vendredi 3 octobre 2025 : journée de solitude pour la communauté, messe vers 6h45 après Laudes.

Commentaires sur la Règle



Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07, v 5-9 De l'humilité écrit le 29 août 2015
Verset(s) :

5. Aussi, frères, si nous voulons atteindre le sommet de la suprême humilité et si nous voulons parvenir rapidement à cette élévation céleste, à laquelle on monte par l'humilité de la vie présente,

6. il nous faut, pour la montée de nos actes, dresser cette échelle qui apparut en songe à Jacob, et sur laquelle il voyait des anges descendre et monter.

7. Cette descente et cette montée n'ont assurément pas d'autre signification, selon nous, sinon que l'élévation fait descendre et l'humilité monter.

8. Quant à l'échelle dressée, c'est notre vie ici-bas. Quand le cœur a été humilié, le Seigneur la dresse jusqu'au ciel.

9. D'autre part, les montants de cette échelle, nous disons que c’est notre corps et notre âme. Dans ces montants, l'appel divin a inséré différents degrés d'humilité et de bonne conduite, pour qu'on les gravisse.

Commentaire :

Quant à l'échelle, c'est notre vie dressée ici-bas ... Spontanément, on aurait tendance à dire un peu vite que l'humilité est l'échelle. On parle d'ailleurs de « l'échelle de l'humilité ». En fait, st Benoit est plus concret. L'échelle qui relie la terre au ciel, c'est notre vie elle-même qui se laisse dresser et élever par l'humilité. Benoit pousse l'image en précisant que les montants de l'échelle sont le corps d'un côté et l'âme de l'autre. L'humilité n'est que le dynamisme intérieur qui va permettre à nos vies de se dresser vers le ciel. Tout se passe comme si l'humilité était ce qui allait donner à notre vie de trouver sa vraie stature, sa charpente véritable. Comme une échelle, notre vie se déploie petit à petit sous la garde des anges qui montent et descendent, qui veillent sur nous, comme sur Jacob et sur Jésus le Fils de l'Homme.

Mystérieux déploiement de nos vies par l'humilité, par l'abaissement de notre orgueil et de notre suffisance. Il s'agit bien d'un dynamisme et d'une croissance, mais que notre esprit humain laissé à sa seule lumière peine à comprendre et à accepter. Nous en avions une preuve caricaturale, hier lors de la lecture au réfectoire, avec le refus du christianisme, et notamment de l'humilité par le National Socialisme. Je cite en partie: « l'exercice de l 'humilité et de la pénitence doit être refusé ou modifié dans la mesure où (il) détourne l 'homme de l'esprit héroïque» (Hubert Wolf, le Pape et le diable, p 269) ... L'humilité détourne de l'esprit héroïque. Héroïsme du plus fort et de l'instinct racial, ou héroïsme de l'humilité? La vision chrétienne et monastique en particulier vient ouvrir un autre chemin d'humanité: celui d'une croissance par l'intérieur et par l'unification du cœur. Sur ce chemin de croissance, chacun a sa place: le petit comme le grand, le doué comme le moins doué, le faible comme le fort, le grand pécheur publique comme l'homme vertueux. Chacun est convoqué à un vrai travail et à une rencontre de grâce qui le fera naitre vraiment à sa condition de fils de Dieu. L'humilité en nous aidant à assumer pleinement notre humus, nous élève à une dignité unique dans le Christ. Tous les saints en témoignent de manière insigne. St Jean Baptiste aujourd'hui. Et chacun de nous, avec notre P. Denis en ce jour, nous pouvons demander cette grâce de mieux comprendre afin de mieux consentir à ce dynamisme vivifiant de l'humilité. (2015-08-29)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07, v 1-4 De l'humilité écrit le 25 août 2015
Verset(s) :

1. La divine Écriture, frères, nous proclame : « Quiconque s'élève sera humilié, et qui s'humilie sera élevé. »

2. En parlant ainsi, elle nous montre que toute élévation est une sorte d'orgueil.

3. Le prophète fait voir qu'il s'en garde, lorsqu'il dit : « Seigneur, mon cœur ne s'est pas élevé et mes yeux ne se sont pas levés. Je n'ai pas marché dans les grandeurs, ni dans des merveilles au-dessus de moi. »

4. Mais qu'arrivera-t-il, « si mes sentiments n'étaient pas humbles, si j'ai exalté mon âme ? Comme l'enfant sevré sur sa mère, ainsi tu traiteras mon âme. »

Commentaire :

Nous retrouvons ce grand chapitre de l'humilité qui, avec les chapitres sur l'obéissance et le silence, constitue l'un des piliers de notre quête monastique, à la suite du Christ obéissant, doux et humble de cœur. Ces chapitres veulent nous tenir éveillés dans notre désir de grandir dans une vraie connaissance du Christ. Cette connaissance ne se fera pas seulement par la recherche théologique et la prière, mais aussi par l'imitation de son chemin d'humanité, fait d'abaissement et de don de lui-même.

Le Christ est venu vers notre humanité. Il a pris notre terre, notre humus. Toute sa démarche est humilité. Jésus se lie tout entier à la condition humaine. Il ne triche pas en en supportant les modestes réalités dans le silence de Nazareth ... Lui peut dire en vérité, les paroles du psalmiste: « Seigneur, je n'ai pas le cœur fier, ni le regard ambitieux. Je ne poursuis ni grands desseins, ni merveilles qui me dépassent ». Oui, regardons-le dans sa vie cachée, mais aussi dans sa prédication publique, sous le faisceau de l'humilité. Il n'a pas d'autres ambitions que de servir le dessein de son Père et de venir à la rencontre des hommes, pour leur révéler le vrai visage de Dieu. Face à ce projet, l'incompréhension des disciples et plus encore celle des foules se fait peu à peu plus grande et déclarée. Comme si l'humilité foncière de Jésus ne faisait que mettre en lumière la propension de l'homme à s'élever, et à s'assurer par lui-même. Le « qui s'élève sera humilié et qui s'abaisse sera élevé» vient signer une nouvelle charte de vie, que Jésus lui-même ratifiera le premier par sa mort et sa résurrection. Jésus vient remettre les choses dans le bon sens. Là où notre humanité blessée par l'orgueil originel a tendance à s'élever, à se justifier et à se mettre en avant, Jésus fait advenir en son Corps qu'est l'Eglise un homme nouveau: celui qui accepte de s'abaisser et de se tenir à sa juste place de fils et de frère pour se recevoir tout entier du Père.

Tout ce chapitre sur l'humilité veut nous aider à entrer dans ce dynamisme profond de notre vie chrétienne et humaine. On lit dans un apophtegme: « Un frère demanda à un vieillard: Qu'est-ce que le progrès de l 'homme selon Dieu? » Le vieillard dit: « Le progrès de l'homme, c'est l 'humilité. Plus en effet l'homme s 'humilie, plus il progresse» (Coll.Syst. xv, 97) (2015-08-25)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 06, v 3-8 De la taciturnité écrit le 20 août 2015
Verset(s) :

3. Donc, même s'il s'agit de paroles bonnes, saintes et édifiantes, les disciples parfaits ne recevront que rarement la permission de parler, pour qu'ils gardent un silence plein de gravité,

4. car il est écrit : « En parlant beaucoup, tu n'éviteras pas le péché ;» ;;

5. et ailleurs : « Mort et vie sont au pouvoir de la langue. »

6. Car parler et enseigner convient au maître, se taire et écouter sied au disciple.

7. Aussi, lorsqu'on aura quelque chose à demander à un supérieur, on le demandera en toute humilité et respectueuse soumission.

8. Quant aux bouffonneries, ainsi qu'aux paroles oiseuses et portant à rire, nous les condamnons en tous lieux à la réclusion perpétuelle, et nous ne permettons pas au disciple d'ouvrir la bouche pour de tels propos.

Commentaire :

Hier je soulignais deux voies pour faire silence: celle de croire en la vertu du silence et celle de savoir retenir sa parole, dans le travail par exemple. Mais nous le savons, faire silence va bien plus loin. Abba Poemen disait: « Il y a un homme qui semble se taire, mais son cœur condamne les autres; un tel homme bavarde sans cesse. Mais il y en a un autre qui parle du matin au soir, et pourtant il garde le silence: c'est-à-dire qu'il ne dit rien sans utilité» (Poemen 27). Cet apophtegme ne fait que mettre en lumière ce que nous expérimentons tous un jour ou l'autre. Le bruit le plus redoutable est le brouhaha intérieur qui nous sérine et nous abreuve de pensées. Ce brouhaha nous occupe, nous fatigue souvent et nous trouble parfois. C'est le cinéma intérieur.. Dans quel film nous emmène-t-il ? Dans quelle discussion sans fin, sommes-nous entrainés ? On discute avec un frère dont on rumine un geste ou une parole qui nous a blessés ou simplement froissés notre susceptibilité? Ces pensées et paroles parasites peuvent venir occuper tout notre esprit et notre cœur à l'office, à l'oraison, dans la vie quotidienne ...

Comment sortir du filet de ces pensées redoutables et lancinantes? Comment couper le cinéma intérieur et entrer dans un silence plus réel? Abba Paphnuce nous donne une piste: « Alors que je marchais sur la route, il m'arriva de perdre mon chemin et de me trouver près d'un village. Et je vis quelques personnes qui tenaient de mauvaises conversations. Je me tins debout, priant pour mes péchés. Et voici un ange vint, tenant un glaive, qui me dit : 'Paphnuce, tous ceux qui jugent leurs frères périssent par cette épée; mais toi, parce que tu n'as pas jugé, mais que tu t'es humilié en face de Dieu, en disant que tu as péché, à cause de cela ton nom est inscrit dans le livre des vivants' ». Plutôt que de juger les autres, reconnaître ses propres péchés et faiblesses. Autrement dit: changer de film. Non plus regarder les autres pour les accabler, mais nous tenir devant Dieu, déposer devant Lui nos pauvretés, dans la conscience qui lui seul guérit et pardonne. La prière est un rempart sûr car elle nous décentre de nous-mêmes et de nos illusions intérieures. Elle permet d'être connu tel que nous sommes, dans la confiance d'être cherché, brebis perdue, par notre Père. (2015-08-20)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 06, v 1-2 De la taciturnité écrit le 19 août 2015
Verset(s) :

1. Faisons ce que dit le prophète : « J'ai dit : je surveillerai mes voies, afin de ne pas pécher par ma langue. J'ai placé une garde devant ma bouche. Je me suis tu et j'ai été humilié et j'ai gardé le silence sur les choses bonnes. »

2. En ce passage, le prophète montre que, si l'on doit parfois renoncer à des paroles bonnes à cause de la taciturnité, à bien plus forte raison l'on doit s'interdire les discours mauvais à cause du châtiment qui frappe le péché.

Commentaire :

Il est toujours délicat de parler du silence monastique ... Trop en dire le dénature, ne rien en dire nous fait l'oublier. Il est à la fois très simple et naturel, et à la fois précieux pour qui cherche Dieu. De même que dans une musique, les silences font partie à part entière de l'œuvre et lui sont nécessaires, de même dans la vie monastique, le silence contribue à notre respiration profonde en Dieu. Silence dans les espaces, silence à certains moments clefs de la journée, silence durant le travail. Les espaces et les temps nous enseignent à faire silence. Faire silence.« Faisons ce que dit le prophète », commence Benoit. Il y a quelque chose à faire. Qu'y a-t-il à faire? Pour nous moine, il y a peut-être avant tout un acte de foi à faire. Croire que le silence recherché en vérité est un lieu privilégié pour nous tenir en présence de . Dieu. Dieu ne cesse de nous parler, mais nous pouvons nous arranger pour être tellement occupé que nous n'avons plus la disponibilité intérieure pour l'écouter. Croire que le silence donne son fruit à celui qui sait le préserver. Croire que dans le silence la Parole entendue et la Parole donnée prendront tout leur relief et toute leur beauté.

Faire silence en «plaçant une garde devant sa bouche ». Choisir de ne pas parler pour laisser entre nous ce bel espace de respiration. Non par mutisme ou par peur. Pour Dieu, et pour nous. Cela vaut particulièrement dans le travail l'attire l'attention sur ce point. Aujourd'hui, on peut être tenté de penser qu'avec les contraintes techniques, le silence n'est plus possible pour nous durant le travail. Je crois que ce peut être une manière de fuir l'exigence. Ne pas laisser le travail être envahi par le bavardage, ou le brouhaha de toute sorte, c'est se donner la chance de vivre quelque chose de plus profond. Ne restons pas à la superficie de nous-mêmes. Nous pouvons recueillir plus profondément une paix et une unification de nos vies dans le travail même. Entraidons-nous à vivre cette autre manière d'être frère sans avoir besoin de parler, parce que nous sommes sous le regard de Dieu notre Père qui nous rassemble.

Pour faire ce silence-là, chacun est renvoyé à faire silence encore plus profondément. Je reviendrai sur ce point demain. (2015-08-19)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 05, v 14-19 De l'obéissance écrit le 18 août 2015
Verset(s) :

14. Mais cette obéissance elle-même ne sera agréable à Dieu et douce aux hommes, que si l'ordre est exécuté sans frayeur, sans lenteur, sans tiédeur ou murmure ni réponse négative,

15. car l'obéissance prêtée aux supérieurs, c'est à Dieu qu'elle s'adresse, puisqu'il a dit lui-même : « Qui vous écoute, m'écoute. »

16. Et les disciples doivent la prêter de bon gré, car « Dieu aime celui qui donne avec joie. »

17. En effet, si le disciple obéit contre son gré, et qu'il murmure non seulement oralement, mais même dans son cœur,

18. même s'il exécute l'ordre, ce ne sera pas pour autant agréé de Dieu, qui regarde son cœur murmurer.

19. Et pour une action de ce genre il n'obtient aucune faveur ; bien plus, il encourt la peine des murmurateurs, s'il ne se corrige en faisant satisfaction.

Commentaire :

Dans les lignes entendues ce matin, je suis frappé par la présence des mots : « agréable, agréé, bon gré, contre son gré». Cette association de mots de la même famille voulue ainsi par le traducteur Père Adalbert, exprime bien l'esprit d'obéissance que nous sommes tous invités à chercher. Obéir est une chose, obéir de bon gré, sans frayeur, ni lenteur, ni tiédeur ou murmure, en est une autre. Cette obéissance-ci fait appel à un vrai engagement du cœur. Parce que le cœur obéit de bon gré, en profondeur, cette obéissance est agréable à Dieu et aux hommes.

J'ai été voir dans le dictionnaire où s'enracinait le mot français « gré», duquel sont venus les mots « agréer, agréable, mais aussi maugréer (= ne pas être content, murmurer) ». Il vient de « gratus» : « chose agréable» qui est de la même famille que « gratia» : faveur, grâce. En français, on dira aussi « obéir de bonne grâce » ... L'obéissance est donc une affaire de grâce. Vendredi, je parlais de l'obéissance comme d'une danse. Y-a-t-il de la danse sans grâce? Ainsi l'obéissance nous fait entrer dans une relation gracieuse avec Dieu et entre nous. Cette obéissance voudrait nous entrainer loin d'une obéissance qui instaurerait un rapport de domination et de soumission. Je dis « voudrait », car c'est certainement le travail qui nous est demandé à chacun, que l'on soit tour à tour, en position d'autorité ou que l'on soit en position d'obéissance. Si celui qui demande quelque chose le vit comme une manière d'assurer un pouvoir et de montrer son importance, il est à côté. Jésus dans l'évangile met en garde ses disciples contre la tentation de faire sentir leur pouvoir, pour les inviter à servir. Si celui qui obéit le vit comme une soumission dans laquelle il garde son quant à soi, pour murmurer éventuellement, il n'est pas entré dans l'obéissance. Il reste à côté.

L'obéissance selon St Benoit est vraiment gracieuse dans tous les sens du terme: gracieuse car fruit de la grâce qui nous incline en profondeur à nous donner; gracieuse car don précieux et doux fait à Dieu et aux frères à qui on obéit. Si telle est l'obéissance, elle est toujours une grâce à demander, à chercher, à désirer. .. car elle ne nous est pas spontanée. Aussi plutôt que de craindre et de tendre le dos à d'éventuelles demandes, demandons cette grâce de nous ouvrir et de nous donner les uns aux autres par le bien de l'obéissance (le bonum de RB 71). Car l'obéissance nous fera entrer dans des relations de plus en plus gracieuses . (2015-08-18)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 05, v 10-13 De l'obéissance écrit le 14 août 2015
Verset(s) :

10. Ceux qui sont pressés du désir d'avancer vers la vie éternelle,

11. ceux-là adoptent la voie étroite, dont le Seigneur dit : « Étroite est la voie qui conduit à la vie » ;

12. ne vivant pas à leur guise et n'obéissant pas à leurs désirs ni à leurs plaisirs, mais marchant au jugement et au commandement d'autrui, demeurant dans les cœnobia, ils désirent avoir un abbé pour supérieur.

13. Ces hommes-là, certes, imitent la maxime du Seigneur, dans laquelle il dit : « Je ne suis pas venu faire ma volonté, mais celle de celui qui m'a envoyé. »

Commentaire :

« Ceux qui sont pressés du désir d'avancer vers la vie éternelle » ... St Benoit reste fidèle à son intuition de la vie monastique comme une course ... L'obéissance est un des moyens privilégiés de mener à bien la course, sans mollir. Quand l'obéissance est là, tout est fluide et pour soi et pour la communauté. Quand elle n'est pas là, tout est ralenti, voire compliqué. Une chose est la nécessaire concertation entre frères ou en communauté sur les orientations à prendre. C'est le temps de l'écoute mutuelle pour laisser se dégager une orientation à prendre. Nous vivons actuellement ce travail de maturation dans la réflexion avec Ezalen, ou simplement lors de nos chapitres conventuels. Mais autre chose sont les blocages, les attentes, ou les pertes de temps en discussion sans fin parce qu'un frère ne fait pas ce qui est prévu, parce qu'il se dérobe, parce qu'il n'entre pas dans la danse ... Madeleine Delbrêl aimait bien associer l'obéissance à la danse. Dans son beau texte, « le bal de l'obéissance », elle suggère que notre vie est une danse avec Dieu.« Si nous étions contents de vous, Seigneur, nous ne pourrions pas résister à ce besoin de danser qui déferle sur le monde, et nous arriverions à deviner quelle danse il vous plaît de nous faire danser en épousant les pas de votre Providence ». Deviner la volonté du Seigneur à travers les évènements de la Providence, les appels divers ... Elle poursuit : « Dans le bal joyeux de votre amour. Seigneur, venez nous inviter. Nous sommes prêts à vous danser cette course à faire, ces comptes, le dîner à préparer, cette veillée où l'on aura sommeil. Nous sommes prêts à vous danser la danse du travail, celle de la chaleur, plus

tard celle du froid

Seigneur, enseignez-nous la place que, dans ce roman éternel amorcé entre vous et nous, tient le bal singulier de notre obéissance. Révélez-nous le grand orchestre de vos desseins, où ce que vous permettez jette des notes étranges dans la sérénité de ce que vous voulez. Apprenez-nous à revêtir chaque jour notre condition humaine comme une robe de bal, qui nous fera aimer de vous tous ses détails comme d'indispensables bijoux ».

Danser notre vie, obéir comme on se laisse entrainer dans un pas de danse ... S'il en est ainsi notre obéissance va nous découvrir des saveurs insoupçonnées, et à certains jours quelque chose de l'éternité. (2015-08-14)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 05, v 1-9 De l'obéissance écrit le 06 août 2015
Verset(s) :

1. Le premier degré d'humilité est l'obéissance sans délai.

2. Elle convient à ceux qui estiment n'avoir rien de plus cher que le Christ.

3. À cause du service saint qu'ils ont voué, ou à cause de la crainte de la géhenne et de la gloire de la vie éternelle,

4. aussitôt qu'un supérieur leur commande quelque chose, comme si c'était commandé par Dieu, ils ne peuvent souffrir le moindre délai dans l'accomplissement.

5. C'est d'eux que le Seigneur a dit : « Dès que son oreille a entendu, il a obéi. »

6. Et il dit encore aux docteurs : « Qui vous écoute, m'écoute. »

7. Ces hommes-là, donc, abandonnant sur-le-champ leurs intérêts personnels et délaissant leur volonté propre,

8. les mains libres immédiatement et laissant inachevé ce qu'ils faisaient, avec une obéissance qui emboîte le pas, font suivre à leurs actes la voix de celui qui ordonne.

9. Et comme au même instant, l'ordre proféré par le maître et l'œuvre accomplie par le disciple, les deux choses se déroulent ensemble, à vive allure, avec la rapidité qu'inspire la crainte de Dieu.

Commentaire :

Obéir sans délai, sans faire trainer, sans faire sentir à l'autre qu'on existe. Obéir sans rechigner, sans susceptibilité ... Oui, cela demande une grande, une très grande humilité. Accepter d'être tout entier sous la parole d'un autre sans discuter, vient prendre à rebrousse- poil notre orgueil spontané. Comme on le verra, il ne s'agit pas d'une attitude de faiblesse qui masquerait un cœur qui récrimine. St Benoit semble pousser à l'extrême l'obéissance en insistant sur le « sans délai », ou sur « laisser tout, tout de suite ». Que veut-il dire? Souhaite- t-il que les moines soient comme des robots ou des êtres infantiles, immatures?

Son propos est sûrement davantage théologal que moral ou ascétique. Il suggère une attitude où l'on s'exerce à demeurer sous la parole du Christ, en se mettant sous la parole d'un autre. Le but est là : il s'agit d'obéir au Christ. L'extrême attention à vouloir obéir sans discuter ou pinailler, est le signe qu'on ne désire qu'obéir au Christ en toute occasion. Voilà la question qu'il nous laisse en filigrane: est-ce que je vis mon existence comme une écoute du Christ? Sommes-nous à l'affût de toutes les occasions pour y reconnaître une parole du Christ? Celui-ci nous parle à travers les Ecritures et la liturgie. Mais l'écouter aussi dans les appels et les demandes quotidiens nous entraine un peu plus loin à sa suite. Cette écoute veut unifier notre vie pour en faire vraiment une vie de disciple« à l'affût d'un mot, d'un ordre» pour reprendre les mots de l'hymne de la St Benoit.

Bien sûr, ce n'est pas facile à vivre. Et nous sommes toujours en deçà. C'est ce qui fait la différence entre l'obéissance militaire et l'obéissance religieuse. La première est automatique et immédiate sous peine d'exclusion de l'armée; la seconde est appelée à devenir toujours rapide et souple dans le désir de ne pas manquer une parole du Christ. S'il y a un travail intérieur à vivre, c'est bien celui-là: cultiver en nous le désir de ne pas manquer une parole que le Christ nous adresse. Si nous cultivons ce désir, si nous demandons la grâce d'y être plus entier, nous entrerons dans cette attitude d'obéissance, d'ouverture à tout ce qui vient, facile ou non. Nous découvrirons la manière avec laquelle le Seigneur nous conduit dans la vie. Nous entrerons plus profondément dans son projet sur nous et sur le monde; projet qui peut inclure des renoncements afin de nous conduire plus loin vers la liberté et le don de nous-mêmes. Demandons la grâce d'avoir un désir plus grand de ne pas manquer une parole que le Christ nous adresse au long de nos journées. (2015-08-06)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 55-58 Quels sont les instruments des bonnes oeuvres écrit le 05 août 2015
Verset(s) :

55. Écouter volontiers les saintes lectures,

56. se prosterner fréquemment pour prier,

57. confesser chaque jour à Dieu dans la prière, avec larmes et gémissements, ses fautes passées,

58. se corriger de ces fautes à l'avenir.

Commentaire :

Des instruments que nous venons d'entendre, je retiens les mots « volontiers », «fréquemment », « chaque jour ». Ces mots nous disent la manière avec laquelle nous sommes invités à vivre le combat de la prière et de la présence à Dieu. Notre vie monastique nous conduit à soigner cette manière. On peut venir à l'office comme un fonctionnaire, faire sa lectio comme une obligation, ou pire comme un fardeau. Qu'il y ait des périodes difficiles où les choses sont pesantes et où le goût manque, c'est normal dans une vie humaine qui est toujours en recherche de sa paix profonde. Mais si ce sentiment de poids ou de sécheresse s'installe, avant de parler trop vite d'épreuve mystique, il faut bien vérifier si l'on prend réellement les moyens mis à notre disposition. Avant de chercher pourquoi une voiture ne démarre pas, on vérifie d'abord si la batterie est chargée.

St Benoit nous donne des repères avec ces mots « volontiers, fréquemment, chaque jour». Notre écoute de la Parole dans la liturgie et dans la lectio requiert notre assentiment, notre désir d'être enseigné par notre Dieu ... Ecouter volontiers, c'est venir ouvert, tout ouïe, dans l'espérance d'être rejoint par un mot, dans le désir qu'une part de nous-mêmes va s'éveiller à l'amour de Dieu ou que notre situation présente va être éclairée. Le Seigneur prend soin de nous en nous adressant sa Parole. Si nous l'écoutons volontiers, à cœur ouvert, quelque chose va se passer ...

« Fréquemment» prier... Nous pouvons entendre ici l'invitation à demeurer en présence de Dieu dans tout ce que nous faisons. Nous tourner vers Lui au début ou en fin d'une activité, lui remettre dans une courte invocation notre travail, une rencontre. Ces petits mouvements intérieurs peuvent devenir l'expression de notre désir d'être plus uni à Dieu afin de faire sa volonté. Les pères du désert ruminaient une parole ou une prière du psaume. Certains laissent la prière du chapelet habiter leurs déplacements ou les gestes répétitifs d'un travail. D'autres chantonnent des antiennes ou des hymnes. Les moyens ne manquent pas de tenir notre cœur tourné « fréquemment» vers Celui qui nous cherche et que nous cherchons ...

« Chaque jour », confesser à Dieu ses fautes ... Sans tomber dans une culpabilité mortifère, nous pouvons entendre ici, le bienfait d'un petit exercice spirituel: l'examen de conscience de chaque soir. Relire devant Dieu sa journée, pour rendre grâce de tout ce qui a été vécu, ainsi que pour demander pardon de ce qui a été péché, résistance à l'Esprit, omission, lâcheté ... Ainsi quotidiennement, soyons heureux de nous exercer dans la prière (2015-08-05)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 44-47 Quels sont les instruments des bonnes oeuvres écrit le 04 août 2015
Verset(s) :

44. Craindre le jour du jugement,

45. redouter la géhenne,

46. désirer la vie éternelle de toute sa convoitise spirituelle,

47. avoir chaque jour la mort présente devant ses yeux.

Commentaire :

Parmi les instruments de l'art spirituel, voici un petit ensemble « eschatologique». Dans notre boite à outils, ils nous rappellent cette dimension ultime de notre vie humaine tendue vers l'éternité en Dieu. C'est une chance de pouvoir regarder en face la réalité de notre mort et de la mettre en perspective avec une vie pour toujours avec Dieu. Beaucoup de nos contemporains ne peuvent faire cela. Ils rejettent la mort loin de leurs yeux et de leurs pensées, ne sachant comment la considérer.

Pour affronter la mort, St Benoit propose une double attitude à ses moines: celle d'un fort réalisme et celle d'un grand désir. Fort réalisme pour regarder en face la mort, et ne pas faire comme si elle n'était pas là. Fort réalisme encore en n'oubliant pas la réalité du jugement et de l'enfer, ce qui équivaut à ne pas oublier la profondeur de notre propre liberté. Mais aussi grand désir de la vie éternelle en toute convoitise spirituelle ... Réalisme lucide et désir ardent. Ces deux attitudes forgeront en nous le chrétien. Face aux peurs, aux fermetures, aux fausses images de Dieu, comment progresser dans le désir de la Vie éternelle?

Je relève deux points. Dans la liturgie, nous pouvons accueillir et laisser résonner le désir de Dieu de nous voir partager sa vie en plénitude. Cette promesse de vie est annoncée à la messe, quand nous célébrons la mort et la résurrection du Christ en attendant qu'il vienne. Beaucoup d'oraisons nous orientent vers la vie éternelle. Par ex, l'oraison de post communion de la St Jean Marie Vianney: «Puissions-nous comme lui, progresser de jour en jour et parvenir enfin jusqu'à toi ». Souvent dans nos hymnes de l'office, au moins une strophe, ouvre sur la venue du Christ et notre avenir en Lui. Je cite celle que nous chantions ce matin: « Et vois parmi les saints, la foule des pécheurs dont la joie monte vers l'amour et s'émerveille: '0 pardon qui délivre, 0 bonheur sans déclin, n'être plus lumière dans le sang rédempteur'» ... Laissons la liturgie élargir notre désir de la vie éternelle avec le Seigneur.

Je relève un second point lié à la lectio, à partir de cette phrase de St Jean: « La vie éternelle, c'est de te connaître toi, le seul Dieu, et de connaître celui que tu as envoyé, Jésus- Christ» (Jn 17,3). Connaître notre Dieu, grandir dans la connaissance de son amour et de son mystère, nous ouvre dès maintenant la vie éternelle. Notre lectio, nos lectures, notre prière veulent nous introduire dès aujourd'hui dans une familiarité toujours plus profonde avec notre Dieu ... Laissons entrainer et former par l'Esprit Saint déjà à cette connaissance qui est vie éternelle. « Seigneur, envoie-moi le Saint Esprit qui me fasse connaître ce que je suis t ce que vous êtes » Saint Jean Marie Vianney - (2015-08-04)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 48-54 Quels sont les instruments des bonnes oeuvres écrit le 04 août 2015
Verset(s) :

48. Surveiller à toute heure les actions de sa vie,

49. en tout lieu tenir pour certain que Dieu nous regarde.

50. Quand des pensées mauvaises se présentent au cœur, les briser aussitôt contre le Christ et les découvrir à l'ancien spirituel.

51. Garder sa bouche des paroles mauvaises et déshonnêtes,

52. ne pas aimer à beaucoup parler ;

53. ne pas dire des paroles vaines ou qui portent à rire,

54. ne pas aimer le rire prolongé ou aux éclats.

Commentaire :

« Briser les pensées mauvaises contre le Christ et les découvrir à l'ancien spirituel ». A la lecture de cet instrument, je voudrais en profiter pour poser la question: comment chacun vit il la relation d'ouverture du cœur avec le frère qui l'accompagne ou avec le père abbé? Quelle place donne-t-on à cet espace de parole dans sa vie de moine? Qu'est-ce qu'il s'y passe? Est-ce un outil dans notre recherche spirituelle?

St Benoit envisage l'ouverture du cœur avant tout comme un lieu de délivrance: délivrance du poids obsédant de certaines pensées, afin de réduire ou d'anéantir leur pouvoir séducteur ou affligeant. Parler de soi en vérité demande du courage, mais quelle libération! Pouvoir être tel que nous sommes sans s'épuiser à se cacher ou user de subterfuges pour se dissimuler, quelle joie profonde! La vérité nous rend libre, voilà le premier fruit de l'ouverture du cœur.

Mais le profit qu'on peut retirer de cet exercice est bien plus large. Il peut permettre de parler de ses difficultés dans le but de chercher à mieux se connaître. Parler de ce que l'on vit, poser ses questions afin de ne pas être dupe de soi-même. Parler de notre relation avec les autres est aussi un lieu important de l'ouverture du cœur. Mais comment en parle-t-on? Seulement pour souligner ce qui ne va pas chez l'autre? Ou bien est-ce l'occasion de chercher à comprendre ce qui en moi peut-être obstacle ou ombre dans cette relation? Vivre en relation avec les autres me révèle mon propre visage. Ainsi vécue dans la foi, l'ouverture du cœur nous place toujours sous le regard bienveillant du Christ. Sous ce regard et sous cette lumière, il devient possible de s'aimer soi-même, de grandir dans une plus grande confiance en soi. C'est le second fruit de l'ouverture du cœur.

Mais l'ouverture du cœur peut permettre d'aller encore plus profond. Parler notre vie, c'est aussi apprendre à discerner peu à peu avec plus de finesse, qui est Dieu notre Père, qui est le Seigneur Jésus, quelle est notre docilité à l'Esprit. Il ne s'agit pas de faire de grands discours théologiques, mais de se mettre davantage à l'écoute de la Parole et des évènements pour entrer dans une connaissance plus intime du Seigneur de nos vies. Comment celui-ci me conduit-il? Quel visage me révèle-t-il de Lui-même? Sans les deux fruits précédents, celui d'une parole en vérité et celui d'une meilleure connaissance aimante de soi, cette connaissance plus intime de Dieu ne peut porter tout son fruit. Quel que soit notre âge, ne cessons pas de creuser cette recherche du visage de Dieu, dans le désir de lui être plus docile. (2015-08-04)