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1. Tous les hôtes qui se présentent doivent être reçus comme le Christ, car il dira : « J'ai été hôte et vous m'avez reçu. »
2. « A tous » on rendra les honneurs qui leur sont dus, « surtout aux frères dans la foi » et aux étrangers.
3. Lors donc qu'un hôte sera annoncé, le supérieur et les frères iront à sa rencontre avec toutes les politesses de la charité.
4. On commencera par prier ensemble, et ensuite on échangera la paix.
5. Ce baiser de paix ne doit se donner qu'après qu'on ait prié, à cause des illusions du diable.
Un verbe revient plusieurs fois dans ce chapitre, c'est le verbe « recevoir » ... Rien de bien surprenant puisqu'on y traite de la « réception des hôtes » ... Recevoir, « suscipere », en latin. C'est le même verbe qu'on retrouvera un peu plus loin dans le chapitre sur l'accueil des nouveaux frères au sein de la communauté. Dans le rituel d'accueil, ces derniers prieront ainsi « reçois-moi Seigneur, selon ta parole et je vivrai» ... Ce parallèle entre les deux chapitres est suggestif par l'inversion qui se produit. Ici dans ce chapitre, c'est en quelque sorte le Christ en la personne du pèlerin ou de l'hôte de passage, du pauvre surtout, qui semble adresser cette prière aux moines du monastère : « reçois-moi». Il vient sous les multiples visages qui se présentent pour requérir notre hospitalité et notre charité. Le moine nouveau venu fera cette demande au Seigneur pour toujours. Le Christ qui se présente dans la figure de l'hôte, s'adresse à nous pour un temps. Il passe puis se présente de nouveau sous la figure d'une autre personne. Mais c'est la même demande implicite qui est exprimée: « reçois-moi » ...
Nous habituer à écouter nos hôtes, à les accueillir en entendant cette prière implicite du Christ, peut-être pour nous une belle école de charité. Charité qui se décline en honneurs rendus, en politesse empressée, en prière partagée, et en paix échangée. Notre foi au Christ, reconnu et entendu dans la personne qui passe, quel qu'elle soit, stimule et affine notre charité. Là où parfois, il n'y a pas d'atome crochu, voire des choses qui en l'autre repousse, notre regard de foi nous entraine à aller plus loin dans l'amour. Aimer à travers l'accueil des hôtes, pour un temps d'écoute ou pour un service rendu, cela requiert de notre part une vraie discrétion, une juste distance qui s'écarte de la familiarité ou du copinage. C'est d'ailleurs la même chose entre nous, il y va de la chasteté qui ouvre un espace de respect et de liberté. Quand le Christ demande « reçois-moi », il nous convoque à cet amour chaste qui ne retient rien, qui donne sans chercher à capter l'autre. Rien de plus contraire à un accueil monastique que le souci de tisser de liens ou d'avoir sa clientèle. Le Christ passe pour se reposer et refaire ses forces ... Il passe en ces milles visages reçus. Notre joie vient non pas de le retenir, mais de le servir et de l'honorer en toute personne croisée. Notre récompense sera d'avoir été juste, ajusté et de nous être donné pour le bien de la personne et pour la Gloire de Dieu ... – (2016-04-26)
1. L'oratoire sera ce que signifie son nom, et on n'y fera ou déposera rien d'autre.
2. L'œuvre de Dieu achevée, tous sortiront dans un silence complet et l'on aura le respect de Dieu,
3. en sorte qu'un frère qui voudrait prier à par soi en particulier, n'en soit pas empêché par l'importunité d'un autre.
4. Si en outre, à un autre moment, il voulait prier à part soi en privé, il entrera et il priera sans bruit, non à voix haute, mais avec larmes et application du cœur.
5. Donc celui qui ne fait pas ainsi, on ne lui permettra pas de demeurer à l'oratoire, une fois achevée l'œuvre de Dieu, comme il a été dit, de peur qu'un autre n'y trouve un empêchement.
C'est l'un des beaux chapitres de la Règle. Nous y trouvons la pensée de Saint Benoit sur Dieu, sur notre vie de prière. Sur l'oratoire: c'est la maison de Dieu, c'est le centre du monastère, le centre de notre vie commune.
Prier, cela ne s'improvise pas. La prière, avant d'être parole, est un désir de relation avec Dieu. C'est l'Esprit Saint qui prie en nous. Il y prie sans cesse. Il ne se lasse pas de travailler notre cœur. Mais nous sommes pauvres et souvent ailleurs, notre acte de prière reste limité dans son exercice, dépendant de tant de conditions, extérieures ou intérieures.
Benoit organise notre vie en fonction de cette double réalité qui fait le fond de notre prière chrétienne:
- Dieu toujours présent et agissant en nous.
- Nous autres, faits pour prier sans cesse, mais incapables dans cette vie de nous maintenir en acte de prière.
La Règle nous aide à organiser au monastère un climat favorable à la prière: silence, humilité, obéissance, charité fraternelle. Pourtant, quand il s'agit de l'acte même de la prière, du temps à lui consacrer, Benoit est d'une grande discrétion. Il n'impose pas à la communauté un temps trop long. Mais il demande à chacun de ne pas nuire au silence et au besoin de prière de ses frères. Ceci est très encourageant. A cette école, personne ne peut dire: « Ce n'est pas pour moi ».
Nous pouvons tous devenir hommes de prière. Mais qui peut dire qu'il y est arrivé! C'est un long apprentissage de docilité à l'Esprit Saint, qui travaille sans cesse en chacun de nous. – (2016-04-22)
1. Les frères qui sont au travail tout à fait loin et qui ne peuvent se rendre à l'oratoire à l'heure voulue, –
2. et l'abbé estime qu'il en est bien ainsi, –
3. célébreront l'œuvre de Dieu sur place, là où ils travaillent, en fléchissant les genoux avec crainte de Dieu.
4. De même ceux qui sont envoyés en voyage ne laisseront point passer les heures prescrites, mais les célébreront de leur côté comme ils pourront, et ne négligeront pas de s'acquitter de cette prestation de leur service.
« Ils accompliront l'œuvre de Dieu» Comme ce conseil de Benoit est utile pour notre vie de moine! Notre objectif est d'être attentif à la Présence de Dieu, où que nous soyons. Mais les prétextes sont innombrables et pressants de remettre l'Office à plus tard, de faire vite, ou même de ne rien faire du tout. L'Office Divin est le premier lieu de notre Lectio Divina, un moment où Dieu nous parle, où sa Parole nous nourrit.
Je pense à une session que nous avions eue il y a très longtemps sur Simone Weil, donnée par un Hongrois, Miklos Veto: « L'attention chez Simone Weil ». Nous le ressentons souvent: un instant d'attention, et toute la force d'un verset de Psaume, d'une Parole du Christ, nous bouleverse. Faire attention à ce que nous entendons, à ce que nous chantons. Habiter les mouvements de notre corps dans la liturgie, nous prosterner devant Dieu, nous tourner vers Lui. Mieux habiter notre corps peut nous aider beaucoup à être totalement présent. A faire corps avec nos frères, avec tous les participants de notre liturgie.
Ce chapitre nous le redit: où que nous soyons, quoique nous ayons à faire, l'Office Divin est un rappel de ce pour quoi nous sommes là. Là où Dieu nous veut, là où Il nous appelle.
Aucune circonstance ne nous dispense de cette attitude du cœur: traiter Dieu en Dieu. Savoir s'arrêter, se mettre à l'écart, ou faire au moins un effort de silence intérieur, d'attention à Dieu. Sans trop de respect humain, sans ostentation déplacée non plus, qui soit gênante pour les autres.
Nous pouvons nous aider à prier Dieu, quand nous sommes plusieurs frères ensembles, hors du monastère. (2016-04-20)
1. Bien que la vie du moine doive garder en tout temps l'observance du carême,
2. cependant, comme il en est peu qui aient cette vertu, nous recommandons que pendant ces jours du carême on garde sa vie en toute pureté,
3. et que l'on efface en ces jours saints à la fois toutes les négligences des autres temps.
4. Nous y parviendrons en renonçant à tous les vices et en nous appliquant à l'oraison avec larmes, à la lecture et à la componction du cœur, ainsi qu'à l'abstinence.
5. Donc en ces jours ajoutons quelque chose aux prestations ordinaires de notre service : oraisons particulières, abstinence d'aliments et de boisson,
6. en sorte que chacun offre à Dieu, de son propre mouvement, avec la joie de l'Esprit-Saint, quelque chose en plus de la mesure qui lui est imposée,
7. c'est-à-dire qu'il retranche à son corps sur la nourriture, la boisson, le sommeil, la loquacité, la plaisanterie, et qu'il attende la sainte Pâque avec la joie du désir spirituel.
8. Cependant ce que chacun offre, il doit le proposer à son abbé et le faire avec l'oraison et l'agrément de celui-ci,
9. car ce qui se fait sans la permission du père spirituel sera mis au compte de la présomption et de la vaine gloire, non de la récompense.
10. Tout doit donc s’accomplir avec l’agrément de l’abbé.
«Bien que la vie du moine doive garder en tout temps l'observance du carême» ... Pour bien comprendre cette affirmation de Benoit, je la rapprocherai de la belle sentence de St Jean Climaque que nous entendions au martyrologe le 30 mars: «Le moine est celui qui garde sa ferveur de tout refroidissement, et, jusqu'à son passage, chaque jour, ajoute feu sur feu, désir sur désir.» Chaque jour, en tout temps, le moine fait des choses, observe un genre de vie, non pour obéir à une loi qui lui resterait extérieure. Mais il exprime par là son désir d'être tout au Christ, en lui conformant sa vie. Et ce faisant sans se relâcher, il ajoute feu sur feu à sa vie intérieure et extérieure. L'observance de différentes pratiques d'horaires, la façon de vivre le silence et les relations, de se situer par rapport aux biens ... tout ceci pratiqué avec élan par amour du Christ, déploie peu à peu le désir et le libère des fausses sécurités. Nous venons de perdre notre P. Denis. J'ai l'impression qu'il nous laisse un exemple accompli de cela. Jusqu'au bout, il n'a eu qu'un désir: faire ce que la vie monastique lui demandait en participant aux offices et à tous les exercices communautaires, en veillant à ne rien accumuler dans sa cellule, en vivant avec cœur, discrétion et liberté les relations fraternelles et humaines ... Avec exigence pour lui-même, il a été un observant de la règle, sans le faire sentir ou peser sur les autres. Ce désir ardent qui l'habitait l'a conduit à mourir debout, se donnant jusqu'au dernier souffle, sans rien de forcé ou d'exagéré, même s'il fallait un peu le freiner tout à la fin. Il a cherché Dieu, sans fléchir dans sa quête, et il est resté vivant, debout, donné. Merveilleux accord dans une même vie, entre la dimension quadragésimale où l'on ne cesse de s'exercer, et la dimension pascale où s'accueillent et se dilatent les capacités d'aimer et de se donner. Car y-aurait-il le temps pascal sans le carême ou la résurrection sans la passion? Notre vie monastique nous entraîne jour après jour dans le mystère pascal du Christ. En sa dimension quadragésimale, elle nous apprend à mourir à nous-même et à renoncer à nos faux appuis. En sa dimension pascale, elle nous donne d'accueillir la grâce imméritée du salut, et de goûter la liberté que le Christ fait grandir en nous ... Tout cela petit à petit. .. par lentes avancées, avec parfois des reculades, mais sans découragement pour repartir ... Réjouissons-nous et rendons grâce d'être ainsi progressivement conformés au Christ qui n'a pas ménagé sa peine pour sortir libre et vainqueur du mal. – (2016-04-16)
1. Un frère qui est envoyé pour une commission quelconque et dont on attend le retour au monastère ce jour-là, ne se permettra pas de manger au dehors, même s'il y est invité tout à fait instamment par quiconque,
2. sauf si son abbé lui en a donné l'ordre.
3. S'il fait autrement, il sera excommunié.
Dans ce chapitre, Benoit peut nous donner l'impression d'être un peu étroit: une obéissance qui doit entrer dans les moindres détails! Pourtant, si nous regardons avec objectivité ce qu'il dit, nous savons bien que nous pouvons perdre notre vocation à cause de nos relations extérieures, vécues sans lien avec le P. Abbé ni avec la communauté. Ou mener des vies parallèles.
Il nous arrive de devoir prendre une décision sans pouvoir en parler avec notre Abbé. Mais si nous nous dispensons d'en rendre compte, d'en parler ensuite, ce n'est pas la vraie liberté du cœur. C'est de la présomption: elle consiste à s'imaginer que l'on sait, que l'on est au-dessus de tout cela, que l'on n'en est plus là, que c'est bon pour les autres, pas pour nous ...
Dans ce chapitre, Benoit nous met en garde contre cette fausse liberté. Loin de nous rendre vraiment libres, elle nous éloigne du but de notre vie. Demander une permission, parler de que nous avons vécu, de nos rencontres, cela peut parfois nous demander un effort immense. Mais c'est aussi le plus bel acte libre que nous puissions faire.
Benoit nous le disait au début de la Règle, l'obéissance est le premier pas de l'humilité. Elle nous aide à prendre conscience de nos esclavages, tout ce qui nous empêche de vivre. L'illusion de la liberté devient vite la pire des tyrannies. (2016-04-16)
21. Un frère n'entrera pas en rapport avec un autre frère à des heures qui ne conviennent pas.
22. Le dimanche, de même, tous vaqueront à la lecture, sauf ceux qui sont affectés à différents services.
23. Cependant si quelqu'un est négligent et paresseux au point de ne pas vouloir ou pouvoir apprendre ou lire, on lui assignera un ouvrage à faire, pour qu'il ne reste pas inoccupé.
24. Aux frères malades ou délicats on assignera un ouvrage ou métier approprié, de façon qu'ils ne soient pas oisifs et que la violence du travail ne les accable point ou ne les mette en fuite.
25. L'abbé doit avoir égard à leur faiblesse.
« Du travail manuel de chaque jour », tel est le titre de ce chapitre ... Chaque jour, même le dimanche n'est pas oublié. Il sera normalement consacré à la lecture et à la prière. St Benoit ne donne pas de place aux loisirs, tel que nous les comprenons aujourd'hui. Ceux-ci sont-ils le fait d'une civilisation plus riche qui s'est peu à peu libérée des contraintes journalières pour survivre? En effet bon nombre de pays ou de personnes trop pauvres ne connaissent pas encore les loisirs à la mode occidentale.
Comment vivre les loisirs dans la vie monastique aujourd'hui? Faut-il se calquer sur ce que vivent nos contemporains qui valorisent beaucoup le fait changer de lieux, et de faire des expériences différentes, voire extrêmes (on parle chez les plus jeunes de « s'éclater» ... ) ? Les loisirs sont-ils à chercher dans un ailleurs quand on est des moines stables en un lieu, en un rythme de vie, et dans leurs relations? Comment gérer les tensions qui ne manquent pas, liées à des surcharges de travail, à des équilibres difficiles à trouver, et finalement à la vie qui éprouve en raison de la persévérance qu'elle demande? Il n'est pas facile de répondre à ces questions car chacun aura sa manière de les envisager. Je vois un écueil à éviter: celui de penser les loisirs comme quelque chose d'extérieur à notre vie monastique, et de les vivre comme une mise entre parenthèse de notre recherche profonde de Dieu. Si nous avons besoin de détente, le Seigneur connait ce besoin, et souhaite qu'on puisse se refaire pour reprendre des forces. Nous reposer en Lui, en sa Présence sera le gage d'une joie supérieure et profonde parce qu'enracinée dans le désir d'être tout à Dieu. Plus nous veillons à vivre nos moments de loisirs sous son regard, plus nous goûtons le vrai plaisir qui unifie notre vie. Celle-ci peut alors retrouver de la saveur et du goût, même dans le labeur et le rythme soutenu qui est le nôtre. Selon chacun, ces loisirs seront variés: du sport pour les uns, de la marche, une lecture, une rencontre avec un frère, une activité créatrice, écouter de la musique, regarder un film avec des frères qui est plus riche que seul, faire un jeu seul ou à plusieurs, faire du courrier ... Comme moine, il nous revient de vivre ces loisirs, non comme une parenthèse vécue en dehors de notre propos premier, mais comme un moment recréateur. Moment qui nourrit notre élan spirituel, mais aussi notre communion fraternelle. Il serait triste que ces activités représentent un refuge qui nous isole de nos frères. Peut-être y-a-t-il encore à chercher des manières de vivre des moments de loisirs ensemble. Les groupes en offrent déjà autour d'un repas, d'un film ou de la promenade. Nos soirées communes ont aussi ce caractère qui nous donne de lajoie d'être ensemble. Et cela est une joie profonde toujours recréatrice. – (2016-04-15)
10. Des Calendes d'octobre au début du carême, ils vaqueront à la lecture jusqu'à la fin de la deuxième heure.
11. À la deuxième heure, on célébrera tierce, et jusqu'à none tous travailleront à l'ouvrage qui leur est assigné.
12. Au premier signal de la neuvième heure, chacun quittera son ouvrage, et ils se tiendront prêts pour le moment où retentira le second signal.
13. Après le repas, ils vaqueront à leurs lectures ou aux psaumes.
14. Aux jours de carême, depuis le matin jusqu'à la fin de la troisième heure, ils vaqueront à leurs lectures, et jusqu'à la fin de la dixième heure ils feront ce qui leur est assigné.
15. En ces jours de carême, chacun recevra un livre de la bibliothèque, qu'il devra lire à la suite et intégralement.
16. Ces livres doivent être distribués au début du carême.
17. Avant tout, bien sûr, il faut désigner un ou deux anciens qui circulent dans le monastère aux heures où les frères vaquent à la lecture.
18. Ils veilleront à ce qu'il ne se trouve pas de frère atteint d'acédie, qui vaque à l'oisiveté ou au bavardage au lieu de s'appliquer à la lecture, et qui non seulement se fait tort à lui-même, mais en outre distrait les autres.
19. Si l'on en trouve un, – à Dieu ne plaise, – on le réprimandera une fois, deux fois ;
20. s'il ne s'amende pas, il subira la réprimande de règle, de telle façon que les autres en conçoivent de la crainte.
21. Un frère n'entrera pas en rapport avec un autre frère à des heures qui ne conviennent pas.
Je trouve intéressant de relever le vocabulaire utilisé par Benoit pour parler des différentes activités réparties dans la journée. Au tout début, il insistait pour que les moines soient « occupés, en des temps déterminés au travail, et à des heures déterminées à la lecture divine. » Etre occupé, du latin occupo, are, qu'on peut aussi traduire: prendre possession d'avance, prendre avant tout autre ... S'occuper, c'est veiller à bien prendre possession du temps qui est devant nous. Le faire de telle sorte que l'activité projetée remplisse vraiment le temps imparti. Comment le moine occupe-t-il son temps? Il vague à la lecture, il célèbre l'office, il travaille à son ouvrage. Trois activités avec trois verbes différents utilisés: vaquer, célébrer travailler. Vaguer aux lectures: du verbe « vacare », être vide, être libre pour faire quelque chose ... Lire les Ecritures, ou d'autres lectures demandent d'être libre ... de se dégager 1
d'autres obligations pour s'adonner à cet exercice qui demande une certaine concentration de l'esprit et une disponibilité du coeur ... S'occuper à lire, demande donc une vraie démarche, un vrai engagement ... Et st Benoit note bien la difficulté de l'exercice: plutôt que de s'exercer à lire qui demande une certaine énergie, on peut vaguer à l'oisiveté, être libre pour ne rien faire, pour papillonner, se disperser, tourner en rond ... Le danger est si réel, qu'il prévoit des anciens qui veillent à ce qu'on ne sombre pas dans ce travers ou dans le bavardage ...
Célébrer l'office. St Benoit utilise une seule fois le verbe latin « celebrare », il préfère le verbe « agere », qui pourrait signifier plus simplement accomplir, faire ou dire l'office. La traduction du P. Adalbert habituelle privilégie le verbe « célébrer» qui renvoie au verbe latin « celebrare». Celui-ci signifie « fréquenter en grand nombre un lieu» ou « assister en grand nombre à une fête » ... par extension il comporte la notion d'une certaine solennité. Célébrer tierce ou none, c'est se rassembler en nombre pour donner à cette heure une certaine solennité en chantant la gloire de Dieu. Avec la prière de l'office, le moine choisit d'occuper, de donner tout ce temps pour Dieu et lui-seul.
Travailler à son ouvrage. Le verbe latin « laborare», qui signifie « travailler », a aussi cette connotation de « se donner de la peine.» A côté du temps où il se libère pour la lecture, il y a le temps du travail plus pénible, dans les champs ou ailleurs, par lequel va être assuré la subsistance de la communauté. Et en cela, il est vraiment moine, nous dit st Benoit. Vaquer à la lecture, célébrer l'office, travailler à son ouvrage: la vie du moine voudrait nous offre une vrai équilibre ... équilibre toujours en tension, comme tout équilibre, qui ne se trouve qu'en marchant. - (2016-04-14)
1. L'oisiveté est ennemie de l'âme. Aussi les frères doivent-ils être occupés en des temps déterminés au travail manuel, et à des heures déterminées aussi à la lecture divine.
2. Nous croyons donc que ces deux occupations seront bien réparties selon les temps dans l'horaire que voici :
3. de Pâques aux Calendes d'octobre, depuis le matin en sortant de prime ils travailleront, là où c'est nécessaire, presque jusqu'à la quatrième heure.
4. De la quatrième heure jusqu'à l'heure où ils célébreront sexte, ils vaqueront à la lecture.
5. Après sexte, en sortant de table, ils se reposeront sur leurs lits dans un silence complet, ou si quelqu'un veut lire pour son compte, il lira de façon à ne déranger personne.
6. On célébrera none à l'avance, au milieu de la huitième heure, et ils se remettront au travail qui est à faire jusqu'aux vêpres.
7. Si les conditions locales ou la pauvreté exigent qu'ils s'occupent de rentrer les récoltes par eux-mêmes, ils n'en seront pas fâchés,
8. car c'est alors qu'ils sont vraiment moines, s'ils vivent du travail de leurs mains, comme nos Pères et les apôtres.
9. Cependant tout doit se faire avec mesure à cause des faibles.
« Comme nos pères et les apôtres » ... La question de l'équilibre de la journée des moines est sensible depuis qu'il y a des moines. Comment vivre « le priez sans cesse» tout en travaillant pour subsister? Pour illustrer cela, je vous partage un long apophtegme de Lucius (1).
« Plusieurs moines qu'on appelle euchites (ceux qui s'adonnent seulement à la prière), se rendirent à l'Ennaton chez abba Lucius. Le vieillard les interrogea: « Quel est votre travail manuel? » Ils dirent: « Nous ne touchons pas au travail manuel; mais selon que le dit l'apôtre, nous prions sans cesse.» Le vieillard leur demanda s'ils ne mangeaient pas, et ils répondirent que si. Alors il leur dit : « Quand vous mangez, qui prie pour vous» ? demanda encore s'ils ne dormaient pas, et ils répondirent que si. Et il leur dit : « Lorsque vous dormez, qui donc prie pour vous?» Mais ils ne trouvèrent aucune réponse à lui faire. Et il leur dit : « Pardonnez-moi, mais vous n'agissez pas comme vous dites (c'est -à- dire de prier sans cesse). Moi je vais vous montrer que, en accomplissant mon travail manuel, je prie sans interruption. Je m'assois avec Dieu, mouillant mes joncs et tissant mes cordes, en disant: 'aie pitié de moi, Dieu, selon ta grande miséricorde, et selon la multitude de tes compassions, retire mon péché '.» Alors il leur demanda si ceci n'était pas de la prière; et ils répondirent que si. Puis il leur dit : « Lors donc que j'ai passé toute la journée à travailler et à prier, réalisant plus ou moins seize pièces de monnaie, j'en place deux sur la porte, et je mange avec le reste. Et celui qui prend ces deux pièces de monnaie prie pour moi lorsque je mange ou que je dors; ainsi, par la grâce de Dieu, j'accomplis le précepte de prier sans interruption ».
Manière humoristique et profonde de résoudre cette tension toujours réelle entre travail et prière. Tension qu'il nous faut accepter sans pouvoir l'oublier trop vite. Elle a cet effet salutaire de nous engager à chercher à vivre notre travail en présence de Dieu et à vivre notre prière sans nous déconnecter de nos obligations humaines de subsistance en solidarité avec notre monde. Vivre cette recherche constante d'équilibre, n'est-ce pas cela: chercher Dieu? Afin qu'en toute chose, Il soit glorifié et que rien de la vie humaine ne paraisse indigne d'être vécu en sa présence. – (2016-04-13)
1. L'annonce de l'heure de l'œuvre de Dieu, jour et nuit, sera confiée aux soins de l'abbé, soit qu'il l'annonce lui-même, soit qu'il en remette le soin à un frère assez attentif pour que tout s'accomplisse aux heures voulues.
2. Quant aux psaumes et antiennes, ils seront imposés, après l'abbé, par ceux qui en recevront l'ordre, suivant leur rang.
3. Quant à chanter et lire, on ne s'y risquera pas si l'on ne peut accomplir cette tâche de façon à édifier les auditeurs.
4. Cela se fera avec humilité, gravité et crainte, et sur l'ordre de l'abbé.
Deux sujets occupent ce chapitre: le signal de l'annonce de l'heure de l'office, et la désignation des chantres et lecteurs à l'office.
Sur le premier sujet, la tâche est singulièrement simplifiée aujourd'hui grâce à l'horloge électronique qui commande les cloches. Mais nous avons vu combien une panne rend le service tout de suite plus lourd. Néanmoins, il ne demeure pas moins que le suivi des sonneries avec toutes les exceptions que cela comporte, demande une vraie attention. Je remercie ici le f. Bruno qui assure cela avec précision et constance. Seul le lever de nuit, n'est pas automatisé. F. Fernando remplit fidèlement ce service toutes les nuits. Qu'il soit aussi remercié pour sa fidélité et régularité, ainsi que f. Benoit qui le remplace en cas de besoin.
Au sujet du service de chantre, de soliste ou responsorial aux vigiles et de lecteur, le but est clair: il s'agit édifier les auditeurs, non de les épater, mais de les aider à entendre la Parole. On peut se demander: sommes-nous comme acteur, capable de juger si l'on édifie les auditeurs? Je ne le pense pas. Aussi, je voudrais inviter chacun des acteurs que nous sommes pour un bon nombre, à cultiver en soi la disponibilité aux remarques, et même à les provoquer. Il peut être bon de demander à l'un ou l'autre frère si ma manière de lire, de psalmodier ou chanter convient, si elle n'est pas gênante, si elle est assez forte, ou assez lente. Oui, cultivons cette liberté intérieure afin de ne désirer rien d'autre que d'être vraiment au service de la Parole. Dans la liturgie, nous sommes des instruments toujours perfectibles, afin que la Parole de Dieu chantée, cantilée, ou proclamée touche vraiment les cœurs. Dans la liturgie, comme au réfectoire, méfions-nous des lectures trop théâtralisées, où l'on met tellement de ton ou d'intensité que la manière de lire fait écran à ce qui est lu. L'auditeur est troublé par la façon de lire et n'écoute plus le fond. Benoit rappelle chacun à l'humilité, cette capacité à s'effacer tout en tenant son rôle. Lors de la formation à la lecture faite, il y a quelques années, Michel Corsi nous avait donné un bon repère: il s'agit de lire en écoutant la Parole comme en étant le premier auditeur. Ceci est très différent de s'écouter lire, avec ses intonations plus ou moins recherchées et accentuées. On lit en écoutant la Parole qui nous est adressée en tout premier. On lit aussi pour les autres, en donnant sa voix, et en articulant afin que le plus possible entende et comprenne. Nous pourrions faire nôtre cette prière que le prêtre est invité à dire lorsqu'il s'incline à l'autel avant d'aller proclamer l'évangile à la messe: « Purifie mon cœur et mes lèvres, Dieu très saint, pour que je fasse entendre à mes frères la Bonne Nouvelle ». – (2016-04-12)
1. Si quelqu'un, en travaillant à n'importe quel travail, à la cuisine, au cellier, au service, au pétrin, au jardin, à quelque métier, ou n'importe où, commet quelque manquement
2. ou brise ou perd quoi que ce soit ou tombe dans quelque autre faute où que ce soit,
3. et ne vient pas de lui-même aussitôt faire satisfaction spontanément devant l'abbé et la communauté et avouer son manquement,
4. si on l'apprend par un autre, il sera soumis à une pénitence plus sévère.
5. Mais s'il s'agit d'un péché de l'âme dont la matière est restée cachée, il le découvrira seulement à l'abbé ou à des anciens spirituels,
6. qui sachent soigner leurs propres blessures et celles des autres, sans les dévoiler et les publier.
Dans la rencontre que nous avions hier avec f. Emile, sur le thème du pardon et de la réconciliation, celui-ci nous commentait le passage évangélique: « quand tu vas présenter ton offrande au Seigneur, si là tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse-là ton offrande et va d'abord te réconcilier avec ton frère » (Mt 5, 23-24). S'appuyant sur P. Beauchamps, il disait que la douleur du frère est plus importante à considérer que ma faute elle-même. Ce qui est premier c'est de mesurer que mon frère est peiné. Cela me déplace, et décentre des raisonnements fallacieux: « mais en fait c'était de sa faute, ce n'est pas faute, etc ». Le plus important est de considérer la peine du frère, et de revenir humblement vers lui.
Dans l'invitation de Benoit à reconnaître sans tarder ses manquements dans les emplois et la vie commune, on peut entendre en filigrane, la même dynamique. Un frère ou la communauté peut être peiné du préjudice lié à ce manquement. Un désordre peut en découler qui perturbe la paix de la communauté. Reconnaître spontanément ses manquements, cela enlève tout de suite la peine, ou l'amertume. Quand le frère responsable des voitures découvre qu'une voiture est bien éraflée, ou cabossée, sans que rien ne lui ait été dit, il peut légitiment ne pas être content. En plus du souci de la réparation à faire, s'ajoute le désagrément d'être laissé seul avec quelque chose qui mériterait une explication ... Ici, nous devons être tous plus responsable et ne pas nous défiler quand nous avons fait quelque chose qui va gêner tout le monde ensuite. Reconnaître spontanément nos manquements nous délivre du cercle vicieux de l’auto-justification qui est toujours stérile pour soi-même et contre productif pour la vie fraternelle. Un frère qui cherche toujours à se justifier alourdit le climat fraternel et grève la confiance mutuelle.
Je le redis avec conviction: notre chapitre des coulpes du vendredi est un bon lieu pour vivre cette réconciliation de la vie' quotidienne. Il permet de remettre les pendules à l'heure, et de nous témoigner notre confiance mutuelle. Aucun de nous n'est un héros irréprochable. La vie monastique veut au contraire nous apprendre à faire de la reconnaissance de notre péché et de nos faiblesses, un chemin de libération. Sachons donner à notre chapitre des coulpes toute sa qualité fraternelle. – (2016-04-08)