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1. Si quelqu'un se trompe en récitant un psaume, un répons, une antienne ou une leçon, et s'il ne s'humilie pas sur place et devant tous par une satisfaction, il subira une punition plus sévère,
2. pour n'avoir pas voulu réparer par l'humilité le manquement qu'il avait commis par négligence.
3. Quant aux enfants, pour une faute de ce genre ils seront battus.
Dans ce petit chapitre, nous pouvons entendre que notre service dans l'office est sérieux et qu'il appelle une attention sans cesse renouvelée. St Benoit voudrait nous entrainer à ne pas nous habituer à nous tromper ... « Errare humanum est» l'erreur est humaine. Mais face à nos erreurs, il y a deux façons de nous comporter: on s'y habitue et on en prend son parti, ou bien on est marri de s'être trompé et d'avoir gêné la communauté, et on se rend plus vigilant.
Sans majorer ces fautes, comme de bons ouvriers, il nous revient d'être attentif. La difficulté tient au fait que les conséquences de telles fautes ne sont pas visibles à l' œil nu. Quand un menuisier rate son coup avec sa dégauchisseuse, le coup est parti et une mauvaise entaille est faite qu'il est difficile de réparer. .. Quand le cuisinier a mis trop de poivre dans la soupe, elle restera bien poivrée, n'en déplaise aux palais sensibles. Quand on bute sur un mot ou une note, par distraction ou par inattention, le chant déraille quelques secondes pour soi- même, éventuellement pour la communauté, puis cela continue. En soi, ce n'est pas dramatique. On pourrait s'en tenir là. Si Benoit ne le fait pas, c'est certainement au nom de sa haute idée de l'office divin, et finalement de la responsabilité des officiants que nous sommes tous. L'office divin nous requiert tout entier, dans une présence à Dieu, aux autres et à nous même, qui nous élève sans cesse. La médiocrité n'est pas de mise, ni la nonchalance, mais plutôt le don entier de soi. Car tel est bien le but de notre service de chantre de la gloire de Dieu: nous donner dans notre voix et par notre attention afin d'être toujours plus à l'unisson de la Parole entendue et de la Parole proclamée. Si le résultat du geste du menuisier est un beau meuble, et le fruit du travail attentif du cuisinier, un bon met, la récompense du moine désireux d'être un digne chantre de la Parole, sera un cœur unifié et apaisé. Ne pas nous relâcher dans notre service de louange de Dieu, c'est entrer dans un désir toujours plus vif d'être unis à Dieu, et de nous laisser unifier par lui, corps et âme, esprit et voix. Ce fruit-là n'a pas de prix. Il est source d'une grande joie pour chacun. Il donne de la lumière à nos vies qui s'unifient alors durant la journée. Les offices, loin de découper nos activités, veulent les unifier en Dieu. Donnons-nous pendant l'office et laissons-nous unifier par le chant et par la Parole de Dieu écoutée et proclamée. – (2016-04-07)
1. Celui qui est excommunié pour faute grave de l'oratoire et de la table, au moment où l'on achève de célébrer l'œuvre de Dieu à l'oratoire, se prosternera devant la porte de l'oratoire et demeurera ainsi sans rien dire,
2. mais seulement la tête contre terre, couché sur le ventre aux pieds de tous ceux qui sortent de l'oratoire.
3. Et il fera ainsi jusqu'à ce que l'abbé juge qu'il a donné satisfaction.
4. Quand, sur l'ordre de l'abbé, il viendra, il se jettera aux pieds de l'abbé, puis de tous, afin que l'on prie pour lui.
5. Et alors, si l'abbé l'ordonne, on l'admettra au chœur, à la place que l'abbé aura décidée,
6. mais sans qu'il ait le droit d'imposer à l'oratoire un psaume, une leçon ou autre chose, si l'abbé à nouveau ne lui en donne l'ordre.
7. Et à toutes les heures, lorsque s'achève l'œuvre de Dieu, il se jettera à terre à l'endroit où il se tient,
8. et il fera ainsi satisfaction jusqu'à ce que l'abbé à nouveau lui ordonne de mettre fin à cette satisfaction.
9. Quant à ceux qui, pour des fautes légères, sont excommuniés seulement de la table, ils satisferont à l'oratoire jusqu'à un ordre de l'abbé.
Avec le sourire, on peut constater que dans ce chapitre, on est beaucoup par terre, couché sur le ventre, ou aux pieds de l'abbé et des frères ... Attitude qui ne témoigne pas seulement d'une belle souplesse physique, mais certainement davantage d'une grande humilité. Les choses profondes se vivaient alors dans une attitude corporelle qui engageait tout l'être. Nous avons peu l'occasion aujourd'hui d'exprimer ainsi dans notre corps ce que nous vivons: est-ce parce que nous nous l'interdisons? Est-ce par respect humain? Est-ce un changement de culture devenue plus rationnelle, voire cérébrale?
Il y a un moment particulier, où la liturgie nous entraine à nous exprimer avec notre corps, et nous venons de le vivre: c'est le Vendredi Saint. Lors de l'office de la Passion, à plusieurs reprises nous mettons à genoux pour vénérer la Croix. Le P. Abbé se prosterne au début de l'office pour signifier l'abaissement du Christ jusqu'au néant de la mort. Ces attitudes d'agenouillement et de prosternation permettent de dire ce que les mots ne savent pas bien exprimer: notre profonde reconnaissance et notre adoration du Christ en son abaissement. Alors qu'il a été au plus bas, nous voulons le célébrer comme notre Seigneur, le Très Haut et le Très aimant. En ce jour du Vendredi Saint, il est heureux que nos schémas culturels soient mis de côté, pour laisser se manifester dans nos corps, notre reconnaissance devant l'indicible et l'inouïe de l'amour de notre Dieu. Ces gestes sont autant de confession de notre foi qui feraient peut-être rire des agnostiques ou des athées, mais qui trouvent en ce moment précis leur pleine signification à la lumière de la foi.
Les moines, qui se jetaient au pied de l'abbé en signe de pénitence, voulaient satisfaire, on pourrait traduire: voulaient remplir de nouveau ce que leur négligence avait vidé, c'est-à-dire l'humilité. Ces gestes expriment alors comme un entêtement dans l'humilité, là où il y avait eu entêtement dans l'orgueil. .. Reste pour nous la question: notre corps n'a-t- il rien à exprimer de notre ~ésir profond, désir de plus d'humilité, ou désir d'une prière plus instante, ou désir de notre volonté de conversion? Il y a peut-être à chercher ou à retrouver des manières de faire qui permettent d'autres formes de langage de se dire .- (2016-04-06)..
13. A table, celui qui ne sera pas arrivé pour le verset, en sorte que tous disent ensemble ce verset, fassent l'oraison et se mettent tous à table au même moment,
14. celui qui ne sera pas arrivé par suite de sa négligence ou d'une faute, on le reprendra pour cela jusqu'à deux fois.
15. Si ensuite il ne s'amende pas, on ne lui permettra pas de partager la table commune,
16. mais on le séparera de la compagnie de tous et il prendra son repas seul, avec privation de sa ration de vin, jusqu'à satisfaction et amendement.
17. Même sanction pour celui qui ne sera pas présent au verset que l'on dit après avoir mangé.
18. Et que personne ne se permette de prendre à part aucun aliment ou boisson avant l'heure prescrite ou après.
19. De plus, si le supérieur offre quelque chose à tel ou tel, et que celui-ci refuse de le prendre, quand il désirera ce qu'il a d'abord refusé ou autre chose, il ne recevra absolument rien jusqu'à ce qu'il s'amende comme il faut.
On peut être frappé par les mots qui entrent en résonnance dans ce chapitre: « tous ensemble. tous. table commune. compagnie de tous... » Ils ne sont pas sans rappeler les versets des premiers chapitres des Actes des apôtres, entendus ces jours. « Ils étaient fidèles à la communion fraternelle, à la fraction du pain (AC 2, 42) ; ils rompaient le pain dans leur maisons, prenant leur nourriture avec joie et simplicité de cœur (Ac 4, 46)» .... Il y a une vraie joie à manger ensemble, et plus qu'une joie, il y a quelque chose de profond qui est à l'œuvre: notre communion. Manger ensemble, refaire ensemble nos forces, c'est manifester que nous ne voulons ni ne pouvons assurer seul notre survie. Nous sommes solidaires les uns des autres en communauté. En refaisant nos forces ensemble, nous nous disons mutuellement combien il est heureux de nous soutenir puis de dépenser ensuite ensemble notre énergie les uns pour les autres. Quand on entend des personnes qui souffrent de la solitude, ou qui ne savent pas communier avec d'autres dans ces moments simples que sont les repas (happé par la télévision ou leur téléphone portable) ... nous ne pouvons que nous réjouir de ce bonheur gui est le nôtre. A la joie de refaire nos forces, en goûtant avec plaisir les bonnes choses offertes, s'ajoutent la joie d'être ensemble, de nous servir ensemble, de nous attendre les uns les autres, et d'écouter ensemble une lecture ... Cette communion tissée entre nous alors est difficilement mesurable, mais elle est très profonde.
C'est en vertu du prix excellent de cette communion que St Benoit insiste sur la présence de tous au début de repas. Etre là tous ensemble, sans faire attendre les autres, pour dire à Dieu notre joie et notre reconnaissance, est une margue de respect pour le corps qui me porte, et dont je suis redevable. Je ne vis pas à mon compte. Je me reçois de mes frères. Ma présence ponctuelle le signifie. Elle est une manière de dire merci à mes frères d'être là avec moi. Ensemble, nous nous soutenons dans un même désir de servir le Christ et l'Eglise. Pour manifester cela, acceptons lorsque nous sommes en retard, de ne pas faire comme si de rien n'était. Restons à la porte du réfectoire, jusqu'au coup de gong. De même qu'à l'église, on reste à la porte pour ne rejoindre sa place qu'après le verset d'introduction. Cette manière veut nous faire sentir dans notre corps combien nous nous sommes mis en décalage par rapport à la communauté. Celle-ci mérite notre respect. (2016-04-05)
4. Celui qui, aux vigiles nocturnes, arrivera après le gloria du psaume quatre-vingt-quatorze, – que nous voulons qu'on dise, pour cette raison, à une allure tout à fait traînante et lente, – celui-là ne se tiendra pas à sa place au chœur,
5. mais il se tiendra le dernier de tous ou à l'endroit séparé que l'abbé aura assigné aux négligents de son espèce pour qu'ils soient vus de lui et de tous,
6. jusqu'à ce que, l'œuvre de Dieu achevée, il fasse pénitence par une satisfaction publique.
7. Or si nous avons décidé qu'ils devaient se tenir au dernier rang ou à part, c'est pour qu'ils soient vus de tous et qu'ils se corrigent au moins sous l'effet de la honte.
8. Si d'ailleurs ils restent hors de l'oratoire, il s'en trouvera peut-être un qui se recouchera et dormira ou qui s'assiéra dehors à l'écart, passera son temps à bavarder et donnera occasion au malin.
9. Mieux vaut qu'ils entrent au dedans, de façon à ne pas tout perdre et à se corriger à l'avenir.
10. Aux heures du jour, celui qui n'arrivera pas à l'œuvre de Dieu après le verset et le gloria du premier psaume qu'on dit après le verset, ceux-là, suivant la loi que nous avons dite plus haut, se tiendront au dernier rang,
11. et ils ne se permettront pas de se joindre au chœur de ceux qui psalmodient, jusqu'à ce qu'ils aient satisfait, à moins que l'abbé n'en donne permission en accordant son pardon,
12. non sans que le coupable fasse satisfaction, cependant.
Il y a des retards qui sont sans appel: retard qui nous fait manquer un train, retard qui fait perdre un rendez-vous, retard pour appeler à l'aide ou prévenir d'un danger qui se révèle funeste ... Ces retards-là, nous savons les prendre au sérieux. L'œuvre de Dieu serait-elle moins digne d'intérêt?
Pas pour Benoit, comme en témoigne la minutie avec laquelle il indique la manière de procéder pour qui est en retard, manière qui confirme le principe énoncé d'abord: « On ne préférera rien à l'œuvre de Dieu ». Veut-il pour autant que le moine fasse de sa vie une vie réglée comme une horloge? Ou bien veut-il nous entrainer dans le grand mouvement de vie, dans la grande œuvre de Dieu dont nous sommes à la fois les chantres et à la fois les bénéficiaires? Les offices qui scandent la journée veulent ouvrir notre cœur à la louange de Dieu qui agit pour l'homme depuis la création jusqu'à la fin des temps. En le chantant, en l'écoutant, nous ajustons nos vies à l'œuvre de son Esprit. Et en Eglise, nous nous faisons les ambassadeurs de tous les hommes. Sans cesse, il nous faut revenir à cette vue de foi pour ne pas perdre cœur, ni nous dessécher ni nous décourager. Dieu est à l'œuvre en ce temps.
Comment vivons-nous nos retards ou nos manières d'arriver très juste? Peut-être sommes-nous tour à tour comme l'esclave, ou le mercenaire ou le fils? Comme l'esclave aveugle, qui vit les choses de façon trop soumises, sans les habiter vraiment. Du coup, le retard n'est pas vraiment important ... avec le risque de s'y habituer. Comme le mercenaire qui cherche à faire ce qui lui est demandé sans plus. Il est surtout gêné d'avoir manqué à la règle et d'être pris en faute. Comme le fils prenant conscience par sa négligence, qu'il offense son Père, et en même temps qu'il fait peu de cas de ses frères. La discipline que nous avons, qui nous fait attendre à la porte, dès les premiers coups de cloche du début de l'office, nous fait certainement éprouver selon les jours ces trois types de sentiments. Heureux sommes-nous si nous laissons le sentiment filial peu à peu avoir le dessus, pour humblement nous tenir comme un fils devant notre Père, et lui exprimer notre désir de nous mettre davantage à son service, afin de vivre avec foi notre quotidien au rythme de son œuvre de salut pour le monde. (2016-04-02)
1. A l'heure de l'office divin, dès qu'on aura entendu le signal, on laissera tout ce qu'on avait en main et l'on accourra en toute hâte,
2. mais avec sérieux, pour ne pas donner matière à la dissipation.
3. Donc on ne préférera rien à l'œuvre de Dieu.
Dans ces quelques lignes, on peut entendre des expressions qu'on trouve en d'autres passages de la RB : laisser ce qu'on avait en main au son de la cloche, comme on laisse inachevé son travail pour obéir à un ordre, au chapitre sur l'obéissance (RB 5, 8) ; accourir en toute hâte et sans dissipation comme lors du lever la nuit au sortir du sommeil afin de se diriger vers l'église (RB 22, 6) ; plus globalement la hâte et la course expriment l'élan vers la vie éternelle, dans lequel le moine est convié à entrer depuis le prologue (Prol. 13,22,44,49) jusqu'à la fin de la règle (RB 73, 2, 8). Ces notations veulent étayer la conviction au sujet de l'office divin: « donc on ne préférera rien à l oeuvre de Dieu» ... Elles permettent aussi de resituer la préférence pour l'office au cœur de notre recherche monastique. Préférer l'office, préférer obéir, préférer courir ou se hâter en vue du Royaume, c'est tout un. Préférer l'œuvre de Dieu à nos affaires si importantes soient-elles, parce qu'on choisit d'obéir au Christ, ici et maintenant. On ne veut pas le faire attendre.
Au long des jours, la vie monastique nous exerce à mettre une hiérarchie dans nos activités. Nous nous exerçons. Parfois avec succès, on laisse nos affaires sans problème. Parfois c'est plus peineux. Soit par amour de la satisfaction d'achever un travail, soit par lassitude de nous lever. Soit par préférence d'une conversation ou d'une rencontre. Nous mesurons combien la fragilité de la préférence pour l'office signe parfois la faiblesse de notre préférence pour le Christ. Faiblesse de notre amour peu désireux d'aller à sa rencontre. Faiblesse de notre foi qui ne lui fait pas assez confiance pour lui abandonner en l'état ce qui n'est pas achevé. Nous ne croyons pas assez qu'il saura faire fructifier cette apparente improductivité. L'expérience ne nous montre-t-elle pas souvent combien il prend soin de nous, quand nous savons lui abandonner notre travail pour aller à l'office. Nous reprenons les choses avec bien plus d'efficacité que si nous avions voulu finir trop vite avant d'aller à l'office. L'expérience nous enseigne ... et nous continuons à nous exercer à préférer l'œuvre de Dieu et le Christ qui nous y appelle. (2016-03-31)
5. Si c'est un jour de jeûne, une fois les vêpres dites, après un petit intervalle on passera à la lecture des Conférences, comme nous l'avons dit ;
6. on lira quatre ou cinq feuillets ou autant que l'heure le permettra,
7. tandis que tous se rassemblent grâce à ce délai de la lecture, si l'un ou l'autre était pris par une fonction à lui confiée, –
8. donc une fois que tous seront réunis, ils célébreront complies, et en sortant des complies, on n'aura plus désormais la permission de dire quelque chose à quiconque, –
9. si quelqu'un est pris à transgresser cette règle du silence, il subira un châtiment sévère, ;-
10. sauf s'il survient une nécessité du fait des hôtes ou que l'abbé vienne à commander quelque chose à quelqu'un.
11. Cependant cela même devra se faire avec le plus grand sérieux et la réserve la plus digne.
En écoutant ces lignes, nous pouvons être saisis par le climat que Benoit propose à ses moines: climat de prière, d'écoute et de silence pour mieux s'ouvrir à la Parole de Dieu. Entre Vêpres et Complies, les moines sont « baignés» dans la Parole de Dieu. L'office de Vêpres, lui-même, célèbre cette Parole psalmodiée, écoutée à laquelle on répond par notre prière. Puis vient le repas durant lequel on écoute la Parole de Dieu. Ou si on jeûne, on passe directement à l'écoute des conférences spirituelles de Cassien, ou des extraits de l'Ecriture. Enfin, avec Complies s'achève la journée et commence le grand silence de la nuit. Tout voudrait contribuer à demeurer ouvert à l'écoute du Seigneur qui parle. Le silence de la nuit pourra jouer alors le rôle de « caisse de résonnance» de la parole entendue. Mais il creusera aussi le cœur pour accueillir la Parole qui sera semée de nouveau lors de l'office des vigiles. Ainsi Benoit nous entrai ne dans une écoute toujours plus profonde du Seigneur qui nous parle et ne cesse de venir à nous. Au jour le jour, cette venue du Seigneur dans sa Parole se vit de facon très familière, comme une conversation entre amis, où n'importe pas tant le contenu que la joie d'être ensemble. Ainsi en va-t-il de notre écoute du Seigneur, nous vivons avec lui un colloque familier où nous l'écoutons se dire et nous redire sans cesse son amour pour nous. Et nous lui exprimons notre désir d'être présent à lui, nos attentes, nos désirs, pour nous-mêmes et pour tous les hommes. Parfois, une expression ou un mot prendront plus de relief et viendront donner davantage de goût ou éclairer notre quotidien.
Aujourd'hui, plusieurs soirs de la semaine, nous avons l'habitude d'échanger des nouvelles ou de partager sur ce nous vivons. Ces échanges voudraient aussi nourrir notre relation familière avec le Seigneur, dans le même moment où elles viennent conforter notre relation fraternelle. Toujours nous restons à l'écoute de la Parole du Dieu. Nous désirons demeurer ouverts à ce que le Seigneur peut nous dire à travers nos frères, ou bien à travers un intervenant de passage. La vie de l'Eglise et la vie du monde sont animées par l'Esprit de Dieu, travaillées par Lui. En étant attentif à ce que nous recevons, nous nous associons à ce travail secret de l'Esprit dans la pâte humaine dont nous sommes solidaires. Il est heureux d'aller à Complies en portant cela dans la prière. Ici, je voudrais redire: gardons le silence quand nous sortons du chapitre pour aller à l'église. Les bavardages ou les apartés sont inutiles et ne servent pas l'attitude d'écoute. Soyons-y attentifs et vigilants. (2016-03-15)
1. En tout temps les moines doivent cultiver le silence, mais surtout aux heures de la nuit.
2. Aussi en tout temps, qu'il y ait jeûne ou déjeuner, –
3. si c'est un temps où l'on déjeune, dès qu'ils se seront levés du souper, tous s'assiéront ensemble et quelqu'un lira les Conférences ou les Vies des Pères ou autre chose qui édifie les auditeurs,
4. mais pas l'Heptateuque ou les Rois, parce que ce ne serait pas bon pour les intelligences faibles d'entendre cette partie de l'Écriture à ce moment-là ; on les lira à d'autres moments.
De ces lignes entendues, je retiens une phrase et un mot qu'il est bon tenir en même temps, si l'on veut vivre paisiblement en silence. « En tout temps, les moines doivent cultiver le silence» et « ensemble». Cultiver le silence ensemble. Le mot « ensemble» que revient 3 fois dans ce chapitre est la traduction de la belle expression « omnes in unum », mot à mot « tous en un » ... Pas de silence possible, s'il n'est pas vécu tous ensemble, d'un seul cœur. Lorsqu'on parle il n'est pas gênant que d'autres se taisent, c'est même plutôt heureux. Certains parlent pendant que les autres les écoutent, et vice versa. Lorsqu'on a décidé de garder le silence, celui-ci ne supporte pas une parole. Je pense à la minute de silence républicaine, de plus en plus recommandée, après des évènements nationaux tragiques. Cette minute de silence est porteuse du symbole très fort du désir d'être ensemble dans la résistance à une agression ou dans la solidarité avec des personnes affligées. Les derniers évènements du 13 novembre ont bien montré cela. Le silence alors parle bien plus que toutes les paroles, très nombreuses, dites en de telles occasions. Modeste et fort silence qui rassemble en profondeur dans une grande communion. « Ornnes in unum ».
Quand St Benoit nous invite à cultiver le silence, en tout temps, mais surtout après Complies, nous invite-t-il à autre chose? Il nous engage à rechercher entre nous la communion à ce niveau de profondeur qui n'a plus besoin de parole. Non pas que les paroles soient inutiles, elles sont mêmes nécessaires en bien des moments de nos journées et en bien des situations. Et mieux vaut des paroles maladroites qu'un mutisme dur et orgueilleux. Le silence que nous sommes invités à cultiver sera un allié précieux de notre communion si nous y consentons simplement. Il veut nous apprendre à être les uns avec les autres sans peur, ni fausse pudeur, sous le regard de Dieu. C'est Lui, Dieu, est le véritable objet de notre silence, et c'est Lui aussi qui le nourrit et le garde vivant. Cultiver le silence, devient inséparablement cultiver notre communion les uns avec les autres et cultiver notre communion avec Dieu dans la prière. Dans les couloirs, dans les lieux et les temps réservés au silence, dans le travail, cultivons cet être ensemble en silence. Sans dureté, mais aussi sans peur. Il y a des manières de vouloir glisser une remarque ou une blague qui sont davantage des signes de peur, que des signes de vraie communion. Le silence est simple et vrai. Il nous entraine plus loin. (2016-03-05)
1. De la sainte Pâque à la Pentecôte, les frères prendront leur repas à sexte et souperont le soir.
2. À partir de la Pentecôte, pendant tout l'été, si les moines n'ont pas de travaux agricoles et que les ardeurs excessives de l'été ne les incommodent pas, ils jeûneront jusqu'à none les mercredis et vendredis.
3. Les autres jours ils déjeuneront à sexte.
4. S'ils ont du travail aux champs ou si la chaleur de l'été est excessive, il faudra maintenir le déjeuner à sexte, et ce sera à l'abbé d'y pourvoir.
5. Et il équilibrera et réglera toute chose en sorte que les âmes se sauvent et que les frères fassent ce qu'ils font sans murmure fondé.
6. Des Ides de septembre au début du carême, le repas sera toujours à none.
Il y a des questions que Benoit se pose et que nous ne nous posons plus. Celle de l'heure des repas en est une. Entre le 60s et le 21 os, nous sommes passés d'une conception liturgique de l'horaire, enracinée dans une vision cosmique à une approche plus mécanique. Nos repas sont fixés de manière indifférente quel que soit les temps liturgiques et les saisons. Notre référence n'est plus le soleil, ni le temps liturgique, mais la montre. Notre conception du temps est devenue plus mesurée et quantitative que symbolique. On « a » du temps, on « gagne» du temps, on en « perd » ... L'inconvénient d'une telle approche est de nous faire penser que nous sommes les maitres du temps, que tout dépend de nous. A force de vouloir gagner du temps, on risque de vivre sous une pression telle que cela engendre stress, fatigue ou problèmes de santé ... Tel est notre contexte culturel dont les moyens techniques de plus en plus performants ont tendance à accentuer les traits. Paradoxalement, ces moyens qui nous font « gagner du temps» génèrent un stress supplémentaire pour en gagner davantage ...
Notre rythme monastique peut-il nous aider à sortir de cette logique en spirale, voire d'une certaine idolâtrie du temps? Nous le savons, hommes de notre époque, nous ne sommes pas à l'abri des dangers de cette conception ambiante du temps. Si nous n'y prêtons pas attention, le rythme haché de nos journées en raison des offices, peut générer stress et tension. C'est ici qu'il faut nous repositionner avec fermeté pour ne pas nous tromper de combat. Sommes-nous ici pour gagner du temps à tout prix ou sommes-nous là pour donner notre temps à Dieu et à nos frères? Quelle est notre priorité? Maitriser notre vie selon nos vues humaines d'efficacité et de rentabilité, ou bien abandonner nos vies dans l'obéissance à Dieu et à nos frères? Nous sommes continuellement invités à un discernement dans la manière de conduire notre vie et nos priorités. L'horaire monastique reste une aide et une école pour accomplir ce discernement. S'arrêter pour l'office, pour un repas ou une réunion communautaire inscrit la priorité d'un temps donné à Dieu et aux frères, sur le temps personnel maitrisé de mes activités. J'accepte de ne pas tout faire comme je veux, de ne pas tout programmer. J'accepte de renoncer à des choses qui me plaisent pour honorer d'abord Dieu et mes frères. Rude école, mais libérante école face à la tentation de toute puissance. Ecole de vérité sur les motivations de nos choix alors que les charges de travail ne diminuent pas. Que le Seigneur nous apprenne à discerner et à le laisser nous façonner, lui le Seul Maitre du temps.(2016-03-03)
1. « Chacun tient de Dieu un don particulier, l'un comme ceci, l'autre comme cela. »
2. Aussi est-ce avec quelques scrupules que nous déterminons la quantité d'aliments pour les autres.
3. Cependant, eu égard à l'infirmité des faibles, nous croyons qu'il suffit d'une hémine de vin par tête et par jour.
4. Mais ceux à qui Dieu donne la force de s'en passer, qu'ils sachent qu'ils auront une récompense particulière.
5. Si les conditions locales et le travail ou la chaleur de l'été font qu'il en faut davantage, le supérieur en aura le pouvoir, en veillant toujours à ne pas laisser survenir la satiété ou l'ivresse.
6. Nous lisons, il est vrai, que « le vin n'est absolument pas fait pour les moines », mais puisqu'il est impossible d'en convaincre les moines de notre temps, accordons-nous du moins à ne pas boire jusqu'à satiété, mais plus sobrement,
RB 40 De la quantité de boisson.
Ce chapitre sur la quantité de vin à adopter en communauté peut nous faire réfléchir sur le lien entre la mesure que chacun peut assurer et celle proposée à une communauté. Benoit est très scrupuleux pour déterminer une mesure égale à chacun. S'abstenir de vin ne semble pas possible à tous, il s'agit dès lors d'un don reçu de Dieu. Du coup, il cherche avec finesse à fixer un minimum qui permette d'éviter l'ivresse et la satiété. Le plus important est certainement à ses yeux de permettre un consensus global. Ceux qui peuvent s'en passer complètement connaissent leur récompense. L'idéal de l'abstention n'est pas oublié, mais il est laissé à l'appréciation de chacun.
Au regard de notre propre façon de faire à la Pierre qui Vire, de ne boire du vin que pour les fêtes, ou à des occasions festives comme dans les groupes, nous pouvons mesurer l'importance d'une tradition communautaire. Cette tradition, nous la recevons du P. Muard qui, adoptant pourtant la RB, n'a pas retenu cette concession faite par Benoit à ses moines au sujet du vin. Nous sommes donc porteurs et portés par une tradition un peu plus ascétique. Je crois que nous la vivons comme une chance: celle d'être entrainé sur ce point à une mesure dont nous apprécions le bienfait. Elle donne à nos repas une certaine sobriété, et à l'inverse, boire du vin les jours de fête, renforce la note joyeuse de nos repas. Je veux simplement souligner le poids heureux d'une tradition reçue des générations passées. Elle créé une sorte d'habitude qui constitue un précieux point d'appui dans notre désir de demeurer sobre, afin de rester vigilant pour Dieu. Entre le discernement personnel, et la règle de St Benoit plus générale, la tradition communautaire se présente comme une aide sur notre chemin de moine. Nous sommes portés par un élan qui nous précède et qui nous tire vers le haut. Nous n'avons pas à nous en glorifier, mais plutôt à en rendre grâce comme d'un précieux héritage immérité. (2016-03-01)
6. S'il arrive que le travail devienne plus intense, l'abbé aura tout pouvoir pour ajouter quelque chose, si c'est utile,
7. en évitant avant tout la goinfrerie et que jamais l'indigestion ne survienne à un moine,
8. car rien n'est si contraire à tout chrétien que la goinfrerie,
9. comme le dit Notre Seigneur : « Prenez garde que la goinfrerie ne vous appesantisse le cœur. »
10. Quant aux enfants d'âge tendre, on ne gardera pas pour eux la même mesure, mais une moindre que pour les plus âgés, en gardant en tout la sobriété.
11. Quant à la viande des quadrupèdes, tous s'abstiendront absolument d'en manger, sauf les malades très affaiblis.
Travail supplémentaire, maladie, enfant et personnes plus âgées: quatre cas envisagés ou mentionnés par Benoit qui peuvent conduire à mitiger la règle commune concernant la nourriture. Comme toujours dans la RB, après avoir présenté la norme pour tous, les exceptions sont prises en compte. Il ne s'agit pas de faire du forcing, mais de permettre à chacun de mener à bien son chemin, sans négliger sa santé. En cette période de jeûne, je rappelle aux plus anciens, qu'une assiette de fromage est disponible sur la table des régimes le matin, ainsi que le compotier de fruit pour les autres repas. De même pour des frères qui en éprouveraient la nécessité. Certains m'en ont parlé. La parole en ce domaine permet de demeurer dans la dynamique spirituelle de la remise de soi à Dieu.
Evagre écrit dans les Bases de la vie monastique (10) : « Il arrive que le corps soit malade et qu'il faille manger deux ou trois fois ou même souvent; que ta pensée n'en soit pas affligée [soit prête à cette éventualité). Il ne faut pas, en effet, que les labeurs corporels de notre genre de vie soient maintenus dans les maladies, mais on doit renoncer à certains pour revenir plus vite à la santé et reprendre ces mêmes labeurs de notre vie ». On peut entendre dans ces lignes, la grande liberté laissée afin de ne pas ruiner la santé, et en même temps le désir spirituel de revenir à l'entrainement habituel.
Ces jours de carême voudraient nous permettre de « retrouver la pureté du cœur» et nous « libérer de nos égoïsmes» comme le suggère la préface 2 à la messe pour le Carême. Le jeûne, la prière plus assidue, la lecture spirituelle plus constante, l'attention au frère, voudraient nous désencombrer intérieurement et nous aider à rentrer en nous-mêmes. Retrouver plus de fraicheur et de vigueur dans notre désir de nous donner à Dieu et aux frères. Si le Carême met en lumière nos pauvretés et nos limites, et si nous ne nous en attristons pas, pour les offrir au Seigneur, nous n'aurons pas perdu notre temps. L'offrande de notre faiblesse sera l'expression de notre plus grande disponibilité à la grâce qui seule vient nous guérir et fortifier. « Par ta grâce tu nous guéris, Seigneur, et tu nous donnes déjà les biens du ciel alors que nous sommes encore sur la terre» ... prierons nous ce matin ... (2016-02-27)