vendredi 15 août 2025 : fête de l’Assomption, horaire des dimanches (vigiles la veille à 20h45, messe à 10h) + concert à 16h.

Nota : L’office de None (14h45) sera prié au dolmen de ND de la Pierre-qui-Vire.

Commentaires sur la Règle



Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 59 Des fils de nobles ou de pauvres qui sont offerts. écrit le 05 septembre 2017
Verset(s) :

1. Si un noble vient à offrir son fils à Dieu au monastère, si l'enfant est d'âge tendre, ses parents feront la pétition dont nous avons parlé plus haut,

2. et ils envelopperont cette pétition et la main de l'enfant dans la nappe de l'autel avec l'oblation, et ils l'offriront ainsi.

3. Quant à ses biens, ou bien ils promettront sous serment, dans la pétition en question, que jamais par eux-mêmes, ni jamais par le tuteur qu'ils auront désigné, ni d'aucune manière, ils ne lui donneront ni ne lui fourniront l'occasion d'avoir un jour quelque chose. –

4. ou encore, s'ils ne veulent pas faire cela et entendent offrir quelque chose en aumône au monastère pour leur récompense,

5. ils feront donation au monastère des biens qu'ils veulent donner, en se réservant, s'ils le veulent, l'usufruit.

6. Et l'on coupera ainsi tous les ponts, de façon qu'il ne reste à l'enfant aucune idée qui puisse le séduire pour sa perte, ce qu'à Dieu ne plaise ! C'est ce que nous avons appris par expérience.

Commentaire :

Si le chapitre 58 pouvait davantage intéresser les jeunes frères, je crois que ce chapitre

59 sur l'accueil des enfants peut intéresser particulièrement les hommes d'âge mûrs, que nous

sommes pour la plupart, ainsi que les anciens. Pourquoi? Parce qu'avec l'âge avançant,

l'enfant que nous avons été refait parfois surface de manière étonnante. Nous lisions au

réfectoire, à propos de Churchill, que dans ses rapports avec son épouse, marqués par un

certain machisme, il pouvait « jouer à l'enfant gâté». Il se comportait de façon despotique

« imposant comme allant de soi ses exigences et ses caprices» (F. Bedarida, Churchill,

Fayard 1999, p 105). Etonnante image d'un grand homme d'état se comportant avec sa

femme comme un enfant gâté qui a des caprices! Mais n'est-ce pas ce qu'on dit parfois d'une

personne âgée qu'elle retourne en enfance ... De quelle enfance s'agit-il: de l'enfance

évangélique ou bien de l'enfance passée plus ou moins bien assumée qui reparait de façon

sauvage? Oui, ce petit chapitre sur les enfants offerts peut nous faire réfléchir sur l'enfant que

nous avons été, que nous portons en nous et qui ne cesse de se rappeler à notre mémoire, en

ces parts heureuses comme en ces parts plus peineuses ou douloureuses. Des réactions

irrépressibles peuvent parfois nous submerger: des caprices, des peurs, des prétentions, des

impatiences, des exigences. Autant de mouvements qui nous font apparaitre aux yeux des

autres comme un enfant gâté à qui tout est dû, ou comme un enfant prisonnier de ses peurs, de

ses angoisses, ou encore comme un enfant despote qui veut imposer ses exigences. Soyons

attentifs à repérer ces mouvements de l'enfant immature encore présent en nous. Si nous ne

sommes pas vigilants, ces attitudes enfantines peuvent nous mener par le bout du nez, à la

manière d'un enfant tyrannique qui pleure, fait du bruit ou veut imposer son rythme.

L'homme adulte que nous sommes voudrait conduire à la maturité humaine et spirituelle tous

les aspects de sa vie. N'est-ce pas cela redevenir un enfant pour le Royaume? Non pas un

enfant tyrannique, mais un enfant qui sait recevoir et se laisser conduire par son Père des

Cieux. Non pas un enfant prisonnier de peurs ou de frustrations, mais un enfant qui fait

confiance à Celui d'où il vient et vers lequel il va. Ici, sachons reconnaitre nos lieux de

fragilités où l'enfant selon le Royaume est encore à naitre. Confions-les au Christ.

Demandons-lui sa grâce et sa lumière.

Changements: merci f. Bruno, f. Fernando, f. J. Paul et Mathias en tuilage à la cuisine

et à la librairie

Si le chapitre 58 pouvait davantage intéresser les jeunes frères, je crois que ce chapitre

59 sur l'accueil des enfants peut intéresser particulièrement les hommes d'âge mûrs, que nous

sommes pour la plupart, ainsi que les anciens. Pourquoi? Parce qu'avec l'âge avançant,

l'enfant que nous avons été refait parfois surface de manière étonnante. Nous lisions au

réfectoire, à propos de Churchill, que dans ses rapports avec son épouse, marqués par un

certain machisme, il pouvait « jouer à l'enfant gâté». Il se comportait de façon despotique

« imposant comme allant de soi ses exigences et ses caprices» (F. Bedarida, Churchill,

Fayard 1999, p 105). Etonnante image d'un grand homme d'état se comportant avec sa

femme comme un enfant gâté qui a des caprices! Mais n'est-ce pas ce qu'on dit parfois d'une

personne âgée qu'elle retourne en enfance ... De quelle enfance s'agit-il: de l'enfance

évangélique ou bien de l'enfance passée plus ou moins bien assumée qui reparait de façon

sauvage? Oui, ce petit chapitre sur les enfants offerts peut nous faire réfléchir sur l'enfant que

nous avons été, que nous portons en nous et qui ne cesse de se rappeler à notre mémoire, en

ces parts heureuses comme en ces parts plus peineuses ou douloureuses. Des réactions

irrépressibles peuvent parfois nous submerger: des caprices, des peurs, des prétentions, des

impatiences, des exigences. Autant de mouvements qui nous font apparaitre aux yeux des

autres comme un enfant gâté à qui tout est dû, ou comme un enfant prisonnier de ses peurs, de

ses angoisses, ou encore comme un enfant despote qui veut imposer ses exigences. Soyons

attentifs à repérer ces mouvements de l'enfant immature encore présent en nous. Si nous ne

sommes pas vigilants, ces attitudes enfantines peuvent nous mener par le bout du nez, à la

manière d'un enfant tyrannique qui pleure, fait du bruit ou veut imposer son rythme.

L'homme adulte que nous sommes voudrait conduire à la maturité humaine et spirituelle tous

les aspects de sa vie. N'est-ce pas cela redevenir un enfant pour le Royaume? Non pas un

enfant tyrannique, mais un enfant qui sait recevoir et se laisser conduire par son Père des

Cieux. Non pas un enfant prisonnier de peurs ou de frustrations, mais un enfant qui fait

confiance à Celui d'où il vient et vers lequel il va. Ici, sachons reconnaitre nos lieux de

fragilités où l'enfant selon le Royaume est encore à naitre. Confions-les au Christ.

Demandons-lui sa grâce et sa lumière. - 05-09-2017

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 58, 26-29 De la façon de recevoir les frères. écrit le 02 septembre 2017
Verset(s) :

26. Aussitôt donc, à l'oratoire, on lui enlèvera ses propres effets dont il est vêtu, et on l'habillera des effets du monastère.

27. Quant aux vêtements qu'on lui a enlevés, on les remettra au vestiaire pour y être conservés,

28. afin que, si jamais il consentait à sortir du monastère, sur la suggestion du diable, – ce qu'à Dieu ne plaise ! – on lui enlève alors les effets du monastère avant de le mettre dehors.

29. Cependant sa pétition, que l'abbé a prise sur l'autel, il ne la reprendra pas, mais on la conservera au monastère.

Commentaire :

Dernier acte du long rituel de profession: ôter et changer d'habits, pour déposer les

anciens au vestiaire. Ceux-ci restent disponibles au cas où le frère reviendrait sur sa parole et

choisirait de partir. « A Dieu ne plaise », dit Benoit, tant revenir sur l'engagement pris semble

à ses yeux une chose contre nature.

Cette mention d'un éventuel départ d'un moine qui s'est engagé pour toujours peut

nous paraitre étonnante. Elle n'est pas de la part de Benoit relativisme au regard de ce qui a

précédé, mais certainement réalisme vis-à-vis de notre condition humaine. Ce genre

d'accident peut arriver compte tenu de la fragilité humaine. Qu'il soit ainsi mentionné dans la

règle témoigne que la communauté monastique n'est pas une secte qui, par tous les moyens,

voudrait garder ses membres. Le processus de discernement qui précède l'engagement

voudrait aider le nouveau venu à faire toute la lumière possible en lui. Il voudrait l'aider à

mieux se connaitre, et à ne pas laisser dans l'ombre des choses qui l'entravent et qu'il ne

voudrait pas regarder en face. Ce faisant des accidents de parcours peuvent arriver qui

remettent en cause aux yeux du frère la parole donnée. Jusqu'où cette remise en cause est pure

illusion? Dieu seul connait les cœurs. Pourquoi juger un frère qui demeure libre jusqu'en

cette décision qui contredit son premier engagement libre?

Quel intérêt de parler de cela, si ce n'est de ne jamais oublier notre propre fragilité.

Face aux difficultés, les illusions de penser que la vie serait meilleure à l'extérieur peuvent

toujours venir nous tirailler à un moment ou à un autre. Notre liberté est alors mise à

l'épreuve. Pourquoi je reste? Ces épreuves peuvent devenir l'occasion d'aller plus loin.Je

découvre peut-être des difficultés jusqu'alors ignorées, ou même que je n'avais pas voulu

voir. Vais-je pour autant quitter le stade, la course? Si Dieu m'a soutenu jusqu'à maintenant,

va-t-il m'abandonner au moment de l'épreuve? Si la communauté m'a porté ne va-t-elle pas

continuer à le faire pour traverser ce gué périlleux? L'épreuve peut être salutaire pour nous

entrainer plus loin dans la confiance dans la communauté, et dans le Christ qui n'est pas venu

pour les justes mais les pécheurs. Il m'appelle à lui remettre cette part faible qui me saute

alors aux yeux et peut me décourager. Je pensais lui avoir tout donné, mais je ne lui avais pas

encore confié toute ma faiblesse. Avec le psalmiste nous pouvons puiser notre assurance en

lui:« Ton amour me fait danser de joie, tu vois ma misère, tu sais ma détresse» (Ps 30, 8) - 02-09-2017

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 58, 24-25 De la façon de recevoir les frères. écrit le 30 août 2017
Verset(s) :

24. S'il a des biens, il les distribuera aux pauvres préalablement, ou par une donation en bonne et due forme il les attribuera au monastère, sans se réserver rien du tout,

25. puisque, à partir de ce jour, il sait qu'il n'aura même plus pouvoir sur son propre corps.

Commentaire :

« Sans se réserver rien du tout» Dans ces mots, se trouve certainement la visée

profonde de l'acte de distribuer aux pauvres tous ses biens. Avant d'entrer au monastère, le

novice cède ses biens, soit aux pauvres, soit au monastère comme pour mieux signifier la

remise de toute sa personne à la communauté, et à travers elle au Christ que l'on veut suivre et

imiter. Il ne veut rien se réserver. Le parallèle, fait ensuite entre les biens et le propre corps

sur lequel on n'a plus pouvoir, explicite bien cette remise de soi totale que le novice désire

accomplir, ou plus exactement qu'il désire commencer à accomplir. Car cette remise de soi

étant un acte profondément libre, demandera d'être réitérée jour après jour, à travers

l'obéissance, mais aussi à travers une vigilance constante vis-à-vis des biens. En effet, à quoi

servirait de donner d'une main pour se réapproprier d'une autre? A quoi bon faire des

réserves ... d'objets dont on n'a pas vraiment besoin, de nourriture, d'argent ou d'autres

choses. De tout ceci, la vie commune veut nous enlever le souci, le souci immédiat du

lendemain comme s'il dépendait de nous. Ne pas faire de réserves au plan personnel, mais

aussi au plan communautaire (sauf ce qui est requis par la prudence pour le bon

fonctionnement du monastère), veut nous établir dans une vraie confiance en la Providence de

Dieu. Celui qui nous appelle serait-il impuissant ou ingrat pour ne pas subvenir à nos

besoins dès aujourd'hui? Je crois qu'il est bon de souligner aujourd'hui cette dimension de la

confiance en la Providence. Dire cela, ne signifie pas se croiser les bras et attendre tout de

Dieu. Mais c'est apprendre à faire pleinement notre travail en sauvegardant cette juste

distance spirituelle qui nous libère de la tentation de toute-puissance et de la préoccupation de

vouloir tout maitriser. S'il nous faut prévoir et chercher à optimiser, tout ne dépend pas de

nous. La désappropriation vis-à-vis des biens voudrait nous rappeler que le propriétaire de

tout bien, c'est Dieu le Maitre de toute la terre et de nos existences. Finalement, cette

désappropriation voudrait faire signe pour nous-mêmes et pour les autres que notre souci final

est celui du Royaume de Dieu. Là se trouve notre véritable bien. Ce bien mystérieusement

nous le préparons et l'enrichissons quand nous donnons aux plus pauvres. Nous acquérons un

trésor dans les Cieux. Oui, par notre vigilance vis-à-vis de la désappropriation, témoignons de

notre Espérance pour le Royaume. - 30-08-2017

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 58, 17-23 De la façon de recevoir les frères. écrit le 29 août 2017
Verset(s) :

17. Avant d'être reçu, il promettra devant tous à l'oratoire, persévérance, bonne vie et mœurs, et obéissance,

18. devant Dieu et ses saints, en sorte que, si jamais il fait autrement, il sache qu'il sera damné par celui dont il se moque.

19. De cette promesse, il fera une pétition au nom des saints dont il y a là les reliques et de l'abbé en charge.

20. Cette pétition, il l'écrira de sa propre main, ou s'il ne sait pas écrire, un autre l'écrira à sa demande, et le novice y mettra un signe et la posera de sa main sur l'autel.

21. Quand il l'aura déposée, le novice entonnera aussitôt ce verset ;: « ;Reçois-moi, Seigneur, selon ta parole et je vivrai, et ne me confonds pas dans mon attente. ;»

22. Au verset, toute la communauté répondra par trois fois, en ajoutant ;: « ;Gloire au Père ;».

23. Alors le frère novice se prosternera aux pieds d'un chacun afin que l'on prie pour lui, et à partir de ce jour il sera compté comme membre de la communauté.

Commentaire :

Notre monde contemporain ne comprend pas pourquoi lorsqu'on s'engage dans la vie

monastique ou bien dans le mariage chrétien d'ailleurs, c'est pour toujours. Comment

comprendre ce « pour toujours» qui fait davantage peur aujourd'hui? Sans prétendre épuiser

le sujet, je partirai de la formule chantée par le frère, aujourd'hui encore, lors de la profession

monastique: « Reçois-moi Seigneur selon ta parole et je vivrai,ne me déçois pas dans mon

attente ». Avec ces mots, se confesse moins l'engagement du moine, que sa confiance en la

fidélité de Dieu, dans la conscience de son indigence. Or sa confiance est pour aujourd'hui

mais aussi pour demain, car la fidélité de Dieu est pour toujours. Il donne la vie aujourd'hui et

la donnera encore demain. Cette formule de profession qui nous est chère porte en elle dans

l'aujourd'hui où elle se dit, déjà le futur qui n'aura pas de fin. Dieu me reçoit aujourd'hui

comme il me recevra dans l'éternité. Comme le suggère le verbe latin « suscipere-recevoir »,

lors de sa profession, le moine se présente devant Dieu comme un petit enfant au jour de sa

naissance, dans l'attente d'être reconnu comme son fils, à la manière du père qui relève

l'enfant pour l'adopter ... Le frère se présente devant son Dieu comme attendant tout de Lui à

travers la communauté, parce qu'il sait ne pouvoir se recevoir de personne d'autre, maintenant

et pour l'éternité. En choisissant cette vie dans le célibat, dans le renoncement à ses biens et à

sa volonté propre, il s'abandonne totalement à Dieu pour se recevoir uniquement de Lui,

anticipant ainsi le Royaume où il en sera ainsi pour tous. La vie monastique dans ses

exigences assez radicales de dépossession et de don de soi à Dieu dans la prière et aux frères

porte cet appel de l'éternité. Aussi les vœux de vivre la persévérance ou la stabilité dans une

communauté, la conversion des mœurs et l'obéissance, disent notre engagement à nous tenir

dans la posture de l'enfant qui attend tout de son Père. Par nos vœux, nous nous engageons à

demeurer dans ce juste abandon qui aujourd'hui prépare celui que nous vivrons pour

l'éternité. C'est ici que prend tout son sens, lorsqu'au cimetière de la mise en terre du corps

d'un frère défunt, nous chantons ce même verset de profession: « Reçois-moi Seigneur, selon

ta parole, et je vivrai; ne me déçois pas dans mon attente ». Apparait alors toute la plénitude

de l'engagement du jour de la profession. Il ne pouvait être que pour toujours. A Dieu, par la

médiation de la communauté, le frère s'était remis tout entier, désormais il est tout remis à

Dieu par ses frères. - 29-08-2017

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 58, 9-16 De la façon de recevoir les frères. écrit le 26 août 2017
Verset(s) :

9. S'il promet de tenir bon et de persévérer, après une période de deux mois on lui lira cette règle à la suite,

10. et on lui dira : « Voici la loi sous laquelle tu veux servir. Si tu peux l'observer, entre ;; si tu ne peux pas, tu es libre de t'en aller. »

11. S'il tient encore, alors on le conduira au logement des novices mentionné plus haut, et on recommencera à l'éprouver en toute patience.

12. Et après une période de six mois, on lui lira la règle, afin qu'il sache ce pour quoi il entre.

13. S'il tient encore, après quatre mois on lui relira de nouveau cette règle.

14. Et si, quand il en aura délibéré avec lui-même, il promet de tout garder et d'observer tout ce qu'on lui commande, alors il sera reçu en communauté,

15. en sachant que la loi de la règle établit qu'il ne lui sera pas permis, à dater de ce jour, de sortir du monastère,

16. ni de secouer de son cou le joug de la règle, qu'il lui était permis de refuser ou d'accepter durant cette délibération si prolongée.

Commentaire :

Comment s'assurer que le nouveau venu s'engage librement? Cette question demeure

sous-jacente aux lignes que nous venons d'entendre. Plusieurs fois, la règle est lue afin que

soit bien clairement posé et pesé (c'est le sens du mot délibérer, délibération) l'engagement

qui sera pris. Le novice est convié à prendre le temps de mesurer si oui ou non il veut et peut

vivre sous cette règle, dans ce genre de vie avec les frères de cette communauté. Cette

pédagogie du temps donné pour aller d'étape en étape vers l'engagement définitif marque

aujourd'hui encore la formation initiale. Il s'agit d'éprouver, de se mettre ~ l'épreuve, de

s'éprouver. Cependant peut-on être sûr à 100 % que là est la vie à laquelle le Seigneur nous

appelle? Dans les choix humains, il t pas de sécurité absolue. Mais on voudrait faire en

sorte qu'il y ait le plus de liberté possible dans la décision. Liberté des conditions dans

lesquelles le choix se mûrit et un jour se concrétise. Liberte intérieure de chacun afin de

laisser le moins de prise possible aux illusions sur soi et sur les autres. Si le Seigneur appelle,

il attend une réponse libre. Etre libre ne veut pas dire être dégagé de toute fragilité, mais

plutôt de savoir les regarder en face et de les assumer dans la lumière. Une question à se

poser: le chemin monastique peut-il être pour moi un chemin où je vais grandir et me donner

pleinement dans ma réponse à l'appel ressenti ? En effet, si le Seigneur appelle, c'est pour

permettre à chacun de donner toute sa mesure au service du Royaume qui advient dans et à

travers cette communauté concrète. Cependant il ne s'agit pas de vouloir imaginer ce que

pourra être le futur, ou ce que je pourrai faire dans l'avenir qui sera toujours autre que ce

qu'on prévoit. Le discernement ne se fonde donc pas sur des pronostics ou des probabilités.

Mais il s'enracine dans le présent.Le présent vécu nourrit-il l'appel entendu? Ouvre-t-il en

mon existence de la lumière et du sens? Construit-il le disciple du Christ et l'enfant de

Dieu que je suis? Ceci peut se faire au travers de passages difficiles à vivre de quelque nature

qu'ils soient. Mais difficulté et facilité ne sont pas les seuls critères de discernement. Celui-ci

s'élaborera peu à peu dans le dialogue avec le Maitre des novices, au gré de la vie concrète

éprouvée. Entrer dans une nouvelle vie à la suite du Christ, dans un monastère, s'apparente à

un enfantement qui a à voir avec ce grand enfantement du Royaume auquel nous participons

tous ... - 26-08-2017

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 58, 7-8 De la façon de recevoir les frères. écrit le 25 août 2017
Verset(s) :

7. On observera soigneusement s'il cherche vraiment Dieu, s'il s'applique avec soin à l'œuvre de Dieu, à l'obéissance, aux pratiques d'humilité.

8. On lui prédira toutes les choses dures et pénibles par lesquelles on va à Dieu.

Commentaire :

Le nouveau-venu, le novice est-il un chercheur de Dieu? Telle est la question

importante pour Benoit. Mais que veut dire chercher Dieu, Lui que nos sens physiques ne

peuvent atteindre? Fidèle à la tradition biblique toujours concrète, Benoit associe le verbe

«chercher» à « s'appliquer à»(sollicitus en latin). Chercher, c'est s'appliquer à, avoir de la

sollicitude, de l'élan. Pour quoi? Pour des actions très concrètes: l 'œuvre de Dieu ou la prière

liturgique des heures, l'obéissance et les pratiques d'humilité. Chercher Dieu dans la prière

liturgique sera d'abord une affaire d'élan plus que de présence physique uniquement. La

prière tient-elle la première place parmi les autres activités? Est-elle un rendez-vous sur

lequel on ne transige pas? Et quand on est au chœur, nous laissons-nous creuser par elle pour

entrer dans un dialogue toujours plus vivant en « je » et en « tu »avec notre Dieu? Chercher

Dieu dans l'obéissance sera bien plus qu'une simple exécution de choses demandées.

L'obéissance recherchée ici est une écoute qui s'affine. Cette écoute est un acte de foi. Dans

les voix humaines qui s'expriment, elle reconnait la volonté de Dieu qui ne cesse de parler à

travers personnes et évènements. L'attitude profonde visée est celle d'une remise de soi

toujours plus libre dans la main de Dieu, sous la conduite de son Esprit. Chercher Dieu dans

les pratiques d'humilité, ou mot à mot dans les opprobres, emmène encore plus loin. A la suite

de Jésus mort et ressuscité pour nous, nous apprenons que Dieu veut être cherché aussi dans

les choses difficiles: une humiliation, une incompréhension voire des oppositions ou des

contradictions. En sa passion, Jésus a cherché à accueillir la volonté de son Père. Il nous

montre ce chemin qui est au-delà de nos seules forces. Benoit ajoute: « On lui prédira les

choses dures et pénibles par lesquelles on va à Dieu ». La vie monastique est-elle plus dure

qu'une autre vie humaine? Ce n'est pas sÛT. La différence réside davantage dans les moyens

qu'elle se donne pour affronter les difficultés et adversités de toute sorte. La vie sous une

règle, sous un abbé et dans une relation ordonnée avec des frères met davantage en relief les

lieux où cela peut coincer, les parts de nous-mêmes qui résistent. Nous ne pouvons pas nous

fuir nous-mêmes. A certains jours, cela peut être très éprouvant. Mais finalement, n'est-ce pas

une chance? Pour abandonner la tyrannie du vieil homme avec ses illusions et ses

convoitises, et pour prendre le joug du Christ qui rend libre?

- 25-08-2017

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 58, 6 De la façon de recevoir les frères. écrit le 24 août 2017
Verset(s) :

6. On leur donnera un ancien qui soit apte à gagner les âmes, qui veillera sur eux avec la plus grande attention.

Commentaire :

« On leur donnera un ancien qui soit apte à gagner les âmes. qui veillera sur eux avec

la plus grande attention ». Dans la formation initiale, le rôle de l'ancien, le maître des

novices, est aussi central que délicat.Dans l'expression « apte à gagner les âmes », on peut

entendre cette disponibilité du cœur, faite de présence et d'effacement, dans le but d'être

l'instrument de la grâce du Seigneur pour chaque frère. Car c'est Lui le maitre de la moisson

ou le patron de la pêche qui recherche chaque nouveau venu, pour l'aimer et le faire grandir.

Le maitre des novices est d'abord le témoin privilégié de ce travail intérieur par lequel un

frère cherche parce qu'il est cherché. Par son écoute, dans l'ouverture du cœur, il peut aider le

frère à mieux se connaitre et à repérer les traces de Dieu dans son histoire comme dans sa vie

présente. Il l'éveille à une écoute plus profonde de la Parole de Dieu qui est abondamment

offerte dans la liturgie et la lectio. Qu'est-ce qu'il entend, qu'est-ce qui le touche et le

nourrit? Le Christ devient-il peu à peu quelqu'un de plus familier sur sa route? La Parole de

Dieu est-elle un appui dans sa vie quotidienne? Adossé aux différents cours qui introduisent à

la liturgie, à la bible, ainsi qu'à la tradition monastique, le maitre des novices guide chacun

dans l'intelligence de la pédagogie monastique à l'œuvre dans la communauté. Cette

pédagogie voudrait faire de nous des hommes davantage remis au Christ, plus libres pour

aimer nos frères et tout être humain. Parfois, il revient au maitre des novices de corriger tel

écart, telle parole ou telle geste inapproprié. Le plus souvent, il va encourager chacun dans le

combat spirituel qui peut être rude à certains jours. Les premières années de formation

peuvent se présenter comme une épreuve. Epreuve de se découvrir avec des limites ou des

faiblesses pas encore bien inventoriées. Epreuve des frictions et des conflits qui révèle la

complexité de notre humanité, la nôtre et celle des autres. Cependant l'épreuve peut devenir

école d'humilité. Oser dire dans l'ouverture du cœur ses failles, ses difficultés et ses chutes

demande du courage. Mais la récompense reçue surpasse la peur ou la honte ressentie. Car la

joie de pouvoir être soi ouvre un chemin de liberté et de confiance qui n'a pas de prix. La

lumière accueillie sur nos lieux de combat va nous rendre plus fort, plus assuré.

Nous assurons le f. Yvan et nos jeunes frères de notre prière. Prions aussi les uns pour

les autres: que demeure vive pour chacun la quête de rechercher à se tenir toujours en vérité

sous le regard d'un autre, sous le regard de Dieu. - 24-08-2017

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 58, 5 De la façon de recevoir les frères. écrit le 23 août 2017
Verset(s) :

5. Après cela il sera dans le logement des novices, où ils apprennent, mangent et dorment.

Commentaire :

« Après cela, il sera dans le logement des novices, où ils apprennent, mangent et

dorment». Longtemps, cette phrase m'a semblé très insignifiante dans sa banalité. Il

m'apparaissait étonnant de définir ainsi le noviciat: un lieu où l'on apprend, mange et dort.

Peu à peu, je mesure que dans sa grande simplicité, elle dit beaucoup de cette étape de

formation dans la vie religieuse. En quelque sorte, le nouveau venu va devoir tout

réapprendre, même à manger et à dormir.Après le postulat où il découvre cette vie pour

mesurer si oui ou non, il désire la choisir, le noviciat fait entrer plus avant dans une nouvelle

vie. Le novice reçoit un habit, un nom et le statut de celui qui apprend pendant un temps

défini. Il prend place dans la communauté pour recevoir d'elle cette nouvelle facon de vivre.

Celle-ci n'est pas seulement spirituelle, au sens paulinien de la vie nouvelle en Christ. Le

novice, baptisé, en fait déjà l'expérience. Elle est vie nouvelle à travers un ensemble de

pratiques concrètes, d'activités réparties en un horaire précis et de façons de vivre les

relations ... Plus qu'un code de conduite, comme tout groupe peut en générer, notre vie

monastique voudrait offrir un art de vivre. Est-ce trop prétentieux de parler ainsi? Dans la

mesure où nous vivons 24h ensemble, pour nous entraider à servir Dieu, parler d'art de vivre

n'est pas surfait. En effet cet art de vivre s'impose à nous. Une vie commune, les uns avec les

autres, tous les j ours de l'année, pour louer Dieu, ne s'improvise pas. Elle demande beaucoup

de soins au risque sinon d'être insipide ou franchement impossible. Dans tout ce que nous

vivons, tout fait sens pour nous aider à unifier notre vie dans l'Amour de Dieu et des frères,

mais cela s'apprend. Il y a peu, j'ai rappelé des règles sur la facon de vivre les repas, manger

ensemble comme des frères cela s'apprend, manger avec mesure et justesse, cela s'apprend;

dormir, pour donner toute sa place à la prière nocturne, cela s'apprend; travailler dans un

esprit de service, attentif aux autres, cela s'apprend; vivre les relations fraternelles avec

respect et charité dans une juste distance, cela s'apprend; savoir habiter la solitude, sans peur

ni repli sur soi, sous le regard de Dieu, cela s'apprend; prier, faire lectio, entrer dans

l'intelligence du dessein aimant de Dieu pour le monde et pour chacun, cela s'apprend ... L'art

de vivre monastique ne veut rien laisser en friche dans nos existences, car celles-ci sont

appelées à donner le meilleur d'elle-même. Le novice va apprendre cet art et le moine déjà

ancien voudrait garder un élan de novice, dans le désir d'apprendre et de progresser encore. - 23-08-2017

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 58, 1-4 De la façon de recevoir les frères. écrit le 22 août 2017
Verset(s) :

1. Quand un nouveau venu arrive pour la vie religieuse, on ne lui accordera pas facilement l'entrée,

2. mais comme dit l'Apôtre : « Éprouvez les esprits, pour voir s'ils sont de Dieu. ;»

3. Si donc l'arrivant persévère à frapper, se montre patient à supporter, au bout de quatre ou cinq jours, les mauvais traitements qu'on lui inflige et les difficultés d'entrée, et persiste dans sa demande,

4. on lui permettra d'entrer, et il sera dans le logement des hôtes pendant quelques jours.

Commentaire :

« De lafaçon de recevoir les frères » ... Le moins qu'on puisse dire, est que Benoit ne

fait pas dans le « cocooning», ou pour parler plus français, il ne propose pas aux nouveaux

venus de vivre dans un cocon douillet. Le nouveau venu, celui qui postule, est invité à faire

l'expérience d'un changement radical entre sa vie passée et la vie qu'il souhaite embrasser. La

rudesse proposée par Benoit qui laisse le nouveau venu à la porte s'inspire-t-elle de ce que le

Christ dit à ceux qui veulent le suivre: « Les renards ont des tanières, les oiseaux des nids,

mais le Fils de l'homme n'a pas où reposer la tête (Le 9, 58) » ? Dans l'évangile, suivre le

Christ ne se présente jamais, comme une évidence mais toujours comme une contradiction ...

Contradiction par rapport à la famille à laquelle le disciple est appelé à préférer le Christ.

Contradiction par rapport à ceux qui nous entourent dont l'incompréhension suscitera peut-

être opposition voire persécution. Contradiction enfin par rapport à soi éprouvée à travers le

renoncement à soi-même auquel Jésus nous exhorte ...

Notre vie monastique, dans sa forme de vie et dans sa pédagogie, met en œuvre cette

contradiction évangélique afin qu'elle porte son fruit de liberté. Le nouveau venu doit

percevoir assez vite la radicalité évangélique de la nouvelle manière de vivre qu'il approche.

La rudesse de l'accueil proposée par Benoit n'a pas d'autre but. Aujourd'hui, nous sommes

moins abruptes, mais devons-nous pour autant être moins exigeants? Ici il nous faut être

attentif et précis, afin de ne pas confondre exigence et dureté. L'exigence donne sens, montre

la direction. La dureté risque de casser. Notre forme de vie pour être pleinement évangélique

doit d'abord faire signe de la Bonne Nouvelle que nous cherchons tous à vivre et à accueillir:

le salut offert par le Christ.Tous, nous sommes venus et nous venons pour nous laisser

réconcilier par le Christ, pécheur et malade que nous sommes. L'exigence est là, pour nous

rappeler que le chemin de réconciliation sera long. Car il engage tout notre être dans une

conversion profonde et persévérante. Qu'il n'y ait pas d'illusions sur ce point. Peut-être est-ce

la raison qui nous incline aujourd'hui à donner du temps à chacun dans les premières années

de formation. Le postulat pourra prendre plusieurs mois avec une durée variable pour

permettre à chacun de s'engager plus en profondeur. Postuler, cela signifie demander. Le

postulat voudrait aider chacun à être vraiment lui-même dans sa demande, dans son désir de

s'engager à la suite du Christ. - 22-08-2017

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 57, 4-9 Des artisans du monastère écrit le 19 août 2017
Verset(s) :

4. S'il faut vendre quelque objet fabriqué par les artisans, ceux par les mains desquels se fera la transaction prendront garde de ne commettre aucune fraude.

5. Ils se souviendront toujours d'Ananie et de Saphire, de peur que la mort infligée à ceux-ci en leur corps

6. ne les atteigne en leur âme, eux et tous ceux qui feraient quelque fraude sur les biens du monastère.

7. Le fléau de l'avarice ne doit pas s'insinuer dans les prix,

8. mais on vendra toujours un peu meilleur marché que ne peuvent le faire les autres producteurs séculiers,

9. « pour qu'en tout Dieu soit glorifié ».

Commentaire :

« Pour qu'en tout Dieu soit glorifié » ... On aurait pu attendre que cette phrase soit dite

à propos de la charité fraternelle, ou bien à propos du service mutuel.C'est ainsi d'ailleurs

que la comprend St Pierre dans son épitre quand il dit: « Chacun selon la grâce reçue,

mettez-vous au service les uns des autres, comme les bons intendants d'une multiple grâce de

Dieu. Si quelqu'un parle que ce soit comme les paroles de Dieu; si quelqu'un assure le

service que ce soit comme par un mandat reçu de Dieu, afin qu'en tout Dieu soit glorifié par

Jésus Christ ... »(1 P. 4, 10-11). Mais, ici St Benoit utilise cette recommandation à propos de

notre manière de faire du commerce. On pourrait paraphraser l'épitre de St Pierre: « Si

quelqu'un fait du commerce que ce soit comme par un mandat reçu de Dieu, afin qu'en tout

Dieu soit glorifié ... ». Aucune de nos activités humaines n'est tenue hors de la lumière de

Dieu, pas même le commerce et l'usage de l'argent. De cette manière juste et toujours en

quête d'ajustement, on témoigne de notre choix fondamental pour Dieu, et non pour

Mammon, le dieu argent. Jusque dans nos activités économiques, nous sommes appelés à

vivre et à témoigner de notre confiance première en Dieu. Nous croyons que notre vie est

reçue de Lui qui veille sur nous, et nous voulons par notre liberté vis-à-vis de l'argent dire au

monde que nous nous savons entre ses mains. Autrefois, avant la Révolution, les moines et les

religieux étaient mal vus parce qu'ils ne travaillaient pas. Ils vivaient sur leurs rentes et

beaucoup les regardaient avec mépris comme des parasites. La fameuse « commission des

réguliers» se chargea avant la Révolution de supprimer ainsi bon nombre de maisons, n'ayant

plus que quelques religieux, jugés inutiles. Aujourd'hui, ce serait un autre contre témoignage

si les moines qui veulent vivre du travail de leurs mains se présentaient comme des hommes

durs en affaire. Nous partageons le sort de tous les humains de devoir travailler pour vivre.

Les gens nous regardent beaucoup à travers nos activités manuelles et économiques. En ces

lieux très humains, nous leur sommes proches, et des liens naturels d'échange se tissent avec

beaucoup. Plus nous serons professionnels dans notre manière de travailler, sérieux et

cohérents, plus nous pourrons marquer notre différence dans une manière qui veut privilégier

la justice et l'humain. Une manière qui voudrait avant tout servir les personnes et glorifier

Dieu. Notre monde qui peut être dur en affaire et dur dans les relations professionnelles attend

sûrement de notre part ce double signe de cohérence professionnelle et de profonde humanité

dans la relation. - 19-08-2017