vendredi 3 octobre 2025 : journée de solitude pour la communauté, messe vers 6h45 après Laudes.

Commentaires sur la Règle



Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07, v 44-48 De l'humilité écrit le 16 septembre 2015
Verset(s) :

44. Le cinquième degré d'humilité est que, par une humble confession, on ne cache à son abbé aucune des pensées mauvaises qui se présentent à son cœur, ni des mauvaises actions qu’on a commises en secret.

45. L'Écriture nous y exhorte en disant : « Révèle ta voie au Seigneur et espère en lui. »

46. Et elle dit aussi : « Confessez-vous au Seigneur, parce qu'il est bon, parce que sa miséricorde est à jamais. »

47. Et à son tour le prophète : « Je t'ai fait connaître mon délit et je n'ai pas dissimulé mes injustices.

48. J'ai dit : je m'accuserai de mes injustices devant le Seigneur, et tu as pardonné l'impiété de mon cœur. »

Commentaire :

Est-ce qu'on pourrait résumer ce degré ainsi: pas d'humilité sans liberté, pas de liberté sans ouverture du cœur. Cette formule un peu carrée résume un aspect majeur de la tradition monastique. Les pères ont fait rapidement l'expérience du bienfait de l'ouverture du cœur pour avancer avec liberté, joie et paix sur le chemin de la vie spirituelle. Si à leur époque, elle se confondait avec la confession des péchés, peu à peu avec le temps, elle s'en est distinguée pour devenir davantage de ce qu'elle est aujourd'hui: un exercice de liberté, en vue de devenir plus libre. La différence avec la confession des péchés mérite cependant d'être explicitée. La confession ou le sacrement de réconciliation veut d'abord célébrer la miséricorde offerte par notre Dieu, aux pécheurs que nous sommes. Dans l'assurance de son pardon, transmis par l'Eglise, nous déposons devant Dieu nos péchés, nos manquements et nos errances. Ce rite très simple nous relève dans la force du pardon de Dieu qui nous remet debout. L'ouverture du cœur est plus large. Elle est cette capacité à parler de soi pour mieux se connaître, mais aussi pour apprendre à mieux discerner les appels de l'Esprit Saint. On parlera de ses péchés peut-être, mais aussi de qui habite notre cœur, ce qui l'encombre comme ce qui le dilate, ce qui fait question comme ce qui réjouit. S'ouvrir à l'abbé ou à l'ancien spirituel est une manière de se tenir devant Dieu, en vérité, dans le désir d'être plus libre pour son service. Tant de pensées, tant d'illusions ou de fausses représentations de soi peuvent entraver le chemin. L'ouverture du cœur sera d'autant plus féconde qu'elle sera régulière et préparée. Car chemin faisant, non seulement nous disons ce qui nous habite, mais nous repérons mieux nos forces et nos points faibles, nous devenons plus attentifs à la Parole que le Seigneur ne cesse de semer dans notre quotidien. Comme la confession, mais peut-être davantage, l'ouverture du cœur est un exercice d'humilité et de confiance. En effet, rien n'oblige à s'ouvrir, si ce n'est le désir de vivre toujours plus dans la lumière, et le désir d'être plus libre. Chacun s'ouvre à un frère en croyant que son écoute, peut-être sa parole, sera un appui et un rempart pour sa vie. Même si ce frère a aussi ses pauvretés et ses défauts. Le Seigneur désire faire son œuvre de salut avec nos pauvres moyens humains. Le croire toujours et encore est notre force. (2015-09-16)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07, v 35-43 De l'humilité écrit le 15 septembre 2015
Verset(s) :

35. Le quatrième degré d'humilité est que, dans l'exercice même de l'obéissance, quand on se voit imposer des choses dures et contrariantes, voire des injustices de toute sorte, on embrasse la patience silencieusement dans la conscience,

36. et que, tenant bon, on ne se décourage ni ne recule, selon le mot de l'Écriture : « Celui qui persévérera jusqu'à la fin, celui-là sera sauvé. ;»

37. Et aussi : « Que ton cœur soit ferme ! Supporte le Seigneur. »

38. Et voulant montrer que le fidèle doit même supporter pour le Seigneur toutes les contrariétés, elle place ces paroles dans la bouche de ceux qui souffrent : « A cause de toi, nous sommes mis à mort chaque jour. On nous regarde comme des brebis de boucherie. »

39. Et sûrs de la récompense divine qu'ils espèrent, ils poursuivent en disant joyeusement : « Mais en tout cela, nous triomphons, à cause de celui qui nous a aimés. »

40. Et ailleurs, l'Écriture dit aussi : « Tu nous as éprouvés, ô Dieu, tu nous as fait passer par le feu, comme on fait passer au feu l'argent. Tu nous as fait tomber dans le filet. Tu nous as mis sur le dos des tribulations. »

41. Et pour montrer que nous devons être sous un supérieur, elle poursuit en ces termes : « Tu as fait chevaucher des hommes sur nos têtes. »

42. En outre, ils accomplissent le précepte du Seigneur par la patience dans les adversités et les injustices : frappés sur une joue, ils présentent aussi l'autre ; à qui ôte leur tunique, ils abandonnent aussi le manteau ; requis pour un mille, ils en font deux ;

43. avec l'Apôtre Paul, ils supportent les faux frères, et ils supportent la persécution et quand on les maudit, ils bénissent.

Commentaire :

En ce jour de Notre Dame des Douleurs, ce 4° degré prend un relief tout particulier. Toutes les références bibliques, à la forte résonnance pascale, conduisent à associer étroitement l'obéissance difficile du moine à la passion de Jésus. Ici la figure de Marie est éclairante. En effet plus qu'avec Jésus qui souffre physiquement en sa chair, c'est avec Marie, au pied de la croix, que le moine éprouvé peut s'identifier. Marie a enduré dans son cœur, ce que Jésus souffrait en son corps. Les insultes, les coups, le mépris et la mort affreuse de l'enfant de ses entrailles, elle les a reçus en plein cœur. Avec Jésus, elle a été humiliée dans son honneur et dans sa dignité de mère. Avec Jésus, elle a embrassé la patience. Elle est restée debout, supportant sans rien dire. En aimant? En priant? On peut le supposer. Cette présence de Marie au pied de la croix est une lumière sur le chemin de l'humilité que le moine est invité à parcourir. Au cœur des contrariétés qui ont atteint la limite du supportable, elle est demeurée là, fidèle et totalement présente. Entre Jésus, humble, aimant, et nous qui supportons difficilement toute contrariété et tout déshonneur, Marie est un pédagogue. Sans un mot, par sa seule attitude, elle nous enseigne. Dans l'adversité, elle met en lumière combien l'acceptation de l'injustice dans le silence et la patience, en communion avec l'obéissance du Christ, est une belle et noble manière de se tenir debout. Là debout, elle ne fait qu'un avec son fils, sans donner aucunement prise au mal.

Regardons Marie en ce jour, et apprenons d'elle à affronter avec force et humilité, les contrariétés, les épines de discordes, voire les injustices et le combat intérieur qui en découle. Il ne dépend pas de nous que la tempête se lève dans notre cœur quand nous sommes piqués ou bousculés. Mais il nous revient de ne pas déployer la voile de nos rancunes et de nos ressentiments qui donneront prise au vent. Demandons par l'intercession de Marie, la grâce de savoir faire silence, mais aussi la grâce de savoir parler à la bonne personne qui nous donnera une parole de paix. A notre manière, nous prenons part ainsi au mystère de la croix ... (2015-09-15)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07, v 31-34 De l'humilité écrit le 10 septembre 2015
Verset(s) :

31. Le second degré d'humilité est que, n'aimant pas sa volonté propre, on ne se complaise pas dans l'accomplissement de ses désirs,

32. mais qu'on imite dans sa conduite cette parole du Seigneur disant ;: « Je ne suis pas venu faire ma volonté, mais celle de celui qui m'a envoyé. ;»

33. L'Écriture dit aussi : « La volonté subit un châtiment et la contrainte engendre une couronne. »

34. Le troisième degré d'humilité est que, pour l'amour de Dieu, on se soumette au supérieur en toute obéissance, imitant le Seigneur, dont l'Apôtre dit : « S'étant fait obéissant jusqu'à la mort. »

Commentaire :

Qui d'entre nous désirerait s'engager sur le chemin de l'humilité s'il ne s'agissait de suivre le Christ? Parler de l'humilité n'a de sens qu'au regard de celle du Christ. L'humilité est désirable, parce que Lui-même l'a vécue et en la vivant nous a offert la vraie Vie. L'humilité, inséparable de l'amour et du don total, devient source de vie pour qui s'y engage. Source de liberté et de vérité. Nous le mesurons dans toutes les fibres de notre être: chercher l'humilité nous donne d'avancer sur un difficile chemin de crête entre deux précipices: d'un côté, celui du découragement qui nous fait renoncer à l'effort, et de l'autre celui de l'entêtement volontariste qui nous laisse croire en nos seules forces. Comme nous y invite St Benoit, le Christ est le seul maitre en la matière. Puisqu'il s'agit de l'imiter et en l'imitant de lui ressembler toujours davantage, il nous faut tourner nos regards vers Lui.

Je voudrais le faire en m'appuyant sur un sermon d'Isaac de Ninive (l'actuelle ville de Mossoul, dont les chrétiens ont été expulsés) : «Je vais ouvrir la bouche, frères, et vous parler du très haut sujet de l 'humilité. Je suis rempli de crainte, comme quelqu'un qui comprend qu'il va devoir parler de Dieu dans la langue des hommes. Car l 'humilité est le vêtement de la Divinité. En effet en s'incarnant, le Verbe l'a revêtue, et par elle, il a vécu avec nous dans notre corps. Et quiconque s'en est revêtu s'est rendu semblable en vérité à celui qui est descendu de sa hauteur et a dissimulé la grandeur de sa magnificence ... En effet, comme un écrin précieux, il a caché sa magnificence sous le voile de sa chair, ... afin que, le voyant de notre race et vivant parmi nous, nous ne soyons pas terrifiés à son aspect» (Discours 20, 1,2) L'humilité est le vêtement de la Divinité ... Le Verbe revêtu d'humilité nous ouvre une fenêtre sur le mystère de notre Dieu qui ne craint pas de s'abaisser et de se faire tout proche de nous. Contempler Jésus humble, obéissant jusqu'à la mort, nous révèle le visage de notre Dieu humble quand il désire venir à notre rencontre. Le Dieu Amour peut-il être autre chose qu'humble quand Il nous aime et nous donne sa vie. On balbutie en disant cela. Amour et Humilité: en regardant Jésus, et en obéissant comme lui, c'est cette lumière que nous désirons mieux connaître ...(2015-09-10)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 04, v 3-9 Quels sont les instruments des bonnes oeuvres écrit le 09 septembre 2015
Verset(s) :

3. Ensuite « ne pas tuer,

4. ne pas commettre d'adultère,

5. ne pas voler,

6. ne pas convoiter,

7. ne pas porter faux témoignage. »

8. Honorer tous les hommes,

9. et « ne pas faire à autrui ce qu'on ne veut pas qu'on nous fasse ;».

Commentaire :

Comment entendre aujourd'hui ces instruments tirés du décalogue ? En écho à l'encyclique du pape François, je voudrais qu'on les entende comme un appel à entrer dans le nouveau style de vie qu'il nous propose. Ne plus les entendre seulement personnellement, mais collectivement unis à tous nos contemporains, habitant « la même maison commune». Le pape François nous sensibilise au fait que désormais, nous ne pouvons faire abstraction de notre implication dans de nombreux problèmes de la planète, par le seul fait que nous avons un compte dans telle banque, parce que nous mangeons des fruits provenant de tel pays, que nous achetons des produits fabriqués en Chine ou au Bangladesh dans des conditions, pas forcément très humaines etc ... Le « ne pas tuer, ne pas voler, ne pas convoiter, honorer tous les hommes, ne pas faire à autrui ce qu'on ne veut pas qu'on nous fasse» prend un autre relief très concret à l'heure de la mondialisation. Il nous faut entrer dans cette nouvelle conscience de notre appartenance à un monde où tout est relié et connecté entre les pays, les économies et les cultures. Il ne s'agit pas de se culpabiliser, mais d'entrer dans une nouvelle manière d'être, de faire des choix, qui intègre cette réalité de notre interdépendance de plus en plus étroite. Ce n'est pas facile à concevoir, mais le pape François nous laisse quelques portes d'entrée très simples qui sont autant de manière de changer notre regard et notre facon de vivre.

«J'ose proposer de nouveau ce beau défi: "Comme jamais auparavant dans l'histoire, notre destin commun nous invite à chercher un nouveau commencement [ . .] Faisons en sorte que notre époque soit reconnue dans l 'histoire comme celle de l'éveil d'une nouvelle forme d'hommage à la vie, d'une ferme résolution d'atteindre la durabilité, de l'accélération de la lutte pour la justice et la paix et de l 'heureuse célébration de la vie".[148]

Et le pape ajoute (211) ... Accomplir le devoir de sauvegarder la création par de petites actions quotidiennes est très noble, et il est merveilleux que l'éducation soit capable de les susciter jusqu'à en faire un style de vie. L'éducation à la responsabilité environnementale peut encourager divers comportements qui ont une incidence directe et importante sur la préservation de l'environnement tels que: éviter l'usage de matière plastique et de papier, réduire la consommation d'eau, trier les déchets, cuisiner seulement ce que l'on pourra raisonnablement manger, traiter avec attention les autres êtres vivants, utiliser les transports publics ou partager le même véhicule entre plusieurs personnes, planter des arbres, éteindre les lumières inutiles. Tout cela fait partie d'une créativité généreuse et digne,qui révèle le meilleur de l'être humain. Le fait de réutiliser quelque chose au lieu de le jeter rapidement, parce qu'on est animé par de profondes motivations, peut être un acte d'amour exprimant notre dignité. Style de vie nouveau, créativité généreuse, acte d'amour: « Le développement de ces comportements nous redonne le sentiment de notre propre dignité, il nous porte à une plus grande profondeur de vie» (212).

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07, v 26-30 De l'humilité écrit le 09 septembre 2015
Verset(s) :

26. Si donc « les yeux du Seigneur observent bons et méchants »,

27. si « le Seigneur, du haut du ciel, regarde sans cesse les enfants des hommes, pour voir s'il en est un qui soit intelligent et qui cherche Dieu »,

28. et si les anges commis à nous garder rapportent au Seigneur quotidiennement, jour et nuit, les actes que nous accomplissons,

29. il nous faut donc prendre garde à tout instant, frères, de peur que, comme dit le prophète dans un psaume, Dieu ne nous voie à un moment « dévier » vers le mal « et devenir mauvais »,

30. et qu'après nous avoir épargnés dans le temps présent, parce qu'il est bon et qu'il attend que nous nous convertissions à une vie meilleure, il ne nous dise dans le futur : « Tu as fait cela, et je me suis tu. »

Commentaire :

En conclusion de ce long 1er degré de l'humilité, on pourrait se poser la question: comment entendre l'invitation à vivre sous le regard du Seigneur, en pleine vérité et en pleine lumière sans être timoré ou angoissé? En effet, la façon de Benoit de dire que le Seigneur nous voit et nous connaît en toutes les fibres de notre être peut susciter une mauvaise crainte. Ou encore dans notre contexte moderne, cette manière peut susciter un oubli indifférent qui refoule toutes les questions importantes. Comment recevoir comme une chance le fait d'être invité à une lucidité toujours plus grande dans ce que nous pensons et faisons? Je crois qu'il y a une réelle chance offerte en ce premier degré, d'apprendre à ne pas être de dupe de nous- mêmes. Le Seigneur, qui nous connaît en tout ce que nous vivons, désire que nous nous connaissions toujours mieux nous-mêmes. Comme je le disais, nous ne serons jamais transparents à nous-mêmes dans nos désirs, nos pensées et nos volontés. Mais allons-nous pour autant vivre en nous bouchant les yeux pour ne pas regarder nos difficultés en face? « Il nous faut prendre garde à tout instant» nous rappelle Benoit. Se tenir sur ses gardes, non vis- à-vis des autres, mais vis-à-vis des parts sombres que nous portons ... Ici, nous pouvons mettre à profit les petits incidents de la vie quotidienne. Quand un frère me dit quelque chose et que je réagis mal: il faut toujours se demander pourquoi je réagis mal? Parce que le frère a été vraiment méchant ou seulement maladroit? Ou bien parce que ma susceptibilité est blessée, ou encore parce que je ne veux pas me bouger? Quand un service m'est demandé, pourquoi je fais parfois la sourde oreille ou pourquoi je me défile? Y -a-t-il en moi un orgueil qui n'accepte pas d'obéir, ou bien des peurs de ne pas être à la hauteur qui me font perdre mes moyens? Se tenir sur ses gardes, c'est conserver cette lucidité sur soi pour accepter de regarder en face ce qui se passe. Désirer voir clair en soi, sans excessive dureté, ni complaisance molle, c'est nous mettre en route sur le chemin de l'humilité. Cette attention à notre propre manière de vivre, nous la vivons toujours sous le regard de notre Père qui est miséricordieux. Un regard dans lequel « amour et vérité se rencontrent ». (2015-09-09)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07, v 23-25 De l'humilité écrit le 05 septembre 2015
Verset(s) :

23. Dans les désirs de la chair, croyons que Dieu nous est toujours présent, puisque le prophète dit au Seigneur : « Devant toi sont tous mes désirs. »

24. Il faut donc se garder du désir mauvais, puisque « la mort est placée sur le seuil du plaisir. »

25. Aussi l'Écriture a-t-elle donné ce précepte : « Ne suis pas tes convoitises. »

Commentaire :

Benoit poursuit la revue des parts de nous-mêmes sur lesquelles il nous faut veiller, afin de demeurer effectivement dans la crainte de Dieu. Après les pensées, la volonté, maintenant les désirs. Comme pour les pensées et la volonté, nos désirs peuvent être partagés, ou encore ambivalents. Le désir est un mot important et une notion fondamentale de l'anthropologie moderne. Penser l'homme comme un être de désir nous emmène plus loin et plus profond que la seule considération de nos désirs concrets. Ceux-ci sont l'expression plus ou moins fidèle de notre désir profond. Paradoxalement, s'ils disent quelque chose de notre désir qui cherche, ils ne le manifestent pas toujours en vérité. Nous avons tous fait l'expérience d'éprouver le désir de posséder quelque chose, de faire quelque chose, ou de devenir quelqu'un, et de mesurer peu après qu'en fait ce n'est pas là qu'est notre désir profond. Nos désirs spontanés ne sont pas toujours d'emblée accordés à notre désir profond. Si nos désirs sont une réponse à quelque chose d'attirant ou de séduisant, notre désir profond ne se satisfait pas de choses superficielles. Il est en quête de paix et de plénitude, pas de sucreries ou de plaisirs faciles QU illusoires. Il ne craint pas la rugosité voire l'adversité lorsqu'il a découvert un chemin de vie véritable. Pour nous moines, notre désir profond nous a été révélé un jour lorsque le Christ nous a fait signe pour le suivre. Cet appel a éveillé un grand désir que nous n'avons pas fini de connaitre, tant l'appel de Jésus veut déployer en nous des énergies toujours nouvelles de dons et de sacrifices à sa suite. Il nous entraine ni plus ni moins à l'imiter jusque dans le don total de nous-mêmes. Si aujourd'hui nous ne savons pas nécessairement la forme que prendra le don de demain, notre désir a été éveillé de telle façon que nous savons qu'il ne peut se contenter de demi-mesures. Notre désir éveillé par la Parole et nourri par l'Esprit Saint nous entraine sur un chemin de liberté. Certes ce chemin n'est pas toujours rectiligne ni exempt d'embuches. Nous sommes toujours sujets aux mirages et aux illusions car nous sommes encore en recherche d'être vraiment accordé à notre désir profond. Mais la lumière de la foi et la force de notre engagement sont de solides repères pour nourrir et faire grandir ce désir éveillé un jour de servir le Christ. Dans ce désir-là, peu à peu s'accorderont tous nos désirs. (2015-09-05)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07, v 19-22 De l'humilité écrit le 03 septembre 2015
Verset(s) :

19. Quant à notre volonté propre, on nous interdit de la faire, quand l'Écriture nous dit : « Et détourne-toi de tes volontés. »

20. Et nous demandons aussi à Dieu, dans l'oraison, que sa volonté soit faite en nous.

21. Avec raison on nous enseigne donc de ne pas faire notre volonté, quand nous prenons garde à ce que dit l'Écriture : « Il est des voies qui paraissent droites aux hommes, et dont l'extrémité plonge au fond de l'enfer »,

22. et aussi quand nous redoutons ce qui est dit des négligents : « Ils se sont corrompus et rendus abominables dans leurs volontés. »

Commentaire :

Comment accorder notre volonté à la volonté de Dieu? Comment entrer avec toute notre liberté dans le projet de Dieu sur le monde? Ces lignes de St Benoit à propos du premier degré d'humilité, peuvent nous aider à prendre de la hauteur. En effet, parler de la volonté de Dieu nous entraine à considérer son dessein de salut sur le monde. Dieu notre Père n'a qu'un projet pour le monde et pour chacun de nous: dans notre humanité, nous faire partager sa vie et sa joie divine. Il n'a qu'un désir: nous donner d'être uni à lui, en son mystère trinitaire, dans l'amour. C'est là notre foi et notre espérance. Quand il nous appelle, c'est pour nous entrainer dans ce projet pour nous-même et pour le monde. Chaque chrétien est ainsi convié à mobiliser toutes ses énergies et toute sa volonté pour le Royaume. Notre vocation monastique ne fait pas exception: elle veut nous faire entrer dans cette synergie divine où tout ce que nous faisons devient œuvre pour le Royaume.

Mais c'est un premier pas dans l'humilité de mesurer que nous résistons à entrer dans cette synergie divine. Notre volonté est fragile. Elle peine à faire sien le dessein d'un autre. Vouloir accomplir nos désirs et réaliser nos projets: pas de problème. Vouloir vraiment ce que Dieu veut, cela devient plus difficile. Et la difficulté augmente lorsque ce vouloir divin s'exprime à travers d'autres vouloirs humains que le mien. Les lignes entendues de St Benoit ce matin, nous conduisent à être lucide sur notre volonté souvent partagée. La part que nous nous réservons est appelée « volonté propre ». C'est la part de notre volonté qui se considère comme « seul maitre à bord». Elle ne veut rien entendre de Dieu ni des autres. Chacun de nous peut se demander: où se cache ma volonté propre? A quelle occasion dans ma vie se manifeste cette part qui en moi ne veut rien entendre? Quand est-ce que je ne veux pas dialoguer, ni me laisser questionner ou remettre en cause? Mieux connaitre cette part et apprendre à la mettre sous la lumière de Dieu, c'est entrer dans l'humilité. Nous pourrons alors demander à Dieu plus en vérité que sa « Volonté soit faite sur la terre comme au ciel ». Une plus grande lucidité sur nous-même, se confiant à la grâce de Dieu, nous fera entrer davantage dans cette synergie divine à laquelle notre Père des Cieux nous convie. C'est la danse dont parlait M. Delbrêl. (2015-09-03)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07, v 14-18 De l'humilité écrit le 02 septembre 2015
Verset(s) :

14. C'est ce que le prophète nous fait voir, quand il montre Dieu toujours présent à nos pensées, en disant : « Dieu scrute les cœurs et les reins. »

15. Et encore : « Le Seigneur connaît les pensées des hommes. »

16. Et il dit encore : « Tu as compris mes pensées de loin. »

17. Et : « Car la pensée de l'homme s'ouvrira à toi. »

18. D'autre part, pour être attentif à veiller sur ses pensées perverses, le frère vertueux dira toujours dans son cœur : « Je ne serai sans tache devant lui que si je me tiens en garde contre mon iniquité. »

Commentaire :

Les versets entendus ce matin nous laissent en filigrane cette question: Dieu est présent à notre vie, et nous sommes-nous présents à nous-mêmes? En effet, l'insistance porte sur le fait que, de même que Dieu est présent à nos pensées, « le frère vertueux» doit « être attentif à veiller sur ses pensées perverses ». En quelques mots est esquissé ce qui sera un des grands enjeux de la vie spirituelle du moine: la garde et le discernement des pensées.

Discerner les pensées. Notre esprit est une formidable machine qui roule et qui roule sans cesse des pensées, des meilleures jusqu'au pire. Le silence qu'offre notre cadre monastique, devient alors comme une caisse de résonnance de ces pensées. Il aura tendance à les amplifier. Nous ne pouvons donc pas les laisser ainsi rouler en nous sans contrôle. C'est une part de notre travail monastique d'apprendre à gérer cet incessant travail des pensées. Comment? Nous pouvons tout à tour être le « gendarme », ou bien le « détective », ou bien « l'entraineur» de nos pensées. Nous pouvons être le gendarme qui fait la circulation, qui laisse passer certaines pensées et qui interdit le passage à d'autres. Me vient une pensée de jugement sur un frère, l'idée de lui dire une parole méchante: vais-je donner ou non un droit de passage à cette pensée? Le gendarme, en nous, opère un discernement à la lumière de l'Evangile, car toutes les pensées ne sont pas porteuses de vie. Nous pouvons être aussi le détective de nos pensées. Quand nous reviennent certaines pensées troubles, plus ou moins obsédantes, il peut être bon de se demander d'où elles viennent? Parfois cela peut être relativement simple: si je me suis attardé sur des images érotiques, il n'est pas surprenant que plus tard des pensées érotiques viennent activer mon imaginaire. Parfois trouver l'origine de telle pensée persistante sera plus difficile, voire impossible à trouver. Nous ne sommes pas transparents à nous-mêmes et il en est bien ainsi. Pouvoir parler avec l'ancien spirituel pourra aider à voir plus clair. Parfois le recours à un psychologue sera nécessaire. Le détective en nous restera modeste en acceptant de ne pas tout savoir, ni de tout comprendre. Mais il permettra de prendre distance par rapport à telle pensée prégnante, pesante ou troublante. Enfin, nous pouvons être l'entraineur, celui qui facilite en nous l'émergence des pensées bonnes et heureuses. Repérer et laisser vivre et grandir les pensées positives nous donnera de l'énergie, des ailes et des jambes ... La pensée de la présence du Seigneur à nos côtés et la pensée de la confiance qu'Il nous porte seront toujours de puissants leviers à cultiver. (2015-09-02)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07, v 14-18 De l'humilité écrit le 02 septembre 2015
Verset(s) :

14. C'est ce que le prophète nous fait voir, quand il montre Dieu toujours présent à nos pensées, en disant : « Dieu scrute les cœurs et les reins. »

15. Et encore : « Le Seigneur connaît les pensées des hommes. »

16. Et il dit encore : « Tu as compris mes pensées de loin. »

17. Et : « Car la pensée de l'homme s'ouvrira à toi. »

18. D'autre part, pour être attentif à veiller sur ses pensées perverses, le frère vertueux dira toujours dans son cœur : « Je ne serai sans tache devant lui que si je me tiens en garde contre mon iniquité. »

Commentaire :

Les versets entendus ce matin nous laissent en filigrane cette question: Dieu est présent à notre vie, et nous sommes-nous présents à nous-mêmes? En effet, l'insistance porte sur le fait que, de même que Dieu est présent à nos pensées, « le frère vertueux» doit « être attentif à veiller sur ses pensées perverses ». En quelques mots est esquissé ce qui sera un des grands enjeux de la vie spirituelle du moine: la garde et le discernement des pensées.

Discerner les pensées. Notre esprit est une formidable machine qui roule et qui roule sans cesse des pensées, des meilleures jusqu'au pire. Le silence qu'offre notre cadre monastique, devient alors comme une caisse de résonnance de ces pensées. Il aura tendance à les amplifier. Nous ne pouvons donc pas les laisser ainsi rouler en nous sans contrôle. C'est une part de notre travail monastique d'apprendre à gérer cet incessant travail des pensées. Comment? Nous pouvons tout à tour être le « gendarme », ou bien le « détective », ou bien « l'entraineur» de nos pensées. Nous pouvons être le gendarme qui fait la circulation, qui laisse passer certaines pensées et qui interdit le passage à d'autres. Me vient une pensée de jugement sur un frère, l'idée de lui dire une parole méchante: vais-je donner ou non un droit de passage à cette pensée? Le gendarme, en nous, opère un discernement à la lumière de l'Evangile, car toutes les pensées ne sont pas porteuses de vie. Nous pouvons être aussi le détective de nos pensées. Quand nous reviennent certaines pensées troubles, plus ou moins obsédantes, il peut être bon de se demander d'où elles viennent? Parfois cela peut être relativement simple: si je me suis attardé sur des images érotiques, il n'est pas surprenant que plus tard des pensées érotiques viennent activer mon imaginaire. Parfois trouver l'origine de telle pensée persistante sera plus difficile, voire impossible à trouver. Nous ne sommes pas transparents à nous-mêmes et il en est bien ainsi. Pouvoir parler avec l'ancien spirituel pourra aider à voir plus clair. Parfois le recours à un psychologue sera nécessaire. Le détective en nous restera modeste en acceptant de ne pas tout savoir, ni de tout comprendre. Mais il permettra de prendre distance par rapport à telle pensée prégnante, pesante ou troublante. Enfin, nous pouvons être l'entraineur, celui qui facilite en nous l'émergence des pensées bonnes et heureuses. Repérer et laisser vivre et grandir les pensées positives nous donnera de l'énergie, des ailes et des jambes ... La pensée de la présence du Seigneur à nos côtés et la pensée de la confiance qu'Il nous porte seront toujours de puissants leviers à cultiver. (2015-09-02)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 07, v 10-13 De l'humilité écrit le 01 septembre 2015
Verset(s) :
Commentaire :

« Plaçant toujours devant ses yeux la crainte de Dieu» ... l " degré d'humilité nous enseigne à nous tenir sous le regard de Dieu notre Père, dans la crainte de Dieu. Cette expression « crainte de Dieu» si importante dans la bible et pour les anciens moines, peut nous rebuter au premier abord. Avec le mot « crainte », nous entendons assez spontanément le mot « peur». Effectivement le mot « crainte» en français est ambivalent, comme en hébreu. Il peut renvoyer aussi bien à des sentiments de frayeur qu'à des sentiments de respect jusqu'à tendre à la confiance. Devant le mystère de Dieu, nous pouvons osciller effectivement entre la frayeur et le respect confiant. Frayeur ou peur face à l'inconnu de Celui qui est la source de nos vies et respect confiant qui conduit à nous tenir sous son regard avec un amour abandonné. Entre peur et respect confiant tendu vers l'amour, ne traçons-nous pas jour après jour le chemin de notre recherche de Dieu? Chercher Dieu nous fait passer par bien des sentiments et des attitudes à son égard, si nous y sommes attentifs. Nous pouvons être dans l'oubli qui est peut-être une forme subtile de la peur: nous refoulons le souvenir de Dieu. Parfois nous sommes dans la peur qui tétanise. Nous désirons être dans l'écoute qui guette la parole. Nous voudrions plus encore grandir dans la confiance qui aime et s'abandonne. Entre tous ces mouvements intérieurs, bien concrets, c'est tout notre être qui est convoqué. St Benoit parle des pensées, des désirs et de la volonté. En ce premier degré d'humilité, Benoit nous invite donc à venir avec notre « humus» le plus intime à la rencontre de Dieu. Dans quelle mesure cet « humus» fait de désirs, de pensées et de volonté, va-t-il se tenir confiant et tout abandonné sous le regard de Dieu notre Père?

Pour finir, je voudrais citer la manière joyeuse et lumineuse qu'a le Siracide de parler de la crainte de Dieu: « La crainte du Seigneur est gloire et fierté, joie et couronne d'allégresse. La crainte du Seigneur réjouira le cœur; elle procure plaisir, joie et longue vie. Celui qui craint le Seigneur connaitra une fin heureuse, au jour de sa mort, il sera béni» (Si 1,11-13). (2015-09-01)