vendredi 3 octobre 2025 : journée de solitude pour la communauté, messe vers 6h45 après Laudes.

Commentaires sur la Règle



Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 54 1-4 Si un moine doit recevoir des lettres ou quelque chose écrit le 29 avril 2016
Verset(s) :

1. Il ne sera aucunement permis à un moine de recevoir ou de donner, sans permission de l'abbé, lettres, eulogies ou petits présents quelconques, ni de ses parents, ni d'aucun homme, ni entre eux.

2. Même si ses parents lui envoient quelque chose, il ne se permettra pas de l'accepter avant d'en avoir référé à l'abbé.

3. Si l'abbé permet qu'on l'accepte, il sera en son pouvoir de donner la chose à qui il veut,

4. et le frère à qui on l'avait envoyée ne s'en fâchera pas, « pour ne pas donner d'occasion au diable. »

Commentaire :

Jusqu'où veut-on devenir libre pour le Christ? Telle est la question qui est sousjacente à ce petit chapitre qui aborde apparemment des points secondaires. Jusque dans les petites choses de la vie, dans le donner-recevoir, st Benoit nous propose une pédagogie: mettre sous la lumière, mettre sous le regard d'un autre ce que nous donnons et recevons. Pédagogie de la clarté pour une plus grande liberté intérieure à l'égard des biens, ainsi qu'une plus grande justice dans la mise en commun de notre avoir.

Pédagogie de la clarté pour une plus grande liberté. Un apophtegme d'Antoine rapporte: « Un frère qui avait renoncé au monde et distribué ses biens aux pauvres, mais en en gardant un peu pour lui-même, se rendit chez Abba Antoine. Informé de cela, le vieillard lui dit : « Si tu veux devenir moine, va dans tel village, achète de la viande et mets-la sur ton corps nu, puis viens ici. »Le frère faisant ainsi, les chiens et les oiseaux lui déchirèrent le corps. De retour chez le vieillard, celui-ci s'informa s'il avait suivi son conseil. Comme le frère lui montrait son corps lacéré, Abba Antoine lui dit : « Ceux qui renoncent au monde tout en voulant garder des richesses sont déchirés de cette façon par les démons qui leur font la guerre. » (Antoine 20) Cet apophtegme fait bien comprendre combien notre don pour le Christ est total. Garder des choses, ne pas mettre sous la lumière des choses qu'on reçoit entache notre don. Et plus profondément, nous expose aux tentations qui peuvent parfois être sévères. La liberté du cœur n'a pas de prix.

Pédagogie de la clarté encore parce qu'il y va d'une justice à l'égard de la communauté. Nous nous donnons à elle et nous nous recevons d'elle. Sachons remettre à la communauté ce que nous recevons: friandises, livres, disques, vêtements, appareils divers ... Sachons en parler s'il y a une question ou quelque chose qui mérite discernement. Vivre cela peut nous coûter parfois. Car nous ne sommes pas de bois, et nous restons sensibles aux gestes d'attention dont témoignent les cadeaux. Mais nous avons choisi de mettre tout en commun pour apprendre à aimer vraiment.Ces occasions sont des opportunités pour progresser encore davantage dans le don de nous-même à la communauté. Saisissons-les. (29/04/2016)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 53, 16-24 De la réception des hôtes. écrit le 28 avril 2016
Verset(s) :

16. La cuisine de l'abbé et des hôtes sera à part, afin que les hôtes arrivant à des heures incertaines, – ils ne manquent jamais au monastère, – les frères n'en soient pas dérangés.

17. Dans cette cuisine entreront en charge pour l'année deux frères qui remplissent bien la fonction.

18. S'ils en ont besoin, on leur procurera des aides, pour qu'ils servent sans murmure, et inversement, quand ils ont moins d'occupation, ils iront au travail là où on leur commande.

19. Et l'on y veillera, non seulement pour eux, mais aussi dans tous les services du monastère :

20. quand ils en ont besoin, on leur attribuera des aides, et inversement, quand ils sont libres, ils obéiront aux commandements qu'on leur donne.

21. Quant au logement des hôtes, il sera confié à un frère dont l'âme est pénétrée de la crainte de Dieu.

22. Il y aura là des lits garnis en nombre suffisant, et la maison de Dieu sera administrée par des sages et sagement.

23. Celui qui n'en a pas reçu l'ordre n'entrera aucunement en rapport avec les hôtes ni ne conversera avec eux,

24. mais s'il les rencontre ou les aperçoit, il les saluera humblement, comme nous l'avons dit, et demandant une bénédiction, il passera son chemin en disant qu'il n'a pas permission de converser avec un hôte.

Commentaire :

Les notations plus concrètes qui émaillent cette fin de chapitre permettent de situer l'accueil dans le cadre plus général de la vie monastique. L'accueil n'est qu'une part de l'activité du monastère, et pas sa fin première. Un monastère n'est pas un centre où tout convergerait vers l'accueil. Maison de Dieu pour l'hôte qui est accueilli et maison de Dieu pour le moine venu le chercher en ce lieu, cette maison voudrait aider chacun dans son pèlerinage vers Dieu, les hôtes comme les moines.

L'organisation proposée veut préserver ce climat de recherche de Dieu qui est premier: les repas sont servis, et même préparés à part sous la responsabilité de deux frères; un logement distinct est attribué sous la vigilance d'un sage; dans les rencontres, on garde une juste distance sans chercher à parler avec les hôtes. Ces notations mettent des limites dans l'espace et le temps, mais aussi dans les responsabilités. Quelques frères œuvrent au nom de tous. Nous vivons aujourd'hui encore de cette orientation fondamentale donnée par Benoit qui instaure des limites dans la façon de gérer l'accueil. La responsabilité de l'accueil est portée par les frères hôteliers désignés pour cela, que je remercie ici pour cet engagement qui est prenant. Eux-mêmes font signe à d'autres pour un service ponctuel de rencontre d'une personne et d'un groupe. Cette manière de procéder veut rappeler à chacun qu'accueillir est l'affaire de la communauté, et non une affaire personnelle. L'accueil est un service rendu à la communauté. Il ne peut devenir une manière détournée de chercher à créer un réseau de relations pour soi-même. On est appelé et on est envoyé pour accueillir. Ce point essentiel est un bon critère de discernement pour vivre l'accueil de celui qui passe dans la liberté et la justesse devant Dieu et les frères. On peut toujours se demander avec le temps qui passe: qu'en est-il des relations qui peu à peu se tissent et qui durent dans le temps? Elles ont été initiées suite à une demande faite par l'hôtelier, mais sont-elles porteuses de fruit pour la personne et pour moi ? Quelle est ma liberté par rapport à ses relations? Le Seigneur garde -t- il la première place dans mon cœur et dans l'organisation de mon temps? Se poser ces questions et pouvoir les parler si on veut vraiment discerner, permet d'éviter ou de limiter certaines relations qui risquent d'être trop mondaines, nous détachant de notre recherche de Dieu et de notre attachement premier à la communauté. – (2016-04-28)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 53, 6-15 De la réception des hôtes. écrit le 27 avril 2016
Verset(s) :

6. En saluant, on donnera toutes les marques d'humilité à tous les hôtes qui arrivent ou qui partent.

7. La tête inclinée, le corps prosterné par terre, on adorera en eux le Christ que l'on reçoit.

8. Une fois reçus, on conduira les hôtes à l'oraison, et après cela le supérieur s'assiéra avec eux, lui ou celui qu'il aura désigné.

9. On lira devant l'hôte la loi divine, pour l'édifier. Après quoi, on lui donnera toutes les marques d'hospitalité.

10. Le supérieur rompra le jeûne à cause de l'hôte, sauf si c'est un jour de jeûne majeur que l'on ne puisse violer,

11. tandis que les frères continueront à observer les jeûnes accoutumés.

12. L'abbé versera l'eau sur les mains des hôtes.

13. L'abbé, ainsi que toute la communauté, lavera les pieds de tous les hôtes.

14. Après le lavement des pieds, on dira ce verset : « Nous avons reçu, ô Dieu, ta miséricorde au milieu de ton temple. »

15. On accordera le maximum de soin et de sollicitude à la réception des pauvres et des étrangers, puisque l'on reçoit le Christ davantage en leur personne, la crainte des riches obligeant par elle-même à les honorer.

Commentaire :

Comment signifier à l'hôte et à soi-même qu'on reconnait le Christ en lui? Benoit propose un rituel plein de révérence et plein d'humanité (humanitas). Révérence dans la prosternation qui adore, et humanité dans le lavement des pieds et dans le jeûne qui est rompu. Il s'inspire de la pratique des pères du désert telle qu'elle s'exprime dans cet apophtegme. « Abba Apollos disait de l'accueil hospitalier des frères: Il faut se prosterner devant les frères qui viennent, car ce n'est pas devant eux, c'est devant Dieu que nous nous prosternons. Il est dit en effet: 'Tu as vu ton frère, tu as vu le Seigneur ton Dieu '. Telle est, disait-il la tradition reçue d'Abraham. Et ceux qu'on reçoit, on doit les obliger à se restaurer; cela nous l'avons appris de Lot, qui a ainsi obligé les anges» (Apollos 3). Concernant la rupture du jeûne, st Benoit puise aussi dans la tradition reçue de Cassien qui raconte: «Nous avions quitté la Syrie pour la Province d'Egypte, désireux d'y apprendre les axiomes des anciens, et nous nous étonnions de la grande cordialité avec laquelle nous y étions reçus: contrairement à ce qu'on nous avait enseigné en Palestine, on n'observait pas la règle d'attendre l 'heure fixée pour le repas, mais, excepté le mercredi et le vendredi, où que nous allions, on rompait le jeûne. L'un des anciens à qui nous demandions pourquoi, chez eux on omettait si facilement les jeûnes quotidiens, nous répondit: le jeûne est toujours avec moi, mais vous, que je vais bientôt congédier, je ne pourrais pas vous garder sans cesse avec moi. Et le jeûne quoiqu'utile et nécessaire, est pourtant l'offrande d'un présent volontaire, tandis que l'accomplissement de l 'œuvre de charité est l'exigence absolue du précepte. » (lnst. 5,24) Prosternation, lavement des pieds, rupture du jeûne pour honorer le Christ reconnu dans l'hôte ... Le rituel d'accueil peut alors se conclure par ce cri de foi: «Nous avons reçu, ô Dieu, ta miséricorde au milieu de ton temple. »(Ps 47,10) Magnifique leçon de foi, qui non seulement reconnait Dieu dans l'hôte, mais qui l'accueille comme une manifestation de la miséricorde divine. C'est une preuve de la miséricorde de Dieu de venir à nous sous la figure de l'hôte, de l'étranger et du pauvre, afin que nous puissions exercer la miséricorde. En d'autres termes, Dieu nous fait miséricorde quand il nous permet de faire preuve de miséricorde et de charité à tout homme qui passe. Il nous faut laisser ce regard de foi de la règle nous guider et nous illuminer. Au lieu de subir l'arrivée ou la demande importune d'un hôte ou d'un frère, il nous aidera à déployer des énergies nouvelles de charité. En cette année de la miséricorde, cultivons ce regard de foi qui vient décupler en nous la charité, don de la miséricorde de Dieu. – (2016-04-27)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 53, 1-5 De la réception des hôtes. écrit le 26 avril 2016
Verset(s) :

1. Tous les hôtes qui se présentent doivent être reçus comme le Christ, car il dira : « J'ai été hôte et vous m'avez reçu. »

2. « A tous » on rendra les honneurs qui leur sont dus, « surtout aux frères dans la foi » et aux étrangers.

3. Lors donc qu'un hôte sera annoncé, le supérieur et les frères iront à sa rencontre avec toutes les politesses de la charité.

4. On commencera par prier ensemble, et ensuite on échangera la paix.

5. Ce baiser de paix ne doit se donner qu'après qu'on ait prié, à cause des illusions du diable.

Commentaire :

Un verbe revient plusieurs fois dans ce chapitre, c'est le verbe « recevoir » ... Rien de bien surprenant puisqu'on y traite de la « réception des hôtes » ... Recevoir, « suscipere », en latin. C'est le même verbe qu'on retrouvera un peu plus loin dans le chapitre sur l'accueil des nouveaux frères au sein de la communauté. Dans le rituel d'accueil, ces derniers prieront ainsi « reçois-moi Seigneur, selon ta parole et je vivrai» ... Ce parallèle entre les deux chapitres est suggestif par l'inversion qui se produit. Ici dans ce chapitre, c'est en quelque sorte le Christ en la personne du pèlerin ou de l'hôte de passage, du pauvre surtout, qui semble adresser cette prière aux moines du monastère : « reçois-moi». Il vient sous les multiples visages qui se présentent pour requérir notre hospitalité et notre charité. Le moine nouveau venu fera cette demande au Seigneur pour toujours. Le Christ qui se présente dans la figure de l'hôte, s'adresse à nous pour un temps. Il passe puis se présente de nouveau sous la figure d'une autre personne. Mais c'est la même demande implicite qui est exprimée: « reçois-moi » ...

Nous habituer à écouter nos hôtes, à les accueillir en entendant cette prière implicite du Christ, peut-être pour nous une belle école de charité. Charité qui se décline en honneurs rendus, en politesse empressée, en prière partagée, et en paix échangée. Notre foi au Christ, reconnu et entendu dans la personne qui passe, quel qu'elle soit, stimule et affine notre charité. Là où parfois, il n'y a pas d'atome crochu, voire des choses qui en l'autre repousse, notre regard de foi nous entraine à aller plus loin dans l'amour. Aimer à travers l'accueil des hôtes, pour un temps d'écoute ou pour un service rendu, cela requiert de notre part une vraie discrétion, une juste distance qui s'écarte de la familiarité ou du copinage. C'est d'ailleurs la même chose entre nous, il y va de la chasteté qui ouvre un espace de respect et de liberté. Quand le Christ demande « reçois-moi », il nous convoque à cet amour chaste qui ne retient rien, qui donne sans chercher à capter l'autre. Rien de plus contraire à un accueil monastique que le souci de tisser de liens ou d'avoir sa clientèle. Le Christ passe pour se reposer et refaire ses forces ... Il passe en ces milles visages reçus. Notre joie vient non pas de le retenir, mais de le servir et de l'honorer en toute personne croisée. Notre récompense sera d'avoir été juste, ajusté et de nous être donné pour le bien de la personne et pour la Gloire de Dieu ... – (2016-04-26)

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 52 1-5 De l'oratoire du monastère. écrit le 22 avril 2016
Verset(s) :

1. L'oratoire sera ce que signifie son nom, et on n'y fera ou déposera rien d'autre.

2. L'œuvre de Dieu achevée, tous sortiront dans un silence complet et l'on aura le respect de Dieu,

3. en sorte qu'un frère qui voudrait prier à par soi en particulier, n'en soit pas empêché par l'importunité d'un autre.

4. Si en outre, à un autre moment, il voulait prier à part soi en privé, il entrera et il priera sans bruit, non à voix haute, mais avec larmes et application du cœur.

5. Donc celui qui ne fait pas ainsi, on ne lui permettra pas de demeurer à l'oratoire, une fois achevée l'œuvre de Dieu, comme il a été dit, de peur qu'un autre n'y trouve un empêchement.

Commentaire :

C'est l'un des beaux chapitres de la Règle. Nous y trouvons la pensée de Saint Benoit sur Dieu, sur notre vie de prière. Sur l'oratoire: c'est la maison de Dieu, c'est le centre du monastère, le centre de notre vie commune.

Prier, cela ne s'improvise pas. La prière, avant d'être parole, est un désir de relation avec Dieu. C'est l'Esprit Saint qui prie en nous. Il y prie sans cesse. Il ne se lasse pas de travailler notre cœur. Mais nous sommes pauvres et souvent ailleurs, notre acte de prière reste limité dans son exercice, dépendant de tant de conditions, extérieures ou intérieures.

Benoit organise notre vie en fonction de cette double réalité qui fait le fond de notre prière chrétienne:

- Dieu toujours présent et agissant en nous.

- Nous autres, faits pour prier sans cesse, mais incapables dans cette vie de nous maintenir en acte de prière.

La Règle nous aide à organiser au monastère un climat favorable à la prière: silence, humilité, obéissance, charité fraternelle. Pourtant, quand il s'agit de l'acte même de la prière, du temps à lui consacrer, Benoit est d'une grande discrétion. Il n'impose pas à la communauté un temps trop long. Mais il demande à chacun de ne pas nuire au silence et au besoin de prière de ses frères. Ceci est très encourageant. A cette école, personne ne peut dire: « Ce n'est pas pour moi ».

Nous pouvons tous devenir hommes de prière. Mais qui peut dire qu'il y est arrivé! C'est un long apprentissage de docilité à l'Esprit Saint, qui travaille sans cesse en chacun de nous. – (2016-04-22)

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 50 1-4 Des frères qui travaillent loin de l'oratoire, ou qui sont en voyage. écrit le 20 avril 2016
Verset(s) :

1. Les frères qui sont au travail tout à fait loin et qui ne peuvent se rendre à l'oratoire à l'heure voulue, –

2. et l'abbé estime qu'il en est bien ainsi, –

3. célébreront l'œuvre de Dieu sur place, là où ils travaillent, en fléchissant les genoux avec crainte de Dieu.

4. De même ceux qui sont envoyés en voyage ne laisseront point passer les heures prescrites, mais les célébreront de leur côté comme ils pourront, et ne négligeront pas de s'acquitter de cette prestation de leur service.

Commentaire :

« Ils accompliront l'œuvre de Dieu» Comme ce conseil de Benoit est utile pour notre vie de moine! Notre objectif est d'être attentif à la Présence de Dieu, où que nous soyons. Mais les prétextes sont innombrables et pressants de remettre l'Office à plus tard, de faire vite, ou même de ne rien faire du tout. L'Office Divin est le premier lieu de notre Lectio Divina, un moment où Dieu nous parle, où sa Parole nous nourrit.

Je pense à une session que nous avions eue il y a très longtemps sur Simone Weil, donnée par un Hongrois, Miklos Veto: « L'attention chez Simone Weil ». Nous le ressentons souvent: un instant d'attention, et toute la force d'un verset de Psaume, d'une Parole du Christ, nous bouleverse. Faire attention à ce que nous entendons, à ce que nous chantons. Habiter les mouvements de notre corps dans la liturgie, nous prosterner devant Dieu, nous tourner vers Lui. Mieux habiter notre corps peut nous aider beaucoup à être totalement présent. A faire corps avec nos frères, avec tous les participants de notre liturgie.

Ce chapitre nous le redit: où que nous soyons, quoique nous ayons à faire, l'Office Divin est un rappel de ce pour quoi nous sommes là. Là où Dieu nous veut, là où Il nous appelle.

Aucune circonstance ne nous dispense de cette attitude du cœur: traiter Dieu en Dieu. Savoir s'arrêter, se mettre à l'écart, ou faire au moins un effort de silence intérieur, d'attention à Dieu. Sans trop de respect humain, sans ostentation déplacée non plus, qui soit gênante pour les autres.

Nous pouvons nous aider à prier Dieu, quand nous sommes plusieurs frères ensembles, hors du monastère. (2016-04-20)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 49 1-10 De l'observance du carême. écrit le 16 avril 2016
Verset(s) :

1. Bien que la vie du moine doive garder en tout temps l'observance du carême,

2. cependant, comme il en est peu qui aient cette vertu, nous recommandons que pendant ces jours du carême on garde sa vie en toute pureté,

3. et que l'on efface en ces jours saints à la fois toutes les négligences des autres temps.

4. Nous y parviendrons en renonçant à tous les vices et en nous appliquant à l'oraison avec larmes, à la lecture et à la componction du cœur, ainsi qu'à l'abstinence.

5. Donc en ces jours ajoutons quelque chose aux prestations ordinaires de notre service : oraisons particulières, abstinence d'aliments et de boisson,

6. en sorte que chacun offre à Dieu, de son propre mouvement, avec la joie de l'Esprit-Saint, quelque chose en plus de la mesure qui lui est imposée,

7. c'est-à-dire qu'il retranche à son corps sur la nourriture, la boisson, le sommeil, la loquacité, la plaisanterie, et qu'il attende la sainte Pâque avec la joie du désir spirituel.

8. Cependant ce que chacun offre, il doit le proposer à son abbé et le faire avec l'oraison et l'agrément de celui-ci,

9. car ce qui se fait sans la permission du père spirituel sera mis au compte de la présomption et de la vaine gloire, non de la récompense.

10. Tout doit donc s’accomplir avec l’agrément de l’abbé.

Commentaire :

«Bien que la vie du moine doive garder en tout temps l'observance du carême» ... Pour bien comprendre cette affirmation de Benoit, je la rapprocherai de la belle sentence de St Jean Climaque que nous entendions au martyrologe le 30 mars: «Le moine est celui qui garde sa ferveur de tout refroidissement, et, jusqu'à son passage, chaque jour, ajoute feu sur feu, désir sur désir.» Chaque jour, en tout temps, le moine fait des choses, observe un genre de vie, non pour obéir à une loi qui lui resterait extérieure. Mais il exprime par là son désir d'être tout au Christ, en lui conformant sa vie. Et ce faisant sans se relâcher, il ajoute feu sur feu à sa vie intérieure et extérieure. L'observance de différentes pratiques d'horaires, la façon de vivre le silence et les relations, de se situer par rapport aux biens ... tout ceci pratiqué avec élan par amour du Christ, déploie peu à peu le désir et le libère des fausses sécurités. Nous venons de perdre notre P. Denis. J'ai l'impression qu'il nous laisse un exemple accompli de cela. Jusqu'au bout, il n'a eu qu'un désir: faire ce que la vie monastique lui demandait en participant aux offices et à tous les exercices communautaires, en veillant à ne rien accumuler dans sa cellule, en vivant avec cœur, discrétion et liberté les relations fraternelles et humaines ... Avec exigence pour lui-même, il a été un observant de la règle, sans le faire sentir ou peser sur les autres. Ce désir ardent qui l'habitait l'a conduit à mourir debout, se donnant jusqu'au dernier souffle, sans rien de forcé ou d'exagéré, même s'il fallait un peu le freiner tout à la fin. Il a cherché Dieu, sans fléchir dans sa quête, et il est resté vivant, debout, donné. Merveilleux accord dans une même vie, entre la dimension quadragésimale où l'on ne cesse de s'exercer, et la dimension pascale où s'accueillent et se dilatent les capacités d'aimer et de se donner. Car y-aurait-il le temps pascal sans le carême ou la résurrection sans la passion? Notre vie monastique nous entraîne jour après jour dans le mystère pascal du Christ. En sa dimension quadragésimale, elle nous apprend à mourir à nous-même et à renoncer à nos faux appuis. En sa dimension pascale, elle nous donne d'accueillir la grâce imméritée du salut, et de goûter la liberté que le Christ fait grandir en nous ... Tout cela petit à petit. .. par lentes avancées, avec parfois des reculades, mais sans découragement pour repartir ... Réjouissons-nous et rendons grâce d'être ainsi progressivement conformés au Christ qui n'a pas ménagé sa peine pour sortir libre et vainqueur du mal. – (2016-04-16)

Voir le commentaire de Frère Yvan / Chapitre 51 1-3 Des frères qui s'en vont à peu de distance. écrit le 16 avril 2016
Verset(s) :

1. Un frère qui est envoyé pour une commission quelconque et dont on attend le retour au monastère ce jour-là, ne se permettra pas de manger au dehors, même s'il y est invité tout à fait instamment par quiconque,

2. sauf si son abbé lui en a donné l'ordre.

3. S'il fait autrement, il sera excommunié.

Commentaire :

Dans ce chapitre, Benoit peut nous donner l'impression d'être un peu étroit: une obéissance qui doit entrer dans les moindres détails! Pourtant, si nous regardons avec objectivité ce qu'il dit, nous savons bien que nous pouvons perdre notre vocation à cause de nos relations extérieures, vécues sans lien avec le P. Abbé ni avec la communauté. Ou mener des vies parallèles.

Il nous arrive de devoir prendre une décision sans pouvoir en parler avec notre Abbé. Mais si nous nous dispensons d'en rendre compte, d'en parler ensuite, ce n'est pas la vraie liberté du cœur. C'est de la présomption: elle consiste à s'imaginer que l'on sait, que l'on est au-dessus de tout cela, que l'on n'en est plus là, que c'est bon pour les autres, pas pour nous ...

Dans ce chapitre, Benoit nous met en garde contre cette fausse liberté. Loin de nous rendre vraiment libres, elle nous éloigne du but de notre vie. Demander une permission, parler de que nous avons vécu, de nos rencontres, cela peut parfois nous demander un effort immense. Mais c'est aussi le plus bel acte libre que nous puissions faire.

Benoit nous le disait au début de la Règle, l'obéissance est le premier pas de l'humilité. Elle nous aide à prendre conscience de nos esclavages, tout ce qui nous empêche de vivre. L'illusion de la liberté devient vite la pire des tyrannies. (2016-04-16)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 48, 21-25 Du travail manuel de chaque jour. écrit le 15 avril 2016
Verset(s) :

21. Un frère n'entrera pas en rapport avec un autre frère à des heures qui ne conviennent pas.

22. Le dimanche, de même, tous vaqueront à la lecture, sauf ceux qui sont affectés à différents services.

23. Cependant si quelqu'un est négligent et paresseux au point de ne pas vouloir ou pouvoir apprendre ou lire, on lui assignera un ouvrage à faire, pour qu'il ne reste pas inoccupé.

24. Aux frères malades ou délicats on assignera un ouvrage ou métier approprié, de façon qu'ils ne soient pas oisifs et que la violence du travail ne les accable point ou ne les mette en fuite.

25. L'abbé doit avoir égard à leur faiblesse.

Commentaire :

« Du travail manuel de chaque jour », tel est le titre de ce chapitre ... Chaque jour, même le dimanche n'est pas oublié. Il sera normalement consacré à la lecture et à la prière. St Benoit ne donne pas de place aux loisirs, tel que nous les comprenons aujourd'hui. Ceux-ci sont-ils le fait d'une civilisation plus riche qui s'est peu à peu libérée des contraintes journalières pour survivre? En effet bon nombre de pays ou de personnes trop pauvres ne connaissent pas encore les loisirs à la mode occidentale.

Comment vivre les loisirs dans la vie monastique aujourd'hui? Faut-il se calquer sur ce que vivent nos contemporains qui valorisent beaucoup le fait changer de lieux, et de faire des expériences différentes, voire extrêmes (on parle chez les plus jeunes de « s'éclater» ... ) ? Les loisirs sont-ils à chercher dans un ailleurs quand on est des moines stables en un lieu, en un rythme de vie, et dans leurs relations? Comment gérer les tensions qui ne manquent pas, liées à des surcharges de travail, à des équilibres difficiles à trouver, et finalement à la vie qui éprouve en raison de la persévérance qu'elle demande? Il n'est pas facile de répondre à ces questions car chacun aura sa manière de les envisager. Je vois un écueil à éviter: celui de penser les loisirs comme quelque chose d'extérieur à notre vie monastique, et de les vivre comme une mise entre parenthèse de notre recherche profonde de Dieu. Si nous avons besoin de détente, le Seigneur connait ce besoin, et souhaite qu'on puisse se refaire pour reprendre des forces. Nous reposer en Lui, en sa Présence sera le gage d'une joie supérieure et profonde parce qu'enracinée dans le désir d'être tout à Dieu. Plus nous veillons à vivre nos moments de loisirs sous son regard, plus nous goûtons le vrai plaisir qui unifie notre vie. Celle-ci peut alors retrouver de la saveur et du goût, même dans le labeur et le rythme soutenu qui est le nôtre. Selon chacun, ces loisirs seront variés: du sport pour les uns, de la marche, une lecture, une rencontre avec un frère, une activité créatrice, écouter de la musique, regarder un film avec des frères qui est plus riche que seul, faire un jeu seul ou à plusieurs, faire du courrier ... Comme moine, il nous revient de vivre ces loisirs, non comme une parenthèse vécue en dehors de notre propos premier, mais comme un moment recréateur. Moment qui nourrit notre élan spirituel, mais aussi notre communion fraternelle. Il serait triste que ces activités représentent un refuge qui nous isole de nos frères. Peut-être y-a-t-il encore à chercher des manières de vivre des moments de loisirs ensemble. Les groupes en offrent déjà autour d'un repas, d'un film ou de la promenade. Nos soirées communes ont aussi ce caractère qui nous donne de lajoie d'être ensemble. Et cela est une joie profonde toujours recréatrice. – (2016-04-15)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 48, 10-21 Du travail manuel de chaque jour. écrit le 14 avril 2016
Verset(s) :

10. Des Calendes d'octobre au début du carême, ils vaqueront à la lecture jusqu'à la fin de la deuxième heure.

11. À la deuxième heure, on célébrera tierce, et jusqu'à none tous travailleront à l'ouvrage qui leur est assigné.

12. Au premier signal de la neuvième heure, chacun quittera son ouvrage, et ils se tiendront prêts pour le moment où retentira le second signal.

13. Après le repas, ils vaqueront à leurs lectures ou aux psaumes.

14. Aux jours de carême, depuis le matin jusqu'à la fin de la troisième heure, ils vaqueront à leurs lectures, et jusqu'à la fin de la dixième heure ils feront ce qui leur est assigné.

15. En ces jours de carême, chacun recevra un livre de la bibliothèque, qu'il devra lire à la suite et intégralement.

16. Ces livres doivent être distribués au début du carême.

17. Avant tout, bien sûr, il faut désigner un ou deux anciens qui circulent dans le monastère aux heures où les frères vaquent à la lecture.

18. Ils veilleront à ce qu'il ne se trouve pas de frère atteint d'acédie, qui vaque à l'oisiveté ou au bavardage au lieu de s'appliquer à la lecture, et qui non seulement se fait tort à lui-même, mais en outre distrait les autres.

19. Si l'on en trouve un, – à Dieu ne plaise, – on le réprimandera une fois, deux fois ;

20. s'il ne s'amende pas, il subira la réprimande de règle, de telle façon que les autres en conçoivent de la crainte.

21. Un frère n'entrera pas en rapport avec un autre frère à des heures qui ne conviennent pas.

Commentaire :

Je trouve intéressant de relever le vocabulaire utilisé par Benoit pour parler des différentes activités réparties dans la journée. Au tout début, il insistait pour que les moines soient « occupés, en des temps déterminés au travail, et à des heures déterminées à la lecture divine. » Etre occupé, du latin occupo, are, qu'on peut aussi traduire: prendre possession d'avance, prendre avant tout autre ... S'occuper, c'est veiller à bien prendre possession du temps qui est devant nous. Le faire de telle sorte que l'activité projetée remplisse vraiment le temps imparti. Comment le moine occupe-t-il son temps? Il vague à la lecture, il célèbre l'office, il travaille à son ouvrage. Trois activités avec trois verbes différents utilisés: vaquer, célébrer travailler. Vaguer aux lectures: du verbe « vacare », être vide, être libre pour faire quelque chose ... Lire les Ecritures, ou d'autres lectures demandent d'être libre ... de se dégager 1

d'autres obligations pour s'adonner à cet exercice qui demande une certaine concentration de l'esprit et une disponibilité du coeur ... S'occuper à lire, demande donc une vraie démarche, un vrai engagement ... Et st Benoit note bien la difficulté de l'exercice: plutôt que de s'exercer à lire qui demande une certaine énergie, on peut vaguer à l'oisiveté, être libre pour ne rien faire, pour papillonner, se disperser, tourner en rond ... Le danger est si réel, qu'il prévoit des anciens qui veillent à ce qu'on ne sombre pas dans ce travers ou dans le bavardage ...

Célébrer l'office. St Benoit utilise une seule fois le verbe latin « celebrare », il préfère le verbe « agere », qui pourrait signifier plus simplement accomplir, faire ou dire l'office. La traduction du P. Adalbert habituelle privilégie le verbe « célébrer» qui renvoie au verbe latin « celebrare». Celui-ci signifie « fréquenter en grand nombre un lieu» ou « assister en grand nombre à une fête » ... par extension il comporte la notion d'une certaine solennité. Célébrer tierce ou none, c'est se rassembler en nombre pour donner à cette heure une certaine solennité en chantant la gloire de Dieu. Avec la prière de l'office, le moine choisit d'occuper, de donner tout ce temps pour Dieu et lui-seul.

Travailler à son ouvrage. Le verbe latin « laborare», qui signifie « travailler », a aussi cette connotation de « se donner de la peine.» A côté du temps où il se libère pour la lecture, il y a le temps du travail plus pénible, dans les champs ou ailleurs, par lequel va être assuré la subsistance de la communauté. Et en cela, il est vraiment moine, nous dit st Benoit. Vaquer à la lecture, célébrer l'office, travailler à son ouvrage: la vie du moine voudrait nous offre une vrai équilibre ... équilibre toujours en tension, comme tout équilibre, qui ne se trouve qu'en marchant. - (2016-04-14)