critères positifs dans le choix de l’Abbé. Le critère que nous venons d’entendre est plus que négatif : la complicité dans les dérèglements, la complaisance avec le vice ! Est-ce qu’il nous arrive d’être complices dans le vice ? Le vice, c’est l’habitude du mal. Il est rare que nous soyons volontairement les complices du vice ! Mais cette complicité peut consister à prendre son parti des habitudes mauvaises. Que faire lorsqu’une mauvaise façon d’agir est profondément enracinée ? Benoit dit un peu plus loin dans ce chapitre que l’Abbé doit « haïr les vices, mais aimer les frères. » Et cela se vérifie pour chacun de nous : nous avons besoin d’être aimés, et d’être aidés à nous convertir. Parfois fortement.
La voie indiquée par l’Evangile et par Benoit est un chemin difficile, qui passe entre 2 écueils : Le 1er écueil, c’est le découragement. On renonce, on fait semblant de ne pas voir. Le second consiste à assimiler le frère à sa faute. Ce qui est pire encore ! Comme si il n’y avait plus rien à espérer.
Il convient pourtant d’oser dire à un frère qu’il part sur un mauvais chemin. « Va trouver ton frère ! » Répéter les incitations à la correction. Au risque d’essuyer un refus, ou des insultes. Mais nous le faisons parce que nous avons foi en lui.
Surtout, il faut prier pour lui, car Dieu seul touche le cœur.
Toute charge, dans le monastère, pour être vécue paisiblement, doit s’enraciner dans la prière. Cela signifie que l’on accepte de ne pas être tout-puissant. Que c’est Dieu, en définitive, qui conduit la communauté.
Dans ce chapitre, Benoit envisage même l’intervention de l’évêque du lieu. A deux reprises, dans la Règle, Benoit parle du rôle de l’Evêque par rapport au monastère. Les deux fois dans un contexte disciplinaire. Au ch 62, à propos des prêtres admis dans la communauté, si cela se passe mal. Et ici, au sujet de l’élection de l’Abbé, si la communauté a choisi un frère « complice de ses dérèglements. » là encore, l’évêque a le devoir d’intervenir.
Donner sa confiance à un homme « complice de ses dérèglements », c’est mettre sa vie, et celle de la communauté, en danger. Les leviers de la vie monastique ne sont pas ceux du monde. Dans le monde, certains pensent avancement, profit, avantages… ce qui entraîne toutes les complicités. Le moine doit mettre son zèle au service de la Gloire de Dieu, et sa confiance dans ceux qui peuvent l’aider sur son chemin vers Dieu. (2011-10-05)
1. Dans l'ordination de l'abbé, on prendra toujours pour règle d'instituer celui que se sera choisi toute la communauté unanime dans la crainte de Dieu, ou même une partie de la communauté, si petite soit-elle, en vertu d'un jugement plus sain.
2. C'est pour le mérite de sa vie et la sagesse de son enseignement que l'on choisira celui qui doit être ordonné, même s'il est le dernier par le rang dans la communauté.
St Benoit nous donne ici les critères de discernement pour le choix de l’Abbé.
Le premier critère, la crainte de Dieu, nous concerne, nous, les frères qui avons à faire ce choix. Ce critère, Il n’est pas valable, seulement, lors de l’élection de l’Abbé. Pas seulement lors de toutes les élections.
Lors de toutes prises de paroles en communauté, quand elle est réunie pour chercher quelle est la meilleure décision à prendre. Est-ce que je cherche la volonté de Dieu, ou est-ce que je veux imposer mes idées, ma volonté propre ? Quel est le sens de ma prise de parole ? C’est ma capacité à écouter les autres, à me laisser déplacer par la parole de mes frères, qui m’indique où je me situe. Comment je me situe. Il nous arrive, heureusement de faire cette expérience, de sentir la communauté « unanime dans la crainte de Dieu », comme le dit Benoit. Nous avons vécu, parfois, ces moments où l’Esprit Saint était comme sensiblement présent au milieu de nous.
Les deux autres critères concernent le frère pour qui nous votons, celui que nous choisissons pour cette charge d’être l’Abbé de la Communauté. Que devons-nous considérer lors de notre choix ?
D’abord, dit Benoit, le mérite de sa vie : Comment le mesurer ? Peut-être la cohérence dans sa façon de vivre. Cohérence entre sa parole et sa vie. Une certaine harmonie aussi entre ce qu’il est, et la charge qui va lui être confiée.
Ensuite, la sagesse de son enseignement. Est-ce que cela peut signifier la façon dont sont utilisés parole et silence ? La sagesse suppose d’abord de savoir écouter. De savoir aussi dire une parole. Souvent, de savoir se taire.
L’élection du Père Abbé par la communauté n’est pas seulement un acte passé. C’est aujourd’hui que la communauté, que chacun d’entre nous, reçoit de Dieu son Père Abbé. L’unité entre l’Abbé et la communauté, entre la communauté et l’Abbé, n’est pas réalisée une fois pour toutes. Elle se scelle tous les jours. Nous avons à la vivre chaque jour, chacun pour notre part. Il n’y a jamais de situation réussie d’avance, ni réussie une fois pour toutes. Une communauté est toujours à faire. De chacun de nous dépend que le Règne de Dieu arrive, dans le monastère et dans le monde.
Je crois que nous avons tous conscience aussi que nous devons rendre grâce à Dieu pour le Père Abbé qu’il nous a donné. Nous avons le devoir, aussi, de prier pour lui. (2011-10-04)
10. Les jeunes honoreront leurs anciens, les anciens aimeront leurs inférieurs.
11. En ce qui concerne les noms dont on s'appellera, il ne sera permis à personne d'en appeler un autre par son nom tout court,
12. mais les anciens appelleront les jeunes du nom de frères, tandis que les jeunes donneront à leurs anciens le titre de nonni, qui signifie « ;Révérend Père ;».
13. Quant à l'abbé, puisqu'il apparaît comme le représentant du Christ, on lui donnera les titres de seigneur et d'abbé, non qu'il se les arroge de lui-même, mais pour l'honneur et l'amour du Christ.
14. Mais de son côté, il devra y songer et se conduire de façon à être digne d'un tel honneur.
Ce qui ressort de ces lignes, c’est la volonté fortement exprimée que la façon de s’appeler entre frères ou avec l’abbé soit bien précise. Visiblement Benoît porte le souci que l’ordre établi selon l’entrée soit une réalité vivante.
Ainsi le plus ancien appelle les plus jeunes frères , et le plus jeune s’adresse à l’ancien en l’appelant nonni » « révérend père .
De même à l’égard de l’abbé, les noms qu’on lui donne renvoient à sa fonction de représentant du Christ.
Cette codification offre ceci d’intéressant qu’elle engage les frères à se rapporter les uns aux autres en n’oubliant jamais ce qui les a fait venir ici : l’appel de Dieu. C’est par la volonté de Dieu qu’ils sont ici. C’est elle qui les constitue frère et qui établit leur ordre d’entrée.
De même l’abbé n’est tel que par la volonté de Dieu, exprimée à travers le vote des frères.
Ainsi dans leur façon de s’appeler, les frères se redisent sur quoi se fonde leur relation et sous quelle lumière divine, ils veulent la vivre.
Nous avons simplifié aujourd’hui les appellations. Mais nous tenons tout particulièrement à nous appeler frère . Par là nous nous signifions les uns aux autres notre fraternité. Celle-ci n’est pas naturelle. En entrant dans la vie monastique, nous devenons frères les uns des autres et nous apprenons à le vivre de façon plus étroite jour après jour.
Devenir frères dans le Christ est une réalité jamais évidente une fois pour toutes. Cela demande bien des ajustements du regard et du cœur pour parvenir à cette concordia caritatis que nous désirons tous.
La source de cette concorde fraternelle ne peut être qu’en Christ qui nous donne son Esprit d’Amour. Plus nous serons établis, enracinés, en Christ, plus notre fraternité sera forte. A la différence de l’amitié, la fraternité n’implique pas de réciprocité de sentiments. Nous sommes frères parce que nous apprenons à nous tourner ensemble vers le Christ. C’est lui qui fait grandir en nous et le désir et la conscience fraternelle.
Chez l’un cette conscience sera plus vive et plus sensible, chez l’autre moins. La fraternité voudrait en soi ne pas faire de différence entre les frères, parce qu’elle les regarde d’abord dans un regard de foi. C’est en ce sens que notre fraternité est toujours en chantier.
Soyons heureux d’œuvrer à ce chantier de notre fraternité en Christ, pour qu’elle soit toujours plus vraie et plus profonde.
(2011-09-29)
1. Au monastère, on gardera les rangs comme ils sont établis par le temps de l'entrée en religion et par le mérite de la vie, et comme en décide l'abbé.
2. Cependant l'abbé ne mettra pas le trouble dans le troupeau qui lui est confié, et il ne prendra pas de disposition injuste, comme s'il jouissait d'un pouvoir sans limite,
3. mais il songera toujours qu'il devra rendre compte à Dieu de tous ses jugements et œuvres.
4. C'est donc suivant les rangs qu'il aura établis ou que les frères auront d'eux-mêmes, qu'ils iront recevoir la paix, communier, imposer les psaumes, et qu'ils se tiendront au chœur.
5. Et absolument partout, l'âge ne modifiera pas les rangs ni ne portera préjudice,
6. puisque Samuel et Daniel enfants ont jugé des anciens.
7. Donc à l'exception de ceux que l'abbé, comme nous l'avons dit, fera monter à bon escient ou fera descendre pour des raisons déterminées, tous les autres seront comme ils sont entrés en religion ;:
8. par exemple, celui qui arrive au monastère à la deuxième heure du jour se considérera comme plus jeune que celui qui est arrivé à la première heure, quel que soit son âge ou sa dignité.
9. Cependant les enfants seront maintenus dans l'ordre par tous et en tout domaine.
Il y a quelques jours nous entendions le récit de l’Evangile de Luc dans lequel on relate la dispute entre les apôtres pour savoir qui est le plus grand. Dispute qui fait toujours un peu sourire et pourtant.
Notre vie quotidienne ne nous montre-t-elle pas à nos dépends combien ce genre de questions nous occupe et empoisonne nos relations humaines? Combien de fois ne nous surprenons nous pas en flagrant délit de murmure ou d’irritation parce qu’un frère ne nous a pas montré d’égard, parce que l’on nous a pris notre place ou que l’on nous a pris la parole etc.
Autant de situation où nous pensons que les autres ont empiété sur nos plates bandes ou qu’ils ont outre passé leurs droits. Histoires banales de rivalités où l’on prend ombrage de la position de l’autre.
Qui est le plus grand ? Cette question nous redit que la rivalité entre frères est et sera toujours là tant qu’il y aura des hommes. Car chacun estime avoir des droits, et mystérieusement peine à reconnaître ceux des autres.
Mystère de vue courte qui parvient difficilement à reconnaitre aux autres ce que l’on souhaite pour soi-même.
Mystère de notre pauvreté qui a un grand besoin de reconnaissance pour pouvoir à son tour reconnaitre l’autre en sa place. Nous touchons à un point très profond de notre humanité en son vivre ensemble. Les rivalités trouvent leurs racines toujours d’une manière ou d’une autre dans le manque de reconnaissance.
Chacun doit essayer de comprendre pour lui-même comment il fonctionne en ce domaine. En parler, pouvoir nommer son ressenti est un premier pas.
Benoit en ce chapitre invite à ne jamais perdre de vue le regard de la foi. S’il est d’un autre ordre, il a l’avantage de nous remettre dans l’ordre le plus profond : celui qui nous place sous le regard de Dieu. Dieu appelle chacun dans ce monastère à son heure. En vertu de cet appel, nous sommes invités à nous réjouir de cette place unique que nous avons aux yeux de Dieu.
Dans le cœur de Dieu, chacun de nous est un fils très aimé. Cet amour veut nous rendre cette juste estime de nous-mêmes qui nous fait grandir en aisance à nos propres yeux et dans l’accueil de nos frères.
(2011-09-28)
8. S'il se permet d'agir autrement, on ne le jugera pas comme prêtre, mais comme rebelle.
9. Et si, après de nombreux avertissements, il ne se corrige pas, on fera même intervenir l'évêque comme témoin.
10. Si même alors il ne s'amende pas, ses fautes devenant notoires, on le mettra à la porte du monastère,
11. si toutefois son obstination est telle qu'il ne veuille pas se soumettre ou obéir à la règle.
Voici des paroles sévères à l’encontre d’un prêtre jugé comme rebelle !!
Nous n’aimons pas trop entendre ce genre de propos qui tranchent. Et cependant la RB en comporte en plusieurs chapitres. Benoît n’hésite pas à rappeler les limites au delà desquelles la vie monastique commune n’est plus possible. Il propose à chaque fois des étapes pour permettre au frère de s’amender, et si rien ne change, cela peut aller jusqu’au renvoi.
A chaque fois où le renvoi est mentionné, on mesure combien Benoît l’envisage comme à reculons, comme contre son fils. Et dans le même temps, il considère comme une nécessité qui s’impose à lui. Si le renvoi est contre nature, il devient la seule issue possible pour préserver la vie et la communauté.
Notre vie commune n’est possible que si tous y apportent leur concours actif par le don d’eux-mêmes dans l’obéissance et la charité.
Si un frère se montre récalcitrant ou s’entête dans ses idées en prenant le contre-pied de ce qu’on lui demande, il est de fait en rupture avec le projet monastique. S’il n’obéit pas, il se met par le fait même hors de la communauté. Le renvoi ne fait qu’expliciter et confirmer une situation déjà existante.
Cette perspective ultime et triste du renvoi de la vie monastique nous replace tous devant le sérieux de notre engagement.
Accepter par obéissance de vivre la vie monastique n’est pas un chemin facile. Nous le savons. Bien souvent cela nous confronte à des choses qu’on n’aurait jamais pensé vivre. Cela nous révèle aussi parfois des parts dures en nous, des parts qui n’ont pas envie de s’ouvrir et de se donner.
La vie commune, l’obéissance, la prière pourraient alors être des aides très précieuses pour oser traverser ces passages difficiles, pour consentir à nous ouvrir.
Prions les uns pour les autres.
(2011-09-27)
1. Si un abbé demande qu'on lui ordonne un prêtre ou un diacre, il choisira parmi les siens quelqu'un qui soit digne d'exercer le sacerdoce.
2. Quant à celui qui sera ordonné, il se gardera de l'élèvement ou de la superbe,
3. et il ne se permettra rien en dehors de ce que l'abbé lui commande, sachant qu'il sera soumis bien plus encore aux sanctions de la règle.
4. Et sous prétexte de sacerdoce, il n'oubliera pas l'obéissance et la discipline de la règle, mais de plus en plus il progressera vers Dieu.
5. Il regardera toujours comme sienne la place qu'il avait de par son entrée au monastère,
6. sauf pour le service de l'autel et si le choix de la communauté et la volonté de l'abbé voulaient le promouvoir en raison du mérite de sa vie.
7. Toutefois il saura garder pour lui-même la règle établie pour les doyens et prévôts.
« De plus en plus, il progressera vers Dieu »
Ainsi parle Benoît à propos d’un frère prêtre dans le souci qu’il observe effectivement la règle. Il serait à craindre que, devenu prêtre, il se sente au dessus des autres et dispensé de certaines obligations. En revenant du Vietnam, je mesure mieux ce que Benoît veut dire ici. Dans nos communautés là bas, cette question du sacerdoce reste sensible. Le désir d’être prêtre habite beaucoup de frères qui entrent au monastère. Il est difficile de faire découvrir que la vie monastique n’est pas d’abord sacerdotale.
Ensuite la difficulté est redoublée à cause de l’image du prêtre que l’on se fait. Être prêtre, c’est d’emblée être placé sur un piédestal par les fidèles. Du coup, il est difficile pour un moine prêtre de se considérer à égalité avec les autres frères. F. Pierre Thoï me disait que les frères de Tien An ne voulaient pas au début qu’il travaille avec les novices au jardin, de même des laïcs qui le voyaient ne comprenaient pas.
Du coup, la tentation est forte pour les prêtres d’avoir une vie à part, dans le travail mais aussi dans la vie commune.
Nous touchons ici un trait de mentalité lié à une culture, trait qui entre en conflit avec le projet monastique tel que nous le recevons de Benoît, où le prêtre se distingue, avant tout, par son service à l’autel, mais rien sur les autres points.
Nous mesurons combien autour de la question du sacerdoce se greffent plusieurs aspects inhérents aux cultures, aspects toujours à convertir.
En Occident, dans notre culture très sécularisée, la tentation pourrait se situer dans l’autre extrême opposé. Les réactions identitaires de certains courants naissent en partie de ce contexte.
Et en même temps, ce contexte assez décapant peut être une chance pour situer le prêtre à sa juste pace, moins comme l’homme du sacré, que l’homme qui préside au rassemblement de la communauté pour écouter ensemble la Parole de Dieu et faire mémoire de la mort et de la résurrection du Christ.
Dans un monastère, le moine prêtre exerce ce ministère en présidant l’Eucharistie ou en s’y unissant dans la concélébration.
Dans le service des sacrements, le moine prêtre reste le témoin en sa personne et en sa fonction que notre communauté se reçoit du Christ avec toute l’Eglise. Il est serviteur des mystères de Dieu pour ses frères.
Invitation à une joyeuse humilité de la part du prêtre qui se rend disponible et de la part des frères qui se laissent guider.
Dieu se donne au milieu de nous.
(2011-09-24)
5. Si par la suite il veut se fixer définitivement, on ne s'opposera pas à cette volonté, surtout que l'on a pu apprécier sa vie au temps où il recevait l'hospitalité.
6. S'il s'est montré exigeant ou vicieux au temps où il recevait l'hospitalité, non seulement il ne faut pas l'agréger au corps du monastère,
7. mais encore on lui dira poliment de s'en aller, de peur que sa misère ne vicie encore les autres.
8. S'il ne mérite pas d'être mis dehors, non seulement, s'il le demande, on le recevra et on l'agrégera à la communauté,
9. mais encore on le persuadera de rester, pour que son exemple instruise les autres,
10. et parce qu'en tout lieu on sert le même Seigneur, on est au service du même roi.
11. Si même l'abbé voit qu'il en est digne, il pourra le mettre à une place un peu plus élevée.
12. D'ailleurs ce n'est pas seulement le moine, mais aussi ceux de l'ordre des prêtres et de celui des clercs dont il a déjà été question, que l'abbé peut établir à une place supérieure à celle de leur entrée, s'il voit que leur vie en est digne.
13. Mais l'abbé se gardera de jamais recevoir à demeure un moine d'un autre monastère connu, sans le consentement de son abbé ou sans lettre de recommandation,
14. car il est écrit : « Ce que tu ne veux pas que l'on te fasse, ne le fais pas à autrui. ;»
Appartenir à une communauté monastique ne semble pas avoir complètement le même sens pour Benoît que pour nous aujourd’hui. Visiblement les frontières entre les communautés étaient plus poreuses autrefois permettant des transferts de moines plus aisés. Ce qui ressort par contre de ces lignes et dans lequel nous nous retrouvons d’emblée, c’est l’importance du soutien mutuel pour avancer dans la vie monastique. Ainsi Benoît recommande que l’on persuade un moine étranger de rester s’il s’insère bien dans la communauté, afin que « son exemple instruise les autres ». Benoît semble attacher une grande valeur à l’exemple d’un frère pour le bien de tous. Comme pour Benoît, nous restons plus sensibles à la manière de vivre d’un frère qu’à ses paroles. Non seulement cela, mais nous avons besoin les uns des autres pour nous conforter dans la recherche qui est la nôtre. Si nous redoutons toujours un peu des frères qui se donneraient ou se poseraient en exemple, nous sommes édifiés et consolidés par la vie fervente des autres. Comme dans la construction d’un mur, à l’inverse une pierre mal ajustée ou décalée peut entrainer un déséquilibre pour l’ensemble. Ou bien pour éviter cela, il faudra un effort supplémentaire pour que les pierres supérieures soient ajustées. Il en va souvent ainsi dans la vie commune. La dérive de l’un et la négligence d’un autre peuvent entrainer une sorte d’érosion de l’exigence vécue par tous qui risque d’entrainer les plus faibles. De toute façon, la faiblesse des uns demande un surcroit d’effort ou de force aux autres pour ne pas se laisser entrainer dans le laisser-aller. C’est vrai par exemple pour les retards aux exercices de vie commune, c’est vrai encore pour la présence active au desservice le midi, où la fuite des uns pèse sur les autres.
Ce matin, je signalerai un troisième lieu sensible, c’est le poste info de la bibliothèque où le risque est réel de s’attarder et de perdre du temps, sur des sites non utiles ce qui peut laisser penser qu’on peut faire n’importe quoi. Ici aussi nous pouvons nous entraider et nous entrainer en nous tirant vers le haut. Soyons vigilants nous avançons ensemble et nous avons besoin les uns des autres pour devenir ce que nous sommes : une maison de Dieu. (2011-09-23)
1. Si un moine étranger arrive de provinces lointaines, s'il veut habiter au monastère en qualité d'hôte
2. et se contente de la coutume locale telle qu'il la trouve, sans troubler le monastère par ses vaines exigences,
3. mais en se contentant simplement de ce qu'il trouve, on le recevra aussi longtemps qu'il le désire.
4. S'il fait quelque critique ou remarque raisonnable, avec une humble charité, l'abbé examinera prudemment si le Seigneur ne l'aurait pas envoyé précisément pour cela.
« L’abbé examinera prudemment si le Seigneur ne l’avait pas envoyé pour cela ». Cette recommandation très fine est révélatrice du tact spirituel de Benoît. Il invite l’abbé à être toujours à l’affut pour être attentif à faire la volonté de Dieu. Comme tout frère, il se doit d’être à l’écoute des personnes et des situations. Car Dieu parle à travers les unes et les autres. Le verbe latin utiliser ici (tractare) est le même que celui employé dans le chapitre sur la réunion de la communauté en Conseil (3,2). De même l’abbé examine les propos des frères et notamment des plus jeunes pour décider ensuite du meilleur parti à prendre, de même ici l’abbé examinera si ce moine de passage ne serait pas l’instrument de Dieu pour dire une parole à la communauté. Bien sûr l’abbé doit discerner avec prudence « prudenter ». De même la manière avec laquelle le moine ferait une remarque est aussi importante, « avec une humble charité ». Nous le voyons tout ici est affaire de tact spirituel, et la manière de dire les choses de la part du moine, et la manière de les recevoir de la part de l’abbé.
Il est heureux d’envisager notre vie monastique sous cet angle là du tact spirituel. Tact qui témoigne d’une belle profondeur du regard sur les rencontres et les événements que nous vivons. Rien dans notre vie n’est anodin. Et Dieu ne cesse de venir à notre rencontre au gré de nos journées. Apprendre et désirer le reconnaitre en toute chose, c’est grandir dans ce tact spirituel qui feront de nos rencontres des espaces de vie et de croissance. Dans cette lumière notre quotidien peut trouver une nouvelle saveur, saveur de la charité, de la joie spirituelle dans les choses très simples, saveur d’une vie où tout prend sens sous le regard de Dieu. « Goutez et voyez comme est bon le Seigneur » dit le psalmiste. Que le Seigneur nous vienne en aide !! (2011-09-22)