vendredi 3 octobre 2025 : journée de solitude pour la communauté, messe vers 6h45 après Laudes.

Commentaires sur la Règle



Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 21 v 1-7 Des doyens du monastère écrit le 05 décembre 2015
Verset(s) :

1. Si la communauté est nombreuse, on choisira parmi eux des frères de bonne réputation et de sainte vie, et on les nommera doyens,

2. pour qu'ils veillent sur leurs décanies en tout selon les commandements de Dieu et les ordres de leur abbé.

3. Ces doyens seront choisis de telle manière que l'abbé puisse, en sécurité, partager avec eux son fardeau.

4. Et on ne les choisira pas en suivant l'ordre d'ancienneté, mais d'après le mérite de leur vie et la sagesse de leurs enseignements.

5. Ces doyens, si l'un d'eux, venant à s'enfler de quelque orgueil, se montre répréhensible, et si après avoir été repris une, deux, trois fois, il refuse de se corriger, on le destituera

6. et on mettra à sa place quelqu'un qui en soit digne.

7. Pour le prévôt aussi, nous prescrivons de faire de même.

Commentaire :

Qu'est-ce que le Conseil ?

Ce Conseil est celui de l'abbé. Il vise à l'aider dans le discernement des questions de vie communautaire. Sur certains sujets, une délibération ou une consultation du Conseil se fait sous forme de vote, après échange, que ce soit en vue où non d'un chapitre conventuel. Sur d'autres sujets, il s'agit d'aider l'abbé à prendre une décision. A l'avance, on peut me soumettre des questions à aborder en Conseil. Pour un bon nombre de sujets, le conseil est la .première étape avant le chapitre conventuel qui va permettre de bien poser la question ou d'aborder le problème.

Notre manière de chercher ensemble à travers le dialogue:

Souvent, j'invite à un tour de table: ayant eu l'ordre du jour, chacun peut déjà s'être fait une idée, à moins que l'exposition du problème ne se fasse qu'au Conseil lui-même. L'important ici est de donner son point de vue personnel, sa manière de sentir les choses. Ensuite, nous avons un échange à bâtons rompus, où l'on cherche ensemble le meilleur. L'expérience montre qu'il ne faut pas avoir peur de prendre du temps, voire de patauger quand une question résiste. Si chacun essaie de chercher vraiment, en étant vrai et en ne se cramponnant pas nécessairement à son premier point de vue, en général on avance.

Comment conclure une discussion ?

Parfois, le vote est demandé par notre droit (finances, biens, admission ... ), un vote soit consultatif (en vue ou non d'un chapitre conventuel), soit délibératif.

Pour les autres questions, il me semble nécessaire de tendre à un consensus, et à la fin, je peux dire: « nous irons dans telle direction ».

Parfois, soit parce que la discussion n'est pas mûre, soit parce que je ne vois pas bien clair, j'ajourne la décision. Je la prendrais alors en particulier, ou je remettrais plus tard le sujet à l'ordre du jour.

Une règle d'or: la discrétion

Elle vaut pour les conseils de façon très impérative. Pour deux raisons principales: 1. nous parlons parfois des personnes, et là il nous faut être absolument respectueux les uns des autres 2. nous abordons des sujets qui restent parfois en suspens, et dont il est tout à fait inopportun de parler, car rien n'est tranché.

En conclusion, je dirai que chacun n'a pas à parler de ce qui se dit au Conseil. Aujourd'hui, sous l'impulsion d'Ezalen, je fais un rapide compte rendu à la communauté, au chapitre du matin en général, sur les sujets abordés. Cela permet à la communauté de suivre les questions. (2015-12-05)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 20 v 1-5 De la révérence dans l'oraison écrit le 03 décembre 2015
Verset(s) :

1. Si, lorsque nous voulons présenter quelque requête aux hommes puissants, nous n'osons le faire qu'avec humilité et révérence,

2. combien plus devons-nous supplier le Seigneur Dieu de l'univers en toute humilité et très pure dévotion !

3. Et ce n'est pas par l'abondance des paroles, mais par la pureté du cœur et les larmes de la componction que nous serons exaucés, sachons-le bien.

4. Aussi l'oraison doit-elle être brève et pure, à moins qu'elle ne vienne à se prolonger sous l'effet d'un sentiment inspiré par la grâce divine.

5. En communauté, cependant, le temps de l'oraison sera tout à fait bref, et dès que le supérieur aura donné le signal, on se lèvera tous ensemble.

Commentaire :

Dans quelle disposition intérieure venons-nous lorsque nous prions? Avec quelle conscience de notre être devant Dieu sommes-nous dans la prière? Telles sont les questions auxquelles Benoit essaie de répondre dans ce chapitre.. Il part de la comparaison avec la façon de se situer devant les grands de ce monde. Si devant les grands de ce monde nous nous tenons « avec humilité et révérence », combien plus devons-nous nous tenir devant le Seigneur Dieu de l'univers « avec humilité et très pure dévotion ». Ici il est intéressant de relever que Benoit utilise pour les deux attitudes le mot « humilité », mais qu'il ne répète pas le mot « révérence», pourtant utilisé dans le titre, pour lui préférer l'expression « très pure dévotion» quand il s'agit de se tenir devant Dieu. Je crois que ce petit déplacement est heureux. Car il suggère qu'avec Dieu nous entrons dans une intimité d'un autre ordre. Là où la révérence pourrait n'être que formalisme extérieur, la « très pure dévotion» suggère un engagement entier et cordial de toute la personne. Dans le mot « dévotion », il y a le mot vœu, se vouer. Benoit précise sa pensée en parlant de « pureté du cœur et des larmes de componction ». S'appuyant sur Cassien, qui associe pureté du cœur et charité, Benoit nous invite à se tenir devant Dieu dans cet élan fondamental d'un amour toujours plus entier. Le contraire de la pureté, c'est l'impureté, le fait qu'il y ait du mélange dans notre amour. D'autres amours occupent la place et veulent dominer notre cœur pour le détourner de son désir le plus profond: aimer Dieu et aimer tout homme en Dieu. Je crois que chacun à l'heure de la prière, nous pouvons prendre conscience de ce qui habite notre cœur. Est-il saisi par la conscience aimante de la Présence de Dieu, Lui de qui nous recevons tout, le souffle, le mouvement et l'être? Ou bien est-il enlacé dans d'autres attachements qui occupent le terrain soit temporairement soit durablement? La prise de conscience de cet écart possible entre le cœur pur et le cœur encombré provoquait chez les anciens moines les larmes de la

componction. La douleur ressentie face à la distance que le péché maintient entre nous et Dieu venait mouiller leurs yeux. C'était le signe de leur cœur blessé et désireux de revenir à Dieu. Comme le dit un sage orthodoxe, je crois: « les larmes mouillent notre terre pour la rendre plus malléable entre les mains du potier». Venir à la prière en vérité avec nos pauvretés, nos limites, mais aussi dans la confiance et dans le désir d'aimer davantage. Ainsi la prière nous rend plus malléable dans la main du potier. Elle creuse en nous ce désir d'aimer davantage. (2015-12-03)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 19 v 1-6 De la tenue quand on psalmodie écrit le 02 décembre 2015
Verset(s) :

1. Nous croyons que la divine présence est partout et que « les yeux du Seigneur regardent en tout lieu les bons et les méchants. »

2. Cependant, c'est surtout quand nous assistons à l'office divin que nous devons le croire sans le moindre doute.

3. Aussi rappelons-nous toujours ce que dit le prophète : « Servez le Seigneur dans la crainte » ;

4. et encore : « Psalmodiez sagement » ;

5. et : « En présence des anges je psalmodierai pour toi. »

6. Considérons donc comment il nous faut être en présence de la divinité et de ses anges,

Commentaire :

« Que notre esprit concorde avec notre voix ». Peut-être aurons-nous jamais fini de comprendre pour mieux en vivre ce que signifie cette recommandation de Benoit ... Elle laisse entendre que tout notre être est requis pour la prière: l'esprit, le corps à travers la voix, mais :.' aussi le cœur comme le suggère le verbe « concorde» qu'on pourrait aussi traduire « faire cœur ». Cette formule de Benoit, qui donne là' première place à la voix, nous donne à saisir que la grâce première de notre office monastique est une grâce corporelle. Il nous est donné de proclamer et de .chanter les psaumes d'abord corporellement, par notre voix, mais aussi par notre manière d'être debout ou assis, par nos inclinations. Le corps communautaire réquisitionne nos corps personnels pour qu'il fasse une seule voix. La première chose qui est requise, est donc de consentir à donner notre voix et à nous prêter aux mouvements et aux gestes de la communauté. Il nous est demandé d'être là corporellement dans le corps communautaire.

St Benoit attire ensuite notre attention sur l'esprit. Si notre esprit est ailleurs, si nous nous laissons entrainer par les distractions, il y aura comme une dichotomie en nous ... La voix chantera, mais la pensée sera ailleurs. Nous sortirons d'un psaume voire d'un office en ayant l'impression de ne plus savoir ce qu’on a dit. Et cela arrive. Etre là en esprit, dans ce que nous chantons, sans tension ni dureté, nous donnera au contraire, un sentiment de paix, voire de plénitude. Nous goûterons une joie car une unité se vivra dans l'instant présent. C'est ici que nous pouvons nous attarder sur le 30 élément de notre être: le cœur ... L'esprit vraiment uni à la voix, permet au cœur d'être vraiment au rendez-vous de la prière. La voix seule n'est que cymbale qui résonne. L'esprit seul peut se détacher facilement du réel. L'esprit, qui s'unit à la voix, fait vivre le cœur. Dans ces mots qui se chantent et se proclament avec présence et attention, le cœur vit et fait sienne la prière du psalmiste. Le cœur se tourne vers Dieu en épousant les sentiments du psalmiste. Grâce au psalmiste, notre cœur s'élargit. Uni à la prière du Christ, il porte aussi la prière du persécuté ou du bafoué de notre monde. Il rejoint tout homme en souffrance ou en louange. Notre esprit uni à notre voix nous apprend à entrer dans une prière plus cordiale qui nous élargit à la vie de notre humanité en quête de Dieu. (2015-12-02)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 18 v 22-31 En quel ordre faut-il dire ces psaumes? écrit le 01 décembre 2015
Verset(s) :

22. Par dessus tout, nous donnons cet avertissement : si quelqu'un n'aime pas cette distribution des psaumes, qu'il établisse une autre ordonnance, s'il la juge meilleure,

23. pourvu qu'il maintienne absolument la psalmodie intégrale des cent cinquante psaumes du psautier chaque semaine et la reprise perpétuelle par le commencement aux vigiles du dimanche,

24. car les moines font preuve de par trop de paresse dans leur service de dévotion, quand ils psalmodient moins que le psautier, avec les cantiques accoutumés, en l'espace d'une semaine,

25. puisque nous lisons qu'une fois nos saints Pères accomplirent cela vaillamment en un seul jour. Tièdes que nous sommes, puissions-nous du moins nous en acquitter en une semaine entière !

Commentaire :

« Les moines font preuve de trop de paresse dans leur service de dévotion» ... Le mot latin traduit par «paresse» ici est l'adjectif« iners» qui peut se traduire par « mou », « sans énergie ». En français, on a le mot « inertie» qui consonne avec « paralysie ». On se souvient la conférence du P. Marion sur le paresseux dans la bible qui était finalement un homme toujours en décalage avec le réel, trop prisonnier de ses rêves ou de ses peurs ... du coup comme paralysé pour agir. L'inverse de la paresse, de la mollesse ou de l'inertie, c'est l'élan au travail, l'ardeur à remplir nos services et nos tâches diverses. Pour Benoit, le signe de la paresse ou de la mollesse, dans le service de la prière, c'est de ne pas dire au moins une fois par semaine le psautier ... En une semaine mesure du temps symbole de la création et de la recréation en Christ, dire le résumé de la bible qu'est le psautier. Notre service de prière nous entraine à porter devant Dieu« comme en écho, nos voix mêlées au chant que lance le Bien Aimé ». Nous nous unissons au Christ qui « sur les temps maintient cette hymne émerveillée devant l'ouvrage de » la création, comme nous le chantons le jeudi du temps ordinaire à Laudes. C'est cela qu'il nous faut peut-être sans cesse nous rappeler: notre rôle sacerdotal, lié à notre baptême, de chanter la gloire de Dieu, de lui offrir des sacrifices de louange et d'action de grâce, uni au Seul Prêtre le Christ.

L'usure du temps fait toujours son œuvre ... et tend à nous incliner à raboter les choses et à réduire l'élan dans tout ce que nous faisons. La prière n'échappe pas à ce mécanisme ... Ainsi pour les uns, le danger sera-t-il de s'habituer à manquer un office, ou pour d'autres d'arriver toujours juste comme si ce qui précédait était plus important que la prière elle- même, ou encore de vivre l'office en étant complètement ailleurs, bien plus préoccupé de nos propres affaires ... Ces difficultés nous montrent combien la prière de l'office requiert de notre part un vrai travail. Travail de volonté pour choisir l'office en priorité à toute autre activité. Notre premier labeur est là. Je rappelle à chacun que lorsqu'on est absent d'un office, on en parle. C'est une manière d'objectiver les choses et de nous souvenir que nous ne sommes pas à notre compte, mais au service du Christ. L'office est aussi encore et surtout un travail de présence à Dieu et aux autres. Présence qui est autant grâce reçue qu'attention sans cesse reprise. Là se vit notre amour qui s'engage dans l'écoute et dans le don. (2015-12-01)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 18 v 19-21 En quel ordre faut-il dire ces psaumes? écrit le 27 novembre 2015
Verset(s) :

19. Aux complies, on répétera chaque jour les mêmes psaumes, c'est-à-dire le quatrième, le quatre-vingt-dixième et le cent-trente-troisième.

20. L'ordonnance de la psalmodie du jour étant ainsi organisée, tous les autres psaumes qui restent seront répartis également entre les vigiles des sept nuits,

21. en partageant ceux d'entre ces psaumes qui sont plus longs, et en en mettant douze à chaque nuit.

Commentaire :

"A complies, on répètera les mêmes psaumes » ... Au temps de Benoit, on répétait ces psaumes tous les jours (aujourd'hui encore dans de nombreux monastères). Ici, nous répétons les mêmes psaumes toutes les semaines. « Répéter» : ce mot sonne à nos oreilles modernes comme synonyme d'ennui ou de monotonie ... Et pourtant la liturgie est fondée en bonne part sur la répétition d'un corpus de textes priés, chantés ou écoutés. Cette répétition organisée n'est pas le rabâchage que Jésus critiquait (« dans vos prières, ne rabâchez pas comme les païens: ils s'imaginent qu'en parlant beaucoup ils se feront mieux écouter» Mt 6, 7). Elle a plutôt à voir avec la colonne vertébrale d'un corps, corps personnel et corps communautaire. Ces pièces répétées constituent l'ossature indispensable de notre corps personnel et communautaire en prière. Cette ossature n'est pas figée, mais vivante comme en témoignent les différents rythmes de répétition: plusieurs fois par jour pour le «Notre Père» ou le « Dieu viens à mon aide », tous les jours pour l'hymne de Sexte, plusieurs fois par semaine pour les Ps graduels ou le Ps 50, toutes les semaines pour les Ps de Complies, nos antiennes et nos hymnes, tous les 15 jours pour notre psautier global, tous les ans pour un bon nombre d'hymne de fêtes et de textes scripturaires, tous les 3 ans pour les textes de l'AT lus aux vigiles. Cette répétition variée dans ces rythmes donne du mouvement au corps tout en lui maintenant une vraie tenue, notamment à travers la mémoire de tous ces textes, musiques et chants. A l'ossature s'ajoute la chair, propre à chaque jour, comme des intentions litaniques ou l'oraison, mais aussi la chair propre au temps liturgique, comme celui de 1 ' Avent dans lequel nous allons entrer pendant 4 semaines, ou encore la chair propre aux fêtes qui nous font revisiter le mystère du Christ selon un angle de vue plus précis. Je relève tout cela pour que nous sachions mieux le goûter tout en le célébrant jour après jour. La répétition, loin du rabâchage, façonne en nous une mémoire corporelle à travers laquelle le mystère de Christ devient un plus nôtre. Nous célébrons le Christ, mais c'est Lui qui sans cesse nous façonne par sa Parole offerte sous de multiples formes. A travers la liturgie sans cesse reprise nous recevons une vraie colonne .vertébrale. Pour notre cheminement de croyant, nous recevons sans plus nous en rendre compte, une force et un tonus précieux pour avancer. Nous devenons le Corps du Christ pour la louange de la Gloire du Père. N'ayons pas peur de la répétition, sachons plutôt nous laisser ériger à travers elle, en colonne de joie et de paix ... à la manière des stalactites et des stalagmites, lentement mais sûrement. (2015-11-27)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 18 v 12-21 En quel ordre faut-il dire ces psaumes? écrit le 21 novembre 2015
Verset(s) :

12. Les vêpres seront chantées chaque jour en modulant quatre psaumes.

13. Ces psaumes commenceront au cent-neuvième et ils iront jusqu'au cent-quarante-septième,

14. excepté ceux d'entre eux qui sont réservés à d'autres heures, c'est-à-dire depuis le cent-dix-septième jusqu'au cent-vingt-septième, ainsi que le cent-trente-troisième et le cent-quarante-deuxième ;

15. tous ceux qui restent sont à dire aux vêpres.

16. Et comme il manque trois psaumes, on divisera ceux qui, dans la série susdite, sont plus importants, c’est-à-dire le cent-trente-huitième et le cent-quarante-troisième et le cent-quarante-quatrième.

17. Quant au cent-seizième, comme il est petit, on le joindra au cent-quinzième.

18. L'ordonnance des psaumes de vêpres étant ainsi disposée, le reste, c'est-à-dire la leçon, le répons, l'hymne, le verset et le cantique, sera exécuté comme nous l'avons prescrit plus haut.

19. Aux complies, on répétera chaque jour les mêmes psaumes, c'est-à-dire le quatrième, le quatre-vingt-dixième et le cent-trente-troisième.

20. L'ordonnance de la psalmodie du jour étant ainsi organisée, tous les autres psaumes qui restent seront répartis également entre les vigiles des sept nuits,

21. en partageant ceux d'entre ces psaumes qui sont plus longs, et en en mettant douze à chaque nuit.

Commentaire :

Que dire de notre office de Vêpres? En fin de journée, il se ressent de tout le poids du jour et du travail accompli. Si l'office de Complies marque l'accomplissement du jour et nous nous prépare à la nuit, l'office de Vêpres vient ressaisir la journée dans le Christ. Comment à la fois, venir avec tout ce que nous avons vécu, 'et comment couper avec les affaires concrètes pour ne pas les poursuivre par la pensée. Plus qu'à tout autre moment de prière, il ne nous est pas facile de couper avec les soucis et le souvenir des rencontres. Il nous faut apprendre à les déposer, à les lâcher. Les lâcher en les présentant au Seigneur pour qu'il prenne tout cela. Venir à l'avance dès la sonnerie de la cloche nous y aidera réellement. De cette manière, nous pourrons être davantage instrument de son œuvre et non plus de la nôtre par les distractions. Entrer dans l' œuvre de Dieu nous fait vivre en effet quelque chose de bien plus grand que la somme de tous nos ouvrages: c'est l' œuvre du Christ mort et ressuscité qui reprend tout l'homme jusqu'à la mort pour le transformer. Nous faisons mémoire de ce grand labeur qui ressaisit tous les nôtres. En redisant les psaumes dans cette lumière depuis le samedi soir jusqu'au dimanche suivant, nous présentons ce travail gui habite le cœur de l'homme et le nôtre. Les psaumes sont pleins de ce travail, travail d' ajustement:« Seigneur, je t'appelle: accours vers moi! ... Mets une garde à mes lèvres, veille au seuil de ma bouche. Ne laisse pas mon cœur pencher vers le mal ... » (Ps 140). Ou les psaumes sont encore prophéties de ce travail repris dans le mystère du Christ Seigneur:« Le Seigneur te présente le sceptre de ta force: Domine jusqu'au cœur de l'ennemi» (Ps 109). Ces mots qui viennent des âges antiques et qui traversent notre histoire humaine sont l'écho tout autant que la célébration de ce travail de Dieu, dans le cœur des hommes et dans notre histoire. Les redire, prêter notre voix pour les chanter nous donne de devenir ici et maintenant comme l'argile dans les mains du potier. Par son Esprit, et dans le Christ, ses deux mains de Dieu que nous chantons le dimanche soir, le Père nous façonne « être» et « peuple de louange» pour sa gloire. En écho aux psaumes et à la Parole entendue, nos prières litaniques expriment notre consentement actualisé à ce travail de Dieu pour que tout l'homme se laisse transfigurer. Chanter Dieu, se savoir fils du Père et frères les uns des autres nous transforment en profondeur. Dans les prières litaniques, se dit et s'exprime cette quête et cette transformation à l'œuvre aujourd'hui. (2015-11-21)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 18 v 7-11 En quel ordre faut-il dire ces psaumes? écrit le 20 novembre 2015
Verset(s) :

7. A tierce, sexte et none de la seconde férie, on dira les neuf sections qui restent du psaume cent-dix-huit, à raison de trois à chacune de ces mêmes heures.

8. Ayant donc achevé le psaume cent-dix-huit en deux jours, à savoir le dimanche et la seconde férie,

9. à la troisième férie on psalmodiera à tierce, sexte et none trois psaumes chaque fois, depuis le cent-dix-neuvième jusqu'au cent-vingt-septième, c'est-à-dire neuf psaumes.

10. Ces psaumes seront toujours répétés identiquement jusqu'au dimanche à ces mêmes heures, en gardant tous les jours également une disposition uniforme pour les hymnes, leçons et versets,

11. et ainsi l'on commencera toujours le dimanche par le psaume cent-dix-huit.

Commentaire :

Je voudrai m'arrêter ce matin, sur notre office de None ... Nous avons choisi en communauté de permettre sa célébration soit en privé, soit par petit groupe avant de commencer le travail. Cet office a dès lors cette tonalité de liberté qui met bien en lumière notre responsabilité dans le service de la sanctification du temps. Notre service de prière au cœur de l'Eglise et pour l'Eglise est de tenir la veille d'amour. Heure après heure, nous ne voulons pas cesser de faire monter devant le Père la louange des fils reconnaissants pour tous ses bienfaits, mais aussi le cri de tous ceux qui sont dans la souffrance ou l'obscurité. Comme l'heure de sexte, l'heure de None nous permet d'être davantage unis au labeur des hommes et des femmes de notre temps qui contribuent par leur travail à la vie de notre terre, la maison commune. Notre prière ressaisit « l'effort de l 'homme, le poids perdu de la souffrance» dans la lumière du Christ mort et ressuscité. L'heure de None le fait plus spécialement dans la mémoire de la mort de Jésus en croix à 15h00. Par notre prière s'établit un pont entre le mystère de Jésus et la vie laborieuse des hommes: elle porte devant Dieu la peine des hommes et projette en retour la lumière de l'offrande du Christ sur notre humanité. Nous sommes à la fois pleinement membres de cette humanité qui se laisse ressaisir par le Christ, et à la fois instruments de ce lien vivifiant entre notre humanité tâtonnante et le Christ.

Comment vivons-nous cet office? Est-ce que nous savons prendre les moyens pour tenir notre service fidèlement? Il peut arriver que le programme se bouscule, ou que le travail, une sortie ou une rencontre viennent modifier l'emploi du temps. Dans la mesure où nous pouvons le prévoir, anticipons notre temps de prière. Veillons à ne pas nous exempter trop facilement de cet office sous prétexte de perturbations d'horaire. Avant ou après une rencontre avec des frères, n'hésitons pas à proposer de prier ensemble cet office: au début d'une réunion ou d'un départ en voiture. Nous pouvons aussi associer des personnes de l'extérieur avec lesquelles on a rendez-vous et dont on sait qu'elles seront honorées de prier avec nous. N'hésitons pas à partager ce temps de prière. La liberté qui nous est laissée est aussi une opportunité de vivre notre prière plus en prise avec la vie quotidienne. Et si nous mesurons notre faiblesse à demeurer fidèle, sachons en parler et nous faire aider .. (2015-11-20).

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 18 v 1-6 En quel ordre faut-il dire ces psaumes? écrit le 14 novembre 2015
Verset(s) :

1. Tout d'abord, on dira le verset « Dieu, viens à mon aide ; Seigneur, hâte-toi de m'aider », gloria ; puis l'hymne de chaque heure.

2. Ensuite à l'heure de prime, le dimanche, on dira quatre sections du psaume cent-dix-huit.

3. Aux autres heures, à savoir tierce, sexte et none, on dira chaque fois trois sections du susdit psaume cent-dix-huit.

4. A prime de la seconde férie, on dira trois psaumes, à savoir le premier, le deuxième et le sixième.

5. Et ainsi, chaque jour à prime jusqu'au dimanche, on dira à la suite trois psaumes chaque fois jusqu'au psaume dix-neuf, en divisant en deux les psaumes neuf et dix-sept.

6. De la sorte, on commencera toujours par le vingtième aux vigiles du dimanche.

Commentaire :

Ce matin, en écho à ce chapitre sur la distribution des psaumes des offices, je voudrai revenir sur la question que nous avons abordée, lors du chapitre de samedi dernier 7 novembre: que penser de l'essai de chanter, par nocturne des vigiles, 3 psaumes plutôt que 4: ? Plusieurs frères se sont exprimés pour dire leur satisfaction de voir ce changement: il permet une plus grande légèreté; 3 psaumes donnent un rythme dans lequel on entre mieux; l'office est un peu moins long, ce qui sur une semaine n'est pas négligeable. D'autres frères ont exprimé leur désir de conserver 4 psaumes pour la joie de retrouver chaque semaine un certain nombre de psaumes, pour garder à notre office son exigence de service et de don dans la louange, ou pour l'équilibre qui avait été bien étudié lors de la mise en place du cursus. J'entends bien les deux types d'avis qui ont leur poids respectif. Que faire?

Je pense qu'il est plus sage dans le contexte qui est le nôtre, d'avoir 3 Ps, au lieu de 4 par nocturne. Certes, c'est une moindre quantité, mais je crois que la qualité de la prière demeure, ainsi que l'équilibre global, même s'il y peut-être quelques ajustements à faire. La liturgie monastique des heures prévoie cette mesure de 3 psaumes par nocturne, mesure adoptée par nombre de monastère. Cet allégement permet de ne pas trop tirer sur la corde afin que ceux qui se lèvent la nuit le vivent avec élan. Rien n'empêche ceux qui désirent prier davantage de le faire. Certains le font déjà. Demeure possible pour ceux qui ne se lèvent pas de prier tel ou tel psaume avant de se coucher, ou au lever pour s'associer à la prière nocturne. La prière des vigiles reste un lieu fort de notre prière monastique. Elle nous apprend à demeurer des veilleurs. La mesure moindre n'enlève pas ce caractère. Nous pouvons nous réjouir de pouvoir encore en porter humblement le signe au cœur de la nuit. (2015-11-14)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 17 v 7-10 Combien de psaumes faut-il chanter à ces mêmes heures? écrit le 13 novembre 2015
Verset(s) :

7. Pour la synaxe vespérale, on se bornera à quatre psaumes avec antiennes.

8. Après ces psaumes, on récitera la leçon, puis le répons, l'ambrosien, le verset, le cantique de l'Evangile, la litanie, et par l'oraison dominicale se fera le renvoi.

9. Pour les complies, on se bornera à dire trois psaumes. Ces psaumes seront dits directement, sans antiennes.

10. Après quoi l'hymne de cette même heure, une leçon, le verset, Kyrie eleison , et par la bénédiction se fera le renvoi.

Commentaire :

L'office de Complies ... Nous aimons sa tonalité simple et sereine. A la fin de la journée, il accomplit l'œuvre de prière de la journée, et il introduit à la nuit. Office de passage, il voudrait conduire à la paix intérieure s'il en était encore besoin. La journée peut laisser parfois des poids qu'il nous est bon de déposer. « Offrir ce jour à celui qui nous l'a donné. Offrir la peine et la joie confondue, et oublier l'offrande pour regarder encore celui qui veut encore donner ». Transformer certains poids que l'on traine, en offrande à Dieu. Les lui remettre pour mieux nous tenir demain les mains ouvertes, afin de recevoir de nouveau ce qu'il veut nous donner. Certains soucis sont parfois persistants et pourraient troubler le sommeil. Notre prière se fait alors plus humblement insistante: « Que loin de nous s'enfuient les songes et les angoisses de la nuit ». A l'heure de la nuit, le combat peut se faire plus rude et incisif: « Préserve-nous de l'ennemi, que ton amour sans fin nous garde ». Dans cette ligne, tous les psaumes que nous chantons, en plus des Ps 4-90-133 que St Benoit propose tous les jours, sont des psaumes de confiance. Avec eux, nous apprenons à nous tenir paisibles en présence de Dieu: « Quand je me tiens sous l'abri du Très-Haut et repose à l'ombre du Puissant, je dis au Seigneur: 'Mon refuge, mon rempart, mon Dieu dont je suis sûr'. C'est lui qui te sauve des filets du chasseur ... » (Ps 90). « Dans la paix, moi aussi, je me couche et je dors, car tu me donnes d'habiter, Seigneur, seul dans la confiance» (Ps 4). Un don de paix nous est fait. Cet office de Complies nous aide à le recueillir, et à le célébrer. Nous ne sommes pas abandonnés. « La part qui me revient fait mes délices; j'ai même le plus bel héritage. Je bénis le Seigneur qui me conseille, même la nuit mon cœur m'avertit» (Ps 15). Notre vie, jour après jour avec le Seigneur, vient faire grandir cette joie et cette confiance. « Mon cœur exulte, mon âme est en fête, ma chair elle-même repose en confiance: tu ne peux m'abandonner à la mort... » (Ps 15) Et cependant sommes-nous une fois pour toute dans la paix goûtée? Les 53-55 du Jeudi et 139-129 du Vendredi nous permettent d'affronter avec confiance le combat qui surgit toujours: « Le jour où j'ai peur je prends appui sur toi. Sur Dieu dont j'exalte la parole, sur Dieu je prends appui» (Ps 55). Au soir d'une journée, il nous reste la Parole de Dieu. Sur elle, nous pouvons encore prendre appui pour entrer avec confiance dans la nuit. Les capitules brefs nous l'apportent très accessible: « Je suis avec vous tous les jours» entendait-on hier. Enfin prière du Notre Père comme ultime remise à notre Père des Cieux. Et chant à Marie, la Mère du Christ, en qui, avec toute l'Eglise, nous savons pouvoir trouver le soutien d'une mère que la foi patiente nous a rendu proche. (2015-11-13)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 17 v 1-6 Combien de psaumes faut-il chanter à ces mêmes heures? écrit le 12 novembre 2015
Verset(s) :

1. Nous avons déjà disposé l'ordonnance de la psalmodie aux nocturnes et aux matines ; voyons maintenant les heures suivantes.

2. A l'heure de prime, on dira trois psaumes séparément et non sous un seul gloria,

3. l'hymne de cette même heure après le verset : « Dieu, viens à mon aide », avant de commencer les psaumes.

4. Après l'achèvement des trois psaumes, d'autre part, on récitera une leçon, le verset et Kyrie eleison , et le renvoi.

5. A tierce, sexte et none, d'autre part, on célébrera la prière de même, selon cette ordonnance, c'est-à-dire le verset, les hymnes de ces mêmes heures, trois psaumes à chacune, la leçon et le verset, Kyrie eleison et le renvoi.

6. Si la communauté est plus nombreuse, on psalmodiera avec antiennes, mais si elle est moins nombreuse, sur le mode direct.

Commentaire :

« On dira trois psaumes séparément, et non sous un seul gloria» ... Cette petite notation « non sous un seul gloria» attire notre attention sur l'importance de la doxologie qui conclue les psaumes. De psaume en psaume, notre prière liturgique est ainsi scandée par la louange trinitaire. Benoit insiste même sur cette doxologie qui conclue chaque psaume, quand il divise le Ps 142 et le cantique du Deutéronome du "'Samedi matin « en deux gloria» (RB 13,9). En regardant dans la règle du Maitre, j'ai retrouvé cette même insistance qui s'exprime ainsi: « Il faut se garder en psalmodiant de jumeler les psaumes, chose interdite. On doit au contraire les achever tous l'un après l'autre avec le gloria, de façon ... à ne pas donner l'air de retirer leur gloria à la louange de Dieu ... ». Le Maitre craint qu'on retire ainsi quelque chose à la louange de Dieu (RM 33, 42-44 ; cf 33,46,49).

Il est heureux aujourd'hui encore que notre prière liturgique soit traversée et illuminée par cette confession en l'honneur de la Trinité, après chaque psaume, après les répons, les cantiques de l'AT et du NT, et enfin après le Benedictus et le Magnificat. Ces doxologies viennent comme un refrain nous rappeler la finalité du chant des psaumes et des cantiques : la gloire de la Sainte Trinité. Le Maitre fait un rapport entre la liturgie des moines et celle des 24 anciens de l'Apocalypse à l'imitation desquels on adore Dieu, se prosternant en avant, « louant le Seigneur jour et nuit », et rendant gloire à Dieu» (cf RM 36, 4-5). Notre liturgie nous donne déjà de célébrer Celui auprès duquel et dans lequel on ne cessera de se réjouir pour l'éternité.

Cette confession trinitaire dans la louange est le trésor de notre foi chrétienne, comme son joyau. Nous adorons un Dieu qui est en éternelle, vivante et aimante relation: relation du Père avec son Fils, dans l'unité de l'Esprit. Le Dieu Vivant et personnel, Un et Trine, mystère d'amour. A chaque doxologie, nous chantons les louanges d'un Dieu qui nous introduit dans cet échange de relation. En nous donnant part à la vie de son Fils, dont nous devenons des membres, par le don de l'Esprit, nous apprenons à dire: « Père ». A chacun de nous, est proposé d'approfondir ce mystère de communion auquel il est promis. Comme une boussole, notre chant liturgique nous donne la direction sûre vers laquelle nous tendons: une relation tournée vers Notre Père Tout Puissant, uni à son Fils Jésus Christ Notre Seigneur, par l'Esprit Saint qui habite en nos cœurs. (2015-11-12)