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1. S'il existe un zèle mauvais et amer qui sépare de Dieu et conduit en enfer,
2. il existe aussi un bon zèle qui sépare des vices et conduit à Dieu et à la vie éternelle.
3. Tel est donc le zèle que les moines pratiqueront avec un ardent amour ;:
Qui est vraiment animé du bon zéle sinon Jésus lui-même ? Le passage des vendeurs chassés du Temple révèle ce zèle qui l’habite. En le voyant agir, « un mot de l’Ecriture revint à la mémoire des disciples : « le zèle pour ta maison me dévore » (Jn 2, 17 ; Ps 68, 10). Jésus est rempli d’élan et de vigueur pour accomplir la mission de son Père. Son zèle se laisse entrevoir encore comme un feu intérieur qui le brûle… « Je suis venu apporter le feu sur la terre, et comme je voudrais que déjà il soit allumé » (Lc 12, 49). Ce sera le feu de l’Esprit Saint répandu, comme le fruit de sa passion et de sa résurrection. Le zèle de Jésus est un zèle animé par l’Esprit, un zèle qui l’entraine dans une fidélité sans faille jusqu’à l’obéissance de la mort. En ce sens, il est bien différent du zèle de Paul. Celui-ci reconnait qu’il surpassait ses compatriotes par son zèle acharné pour défendre les traditions de ses pères (cf Ga 1, 14). « J’étais rempli du zèle de Dieu » (Ac 22, 3). Mais son zèle le conduisait à persécuter et à mettre à mort, alors que le zèle de Jésus le conduisit à se laisser consumer et à se donner…
Paul, lui-même converti, va enseigner aux communautés chrétiennes un autre zèle, celui qui vise à rechercher les dons spirituels (1 Co 14, 12)…Un zèle selon l’Esprit en vue de l’édification de la communauté, notamment pour faire un usage modéré du parler en langue… De la même manière, le bon zèle dont parle Benoit ne peut être vécu que dans l’Esprit Saint afin que grandissent la charité et la communion entre les frères. Tout le développement ultérieur du chapitre n’a qu’une visée : exhorter chaque à aller au bout de cet élan de charité que l’Esprit Saint a mis en lui. « N’allons pas nous dérobant à l’Esprit qui régénère… N’allons pas à contrevoie de celui qui nous entraine » chantons-nous durant ce temps pascal. St Benoit nous exhorte à ouvrir grand nos cœurs à l’Esprit Saint, pour qu’il ranime en nous le bon zèle, afin d’aller sans se lasser vers les autres, de nous donner. Sachant notre faiblesse, demandons à l’Esprit Saint d’être notre souffle, notre force… « Viens Esprit de feu, viens nous embraser ! ». (09.05.15)
6. De plus, si un frère reçoit une réprimande quelconque de l'abbé ou de n'importe lequel de ses anciens pour quelque raison que ce soit, si mince qu'elle puisse être,
7. et s'il sent que l'esprit de n'importe quel ancien est légèrement irrité contre lui ou ému si peu que ce soit,
8. aussitôt et sans délai il se prosternera à terre et fera satisfaction, étendu à ses pieds, jusqu'à ce qu'une bénédiction vienne calmer cette émotion.
9. Celui qui refuse de faire cela, on lui infligera un châtiment corporel, ou bien, s'il est obstiné, on le chassera du monastère.
St Benoit se montre ici très sévère contre tout ce qui pourrait affaiblir la qualité de l’obéissance entre frères, celle notamment du plus jeune vis-à-vis de l’ancien. Si le plus jeune sent que l’ancien est ému, il doit montrer une attitude d’humilité pour se réconcilier avec ce frère…. Celui qui mépriserait cette démarche de réconciliation jusqu’à l’obstination pourra être exclu….
Derrière ces mots sévères, nous pouvons entendre la grande importance que Benoit attache au climat d’humilité et de réconciliation entre frères… Il ne badine pas sur ces points de vie commune. Sans humilité et sans réconciliation, il n’y a pas de vie chrétienne possible. Le Christ ne nous a pas appelés pour que nous vivions simplement juxtaposés les uns à côté des autres. Mais il veut que nous donnions toute sa mesure à la grâce de réconciliation qu’il a apportée au monde. La réconciliation entre les hommes passe par la réconciliation entre nous. Et nous sortons du chemin voulu par le Christ, lorsque nous nous satisfaisons d’une relation blessée avec un frère, sans chercher à la guérir ou à la rénover. Nous manquons au prophétisme de notre vie religieuse qui veut proposer au monde, non pas la communauté idéale, mais la communauté qui ne se résigne jamais à la division ou aux relations blessées… Toujours recommencer sans se lasser ni se résigner, voilà une attitude prophétique.
La question nous est alors posée : sommes-nous toujours prompts lorsqu’il y a eu un malentendu avec un frère, à faire le premier pas pour retrouver la paix avec ce frère ? Ou bien sommes-nous jaloux de défendre notre bon ou mauvais droit, dans le désir d’avoir raison ? Le désir d’avoir raison est un poison pour la vie commune. Il rend aveugle sur soi et fausse les relations. St Benoit nous propose de vivre l’évangile en ne nous attachant pas à notre fierté ou à notre amour propre blessé, pour privilégier le bien de la relation avec le frère. La relation paisible et juste avec le frère vaut mieux que la préservation de notre illusoire fierté. Quand il y a un problème avec un frère, n’attendons pas, ne laissons pas trainer les choses. S’il le faut, parlons-en avec un frère de bon jugement…pour faire la lumière… Ne laissons pas notre cœur s’épaissir, enveloppé dans ses autojustifications. Gardons le cœur léger, celui qui est toujours prompt à faire le premier pas… (02-05-2015)
1. Ce n'est pas seulement envers l'abbé que tous doivent pratiquer le bien de l'obéissance, mais en outre les frères s'obéiront mutuellement,
2. sachant que par cette voie de l'obéissance ils iront à Dieu.
3. Aussi, mis à part les ordres de l'abbé ou des prévôts qu'il institue, ordres auxquels nous ne permettons pas que l'on préfère ceux des particuliers,
4. pour le reste tous les inférieurs obéiront à leurs anciens en toute charité et empressement.
5. Si quelqu'un est pris à contester, on le réprimandera.
« Sachant que par cette voie de l’obéissance ils iront à Dieu »… Depuis le 1er verset de la Règle, Benoit ne cesse de nous enseigner la voie de l’obéissance, comme la voie bonne pour aller à Dieu… Obéissance : ce bon et rude chemin par lequel on devient moine, c’est-à-dire vraiment unifié, « monos », un et non pas seul « solus ». Obéissance qui n’est pas soumission subie mais écoute consentie. Là où la soumission mal vécue risque de nous enfermer sur nous-mêmes, l’écoute nous ouvre une possibilité de relation. De plus l’écoute consentie nous rend à nous-mêmes en nous tournant vers les autres, vers le Christ…
Entre la soumission qui stérilise et l’écoute qui libère, se trouve notre itinéraire de moine. Avec des tâtonnements, avec des lumières, avec des incompréhensions… Le f. Ghislain a bien montré dans ses livres qu’écouter demandait toujours une forme de renoncement, un sacrifice pour s’ouvrir à la parole d’un autre, pour se remettre à une autre vision des choses… Comment grandir sur cette voie de l’obéissance, de l’écoute, qui nous engage à un vrai renoncement intérieur ? Comment non plus subir l’obéissance mais la reconnaitre comme une source vivifiante dans nos vies ?
Trois points me viennent à l’esprit. Le premier est de nous laisser enseigner par la cloche. A son appel, apprendre à consentir à arrêter nos activités non achevées, dans le désir d’honorer le Seigneur en se préparant mieux à l’office…Obéir à la cloche pour mieux nous recentrer sur le Christ, et lui donner la première place. Le second point est de découvrir la joie qu’il y a à se donner aux frères, joie bien plus grande que le premier mouvement qui nous fait tergiverser, objecter ou négocier… Se donner simplement nous fait goûter la joie de tisser l’alliance entre frères, à travers les services rendus. Le troisième point pour grandir dans cette capacité à obéir et écouter, est de savoir réfléchir sur nos refus d’obéir. Pourquoi je dis non ? Pourquoi je résiste aux demandes parfois récurrentes ? Les raisons que j’avance disent-elles vraiment le fond de mon cœur, ou sont-elles des paravents pour me protéger… Où est vraiment mon désir profond ?
Nous tous qui voulons devenir plus obéissants, nous ne pouvons que nous tourner vers le Christ. Il veut nous sauver de tous nos replis et enfermements qui nous isolent et nous rendent sourds. Il nous introduit dans sa joie pascale de serviteur qui écoute chaque matin… (01-05-2015)
1. On évitera, au monastère, toute occasion de présomption,
2. et nous décrétons que personne n'aura le droit d'excommunier ou de frapper aucun de ses frères, s'il n'en a reçu pouvoir de l'abbé.
3. Mais « on reprendra les coupables en présence de tous, afin de faire peur aux autres. ;»
4. Quant aux enfants jusqu'à l'âge de quinze ans, tous auront soin de les maintenir dans l'ordre et les surveilleront,
5. mais en toute mesure et raison.
6. Si quelqu'un se permet quoi que ce soit contre un adulte sans instructions de l'abbé ou s'emporte sans discrétion contre des enfants, il subira les sanctions de règle,
7. car il est écrit : « Ce que tu ne veux pas qu'on te fasse, ne le fais pas à autrui. ;»
« Ce que tu ne veux pas qu’on te fasse, ne le fais pas à autrui »…Ce précepte évangélique revient trois fois dans la Règle : une fois avec les instruments des bonnes œuvres, une fois adressé à l’abbé pour qu’il n’accueille pas un moine étranger sans l’accord de son supérieur, et ici à l’adresse de tout moine afin qu’il n’exerce pas la violence sous prétexte de vouloir corriger autrui… Ainsi tous se retrouvent sous ce précepte évangélique que l’on peut considérer comme une forme négative du commandement : « tu aimeras ton prochain comme toi-même »… Dans les deux formulations négative et positive, la justesse avec laquelle nous sommes capables de nous rapporter à nous-mêmes va nous enseigner la façon de nous rapporter aux autres. En orientant notre regard sur les autres à partir du regard que l’on porte sur soi, le Seigneur ne demande pas des choses extraordinaires : une sorte de justice de base… On pourrait dire : ce n’est pas compliqué…
Mais pourquoi donc est-ce si difficile d’aimer et d’avoir des relations justes et heureuses avec tout le monde ? L’apparente évidence des commandements ne doit pas nous faire oublier deux choses : nous restons pour une part un mystère à nous-mêmes, et à fortiori les autres échappent toujours à notre connaissance. Aussi les deux commandements sont-ils une exhortation à entrer d’abord dans une connaissance toujours plus affinée de nous-mêmes, de nos réactions en certaines occasions, de nos forces et de nos faiblesses, de nos limites. Le « connais-toi toi-même » des grecs reste un bon levier pour mieux habiter notre propre humanité. Mais nous dit l’évangile, il le sera davantage, non pour nous regarder le nombril, mais pour nous ouvrir aux autres, à leur différence, à leur mystère sans en être écrasé ou blessé. Belle et rude école que cette double connaissance de soi et des autres qui ne cesse de nous déplacer, et finalement de nous rendre plus humble et plus vrai… La vie quotidienne se charge de nous l’enseigner. Ne soyons pas effrayer par tout ce qui bute ou nous fait buter. Cela résiste, c’est bon signe…Nous avons encore quelque chose à apprendre sur nous-mêmes et sur les autres. (29-04-2015)
1. Il faut prendre soin que personne au monastère, en aucune occasion, ne se permette de défendre un autre moine ou de lui servir comme de protecteur,
2. même s'ils sont unis par un lien de parenté quelconque.
3. Les moines ne se le permettront d'aucune manière, car cela peut être l'occasion de conflits très graves.
4. Si quelqu'un transgresse ce point, on le châtiera rigoureusement.
Ce chapitre nous fait toucher du doigt l’épaisseur de notre pâte humaine. Pâte appelée à abandonner les vieux ferments, dirait Paul (1 Co 5, 6-8) pour devenir une pâte nouvelle dans le Christ ressuscité. St Benoit met en garde ici contre les vieux ferments toujours prompts à se réveiller : la présomption à s’ériger comme défenseur d’un frère contre l’abbé, les affinités qu’elles soient familiales ou amicales qui peuvent brouiller toutes les cartes et créer de la division. Notre vie communautaire veut nous aider à vivre selon l’homme nouveau celui qui est recréé dans le Christ. Dans le Christ ressuscité, les relations sont transfigurées. Chacun est appelé à se rapporter aux autres, non plus par intérêt, ou par affinité, mais en vertu de la charité qui nous est donnée par l’Esprit Saint. Là où les vieux ferments rétrécissent le regard et le cœur à un petit cercle d’amis ou de gens qui pensent comme nous, la vie de l’homme nouveau en Christ conduit à s’agrandir toujours plus dans sa capacité à être en relation.
En écoutant ce petit chapitre, on voudrait que ce genre de problème n’arrive pas dans notre communauté, problème où la parole devient perfide et où la confiance est blessée. Il veut nous aider à nous tenir chacun sur nos gardes et à nous prémunir de ce qui pourrait nous incliner en ce sens. Tous, il nous faut veiller à la qualité de nos paroles : sont-elles bienveillantes ou viennent-elles parfois insinuer, et sous couvert d’humour salir ? Il nous faut veiller à la qualité de nos regards : sont-ils d’abord ouverts et accueillants ou bien se laissent-ils facilement gagner par le jugement et la dépréciation ? Le Bx Pierre Favre disait qu’il faut être « plus enclin à sauver la proposition de l’autre qu’à la condamner ». Il parlait en pensant entre autre aux nouveaux « hérétiques » d’alors qu’étaient les protestants. Si nous voulons laisser croître en nous l’homme nouveau dans le Christ, afin d’édifier la communauté qui lui plait, nous ne pouvons échapper à ce travail de vigilance intérieure. Qualité de nos paroles, qualités de nos regards, qualités de nos pensées. Ne nous laissons pas gagner par la pollution des pensées négatives, critiques et amères sur les autres. Ces pensées ne sont pas les plus profondes, car elles sont étrangères à l’homme recréé en Christ. Les ruminer nous épuise intérieurement, nous défigure extérieurement. Sachons les éradiquer en les confiant au Christ dans une prière persévérante, mais aussi en les parlant dans l’ouverture du cœur, ou encore en les transformant en service du frère vis-à-vis duquel on a du mal… (2015-04-28)
1. Si l'on enjoint à un frère des choses pénibles ou impossibles, il recevra l'ordre de celui qui commande en toute douceur et obéissance.
2. S'il voit que le poids du fardeau excède absolument la mesure de ses forces, il représentera à son supérieur, patiemment et opportunément, les raisons de son impuissance,
3. sans orgueil ou résistance ni contradiction.
4. Si, après ses représentations, l'ordre du supérieur se maintient sans qu'il change d'avis, l'inférieur saura qu'il est bon pour lui d'agir ainsi,
5. et par charité, confiant dans le secours de Dieu, il obéira.
Avec ce chapitre, nous sommes au cœur de notre engagement à la suite du Christ. Le suivre en portant sa croix, nous dit l’évangile. Cela peut-il se faire sans passages étroits, sans renoncements ? Ou alors, nous risquons de rêver une vie monastique « light », « désincarnée », « une suite du Christ sans renoncement », comme mettait en garde le pape François, dans son homélie du 2 février dernier, lors de la journée de la Vie consacrée.
Ce chapitre peut nous renouveler dans notre acte de foi en l’obéissance. Obéir à l’abbé, obéir à ses frères dans l’unique désir d’obéir au Christ. Suivre le Christ aujourd’hui passe par cette médiation humaine fragile. Le Verbe qui s’est fait chair et parole humaine, donne sa confiance à nos paroles humaines ainsi que la force de son Esprit. Elles vont donner voix à sa Parole. Mystère d’une confiance faite aux hommes, mystère de l’Eglise.
Ce chapitre offre une pédagogie pour entrer plus dans la confiance, dans la profondeur de cet acte de foi, par lequel on accueille la volonté de Dieu dans une demande humaine. A première vue, cette demande peut sembler impossible à celui qui la reçoit. « Le poids du fardeau excède absolument la mesure de ses forces ». Il est alors important de parler. De façon très humaine, Benoit ménage un espace de parole, un espace de confiance mutuelle. De part et d’autre, la manière de parler va traduire ou non le désir d’écouter et de discerner la volonté de Dieu. Pour le frère : est-ce qu’il donne ses objections dans la perspective de ne pas en démordre, par désir d’avoir raison, par souci de préserver une image de lui ou simplement sa tranquillité ? Et pour l’abbé : est-ce qu’il écoute en étant ouvert à ce qu’il n’a pas vu ? Pour les deux, l’acte de foi est requis en vue de rechercher la volonté de Dieu. Pour les deux, le risque est toujours possible de transformer ce dialogue de discernement, en table de négociation où l’on cède une part pour en obtenir une autre. Si l’obéissance est vécue sur le mode de la négociation, on a quitté la suite du Christ. Ce n’est plus Lui que nous cherchons, mais c’est nous-mêmes. En final, il revient au P. Abbé la délicate responsabilité de modifier ou de confirmer sa demande initiale. Dans ce dernier cas, le frère est appelé à prendre appui sur la charité qui est en lui, et sur le secours de Dieu. Pour vivre, avec fruit, l’épreuve de l’obéissance jusque-là, cultivons jour après jour, en toute chose, une attitude intérieure d’ouverture au Christ. « Apprends-moi à faire ta volonté, car tu es mon Dieu » (Ps 142, 10). (2015-04-25)
1. Les frères qui vont partir en voyage se recommanderont à l'oraison de tous les frères et de l'abbé,
2. et à la dernière oraison de l'œuvre de Dieu, on fera toujours mémoire de tous les absents.
3. Quant aux frères qui reviennent de voyage, le jour de leur retour, à toutes les heures canoniales, quand s'achève l'œuvre de Dieu, ils se prosterneront sur le sol de l'oratoire
4. et demanderont à tous de prier en raison de leurs manquements, de peur de s'être laissé prendre en voyage à voir ou entendre une chose mauvaise ou une parole déplacée.
5. Et personne ne se permettra de rapporter à un autre tout ce qu'il aura vu ou entendu hors du monastère, car cela fait de très grands ravages.
6. Si quelqu'un se le permettait, il subira le châtiment de règle.
7. De même celui qui se permettrait de sortir de la clôture du monastère et d'aller n'importe où et de faire n'importe quoi, même de peu d'importance, sans l'autorisation de l'abbé.
Sortir du monastère n’est pas anodin, pas plus aujourd’hui qu’hier. C’est une rupture dans notre rythme et une ouverture sur d’autres réalités. Le décalage dans la manière de vivre est réel, voire fort différent. Au monastère, le cadre de vie nous porte à être attentif à nos manières de penser, mais aussi à nos manières de parler et de vivre. C’est notre art de vivre pour chercher Dieu, pour grandir en sa présence ainsi qu’au service de nos frères. De la sorte, nous voudrions que « l’Amour de Dieu atteigne en nous sa perfection », pour reprendre la lecture de dimanche dernier.
Comment garder à notre vie monastique sa qualité et son goût intérieur, alors que nous sommes en sortie ? Telle est la question qu’il nous faut garder présente à l’esprit. Les éléments qui nous aident au monastère : le silence, la retenue, le recueillement, la régularité des offices et de la lectio, la présence des frères ne seront plus là pour nous soutenir. Comment demeurer des hommes tournés vers leur Seigneur et au service des frères ?
Chacun trouvera sa manière. Pour ne pas être dans l’illusion, il est bon d’avoir chacun quelques repères. Souvent il ne sera pas possible de prier les heures de l’office selon la vérité des heures. Mais, il faut alors savoir se réserver des moments de prière aux heures plus propices du matin et de soir ; savoir profiter d’un temps libre pour s’arrêter devant le Seigneur. Si nous partons longtemps, savoir aussi donner des nouvelles au monastère sera une manière concrète de rester en communion ; ou encore prier pour les frères restés au monastère ou en union avec eux…
Revenir au monastère après une longue sortie est aussi une étape pour le frère sorti. Il a vécu des rencontres, vu et entendu beaucoup de choses. Comment va-t-il intégrer cela à sa vie cloitrée. Comment ce vécu à l’extérieur va-t-il faire sens et contribuer à la croissance de son chemin ? La rencontre avec le P. Abbé est une manière de relire les évènements vécus, de pouvoir faire la lumière s’il en est besoin sur certains aspects…Pouvoir parler permettra d’assumer tout ce vécu afin qu’il soit, non pas un aparté dans la vie monastique, mais qu’il soit un élément de notre vie, même s’il a pu être négatif ou douloureux… Sortir pour mieux revenir, afin de grandir dans notre propos monastique… Il y a là une grâce à saisir. (21-04-2015)
1. A la porte du monastère on placera un vieillard sage, qui sache recevoir et donner une réponse, et dont la maturité ne le laisse pas courir de tous côtés.
2. Ce portier doit avoir son logement près de la porte, afin que les visiteurs le trouvent toujours présent pour leur répondre.
3. Et aussitôt que quelqu'un frappe ou qu'un pauvre appelle, il répondra Deo gratias ou Benedic ,
4. et avec toute la douceur de la crainte de Dieu, il se hâtera de répondre avec la ferveur de la charité.
5. Si ce portier a besoin d'aide, il recevra un frère plus jeune.
« Il répondra ‘Deo gratias’ ou ‘Benedic’ ». Comment comprendre ces réponses données par le portier à ceux qui frappent à la porte du monastère ? Pour la première ‘Deo gratias’, saint Augustin en offre des éléments de compréhension quand il dit dans un commentaire du Ps 132, 6 : « Que signifie ‘Grâce à Dieu’ ? Parler ainsi c’est remercier Dieu. Or vois si un frère ne doit pas rendre grâce à Dieu quand il rencontre un autre frère. Quand ceux qui demeurent en Jésus-Christ se voient mutuellement, n’y-a-t-il pas lieu de se féliciter ? » (cf in M. Puzicha, TII p. 295). On rend grâce à Dieu parce qu’on se reconnait frère, et qu’il est au milieu de nous, ou parce que dans le frère on reconnait Dieu. La seconde formule ‘Benedic’, elle, équivaut à une demande de bénédiction telle qu’on la trouve dans le chapitre 63, 15 qui incite les plus jeunes à demander la bénédiction de l’ancien, ou dans le chapitre sur les hôtes lorsqu’on les rencontre sans s’attarder, en leur demandant simplement leur bénédiction (53,24). Ces formules quasiment liturgiques étaient semble-t-il comprise et entendue par beaucoup. Elles témoignent d’un profond esprit de foi. Dans l’étranger qui frappe à la porte, on reconnait d’emblée soit un frère dans la foi pour lequel on rend grâce à Dieu, soit même le Christ dont on désire recevoir la bénédiction.
Je suis sensible à ces témoignages de foi dont la règle porte la trace. Quand on y réfléchit, le fait de regarder l’inconnu qui arrive dans un regard de foi, pour en rendre grâce à Dieu, génère une attitude de profonde humanité. Le portier mû par « la douceur de la crainte de Dieu », répond avec « la ferveur de la charité »…. La foi suscite la charité, elle l’alimente et la fortifie. Il n’est jamais facile pour le portier et les hôteliers, d’être souvent dérangés par les hôtes ou les personnes de passage qui ne manquent pas. Humainement ce peut-être à la limite de nos forces. St Benoit, ici, nous donne une piste à creuser : cultiver le regard de foi. Quand un hôte arrive et dérange, apprendre à reconnaitre le Christ, Dieu qui nous visite ou qui nous fait signe… En reconnaissant ainsi le Seigneur, nous nous décentrons de nos préoccupations et du désir de maitriser notre temps. Nous apprenons à nous recevoir de Lui, dont la Volonté est bonne. S’il survient, à travers cet hôte, inattendu, il désire sûrement nous dire quelque chose…Peut-être simplement déjà, nous inviter à lui remettre notre temps et tous nos plans… C’est Lui qui conduit nos vies. Il nous invite à la souplesse, et surtout à aimer tous ceux qui passent. Qu’Il nous vienne en aide pour dire plus librement « Deo gratias » Merci à Dieu. (20.03.15)
11. Aussi nous semble-t-il opportun, pour la sauvegarde de la paix et de la charité, que l'abbé règle à son gré l'organisation de son monastère.
12. Si faire se peut, c'est par des doyens que l'on organisera, comme nous l'avons établi antérieurement, tous les services du monastère, selon que l'abbé l'établira.
13. Ainsi, plusieurs en étant chargés, un seul ne s'enorgueillira pas.
14. Si le lieu l'exige ou si la communauté le demande raisonnablement avec humilité et que l'abbé le juge opportun,
15. l'abbé choisira qui il voudra avec le conseil des frères qui craignent Dieu, et il se l'ordonnera lui-même comme prévôt.
16. Ce prévôt, cependant, exécutera respectueusement ce que son abbé lui commande, sans rien faire contre la volonté ou les ordres de l'abbé,
17. car plus il est élevé au-dessus des autres, plus il lui faut observer avec soin les prescriptions de la règle.
18. Si ce prévôt se montre vicieux ou que, séduit par l'élèvement, il s'enorgueillisse, ou qu'il soit convaincu de mépris pour la sainte règle, on l'avertira verbalement jusqu'à quatre fois.
19. S'il ne s'amende pas, on lui appliquera la correction des sanctions de règle.
20. Si même alors il ne se corrige pas, on le destituera de son rang de prévôt, et l'on mettra à sa place un autre qui en soit digne.
21. Si même ensuite il n'est pas tranquille et obéissant en communauté, on ira jusqu'à le chasser du monastère.
22. Cependant l'abbé songera qu'il doit rendre compte à Dieu de tous ses jugements, de peur que le feu de l'envie ou de la jalousie ne brûle son âme.
Tout d’abord ce chapitre me donne l’occasion de dire merci au f. Yvan pour son service de prieur et pour son attention à chacun. Il contribue à la « la sauvegarde de la paix et de la charité » dans la communauté…Pour Benoit, sauvegarder la paix et la charité n’est pas une des moindres missions de l’abbé dans le monastère. Il la facilite en réglant l’organisation des charges, ici du prieur, mais aussi de la vie quotidienne avec justice. Benoit note aussi l’importance du rôle des doyens. Plus généralement, aujourd’hui aussi, la consultation et l’écoute de la communauté facilite une bonne organisation de la vie communautaire, comme nous l’expérimentons avec nos recherches autour de l’office des vigiles.
En a-t-on fini pour autant avec « la sauvegarde de la paix et de la charité », quand on a bien organisé le monastère ? L’organisation ne sera jamais parfaite. Elle pourra parfois susciter des frustrations ou des insatisfactions, liées aux faiblesses humaines ou aux lenteurs inévitables. Elle n’empêchera pas les inévitables frottements et les conflits petits ou grands. Comment alors demeurer dans la paix et dans la charité ? Ici Benoit parle de l’élèvement ou de l’orgueil qui peut guetter le prieur, mais aussi de l’envie ou de la jalousie qui peut brûler l’âme de l’abbé. Ce réalisme des écueils toujours possibles peut nous renvoyer chacun à notre travail intérieur de vigilance pour ne pas laisser les pensées mauvaises et troublantes nous envahir. La « sauvegarde (custodia) de la paix et de la charité » n’est pas sans rappeler « la garde des pensées ». J’évoquais l’autre fois les tempêtes intérieures qui peuvent survenir si on n’y prend pas garde. La question nous est posée : Quand nous voyons le vent venir, celui des pensées troubles qui commencent à nous envahir, allons-nous lui ouvrir la porte et les fenêtres de notre cœur ? Allons-nous le laisser nous habiter, ou bien allons-nous lui interdire l’accès ?
Je cite un apophtegme qui nous dit ce combat : Certains demandèrent un jour à abba Sylvain : « Quel genre de vie as-tu pratiqué pour obtenir cette sagesse ? ». Et il leur répondit : « Jamais, je n’ai laissé pénétrer dans mon cœur une pensée attirant la colère de Dieu » (Sylvain 6). (19.03.15)
1. Trop souvent il est arrivé que l'ordination d'un prévôt engendre de graves conflits dans les monastères.
2. Il en est en effet qui s'enflent d'un méchant esprit d'orgueil et qui, estimant être de seconds abbés, usurpent le pouvoir, entretiennent des conflits et mettent la dissension dans les communautés,
3. surtout dans les lieux où le prévôt reçoit l'ordination du même évêque et des mêmes abbés qui ordonnent l'abbé.
4. Combien cela est absurde, il est facile de s'en rendre compte : dès le début, dès son ordination, on lui donne matière à s'enorgueillir,
5. ses pensées lui suggérant qu'il est soustrait à l'autorité de son abbé,
6. puisque « toi aussi, tu as été ordonné par les mêmes qui ont ordonné l'abbé. ;»
7. Il en résulte envies, disputes, médisances, rivalités, dissensions, destitutions,
8. et ainsi, abbé et prévôt étant de sentiments opposés, il est inévitable que leurs âmes soient en danger, tant que durent ces dissensions,
9. et leurs subordonnés courent à leur perte, du fait qu'ils flattent leurs partisans.
10. La responsabilité de ce dangereux fléau pèse au premier chef sur ceux qui se sont faits les auteurs d'un tel désordre.
« Il est inévitable que leurs âmes soient en danger, tant que durent ces dissensions, et leurs subordonnés courent à leur perte ». Quand Benoit évalue les dégâts causés par les dissensions provoqués en communauté, ici par le prieur, il songe d’abord aux préjudices spirituels pour toutes les personnes impliquées : l’abbé, le prieur, et les partisans de l’un et l’autre. Les personnes et la communauté sont en danger. Elles se sont laissées gagnées de l’intérieur par le mal de l’orgueil, de l’envie et de la médisance. Du coup elles ne sont plus en capacité de prendre du recul. Elles sont débordées intérieurement, incapables de se maitriser. Il en découle disputes, dissensions, rivalités…
Ces lignes peuvent tous nous ramener à la modestie si nous sommes un peu lucides. Tous nous sommes fragiles. Dans des situations d’adversité, nous pouvons connaitre des tempêtes intérieures, soit très sporadiques, soit très lancinantes. Elles nous secouent et nous ballottent au gré des pensées de colère, d’amertume, de jalousie, ou bien au gré du vent plus sournois de la tristesse qui assombrit tous les horizons. Que faire ? Comment faire la lumière ? Avoir le courage de parler est notre recours immédiat. Parler peut nous aider à revenir à la réalité de laquelle les pensées troublantes nous ont souvent tirés, nous faisant errer comme un bateau perdu, loin des côtes. Celui qui a pris cette habitude de parler ces propres tempêtes intérieures saura mieux repérer les petites tempêtes qui ne manquent pas au quotidien. Il apprendra à aussi mieux les contourner ou à les apaiser. Prier le Seigneur de la paix qui connait, et notre cœur et celui de notre adversaire présumé. Il peut lui seul donner la lumière et la douceur…Il le fera d’autant plus facilement que nous lui abandonnons notre propre misère, sans plus nous préoccuper de vouloir changer les autres.
Mais Benoit veut aussi veiller à la manière d’organiser la vie commune. Elle sera juste et équilibrée pour ne pas donner prise à ces vents de tempêtes. Dans la maison de Dieu, les choses doivent être réglées sagement (cf RB 53,22). Il désire donc ici proposer une solution juste pour la possibilité d’avoir un prieur en communauté soit un facteur de paix. Il revient à l’abbé d’y veiller. (17.03.15)