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1. Un frère qui est sorti du monastère par sa propre faute, s'il veut revenir, commencera par promettre de s'amender complètement du défaut qui l'a fait sortir,
2. et alors on le recevra au dernier rang, pour éprouver par là son humilité.
3. S'il s'en va de nouveau, il sera reçu ainsi jusqu'à trois fois, en sachant qu'ensuite on lui refusera toute autorisation de retour.
Hier, le chapitre entendu sur les frères que l'on doit retrancher sous peine de risque de
contamination pouvait paraitre rude à entendre. Aujourd'hui, en contraste, ce chapitre fait
preuve d'une grande mansuétude que nous n'aurions peut-être pas spontanément. Comment
pouvons-nous expliquer cela ? Avec ce chapitre, ne touchons-nous pas le mouvement radical
de la vie monastique, celui de revenir à Dieu. Même si le verbe utilisé ici -reverto- n'est pas
celui utilisé au début du prologue -redeo-, c'est le même dynamisme spirituel qui est vécu.
Alors qu'hier, on excluait un frère qui ne veut plus bouger, qui est bloqué dans son bon droit,
aujourd'hui on reçoit à bras ouvert, jusqu'à trois fois, un frère qui manifeste le désir de
reprendre le chemin avec la communauté. Sa faiblesse qui peut le faire sortir jusqu'à trois
fois, pèse moins lourd que son désir de revenir. Apparait ici en pleine lumière que le moine
n'est pas d'abord celui qui ne tombe pas, mais celui qui ne cesse de désirer revenir à Dieu. Le
mot revenir « revertor-revenir » est d'ailleurs ici un mot de la même famille que le verbe
« convertor-se convertir ». Le sens est proche. Si « convertor » a davantage le sens de se
retourner, de changer de vie, « revertor » signifie revenir sur ses pas, revenir à un état premier.
Le moine qui revient après être sorti, rebrousse le chemin d'égarement qui l'a conduit dehors.
Il revient au monastère, le lieu où il va vivre la conversion, ce retournement profond vers
Dieu.
Le mouvement de retour à la vie commune vécu par un frère sorti, ne le vivons-nous
pas tous à petite échelle, sur des petits détails quand nous acceptons de quitter quelques
habitudes pour « revenir» plus fermement dans la pratique commune. On laisse l'habitude
d'être en retard, pour s'engager plus fermement à être à l'office à l'heure. On laisse l'habitude
de mettre un dessert de côté au libre-service pour choisir d'être plus libre et aussi plus
respectueux des frères. On laisse l'habitude d'aller lire le journal ou d'aller sur internet
pendant le temps de l'oraison après Vêpres, pour se consacrer à la prière et à la
lectio ... etc ... Chacun de nous peut un jour décider de revenir sur le chemin de la conversion.
Ce retour est le signe que nous sommes encore vivants dans notre désir de progresser dans
une écoute et une charité toujours plus fines. En ce temps pascal, demandons et accueillons de
Celui qui « resplendit libre et vainqueur », la grâce de la plus grande liberté intérieure qu'il
veut nous offrir. - (28 avril 2017)
1. Si un frère a été fréquemment repris pour une faute quelconque, si même après excommunication il ne s'amende pas, on lui infligera une punition plus rude, c'est-à-dire qu'on lui fera subir le châtiment des coups.
2. S'il ne se corrige pas non plus par ce moyen, ou que même, ce qu'à Dieu ne plaise, il se laisse emporter par l'orgueil et veuille défendre sa conduite, alors l'abbé agira comme un médecin sagace :
3. s'il a appliqué tour à tour les cataplasmes, l'onguent des exhortations, la médecine des divines Écritures, enfin le cautère de l'excommunication et des coups de verge,
4. et s'il voit que son industrie ne peut plus rien désormais, il aura encore recours à un remède supérieur : sa prière pour lui et celle de tous les frères,
5. afin que le Seigneur, qui peut tout, procure la santé à ce frère malade.
6. S'il ne se rétablit pas non plus de cette façon, alors l'abbé prendra le couteau pour amputer, comme dit l'Apôtre : « Retranchez le pervers du milieu de vous » ;
7. et encore : « Si l'infidèle s'en va, qu'il s'en aille »,
8. de peur qu'une brebis malade ne contamine tout le troupeau.
Comme tout pasteur, St Benoit craint qu'une brebis malade ne contamine tout le
troupeau. Lundi, quand je rencontrai Mr Ducrot à St Léger, il me parlait de ses troupeaux de
vaches charolaises pour faire de la viande, et de brebis pour faire des agneaux destinés à la
boucherie. Pour les deux troupeaux, mais surtout pour les brebis, il évoquait la nécessité de
pratiquer la prophylaxie, c'est-à-dire de faire des traitements préventifs pour éviter que les
bêtes attrapent certaines maladies. Car affirmait-il, lorsque l'une vient à être malade, il est
. souvent difficile, voire trop tard pour espérer la guérir, avec les risques d'épidémie qui
peuvent s'en suivre.
Qu'en est-il du troupeau du monastère? Quelles sont les maladies qui nous guettent?
Y-a-t-il des prophylaxies à mettre en oeuvre? A écouter, St Benoit, il est bon de nous souvenir
que le troupeau monastique est, comme celui des brebis, un troupeau très sensible. Chacun de
nous sait sa fragilité, sa capacité à attraper quelques maladies spirituelles qui peuvent alourdir
le pas et assombrir le quotidien. Quelles sont ces maladies de l'âme et du coeur? Je mettrai
volontiers en premier celle de la tristesse et de l'ennui, dans notre vie exigeante. En effet, si
nous restons à la surface de nous-mêmes, nous risquons vite de tourner en rond. On fuit alors
dans divers expédients faciles. Une autre maladie consécutive sera le découragement lié aux
difficultés de relations ou aux évènements qui nous remettent avec âpreté devant nos limites
toujours un peu difficiles à assumer. D'autres maladies peuvent encore nous attaquer: les
désirs désordonnés, ceux liés à nos appétits ou à notre sexualité toujours en évolution; une
autre maladie sera de nous laisser ronger par la colère, le ressentiment ou le murmure contre
les frères.
Face à de telles maladies: quel remède? Sûrement sans tarder appliquer le remède de
l'ouverture du coeur pour ne pas laisser le mal couver et trop suppurer à l'intérieur. Avoir le
courage de la parole vraie. Peut-être ensuite couper net avec telle pensée, ou avec une
mauvaise habitude, ou encore avec une manière fallacieuse d'aborder les choses qui sont
autant d'ornières dans lesquels on s'embourbe.
De manière générale, la vie monastique offre-t-elle une prophylaxie au petit troupeau
du Christ que nous sommes? Lui le Bon Pasteur nous dispense sa Parole chaque jour dans la
liturgie et dans la lectio. N'est-elle pas un bon remède préventif? Ne nous revient-il pas de le
prendre très régulièrement par notre assiduité à la prière de l'office, à l'eucharistie, ainsi qu'à
la lectio ? De cette régularité et notre engagement à aller à la rencontre de Celui qui nous
aime, nous tirerons une force et une capacité à faire face aux difficultés. De même la présence
à la vie commune, dans les réunions diverses et dans les groupes est un excellent vaccin
contre la tristesse et le repli sur soi. Quand nous ne pouvons être à un exercice, faisons tout
pour ne pas manquer les autres: cela nous libère de nos illusions centripètes. Le travail, quant
à lui, était déjà pour les anciens, un très bon antidote à l'acédie, à ce vague à l'âme qui sape
toute énergie ou encore pour calmer nos désirs désordonnés. Oui, la vie commune dans la
prière, la vie fraternelle et le travail constitue en elle-même une excellente prophylaxie.
Réjouissons-nous en, et aux jours où le ciel est plus bas, prenons appui sur elle. Elle nous
redonnera le goût de la vie exigeante que nous avons choisi à la suite du Christ. - (27 avril 2017)
5. En effet, l'abbé doit prendre un très grand soin et s'empresser avec tout son savoir-faire et son industrie pour ne perdre aucune des brebis qui lui sont confiées.
6. Qu'il sache en effet qu'il a reçu la charge des âmes malades, non une autorité despotique sur celles qui sont en bonne santé.
7. Et qu'il craigne la menace du prophète, par laquelle Dieu dit : « ;Ce qui vous paraissait gras, vous le preniez, et ce qui était chétif, vous le rejetiez. »
8. Et qu'il imite l'exemple de tendresse du bon pasteur, qui abandonnant ses quatre-vingt-dix-neuf brebis sur les montagnes, partit à la recherche d'une seule brebis qui s'était perdue ;
9. sa misère lui fit tellement pitié, qu'il daigna la mettre sur ses épaules sacrées et la rapporter ainsi au troupeau.
Ce chapitre commençait avec l'image de l'abbé-médecin, il se conclue avec celle de
l'abbé-pasteur. L'abbé-médecin s'appuyait sur les sempects et sur la communauté pour venir
panser les plaies et les blessures. L'abbé-pasteur semble ici être seul concerné par la recherche
de la brebis égarée. Comme le suggère la parabole évangélique, il est convié à « imiter la
tendresse du bon pasteur» en laissant les 99 brebis sur la montagne, par partir à la recherche
de l'égarée.
La tâche que l'abbé se voit ici confiée est certainement la plus ingrate de toutes celles
que lui vaut son ministère. Il n'est pas aisé de partir à la rencontre d'une liberté qui s'estime
dans son bon droit. Consciente de sa dignité et de sa responsabilité, elle erre en partie parce
qu'elle est aveugle sur elle-même. Interpeller, poser des questions peut ressembler parfois à
l'escalade d'une falaise dont le sommet semble hors de portée de vue. Comme si le frère qui
s'estime dans son bon droit devenait inatteignable à toute parole autre. Chacun de nous à plus
ou moins forte dose peut choisir un jour ou l'autre cette posture dure qui campe sur ses
positions, fermé à toute objection ou proposition autre. Il faut parfois que les évènements nous
ramènent à la réalité pour découvrir qu'on était à côté de la plaque. Il est dur d'accepter que je
reste et resterai toujours en partie aveugle sur moi-même. Grandir dans la vie humaine et dans
la vie spirituelle se fera avec d'autant plus de fruits que nous nous connaissons mieux nousmêmes.
Sans jamais être sûr d'être totalement lucide sur soi, nous pouvons réduire la part
aveugle qui est en nous. En adhérant à une vie communautaire avec son cadre, en choisissant
de vivre dans l'obéissance sous la parole d'un autre, nous prenons les moyens de grandir dans
cette meilleure connaissance de nous-mêmes. Nous acceptons que la vie commune ainsi que
des paroles fraternelles nous révèlent des choses qu'on n'avait pas vues, ou qu'on ne voulait
pas voir. .. Tel est le contrat de base de la vie monastique, tel est aussi la voie profonde pour
devenir plus libre, moins prisonnier de nos propres illusions. Frères, faisons cet acte de foi de
reconnaitre sans peur ni susceptibilité une parole qui nous dérange, ou une remarque sur des
petites et plus grandes choses. Reconnaissons à travers ces milles interpellations de la vie
quotidienne le Christ Bon pasteur qui vient nous chercher. Il nous donne peut-être l'occasion
d'éviter un faux-pas. La tendresse du Christ n'est pas une tendresse mièvre qui me caresserait
toujours dans le sens du poil. Il m'interpelle à travers paroles ou évènements pour me secouer
de ma torpeur. Sa tendresse se manifeste en ce qu'il ne veut pas me laisser errer sans fin dans
l'illusion ou l'erreur. - (26 avril 2017)
1. C'est avec toute sa sollicitude que l'abbé prendra soin des frères délinquants, car « ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin du médecin, mais les malades. »
2. Aussi doit-il user de tous les moyens comme un médecin sagace ;: envoyer des senpectas , c'est-à-dire des frères anciens et sagaces,
3. qui comme en secret consoleront le frère hésitant et le porteront à satisfaire humblement, et le « consoleront pour qu'il ne sombre pas dans une tristesse excessive »,
4. mais comme dit encore l'Apôtre : « Que la charité s'intensifie à son égard », et que tous prient pour lui.
Je reprends la RB, là où nous l'avions laissée avant que je ne commente les Ps, comme
chemin pascal.
Comment se situer face aux frères excommuniés? St Benoit réquisitionne pour ainsi
dire toute la communauté : des anciens envoyés comme sempects, et finalement tous par la
prière. Il laisse une consigne qui peut résumer les propositions concrètes qu'il fait: « Que la
charité s'intensifie à son égard» citant St Paul (2 Co 2, 8). Cette citation me fait penser à une
autre de St Paul qui convient bien en ce temps pascal: « Là où le péché s'est multiplié, la
grâce a surabondé» (Rm 5, 20). Oui, lorsque St Benoit nous invite à intensifier la charité visà-
vis d'un frère excommunié et qui peine à revenir en communion, il nous entraine à être à la
suite du Christ des instruments de sa grâce surabondante. Ce que le Christ a fait à notre égard,
il veut nous associer dans son oeuvre de grâce qui continue. Il nous a aimés totalement
gratuitement par pure grâce. Nous devons aimer nous aussi gratuitement, surtout ceux qui
apparemment n'acceptent pas ces signes de communion à leur égard.
Qu'exige de notre part cette attitude de charité inconditionnelle? Elle demande que
nous abandonnions tous les ressentiments ou toutes les « bonnes» raisons qui se présentent à
notre esprit pour nous empêcher d'aimer ces frères en peine. Toutes les pensées du type: « et
puis de toute façon, avec tout ce qu'il m 'afait» ou bien « et puis il est comme ça, il ne
changera pas» ou encore « et si j'essaie de faire un signe ou de dire une parole, il n y fait
pas attention »... Entrer dans cette charité qui s'intensifie, nous demande de laisser nos peurs
d'être mal reçus ou d'être blessés. C'est vers le Christ qu'il nous faut regarder pour lui
demander la force d'aimer comme lui. Sans faire beaucoup de bruits, ni beaucoup d'effets,
nous nous associons à l' oeuvre du Christ venu chercher les pécheurs et venu sauver ce qui est
perdu. Aujourd'hui tel frère, demain tel autre, et un jour ou l'autre chacun de nous. En faisant
de nous des auxiliaires de sa charité qui sauve, le Christ continue aussi son oeuvre pour nous,
en nous tirant de nos égoïsmes repliés sur leurs conforts. Nous pouvons faire nôtre cette prière
que l'on a dans 1'hymne des vigiles du samedi: « Force mes pas à l'aventure pour que lefeu
de ton bonheur à d'autres prenne ...et par ton nom dans mon regard, fais-toi connaitre » - (25 avril 2017)
1. L'annonce de l'heure de l'œuvre de Dieu, jour et nuit, sera confiée aux soins de l'abbé, soit qu'il l'annonce lui-même, soit qu'il en remette le soin à un frère assez attentif pour que tout s'accomplisse aux heures voulues.
2. Quant aux psaumes et antiennes, ils seront imposés, après l'abbé, par ceux qui en recevront l'ordre, suivant leur rang.
3. Quant à chanter et lire, on ne s'y risquera pas si l'on ne peut accomplir cette tâche de façon à édifier les auditeurs.
4. Cela se fera avec humilité, gravité et crainte, et sur l'ordre de l'abbé.
« Edifier les auditeurs ... » Par trois fois dans la RB, revient cette expression. Deux fois
concernent le lecteur et sa manière de lire au repas (38,12) ainsi qu'à l'office (47, 3), mais aussi
le chantre à l'office. Une autre fois concerne le contenu de la lecture faite avant les complies
qui évitera les livres comme l'Heptateuque ou les Rois (42, 3). Une autre fois, mention est faite
de la lecture de la bible pour édifier les hôtes qui arrivent (53, 9) ... Edifier les auditeurs ...
L'insistance de Benoit est réelle. Celui qui lit et ce qui est lu est au service de l'édification de
chacun et de tous. Si ce n'est pas le cas, il vaut mieux s'abstenir. Nous mesurons le poids de
cette recommandation lorsque qu'un hôte par exemple va lire à toute vitesse ou de manière
inaudible, ou bien quand il commence à lire alors qu'on vient juste de s'asseoir et que des
bruissements sont encore perceptibles ... Nous manquons alors une partie de la lecture ou bien
nous perdons des mots mal articulés. La lecture passe alors comme l'eau sur les plumes d'un
canard.
Bien entendre les lectures à l'office d'abord, et au réfectoire n'est pas superflue. Nos
frères malentendants en savent le prix plus que tous. A l'office, il s'agit rien de moins que de
la Parole de Dieu qui nous est offerte comme une nourriture. De même qu'on n'aime pas voir
arriver sur nos tables, un plat mal présenté ou dont ne sait trop ce qu'il contient, de même on
supporte mal durant la liturgie une lecture peu audible ou difficilement compréhensible, parce
que mal articulée. Plus que d'esthétique ou de raffinement, il s'agit de quelque chose de vital.
Que la compréhension d'une lecture soit difficile, et on ôte à Dieu la possibilité de nous
toucher le cœur. Lire posément, c'est permettre à la Parole de descendre tranquillement,
profondément en nous. La Parole nous nourrit jour après jour, elle nous stimule. Elle nous
appelle. Plus profondément, nous touchons là au mystère de la sacramentalité de la Parole, qui
nous donne d'être en présence du Christ lorsque nous écoutons la parole proclamée. Le pape
Benoit XVI affirmait dans Verbum Domini 56 : « Le Christ, réellement présent dans les
espèces du pain et du vin, est présent analogiquement dans la Parole proclamée dans la
liturgie ». Le lecteur devient un instrument au service de la rencontre avec le Christ de chacun
en communauté.
19.03.2019
1. Si un frère se permet, sans permission de l'abbé, d'entrer en rapport avec un frère excommunié de n'importe quelle façon, ou de lui parler ou de lui faire parvenir un message,
2. il subira une peine d'excommunication similaire.
Face au péché des autres, plusieurs attitudes sont possibles. Etre indifférent,
comme pour mes propres infidélités. Ou même avoir une secrète connivence.
Ou bien au contraire, je juge, je condamne, au nom de principes pas toujours
chrétiens.
La seule attitude chrétienne, c'est à la fois la conscience aigüe de la gravité du
péché. D'où nait le désir de réparer, de le porter avec le Christ qu'il atteint
directement. Et en même temps un amour humble et sincère pour le pécheur.
Car j'ai autant besoin que lui de la miséricorde du Seigneur. S'il n'y a pas
d'abord le sens du péché, la connivence avec le pécheur est sujette à illusion.
St Benoit nous met en garde contre ces mouvements d'un cœur, bon
assurément, mais mû davantage par sa sensibilité que par un amour vrai. Il
n'est pas facile d'admettre la justesse de certaines rigueurs, de sanctions, ou
de souffrances. Qu'elles viennent directement de Dieu, ou qu'elles soient
infligées par une autorité. Il faut beaucoup d'humilité. Et une charité qui
désire le vrai bien de mon frère, son salut, et la gloire de Dieu.
Il est donc important d'aider d'abord mon frère à reconnaitre son mal. Et pour
cela en avoir conscience moi-même: avoir le sens du péché. Comprendre que
tout péché nous coupe de Dieu et de la communauté. Le péché est
contagieux. St Benoit veut nous mettre en garde. Nous sommes tous un peu
doubles, au fond de notre cœur. Un peu complices du mal. Aidons-nous les
uns les autres. Respectons le mystère de Dieu en chacun de nos frères.
Sachons que pour chacun existent des moments plus difficiles. Des passes
décisives. Ne les escamotons pas. Aidons-nous à être fidèles à la Grâce que
Dieu nous propose.
Si nous essayons de vivre avec ce tact spirituel, la communauté se construira
dans la paix. Non pas la paix, telle que le monde la donne, fondée sur une
compromis, aboutissant à une coexistence tout extérieure. Mais la paix qui
vient du Christ, que nous ne pouvons nous approprier, mais qui nous prend en
elle et nous réunit dans l'Esprit Saint.
Je vais rappeler deux points de notre observance, qui peuvent nous aider à
vivre notre recherche de Dieu. D'abord le respect du silence, en salle des
coules, dans le cloître. C'est une des chances de notre monastère d'avoir
gardé ce climat de silence. Une maison de prière. Quand on parle partout,
c'est notre relation à Dieu qui est atteinte. Je rappelle aussi que, lorsque nous
arrivons à l'office alors que la cloche a commencé à tinter, nous restons près
de la porte, jusqu'à la fin du verset d'introduction. - 11 mars 2017
1. Quant au frère qui est coupable de faute grave, il sera exclu à la fois de la table et de l'oratoire.
2. Aucun frère n'entrera aucunement en rapport avec lui sous forme de compagnie ou d'entretien.
3. Qu'il soit seul au travail qu'on lui aura enjoint, persistant dans le deuil de la pénitence, sachant cette terrible sentence de l'Apôtre :
4. « Cet homme-là a été livré à la mort de la chair, pour que son esprit soit sauf au jour du Seigneur. »
5. Quant à la nourriture de son repas, il la prendra seul, dans la mesure et à l'heure que l'abbé aura jugées convenables pour lui.
6. Personne ne le bénira en passant, pas plus que la nourriture qu'on lui donne.
La vie monastique est un long processus d'intégration. Dans ce corps
qu'est la communauté monastique. L'opposé de l'entrée dans ce corps
mystique, c'est l'excommunication. Ici, St Benoit cite un texte de St Paul
aux Corinthiens, qui envisage d'excommunier un chrétien fautif.
Cette excommunication touche deux lieux importants de la vie de la
communauté, deux endroits où est vécue l'intégration à la vie de la
communauté: l'oratoire, et la table. Deux lieux qui expriment cette
vocation à la communion, qui est celle de tout baptisé.
Cette insistance de St Benoit éclaire la vision théologique qui sous-tend
les observances monastiques. Le cœur de notre vocation de moine,
c'est la fidélité à la fraction du pain, à la prière, au repas partagé. Nous
retrouvons là ce qui est dit de la première communauté de Jérusalem,
telle qu'elle est décrite dans le livre des Actes. L'excommunication, c'est
le refus d'entrer dans le mystère du Ressuscité, qui est au milieu des
siens quand ils sont rassemblés. C'est cette expérience fondatrice qui
est la source de l'Eglise, et qui enrichit les différences et les diversités
qu'on retrouve dans toute communauté.
Nous pensons parfois que la miséricorde consiste à se voiler la face. A
faire comme si nous n'avions pas vu. Supporter avec patience. En
faisant ainsi, nous laissons le frère s'enfoncer dans son problème. Mais
nous le savons aussi, une saine réaction des autres peut nous aider à
prendre conscience de ce que nous faisons. A nous réveiller. Même si
cela peut être pénible sur le coup!
« Suis-je le gardien de mon frère? » C'est la réponse de Caïn au
Seigneur, quand il veut cacher son crime. La meilleure manière de tuer
son frère, c'est parfois de le laisser mourir. Par paresse. Par
indifférence. Ou par lâcheté. Tendre une perche de salut, c'est un
service que nous sommes en droit d'attendre de notre frère, quand
nous nous égarons. - 10 mars 2017
1. C'est à la gravité de la faute que doit se mesurer la portée de l'excommunication ou du châtiment.
2. Cette gravité des fautes est remise au jugement de l'abbé.
3. Si toutefois un frère se trouve coupable de fautes légères, on le privera de la participation à la table.
4. Celui qu'on aura privé de la table commune sera au régime suivant ;: à l'oratoire, il n'imposera pas de psaume ou d'antienne ni ne récitera de leçon jusqu'à satisfaction.
5. Quant à la nourriture de son repas, il la prendra seul après le repas des frères :
6. si par exemple les frères ont leur repas à la sixième heure, ce frère aura le sien à none ; si les frères l'ont à none, il l'aura à vêpres,
7. jusqu'à ce que, par une satisfaction convenable, il obtienne son pardon.
St Benoit estime que la faute mérite une réparation. Et cela est vrai
dans tous les domaines: au travail, quand on brise quelque chose, dans
la liturgie, quand on se trompe, dans les exercices communautaires,
quand on arrive en retard. Dans ce chapitre, Benoit va plus soin, il
proportionne la réparation, à la gravité de la faute.
Aujourd'hui, cette idée de sanction, de réparation, n'est pas facile à
accepter. Surtout dans le domaine spirituel. Pourtant toute la Bible,
aussi bien l'A.T. que le N.T., est pleine de références à cette réalité.
Pensons aux paraboles du Royaume: Jésus affirme avec force que le
Royaume commence ici et maintenant. Notre avenir s'écrit déjà dans le
présent.
Aujourd'hui, nous parlons plutôt d'exclusion que d'excommunication.
Cette exclusion est souvent liée à la difficulté de s'intégrer dans un
groupe. L'exclu, c'est celui qui ne peut plus suivre, qui ne correspond
pas aux normes de sélection du groupe. Le mécanisme de l'exclusion
est pervers, parce que personne n'en est vraiment responsable. C'est le
système qui exclue. Mais ces mécanismes d'exclusion existent dans tout
groupe humain. Donc aussi dans le monastère. Nous devons craindre
ces mécanismes que laissent beaucoup de place à l'inconscient et à la
manipulation. C'est pourquoi Benoit établit deux règles pour réguler
l'excommunication. La première est donc que l'excommunication est
proportionnée à la gravité de la faute. On n'exclue pas quelqu'un parce
qu'il ne partage pas notre manière de penser! La seconde règle, c'est
que n'importe qui n'a pas le droit d'excommunier. C'est réservé à
l'Abbé. A lui seul. Une personne doit assumer cette responsabilité. Le
monastère est fondé sur la rencontre de visages, pas sur des rumeurs,
ni sur des bruits de couloir.
Au moyen de cette pédagogie de l'excommunication, St Benoit essaie
peu à peu de nous faire prendre conscience de l'importance du
moment présent. Ce que nous vivons aujourd'hui, ici, maintenant, est
déjà porteur d'une valeur infinie. Le plus petit geste d'amour est lourd
de son poids d'éternité. Tout refus nous éloigne de Celui que nous
désirons trouver. - 9 mars 2017
1. Si un frère se montre récalcitrant ou désobéissant ou orgueilleux ou murmurateur et contrevenant sur quelque point de la sainte règle et aux commandements de ses anciens, avec des manifestations de mépris,
2. ses anciens l'avertiront, selon le commandement de Notre Seigneur, une première et une seconde fois en privé.
3. S'il ne s'amende pas, on le réprimandera publiquement devant tout le monde.
4. Si même alors il ne se corrige pas, s'il comprend ce qu'est cette peine, il subira l'excommunication.
5. Mais si c'est une mauvaise tête, il recevra un châtiment corporel.
Le Christ a appelé chacun de nous à le suivre, sur ce chemin de la vie
monastique. Concrètement, cela signifie vivre sous une Règle, un Abbé,
dans une communauté. Notre vie de moine comporte ces trois aspects
fondamentaux. Et i Is seront, un jour ou l'autre, pour chacun d'entre
nous, une pierre d'achoppement. Un lieu de vérification de notre
réponse à Dieu. Un jour ou l'autre nous nous heurterons aux
prescriptions de la Règle. Elle nous demandera plus que nous n'aurions
voulu donner. Ou bien les décisions du Père Abbé iront à l'encontre de
notre désir, de notre volonté. Ou encore nous nous sentirons exclus de
la communauté, étrangers.
Le processus d'excommunication, que prévoit ce chapitre, n'est que la
mise en forme de cette expérience. Aucun de nous n'est à l'abri de
cette épreuve. Mais le plus grand danger qui guette le moine, c'est la
marginalisation silencieuse. La désobéissance qui devient une habitude.
Le refus conscient de vivre notre vocation de moine.
C'est la raison pour laquelle St Benoit insiste tant sur ce processus qui
fait paraitre au jour la faute. Par l'excommunication explicite. Car le
pire n'est pas de tomber, c'est de faire semblant de ne rien voir. De
justifier ce que l'on fait. Le pire, c'est de laisser un frère s'enfoncer dans
son erreur, dans sa faute, sans lui tendre la main. Mais pour éviter ce
naufrage, le frère a besoin qu'on lui dise la vérité. En avons-nous le
courage? C'est plus facile de faire semblant de ne rien voir, pour
ménager notre tranquillité. Mettre le doigt sur le point sensible
demande toujours beaucoup de charité.
Ce sentiment de responsabilité, de coresponsabilité, est au cœur de la
conception de la communauté, de la communion fraternelle, selon St
Benoit. Il ne suffit pas de suivre notre petit chemin personnel, en
ignorant ceux qui nous entourent. Nous devons veiller sur nos frères. Ce
qui n'est pas les surveiller. Mais cultiver cette qualité d'attention,
d'écoute, qui exprime un amour humble et discret, et qui tisse les liens
fraternels de la communauté. Seul celui qui a su partager le meilleur,
peut aussi intervenir, quand cela va moins bien. - 8 mars 2017
1. Ils auront chacun un lit pour dormir.
2. Ils recevront, par les soins de leur abbé, une literie adaptée à leur ascèse personnelle.
3. Si faire se peut, tous dormiront dans un même local. Si leur grand nombre ne le permet pas, ils reposeront par dix ou par vingt avec leurs anciens, qui veilleront sur eux.
4. Une lampe brûlera continuellement dans cette pièce jusqu'au matin.
5. Ils dormiront vêtus et ceints de ceintures ou de cordes, pour ne pas avoir de couteaux à leur côté pendant qu'ils dorment, de peur qu’ils ne blessent le dormeur pendant son sommeil,
6. et pour que les moines soient toujours prêts et que, quand on donne le signal, ils se lèvent sans attendre et se hâtent de se devancer à l'œuvre de Dieu, mais en toute gravité et retenue.
7. Les frères encore adolescents n'auront pas leurs lits les uns près des autres, mais mêlés aux anciens.
8. En se levant pour l'œuvre de Dieu, ils s'exhorteront mutuellement avec retenue, à cause des excuses des somnolents.
Il ne faut pas s'étonner de trouver dans la Règle un chapitre sur le
sommeil des moines. Pour St Benoit, il n'y a pas d'un côté la vie, et de
l'autre la spiritualité. Ces deux dimensions de l'être humain sont liées. Il
ne peut parler de la vie intérieure qu'à travers le quotidien. C'est dans
notre vie d'aujourd'hui que commence l'aventure, notre rencontre avec
Dieu.
Ce chapitre nous remet devant l'intuition fondamentale de St Benoit:
Pour lui, Dieu a créé l'homme comme un être unifié. Le péché a détruit
l'unité de l'homme. Il a fait de nous des êtres divisés. Le chemin de la
vie monastique est un chemin de retour à cette unité. En s'incarnant,
Christ a fait de notre chair le chemin du retour à Dieu. Il a fait de notre
existence humaine, avec toutes ses activités, le chemin spirituel. Tout,
dans notre vie, peut devenir le lieu de la rencontre avec Dieu. Tout est
devenu le lieu où Dieu peut venir à notre rencontre, si nous sommes
présents à ce que nous faisons. Même les choses les plus humbles et les
plus communes.
A propos du sommeil, St Benoit souligne deux points qui se retrouvent
tout au long de la Règle: Le moine veut être toujours prêt. Il veut se
hâter pour le service de Dieu. Nous retrouvons ces deux traits dans
beaucoup de passages de la Règle. Par exemple à propos de
l'obéissance, qui doit être sans délai, ou lorsque la cloche sonne pour
l'Office, alors que le frère est occupé.
Etre prêt, et être empressé: c'est l'attitude intérieure que nous devons
cultiver. Ce n'est pas du tout être tendu, stressé: cela tournerait vite
mal! Mais tout au long de nos journées, il s'agit de choisir Dieu. A
travers les mille et un petits choix qu'il nous est donné de faire. Choisir
Dieu, cela ne se fait pas une fois pour toutes. Cela se fait à chaque
instant. Et ce n'est pas forcément choisir ce qui est le plus difficile, le
plus désagréable. Non, au contraire, choisir Dieu, c'est choisir d'aimer.
Parce que Lui nous aime en premier. C'est saisir son regard, sa main
tendue, son invitation secrète, dans les choses simples de la journée.
C'est se tenir prêt à dire oui, maintenant. C'est guetter le souffle léger
de l'Esprit Saint. Choisir Dieu, c'est oser se demander pourquoi nous
sommes venus ici ! - 7 mars 2017