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1. Il est clair qu'il existe quatre espèces de moines.
2. La première est celle des cénobites, c'est-à-dire vivant en monastères ; ils servent sous une règle et un abbé.
Hier, je m’arrêtais sur la nécessité pour notre vie monastique d’être soutenue par une règle. La définition des cénobites proposée par Benoit aujourd’hui permet de préciser ce cadre institutionnel. « Vivant en monastère, ils servent sous une règle et un abbé »…Le « monastère » et « l’abbé » viennent conforter la règle pour constituer ensemble un solide trépied autour duquel notre vie monastique se fonde. Pas de vie monastique cénobitique sans un lieu, le monastère, dans lequel un groupe d’homme se rassemble. Pas de vie monastique sans autorité, l’abbé, au service de l’unité et de la fidélité au charisme.
Entre le monastère ou la communauté et l’abbé, la règle est la parole qui institue la relation recherchée. Sans le monastère et la communauté, la règle est un texte mort, un vestige du passé. Sans l’abbé qui l’interprète au nom de tous et qui l’actualise, la règle peut devenir un carcan, une loi gravée sur une table de pierre qui ne donne pas la vie. Nous pouvons nous émerveiller de ce trépied qui nous porte et nous aide à répondre, au jour le jour, ensemble et personnellement, à l’appel entendu un jour.
On pourrait se demander : mais où est le moine ici ? le moine comme personne ? St Benoit ne l’oublie pas. De manière significative, au début, dans le prologue et à la fin de la règle, il s’adresse directement à lui en « tu » : « écoute mon fils, ces préceptes de ton maitre », « Toi, qui que tu sois, qui te hâtes vers la patrie céleste, accomplis avec l’aide du Christ, cette toute petite règle, tu parviendras »…La règle s’adresse donc d’abord à un « tu », à chacun de nous en particulier. Un « tu » qui reste le premier sujet d’engagement. Personne ne pourra faire le chemin à sa place. Mais ce chemin, le « tu » va l’apprendre en vivant en « nous », avec des frères. Un « nous » qui porte le « tu », qui le soutient. Un « nous » qui développe le sens de l’Eglise. Un « nous » qui révèle d’autres façons de chercher Dieu et d’approcher son mystère. Vivre en « nous » avec des frères nous éprouve parfois. Cela nous purifie toujours de notre propension à nous penser comme le centre du monde, comme celui qui a raison....Tout l’art de la règle est de savoir articuler ce « tu » et ce « nous », de telle façon que le « tu » ne soit pas une solitude orgueilleuse et que le « nous » ne soit pas un tout indistinct. Chacun garde de son visage propre et le découvre davantage en nouant avec les autres une relation de service et de don de soi. Dans la communion de l’amour, nous découvrons et notre visage, et celui des frères et celui de notre Père. (2015-06-11)
1. Il est clair qu'il existe quatre espèces de moines.
2. La première est celle des cénobites, c'est-à-dire vivant en monastères ; ils servent sous une règle et un abbé.
Hier, je m’arrêtais sur la nécessité pour notre vie monastique d’être soutenue par une règle. La définition des cénobites proposée par Benoit aujourd’hui permet de préciser ce cadre institutionnel. « Vivant en monastère, ils servent sous une règle et un abbé »…Le « monastère » et « l’abbé » viennent conforter la règle pour constituer ensemble un solide trépied autour duquel notre vie monastique se fonde. Pas de vie monastique cénobitique sans un lieu, le monastère, dans lequel un groupe d’homme se rassemble. Pas de vie monastique sans autorité, l’abbé, au service de l’unité et de la fidélité au charisme.
Entre le monastère ou la communauté et l’abbé, la règle est la parole qui institue la relation recherchée. Sans le monastère et la communauté, la règle est un texte mort, un vestige du passé. Sans l’abbé qui l’interprète au nom de tous et qui l’actualise, la règle peut devenir un carcan, une loi gravée sur une table de pierre qui ne donne pas la vie. Nous pouvons nous émerveiller de ce trépied qui nous porte et nous aide à répondre, au jour le jour, ensemble et personnellement, à l’appel entendu un jour.
On pourrait se demander : mais où est le moine ici ? le moine comme personne ? St Benoit ne l’oublie pas. De manière significative, au début, dans le prologue et à la fin de la règle, il s’adresse directement à lui en « tu » : « écoute mon fils, ces préceptes de ton maitre », « Toi, qui que tu sois, qui te hâtes vers la patrie céleste, accomplis avec l’aide du Christ, cette toute petite règle, tu parviendras »…La règle s’adresse donc d’abord à un « tu », à chacun de nous en particulier. Un « tu » qui reste le premier sujet d’engagement. Personne ne pourra faire le chemin à sa place. Mais ce chemin, le « tu » va l’apprendre en vivant en « nous », avec des frères. Un « nous » qui porte le « tu », qui le soutient. Un « nous » qui développe le sens de l’Eglise. Un « nous » qui révèle d’autres façons de chercher Dieu et d’approcher son mystère. Vivre en « nous » avec des frères nous éprouve parfois. Cela nous purifie toujours de notre propension à nous penser comme le centre du monde, comme celui qui a raison....Tout l’art de la règle est de savoir articuler ce « tu » et ce « nous », de telle façon que le « tu » ne soit pas une solitude orgueilleuse et que le « nous » ne soit pas un tout indistinct. Chacun garde de son visage propre et le découvre davantage en nouant avec les autres une relation de service et de don de soi. Dans la communion de l’amour, nous découvrons et notre visage, et celui des frères et celui de notre Père. (2015-06-11)
45. Il nous faut donc instituer une école pour le service du Seigneur.
46. En l'organisant, nous espérons n'instituer rien de pénible, rien d'accablant.
47. Si toutefois une raison d'équité commandait d'y introduire quelque chose d'un peu strict, en vue d'amender les vices et de conserver la charité,
48. ne te laisse pas aussitôt troubler par la crainte et ne t'enfuis pas loin de la voie du salut, qui ne peut être qu'étroite au début.
49. Mais en avançant dans la vie religieuse et la foi, « le cœur se dilate et l'on court sur la voie des commandements » de Dieu avec une douceur d'amour inexprimable.
50. Ainsi, n'abandonnant jamais ce maître, persévérant au monastère dans son enseignement jusqu'à la mort, nous partagerons les souffrances du Christ par la patience, afin de mériter de prendre place en son royaume. Amen.
« Il nous faut donc instituer une école pour le service du Seigneur »… Pourquoi faut-il créer des institutions, une règle et des lois ? Pourquoi ne peut-on pas marcher librement selon l’Esprit, sans contrainte ? Benoit ne donne pas ses raisons. Il semble même s’excuser en espérant ne rien créer de pénible ou d’accablant. Mais il s’empresse d’encourager ses disciples à ne pas fuir ni à se laisser décourager par la crainte…Et il laisse entrevoir comme une promesse le bonheur d’une course plus aisée à la suite du Christ, dans un cœur dilaté par la douceur de l’amour.
Pourquoi faut-il donc des institutions, une école, une règle ? Une part de nous-mêmes y répugne, et résiste…Une autre part plus secrète, encore à naitre sait combien nous avons besoin d’être aidé et épaulé pour avancer à la suite du Christ. Laissés à nous-mêmes, nous serions paresseux, ou livrés à nos illusions… L’actualité des dernières années sur les nouvelles communautés ou congrégations religieuses pourrait constituer un plaidoyer en faveur de l’érection de structures et de règles communautaires équilibrées. Nous pouvons nous réjouir d’être portés par la règle et la tradition bénédictine. Eprouvée durant des siècles, elle demeure une source de sagesse et une maitresse de vie. L’auteur de l’épitre aux Hébreux parle de la Parole divine comme d’un glaive à deux tranchants qui « pénètre jusqu’au point de division de l’âme et de l’esprit, des articulations et des moelles…. » (He 4, 12). On pourrait dire de même que la Règle est une mise en œuvre concrète de la Parole divine. A ce titre, elle est comme un glaive qui pénètre dans tous les aspects de notre vie la plus quotidienne. Elle nous apprend à faire œuvre de discernement et elle nous stimule dans notre manière de manger, de travailler, de gérer notre temps, de posséder, d’obéir, de nous rapporter aux autres, de nous tourner vers Dieu… La règle nous offre ainsi des repères pour un vivre ensemble qui nous construit chacun tout en édifiant toute la communauté… S’il y a encore une part de nous-mêmes qui pense pouvoir vivre sans règle, humblement remettons-nous sous sa conduite, pour désirer, chercher, faire, obéir…. Car à travers elle, nous sommes à l’école du Christ, « le seul Maitre dont le joug rende libre » ! Si parfois, elle nous émonde ou nous rabote, c’est pour purifier notre cœur appelé à aimer en vérité. « O Christ dont le joug rend libre, aide-moi à marcher sous la Règle, ce joug qui me fait avancer, uni à toi… » (2015-06-10)
45. Il nous faut donc instituer une école pour le service du Seigneur.
46. En l'organisant, nous espérons n'instituer rien de pénible, rien d'accablant.
47. Si toutefois une raison d'équité commandait d'y introduire quelque chose d'un peu strict, en vue d'amender les vices et de conserver la charité,
48. ne te laisse pas aussitôt troubler par la crainte et ne t'enfuis pas loin de la voie du salut, qui ne peut être qu'étroite au début.
49. Mais en avançant dans la vie religieuse et la foi, « le cœur se dilate et l'on court sur la voie des commandements » de Dieu avec une douceur d'amour inexprimable.
50. Ainsi, n'abandonnant jamais ce maître, persévérant au monastère dans son enseignement jusqu'à la mort, nous partagerons les souffrances du Christ par la patience, afin de mériter de prendre place en son royaume. Amen.
« Il nous faut donc instituer une école pour le service du Seigneur »… Pourquoi faut-il créer des institutions, une règle et des lois ? Pourquoi ne peut-on pas marcher librement selon l’Esprit, sans contrainte ? Benoit ne donne pas ses raisons. Il semble même s’excuser en espérant ne rien créer de pénible ou d’accablant. Mais il s’empresse d’encourager ses disciples à ne pas fuir ni à se laisser décourager par la crainte…Et il laisse entrevoir comme une promesse le bonheur d’une course plus aisée à la suite du Christ, dans un cœur dilaté par la douceur de l’amour.
Pourquoi faut-il donc des institutions, une école, une règle ? Une part de nous-mêmes y répugne, et résiste…Une autre part plus secrète, encore à naitre sait combien nous avons besoin d’être aidé et épaulé pour avancer à la suite du Christ. Laissés à nous-mêmes, nous serions paresseux, ou livrés à nos illusions… L’actualité des dernières années sur les nouvelles communautés ou congrégations religieuses pourrait constituer un plaidoyer en faveur de l’érection de structures et de règles communautaires équilibrées. Nous pouvons nous réjouir d’être portés par la règle et la tradition bénédictine. Eprouvée durant des siècles, elle demeure une source de sagesse et une maitresse de vie. L’auteur de l’épitre aux Hébreux parle de la Parole divine comme d’un glaive à deux tranchants qui « pénètre jusqu’au point de division de l’âme et de l’esprit, des articulations et des moelles…. » (He 4, 12). On pourrait dire de même que la Règle est une mise en œuvre concrète de la Parole divine. A ce titre, elle est comme un glaive qui pénètre dans tous les aspects de notre vie la plus quotidienne. Elle nous apprend à faire œuvre de discernement et elle nous stimule dans notre manière de manger, de travailler, de gérer notre temps, de posséder, d’obéir, de nous rapporter aux autres, de nous tourner vers Dieu… La règle nous offre ainsi des repères pour un vivre ensemble qui nous construit chacun tout en édifiant toute la communauté… S’il y a encore une part de nous-mêmes qui pense pouvoir vivre sans règle, humblement remettons-nous sous sa conduite, pour désirer, chercher, faire, obéir…. Car à travers elle, nous sommes à l’école du Christ, « le seul Maitre dont le joug rende libre » ! Si parfois, elle nous émonde ou nous rabote, c’est pour purifier notre cœur appelé à aimer en vérité. « O Christ dont le joug rend libre, aide-moi à marcher sous la Règle, ce joug qui me fait avancer, uni à toi… » (2015-06-10)
35. Achevant ainsi son discours, le Seigneur attend que nous répondions chaque jour par des actes aux saints enseignements qu'il vient de nous donner.
36. Voilà pourquoi les jours de cette vie nous sont accordés comme un sursis en vue de l'amendement de notre mauvaise conduite,
37. selon le mot de l'Apôtre : « Ne sais-tu pas que la patience de Dieu te conduit à la pénitence ? »
38. Car le Seigneur dit, dans sa bonté : « Je ne veux pas la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse et qu'il vive. »
39. Nous avons donc interrogé le Seigneur, frères, au sujet de celui qui habitera dans sa demeure, et nous avons entendu le précepte donné pour y habiter, mais pourvu que nous remplissions les devoirs incombant à l'habitant.
40. Il nous faut donc tenir nos cœurs et nos corps prêts à servir sous la sainte obéissance due aux préceptes.
41. Et pour ce que la nature en nous trouve impossible, prions le Seigneur d'ordonner au secours de sa grâce de nous l'accorder.
42. Et si, fuyant les châtiments de la géhenne, nous voulons parvenir à la vie perpétuelle,
43. tandis qu'il en est encore temps et que nous sommes en ce corps et qu'il reste le temps d'exécuter tout cela à la lumière de cette vie,
44. il nous faut à présent courir et accomplir ce qui nous profitera pour toujours.
f. Jean de la Croix - Messe avec Mgr Girault.
Ces versets nous laissent pressentir la vision du temps de St Benoit : un temps limité qu’il ne faut pas perdre…Un temps qui est une mesure très brève au regard de l’éternité. Un temps où chaque jour a une valeur inestimable pour nous convertir afin de vivre vraiment dès maintenant de la vraie vie. Le mot « vie » revient plusieurs fois. Tout se passe comme si cette vie présente n’était que l’ombre de la « vie perpétuelle ». Au présent éphémère de cette vie s’oppose le pour « toujours » de la vie éternelle. Et cette vie porte en germe la vie à venir. Ainsi n’y a-t-il pas une minute à perdre, pour « courir et accomplir ce qui nous profitera pour toujours »…
Est-il juste d’envisager la vie monastique comme une course ? Comment le moine se distingue-t-il des gens pressés de notre époque qui n’ont jamais le temps ? La question mérite d’être posée. En effet, il ne faut pas nous tromper de course. Notre époque fabrique des gens toujours pressés parce que voulant plus ou moins consciemment lutter contre la mort et la fin inéluctable du temps. Il s’agit dans le temps court d’une vie de faire le plus possible de choses, et de repousser au maximum la sensation pénible et angoissante de la limite. Du coup les gens s’épuisent à remplir leurs agendas tout en se vidant d’eux-mêmes. En quoi la course du moine est-elle différente ? Le moine court non pas pour faire le plus possible de choses en cette vie présente, mais pour accomplir ce qui lui profitera pour toujours. Benoit a déjà détaillé ce qui nous profitera pour toujours. Ce n’est ni l’avoir, ni le savoir, ni le pouvoir, mais l’amour qui écoute Dieu et qui se donne aux frères. Cet amour ne passera pas. Il est même appelé à grandir sans cesse, dès ici-bas… pour s’élargir aux dimensions de Dieu dans l’éternité. La course du moine voudrait lui permettre, comme Ste Bernadette le disait : « de ne pas passer une minute, sans aimer ». Tout faire avec amour, en luttant contre les manières mondaines de vouloir combler le temps. Dans cette période où davantage de frères portent le poids des charges de travail, il nous faut essayer de ne pas oublier ce primat de l’amour. Cela peut vouloir dire : renoncer à certains idéaux de perfection, renoncer à faire certaines choses moins importantes. Renoncer au tout, pour accepter la limite de notre réalité, afin de vivre dès maintenant selon l’amour qui écoute Dieu et qui se donne à ses frères. (2015-06-09)
35. Achevant ainsi son discours, le Seigneur attend que nous répondions chaque jour par des actes aux saints enseignements qu'il vient de nous donner.
36. Voilà pourquoi les jours de cette vie nous sont accordés comme un sursis en vue de l'amendement de notre mauvaise conduite,
37. selon le mot de l'Apôtre : « Ne sais-tu pas que la patience de Dieu te conduit à la pénitence ? »
38. Car le Seigneur dit, dans sa bonté : « Je ne veux pas la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse et qu'il vive. »
39. Nous avons donc interrogé le Seigneur, frères, au sujet de celui qui habitera dans sa demeure, et nous avons entendu le précepte donné pour y habiter, mais pourvu que nous remplissions les devoirs incombant à l'habitant.
40. Il nous faut donc tenir nos cœurs et nos corps prêts à servir sous la sainte obéissance due aux préceptes.
41. Et pour ce que la nature en nous trouve impossible, prions le Seigneur d'ordonner au secours de sa grâce de nous l'accorder.
42. Et si, fuyant les châtiments de la géhenne, nous voulons parvenir à la vie perpétuelle,
43. tandis qu'il en est encore temps et que nous sommes en ce corps et qu'il reste le temps d'exécuter tout cela à la lumière de cette vie,
44. il nous faut à présent courir et accomplir ce qui nous profitera pour toujours.
Ces versets nous laissent pressentir la vision du temps de St Benoit : un temps limité qu’il ne faut pas perdre…Un temps qui est une mesure très brève au regard de l’éternité. Un temps où chaque jour a une valeur inestimable pour nous convertir afin de vivre vraiment dès maintenant de la vraie vie. Le mot « vie » revient plusieurs fois. Tout se passe comme si cette vie présente n’était que l’ombre de la « vie perpétuelle ». Au présent éphémère de cette vie s’oppose le pour « toujours » de la vie éternelle. Et cette vie porte en germe la vie à venir. Ainsi n’y a-t-il pas une minute à perdre, pour « courir et accomplir ce qui nous profitera pour toujours »…
Est-il juste d’envisager la vie monastique comme une course ? Comment le moine se distingue-t-il des gens pressés de notre époque qui n’ont jamais le temps ? La question mérite d’être posée. En effet, il ne faut pas nous tromper de course. Notre époque fabrique des gens toujours pressés parce que voulant plus ou moins consciemment lutter contre la mort et la fin inéluctable du temps. Il s’agit dans le temps court d’une vie de faire le plus possible de choses, et de repousser au maximum la sensation pénible et angoissante de la limite. Du coup les gens s’épuisent à remplir leurs agendas tout en se vidant d’eux-mêmes. En quoi la course du moine est-elle différente ? Le moine court non pas pour faire le plus possible de choses en cette vie présente, mais pour accomplir ce qui lui profitera pour toujours. Benoit a déjà détaillé ce qui nous profitera pour toujours. Ce n’est ni l’avoir, ni le savoir, ni le pouvoir, mais l’amour qui écoute Dieu et qui se donne aux frères. Cet amour ne passera pas. Il est même appelé à grandir sans cesse, dès ici-bas… pour s’élargir aux dimensions de Dieu dans l’éternité. La course du moine voudrait lui permettre, comme Ste Bernadette le disait : « de ne pas passer une minute, sans aimer ». Tout faire avec amour, en luttant contre les manières mondaines de vouloir combler le temps. Dans cette période où davantage de frères portent le poids des charges de travail, il nous faut essayer de ne pas oublier ce primat de l’amour. Cela peut vouloir dire : renoncer à certains idéaux de perfection, renoncer à faire certaines choses moins importantes. Renoncer au tout, pour accepter la limite de notre réalité, afin de vivre dès maintenant selon l’amour qui écoute Dieu et qui se donne à ses frères.
(2015-06-09)
2. Mais pour celui qui se hâte vers la perfection de la vie religieuse, il est des enseignements des saints Pères dont l'observation conduit l'homme jusqu'aux cimes de la perfection.
3. Quelle est en effet la page, quelle est la parole ayant Dieu pour auteur, dans l'Ancien et le Nouveau Testament, qui ne soit une norme parfaitement droite pour la vie humaine ;?
4. Quel est le livre des saints Pères catholiques qui ne nous fasse entendre comment courir tout droit jusqu'à ce que nous parvenions à notre créateur ;?
5. Et encore les Conférences des Pères et leurs Institutions et leurs Vies , ainsi que la Règle de notre saint Père Basile,
6. que sont-elles d'autre que les instruments des vertus donnés par les moines de bonne conduite et obéissants ;?
7. Mais pour nous qui sommes paresseux, de mauvaise conduite et négligents, il y a de quoi rougir de confusion.
8. Toi donc, qui que tu sois, qui te hâtes vers la patrie céleste, accomplis avec l'aide du Christ cette toute petite règle pour débutants que nous avons fini d'écrire ;;
9. et alors seulement tu parviendras, grâce à la protection de Dieu, à ces sommets plus élevés de doctrine et de vertus que nous venons de mentionner. Amen.
Avec humilité toujours, Benoit invite les lecteurs et auditeurs de sa règle à aller aussi chercher leur nourriture ailleurs dans d’autres livres. Dans la bible d’abord, mais aussi dans les écrits des Pères catholiques, dans les conférences et Institutions de Cassien ou encore dans la Règle de Basile… Autant d’écrits dans lesquels il a puisé lui-même et qu’il souhaite voir nourrir la vie des moines. Les exemples, les conseils, les normes énoncées sont à ses yeux des « instruments de vertus », des outils pour « courir tout droit » à Dieu…
« Courir tout droit »… Benoit reste fidèle jusqu’au bout à son propos de hâte et d’urgence pour le Royaume qui est une constante de la Règle. Il n’y a pas un moment à perdre. Nous nous « hâtons vers la patrie céleste »… Comment tirer parti de nos lectures, afin qu’elles servent cet unique but ? Telle est la question que nous pouvons entendre en filigrane. « Nous qui sommes paresseux », lâche Benoit, se mettant du côté des débutants pour lesquels il a écrit cette règle. Nous retrouvons le thème de la paresse développée, mardi, par le P. Denis. Les moines paresseux s’opposent ici à ceux qui courent tout droit…Comment vivre nos lectures, de la Bible, et toutes nos lectures, non pas en dilettante, mais comme intégrée à une course pour chercher Dieu ? Quand nous lisons, sommes-nous en quête de sensationnel ou de passionnant, ou bien sommes-nous désireux d’apprendre, et d’écouter ce qui va nous rapprocher de Dieu ? La paresse va ralentir notre élan. Elle nous fera faire mille détours plutôt que d’aller droit au but… Nos lectures sont un lieu important de notre vie monastique. Nous avons sans cesse besoin de réentendre une parole qui indique le sens de notre engagement. Celui-ci est délicat et subtil. Chercher Dieu, faire que Dieu soit vraiment l’horizon de notre vie mobilise toute nos ressources, nos ressources d’intelligence, de sensibilité, d’affectivité et de volonté. Que me dit-il aujourd’hui ? Nous n’avons pas fini d’explorer ce champ immense et passionnant de notre rencontre avec Dieu. L’expérience des hommes et femmes de la Bible, celles des premiers moines, mais aussi celles de tant de chercheurs de Dieu, est là pour nous stimuler et nous aider à ne pas relâcher notre zèle. Comme les abeilles, sachons faire notre miel de toute fleur offerte dans la liturgie, dans la lectio, au réfectoire…(29.05.15)
1. Si d’ailleurs nous avons écrit cette règle, c'est pour qu'en l'observant dans les monastères, nous fassions preuve au moins d'une certaine décence morale et d'un commencement de vie religieuse.
2. Mais pour celui qui se hâte vers la perfection de la vie religieuse, il est des enseignements des saints Pères dont l'observation conduit l'homme jusqu'aux cimes de la perfection.
« Nous avons écrit cette règle …pour faire preuve au moins d’un commencement de vie religieuse »…Etonnante modestie de Benoit ! Elle n’est pas sans faire écho à sa recherche constante de l’humilité. Etre devant Dieu en vérité avec notre réalité sans se voiler la face devant notre éloignement du but à atteindre. Et désirer toujours progresser dans l’amour et le don total de soi à Dieu et aux autres.
Cet humble propos de Benoit qui suggère que l’observance de la règle est toujours de l’ordre d’un commencement me fait penser au titre d’un livre. Celui s’intitule : « Une vie pour se mettre au monde ». Il est écrit par Marie de Hennezel, psychologue en soins palliatifs et B. Vergely, professeur de philo, notamment au Stim bac… Les auteurs invitent à vivre sa vie comme une naissance continue. Nous ne sommes pas nés seulement le jour de notre naissance physique. Toute notre vie durant, nous allons naitre à nous-mêmes. Au travers des évènements, des épreuves, nous naissons à notre visage d’homme et de femme adulte. Notre vie monastique s’inscrit dans ce mouvement de naissance quand elle nous propose de toujours commencer. Penser que cette règle n’a plus rien à nous dire, parce que nous la connaissons par cœur, c’est peut-être choisir d’arrêter de naitre. La règle est là comme un repère très concret qui nous permet de demeurer toujours éveillés. Les tentations sont nombreuses qui nous font croire que nous en avons déjà assez fait ou que nous sommes déjà parvenus à quelque chose… Au contraire, la règle révèle cette part de nous-mêmes encore en friche ou qui ne demande qu’à naitre à la vie des fils de Dieu. Elle joue souvent le rôle de miroir qui nous renvoie notre image incomplète de fils de Dieu. Heureux sommes-nous si cette manifestation du chemin encore à parcourir, loin de nous abattre, nous stimule pour avancer encore. La règle nous tire de notre paresse. Elle nous appelle à donner à notre aujourd’hui toute sa force et sa beauté. Cet aujourd’hui est donné « pour de se mettre au monde ».(25.05.15)
12. Que celui-ci nous fasse parvenir tous ensemble à la vie éternelle ;!
« Que celui-ci, le Christ, nous fasse parvenir tous ensemble à la vie éternelle ». « Quel est l’homme qui veut la vie ? » demandait Benoit dans le prologue (15). En fin de la règle, ce chapitre 72 apporte comme une synthèse de tout le chemin proposé par Benoit. Tous ensemble, animés par le bon zèle, les moines s’en remettent au Christ pour qu’Il les conduise à la vie éternelle.
La vie éternelle… Elle est le point de mire de la course du moine depuis le début. Elle est à la fois lointaine et proche… Lointaine car son horizon est la plénitude de notre communion avec Dieu, au-delà de notre mort. Proche car elle nous est déjà offerte par notre foi au Christ et par notre baptême. La savoir lointaine nous stimule à ne pas nous endormir sur nos petites réussites ou encore moins sur notre paresse. La savoir proche nous donne de goûter déjà à quelque chose de sa saveur, dans la paix éprouvée et dans la joie reçue à marcher sur le chemin de la recherche de Dieu. Un frère ancien me disait : « Je n’ai jamais été aussi heureux qu’aujourd’hui, car plus on s’approche de Dieu… » La saveur sera différente pour chacun, et elle varie selon les âges de la vie, et les moments. Il nous faut accepter d’être éduqués dans ce domaine, conduit par le Christ. La saveur de la vie éternelle dans ce monde n’a pas trop à voir avec quelque chose qui serait douceâtre ou ouateux, où tout baignerait dans l’huile ou dans le coton… Si nous cherchons notre bonheur dans les petits plaisirs de la vie, comme notre seul but à atteindre, nous serons d’éternels déçus… Mais si nous cherchons avec le Christ la vie éternelle, nous en goûterons quelque chose dans la joie de nous engager toujours davantage à sa suite, dans la persévérance et la force de notre don aux frères…dans l’endurance aux moments plus difficiles. C’est le « qui perd sa vie la gagne » de l’évangile. La vie éternelle ici-bas a certainement le goût fort de la fidélité et de la constance dans l’effort et dans le don de soi…En même temps, la vie éternelle reste en avant de nous comme un cadeau immérité, une grâce offerte gratuitement …Elle se laisse entrevoir comme la profusion d’un Amour qui nous attend, qu’on entrevoit parfois, qu’on espère toujours. Dans notre vie présente, la miséricorde offerte sur notre route de pécheur se présentera comme une précieuse étincelle de la vie éternelle qui nous attend. Se savoir pardonné, et aimé malgré nos fautes et nos faiblesses, dans le pardon du frère, comme dans le pardon sacramentel. « L’amour du Seigneur, sur ceux qui le craignent, est de toujours à toujours ». Ensemble, nous y croyons, ensemble nous cherchons et accueillons la vie éternelle.
(23.05.15)
10. ils affectionneront leur abbé d'une charité sincère et humble ;;
11. « ils ne préféreront absolument rien au Christ. ;»
Affection sincère et humble pour l’abbé, et préférence pardessus tout pour le Christ… Depuis le début de ce chapitre, on observe comme une graduation dans la qualité de l’amour vécu entre frères. Tout se passe comme si le cœur de chaque moine devait s’élargir, s’approfondir et s’affiner dans sa capacité à aimer. Du « se prévenir d’honneur mutuels » à « affectionner l’abbé », on culmine au « ne rien préférer au Christ ». En aimant de plus en plus les frères, se manifeste notre préférence pour le Christ. Et en préférant vraiment le Christ, on devient capable d’aimer ses frères. Cela vaut particulièrement pour les pauvres, les malades que l’on est stimulé à aimer parce qu’en eux on reconnait le Christ. Et cela vaut aussi pour l’Abbé, auquel est donné le nom d’abbé, « pour l’honneur et l’amour du Christ » (RB 63, 13), comme le dit par ailleurs Benoit. Aimer l’abbé de façon sincère et humble n’est peut-être pas toujours facile. Car il est un frère avec ses limites et ses défauts. Il doit parfois dire des choses qui peuvent faire mal, quand il faut percer un abcès qu’on ne voit pas, par exemple. Aimer l’abbé sincèrement est certainement le fruit de la foi par laquelle on veut croire que le Christ parle par lui. L’aimer humblement suggère peut-être un amour qui demeure alors qu’on a reconnu dans l’abbé un homme avec ses limites et ses défauts. De la même manière, Benoit recommande à l’abbé de ne pas aimer un frère plus que l’autre (RB 2, 17) ou encore qu’il haïsse les vices mais qu’il aime les frères (RB 64, 11). St Benoit nous tire donc tous par le haut afin de laisser grandir un amour toujours plus large et plus profond, plus fin. Chacun, nous sommes convoqués au labeur de l’amour, un labeur qui nous « laboure » tous le cœur afin qu’il soit plus libre et plus grand…pour le seul Christ.
C’est pour Lui en effet, en raison de notre préférence pour Lui, que nous acceptons de ne pas cesser d’apprendre à aimer. Comme nous le savons, cette recommandation de Benoit : « ils ne préfèreront absolument rien au Christ » vient du traité de St Cyprien sur le Notre Père (De Dominica Oratione 15). Là, ce dernier encourage les chrétiens, pris dans les persécutions, à demeurer fidèles au Christ. Il est bon de ne pas oublier la suite de la sentence qui donne le mobile théologique : « Ne préférer absolument rien au Christ parce qu’il nous a préférés à tout »… Devant le Christ, nous sommes pleins de reconnaissance et révérence aimante parce que Lui le premier nous a préférés et aimés en se donnant jusqu’à la mort sur la croix. En lui, dans son amour qui nous est offert largement, nous devenons capable d’aimer. (22.05.15)