vendredi 3 octobre 2025 : journée de solitude pour la communauté, messe vers 6h45 après Laudes.

Commentaires sur la Règle



Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 53 v 1-15 De la réception des hôtes. écrit le 15 juillet 2017
Verset(s) :

1. Tous les hôtes qui se présentent doivent être reçus comme le Christ, car il dira : « J'ai été hôte et vous m'avez reçu. »

2. « A tous » on rendra les honneurs qui leur sont dus, « surtout aux frères dans la foi » et aux étrangers.

3. Lors donc qu'un hôte sera annoncé, le supérieur et les frères iront à sa rencontre avec toutes les politesses de la charité.

4. On commencera par prier ensemble, et ensuite on échangera la paix.

5. Ce baiser de paix ne doit se donner qu'après qu'on ait prié, à cause des illusions du diable.

6. En saluant, on donnera toutes les marques d'humilité à tous les hôtes qui arrivent ou qui partent.

7. La tête inclinée, le corps prosterné par terre, on adorera en eux le Christ que l'on reçoit.

8. Une fois reçus, on conduira les hôtes à l'oraison, et après cela le supérieur s'assiéra avec eux, lui ou celui qu'il aura désigné.

9. On lira devant l'hôte la loi divine, pour l'édifier. Après quoi, on lui donnera toutes les marques d'hospitalité.

10. Le supérieur rompra le jeûne à cause de l'hôte, sauf si c'est un jour de jeûne majeur que l'on ne puisse violer,

11. tandis que les frères continueront à observer les jeûnes accoutumés.

12. L'abbé versera l'eau sur les mains des hôtes.

13. L'abbé, ainsi que toute la communauté, lavera les pieds de tous les hôtes.

14. Après le lavement des pieds, on dira ce verset : « Nous avons reçu, ô Dieu, ta miséricorde au milieu de ton temple. »

15. On accordera le maximum de soin et de sollicitude à la réception des pauvres et des étrangers, puisque l'on reçoit le Christ davantage en leur personne, la crainte des riches obligeant par elle-même à les honorer.

Commentaire :

De tous les chapitres de la règle, celui-ci est certainement l'un de ceux qui nous offrent

le plus de vivre l'évangile à l'état brut.Benoit prend l'évangile à la lettre. Si le Christ a dit:

«j'ai été hôte et vous m'avez reçu », il faut recevoir tout homme qui passe comme le Christ,

spécialement les plus pauvres. Par l'élaboration d'une manière concrète de recevoir les hôtes,

il s'assure que les moines mettront effectivement l'évangile en pratique, et qu'ils ne

manqueront pas le passage du Christ. Il ritualise en quelque sorte l'évangile. Cette simplicité

de Benoit est belle. Elle nous remet avec vigueur devant l'exigence évangélique sans

mitigation. Comme disait le pape François, il nous offre « l'évangile sans calmant», sans rien

qui puisse l'atténuer.

Comment entendre pour nous cette sève évangélique, alors qu'il nous semble difficile

d'appliquer à la lettre ce que dit St Benoit? Appliquer ce rite, apparaitrait incongru à

beaucoup, et gênerait la plupart. Les marques de déférence et d'honneur ont changé. La

manière de manifester la foi en la présence du Christ en chaque hôte en ressort plus discrète.

Pour autant, comment ne pas perdre cette conviction évangélique de la présence du Christ en

chacun? Comment ne pas se laisser trop vite absorber par ce que les personnes donnent à

voir, au risque de laisser s'installer une sorte de voile qui peut occulter le regard de foi? Il n'y

pas de réponse toute faite. A chacun de nous, dans nos contacts avec nos hôtes, aux frères

hôteliers en particulier, revient une sorte de travail spirituel à opérer dans le regard.

Apprendre à regarder toute personne qui vient, comme le Christ qui passe, surtout le plus

pauvre, celui qui présente moins bien et qui sera un peu décalé par rapport à ce qu'on attend.

Pour chacun de nous, il s'agit d'une vigilance du cœur.Ne jamais s'habituer à une manière

d'être avec les hôtes, mais pouvoir s'adapter à chacun, avec respect et discrétion. Ensuite,

quel signe donner? Quel signe donner dans notre monde marqué par la sécularisation où les

manifestations de la foi sont peu comprises ou peu habituelles? Y -a-t-il à chercher dans notre

manière d'accueillir à offrir comme des clés à ceux qui arrivent? Non seulement, nous leur

donnons les clés de la chambre, mais quelles clés spirituelles leur donnons-nous pour les

introduire dans leur séjour. Pour les personnes qui ne connaissent pas, les hôteliers font déjà la

visite des lieux et en particulier de l'église. Est donné ainsi à voir à travers le centre du

monastère, le cœur de notre vie de prière et de recherche de Dieu. Y-a-t-il d'autres clés à

donner? - 15 juillet 2017

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 52 v 1-5 De l'oratoire du monastère. écrit le 14 juillet 2017
Verset(s) :

1. L'oratoire sera ce que signifie son nom, et on n'y fera ou déposera rien d'autre.

2. L'œuvre de Dieu achevée, tous sortiront dans un silence complet et l'on aura le respect de Dieu,

3. en sorte qu'un frère qui voudrait prier à par soi en particulier, n'en soit pas empêché par l'importunité d'un autre.

4. Si en outre, à un autre moment, il voulait prier à part soi en privé, il entrera et il priera sans bruit, non à voix haute, mais avec larmes et application du cœur.

5. Donc celui qui ne fait pas ainsi, on ne lui permettra pas de demeurer à l'oratoire, une fois achevée l'œuvre de Dieu, comme il a été dit, de peur qu'un autre n'y trouve un empêchement.

Commentaire :

Lieu de la prière communautaire, Benoit prévoit aussi que l'oratoire soit le lieu de la

prière personnelle. Avec ce chapitre, l'occasion est bonne de se demander: qu'en est-il

aujourd'hui de ma prière personnelle? J'invite chacun à s'interroger sur la rigueur qu'il met à

préserver ces espaces de prière personnelle : le temps du matin avant la messe, fait de lectio et

de prière, le temps du soir après vêpres ... A l'exception de services demandés, savons-nous

défendre ces moments privilégiés de toute autre occupation, afin d'avoir un temps substantiel

et nourrissant? Prenons-nous le temps de nous tenir en vérité devant le Seigneur, afin de nous

entretenir avec lui ? Ces moments sont nécessaires à notre vie monastique. Laissés à notre

responsabilité, ils sont ces lieux où va grandir notre intimité avec le Seigneur.Lui qui se

découvre à nous à travers la liturgie, à travers la rumination des Ecritures, désire nous ouvrir

un espace d'intimité où nous pourrons mieux le connaitre, comme notre Père. Espace de

connaissance approfondie aussi de Jésus, notre Seigneur qui veut sauver nos vies. Espace

enfin de reconnaissance de qui nous sommes devant notre Dieu: des enfants aimés, sauvés

par le Christ. Oui mes frères, n'ayons pas peur de ces espaces offerts. Ils peuvent devenir de

vrais temps recréateur en présence de Dieu. En nous remettant ainsi sous son regard, les

choses reprennent leur vraie dimension ... comme un liquide boueux qui peu à peu décante

dans un récipient: la boue reste au fond et l'eau redevient claire. On m'objectera peut-être

qu'on n'a pas le temps. Ici il nous regarder honnêtement notre manière de gérer notre temps

pour vérifier nos équilibres. Le souci de Dieu et des frères est-il toujours premier? Cultiver la

relation avec notre Dieu, nous unir à Lui est le but de notre vie. On me dira, mais la prière

chorale occupe déjà beaucoup de temps. Oui,je crois que l'office choral et la prière-lectio

personnelle ont besoin l'un de l'autre, ils se nourrissent l'un l'autre. L'office soutient et

nourrit notre dialogue intime avec Dieu. Et la prière personnelle nous évite l'écueil de venir à

l'office par simple obligation. Nous venons à l'oratoire pour unir notre voix et notre recherche

personnelle à celle de toute l'Eglise, et même de toute l'humanité ... Seigneur, apprend-nous à

prier.Viens éveiller en nous le goût d'une rencontre toujours plus vraie avec toi. - 14 juillet 2017

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 51 v 1-3 Des frères qui ne partent pas très loin. écrit le 13 juillet 2017
Verset(s) :

1. Un frère qui est envoyé pour une commission quelconque et dont on attend le retour au monastère ce jour-là, ne se permettra pas de manger au dehors, même s'il y est invité tout à fait instamment par quiconque,

2. sauf si son abbé lui en a donné l'ordre.

3. S'il fait autrement, il sera excommunié.

Commentaire :

« Un frère qui est envoyé » ... Si le contexte de ce chapitre est limité à celui de

commissions occasionnelles, cette expression peut s'entendre dans un sens plus large et plus

profond ... Le moine qui sort du monastère est toujours un moine « en mission »,« un frère

envoyé ». On peut entendre plusieurs choses ici, à commencer par la profondeur du lien qui

nous unit à la communauté. Le frère qui sort n'est pas à son propre compte. Il demeure uni à

ses frères et il reste avec eux sous la règle de vie qui les fait vivre. Qu'il s'agisse de courses

pour la communauté, de rendez-vous médicaux ou de participation à des réunions, chacun de

nous est mandaté par la communauté, en vue d'œuvrer en lien avec elle et à son service.

Même s'il s'agit d'une sortie à des fins plus personnelles (visite occasionnelle de la famille,

question de santé ... etc ... ), cela se fait avec la permission de l'abbé. Cette permission

manifeste que la communion entre la communauté et le frère reste pleine et entière. Dans cette

mention d'un frère qui est envoyé, nous pouvons entendre ensuite, que toute notre vie est

mission, envoi. Notre appartenance au Christ, médiatisée par notre appartenance à la

communauté, nous transforme en disciple missionnaire. Notre vie ne nous appartient plus,

comme le suggère Paul. Uni au Christ par le baptême, ayant revêtu le Christ, où que nous

soyons, nous sommes à son service. A l'intérieur de la clôture comme à l'extérieur, c'est le

même propos de vie qui nous anime: servir le Christ par la prière et par le renoncement dans

une vie fraternelle simple. C'est ici que nous pouvons entendre la recommandation de Benoit

de ne pas s'arrêter en chemin pour manger chez des personnes. Le faire sans permission ou en

cachette, c'est sortir de notre mission première qui s'enracine dans la clôture et le lien avec la

communauté. Aujourd'hui dans l'évangile, nous entendrons les conditions que Jésus donne à

ses disciples envoyés en mission. Toute l'insistance porte sur le total dépouillement, en signe

de la dépendance totale à l'égard de Dieu et de sa Providence. A l'inverse du disciple de

l'évangile qui court proclamer la bonne nouvelle sur les routes, le moine envoyé ne cherche

pas à trouver sa nourriture sur la route. Il cherche à rentrer sans tarder au monastère. Là est

son lieu de dépendance, là où il se reçoit vraiment de Dieu à travers ses frères. Mais comme

tout disciple du Christ, dans nos sorties, quelles qu'elles soient, nous sommes appelés à

pouvoir dire ou signifier la paix du Christ. Nous pouvons être signe et témoin de cette paix

cherchée sans cesse, et qui déjà nous habite. (3 juillet 2017)

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 50 v 1-4 Des frères qui travaillent loin de l'oratoire ou qui sont en voyage. écrit le 08 juillet 2017
Verset(s) :

1. Les frères qui sont au travail tout à fait loin et qui ne peuvent se rendre à l'oratoire à l'heure voulue, –

2. et l'abbé estime qu'il en est bien ainsi, –

3. célébreront l'œuvre de Dieu sur place, là où ils travaillent, en fléchissant les genoux avec crainte de Dieu.

4. De même ceux qui sont envoyés en voyage ne laisseront point passer les heures prescrites, mais les célébreront de leur côté comme ils pourront, et ne négligeront pas de s'acquitter de cette prestation de leur service.

Commentaire :

Ce petit chapitre nous donne d'entendre la priorité que Benoit donne à l'office dans la

vie du moine. A la différence de la Règle du Maitre, nous savons qu'il a organisé la Règle en

faisant en sorte qu'après les chapitres donnant la dynamique spirituelle de la vie monastique,

se trouvent les chapitres concernant la manière de réciter l'office. De même ici, dans les deux

chapitres qui évoquent les sorties des frères, la première préoccupation concerne l'office,

avant celle des repas au chapitre suivant.

Un apophtegme d'Abba Ampo dit ceci: « l'abeille où qu'elle aille fait du miel, et le

moine où qu'il se trouve accomplit l 'œuvre de Dieu». Cette image de l'abeille est suggestive.

L'abeille va de ceci delà, mais elle ne perd pas le but de sa course : butiner sur les fleurs tous

les nectars possibles afin de ramener du miel à la ruche ... Ainsi en va-t-il du moine. Ou qu'il

aille, il ne perd pas le but de sa vie donnée dans la recherche de Dieu. Paradoxalement cette

recherche de Dieu se trouve renforcée et retrouve des couleurs, si l'on peut dire, lorsque nous

prions l'office, lorsque nous prenons un temps d'oraison ou de lectio, tandis que nous sommes

dans un train, un avion ou en voiture avec des frères. En priant seul ou avec un frère dans un

train, un aéroport, en voiture, notre prière s'élargit aussitôt aux dimensions du lieu et des

personnesqui s'y trouvent. Spontanément nous prions pour les gens qui nous entourent, nous

les associons à notre prière. Ainsi nous donnons toute sa mesure à l'œuvre de Dieu(opus Dei)

qui veut rassembler dans la louange tous les enfants de Dieu dispersés. De même quand nous

prions avec un ou plusieurs frères hors du cadre du monastère, nous redécouvrons alors

combien est belle et profonde la communion fraternelle qui nous unit. Elle s'enracine dans

l'Esprit du Christ qui nous rassemble pour dire « Père ». Ou encore, lorsque nous célébrons

l'office, par ex lors des promenades de l'été, dans la nature, nous nous unissons plus en vérité

avec tout le cosmos qui bénit son Seigneur et Créateur... Nous entrainons « soleil et

lune ... montagnes et collines» à louer Dieu avec nous, afin « que tout être vivant chante

louange au Seigneur! ». Oui, soyons heureux de saisir toutes les opportunités offertes par nos

voyages pour célébrer de manière renouvelée l'œuvre de Dieu, à la gloire de son Nom. 8 juillet 2017

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 49 v 5-10 De l'observance du Carême. écrit le 06 juillet 2017
Verset(s) :

5. Donc en ces jours ajoutons quelque chose aux prestations ordinaires de notre service : oraisons particulières, abstinence d'aliments et de boisson,

6. en sorte que chacun offre à Dieu, de son propre mouvement, avec la joie de l'Esprit-Saint, quelque chose en plus de la mesure qui lui est imposée,

7. c'est-à-dire qu'il retranche à son corps sur la nourriture, la boisson, le sommeil, la loquacité, la plaisanterie, et qu'il attende la sainte Pâque avec la joie du désir spirituel.

8. Cependant ce que chacun offre, il doit le proposer à son abbé et le faire avec l'oraison et l'agrément de celui-ci,

9. car ce qui se fait sans la permission du père spirituel sera mis au compte de la présomption et de la vaine gloire, non de la récompense.

10. Tout doit donc s’accomplir avec l’agrément de l’abbé.

Commentaire :

Ce n'est pas un des plus petits paradoxes de la règle de ne parler de la joie que dans ce

chapitre sur le Carême! Par deux fois, et uniquement ici se trouve le rnot « gaudium». La

dernière fois, je disais, que le moine était, à la suite de Jean Baptiste, un homme du désert,

c'est-à-dire un veilleur et un lutteur. Comme Jean Baptiste, un homme de l'Avent et du

Carême. Pour poursuivre l'image, aujourd'hui nous pouvons dire que le moine est aussi un

homme de Pâques et de la Pentecôte. Homme de Pâques, car vers la Pâques éternelle tend

toute sa vie ... Pâques éternelle dont nos fêtes pascales nous font pressentir lajoie et la

douceur. Homme de la Pentecôte, car appelé à être animé par lajoie de l'Esprit ... et cela au

cœur même des renoncements que la vie quotidienne propose, et que le Carême précise.

Cette perspective pascale et pentecostale de notre vie est capitale. Elle situe notre

recherche monastique avec toutes ses exigences au bon niveau, le niveau théologal, c'est-à-

dire comme un don reçu de Dieu. Oui, notre quête monastique qui est rude à certains jours,

nous découvre peu à peu sa vraie nature: celle d'un don qui nous est fait et qui nous précède.

Si le Seigneur nous a appelés dans cette vie, ce n'est pas pour nous asservir sous une loi et des

exigences inhumaines. Non, il nous offre la pédagogie qui convient à notre personnalité afin

qu'elle croisse et sorte de ses ornières et de ses aveuglements natifs. A travers les

renoncements de la vie monastique, le Seigneur désire nous rendre notre vrai visage de fils de

Dieu. Autrement dit, plus on avance, plus on découvre, en les faisant nôtres, combien à

travers nos règles ou coutumes diverses, une joie nous est offerte... Joie discrète et

profonde ... Joie chahutée parfois par les épreuves ou les chutes. Joie éprouvée par les

fardeaux du travail qui peuvent s'ajouter. ... Mais joie dans l'Esprit qui est là et qui ne vient

pas de nos réussites ou de nos victoires ... C'est lajoie de laisser unifier peu à peu sa vie sous

le regard d'un Père qui nous aime, à la suite d'un Maitre, notre Seigneur et notre frère, qui

nous entrai ne davantage dans le don de nous-même. Joie de l'Esprit Saint car joie du don qui

se reçoit en même temps qu'il donne... Oui, n'ayons pas peur d'aller un plus avant dans le

don de nous-même ... par les petits renoncements, par la patience, par les attentions qui font

passer l'autre avant moi ... Recueillons alors la joie qui nous est offerte, plus profonde que les

tempêtes de surface, les jours de brouillard ou les soucis absorbants. 6 juillet 2017

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 49 v 1-4 De l'observance du Carême. écrit le 01 juillet 2017
Verset(s) :

1. Bien que la vie du moine doive garder en tout temps l'observance du carême,

2. cependant, comme il en est peu qui aient cette vertu, nous recommandons que pendant ces jours du carême on garde sa vie en toute pureté,

3. et que l'on efface en ces jours saints à la fois toutes les négligences des autres temps.

4. Nous y parviendrons en renonçant à tous les vices et en nous appliquant à l'oraison avec larmes, à la lecture et à la componction du cœur, ainsi qu'à l'abstinence.

Commentaire :

Comment comprendre cette façon de voir de St Benoit, selon laquelle « la vie du

moine doit garder en tout temps l'observance du carême» ? Il Y a quelques jours, nous

célébrions la St Jean Baptiste... un saint dans lequel les moines de tout temps se sont

reconnus ... Peut-être parce qu'il est à la fois l'homme de l'Avent et l'homme du Carême ...

Homme de l'A vent car toute sa vie a été une veille tournée vers le Christ dont il a préparé la

venue. Homme du Carême parce que sa vie au désert, austère et exigeante, a été une

interpellation vivante pour ses contemporains appelés à changer leur vie pour mieux recevoir

le Christ. Quand St Benoit parle du moine qui doit garder en tout temps l'observance du

Carême, ne nous rappelle-t-il pas que nous sommes, à la manière de Jean le Baptiste, des

hommes du désert. A la fois, hommes de l ' Avent, des veilleurs qui attendent le Christ, comme

nos vigiles nous le font pressentir. A la fois homme du Carême, des lutteurs qui ne veulent en

rien relâcher leur attention sur eux-mêmes, comme notre vie sous une règle et un horaire nous

le rappellent.

Hommes du désert, nous répondons à un appel particulier de vivre dans un même lieu

et d'une certaine manière où l'on accepte d'avoir toujours soif... ou mieux où l'on désire avoir

toujours soif. Un moine repus, désaltéré en quête de sa seule tranquillité ou de son bien être

immédiat, n'est plus homme du désert. L'appel du désert nous pousse à ne pas nous arrêter au

bord des eaux trompeuses ou trop faciles. Plus on cherche, et plus la soif est là, non

desséchante, mais au contraire stimulante. Sans tension, ni volontarisme, notre désir nous

pousse à ne pas relâcher notre labeur: le labeur de la fidélité à la prière personnelle et

communautaire, le labeur de la patience aimante vis-à-vis des frères qui nous irritent, le labeur

du travail dont on ne voit pas toujours le bout .. .le labeur de la solitude qui refuse les

distractions faciles. N'est-ce pas cela la vie au désert? Dans le labeur quotidien, une vie qui

se laisse creuser par amour du Christ, déjà rencontré et encore cherché, mais Christ toujours

attendu. Comme nous le chantons dans l'hymne de St Jean Baptiste, notre vie au désert

« réveille la soif d'eau vive, proche est la source» ... 1 Juillet 2017

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 48 v 22-25 Du travail manuel de chaque jour. écrit le 27 juin 2017
Verset(s) :

22. Le dimanche, de même, tous vaqueront à la lecture, sauf ceux qui sont affectés à différents services.

23. Cependant si quelqu'un est négligent et paresseux au point de ne pas vouloir ou pouvoir apprendre ou lire, on lui assignera un ouvrage à faire, pour qu'il ne reste pas inoccupé.

24. Aux frères malades ou délicats on assignera un ouvrage ou métier approprié, de façon qu'ils ne soient pas oisifs et que la violence du travail ne les accable point ou ne les mette en fuite.

25. L'abbé doit avoir égard à leur faiblesse.

Commentaire :

Ce chapitre sur le travail et la lecture se conclue avec le dimanche et la prise en

considération des frères malades. Si les jours de la semaine se caractérisent par une alternance

bien précise entre travail manuel et lecture, le dimanche est consacré à la seule lecture, à

l'exception des services remplis par certains. La lecture ne s'alterne plus qu'avec la prière

chorale. Voilà la manière de Benoit d'honorer le jour du Seigneur en consacrant plus de temps

à l'écoute de sa Parole et à la rumination des Ecritures. Comme il est conscient que cela peut

représenter une difficulté pour certains, il prévoie de leur assigner un ouvrage plutôt qu'ils

tombent dans l'oisiveté ...

Comment vivre nos dimanches? Dans la session que nous avons eue sur Calvin, j'ai

été frappé par cette phrase de Calvin à propos du dimanche: « Les hommes doivent se reposer

afin de laisser Dieu besogner en eux ». Le repos vis-à-vis de nos activités habituelles, est

pensé comme un espace laissé à Dieu pour qu'il besogne et travaille en nous ... Cette intuition

est très profonde. En effet, nos activités journalières nous prennent tout entier et nous nous y

engageons avec tout ce que nous sommes. Mais elles peuvent parfois nous occuper tellement

qu'on les vit comme si nous étions les seuls maitres à bord, comme si nous étions les seuls

acteurs de notre vie ... La rupture du dimanche nous oblige à une sorte de lâcher prise pour

nous remettre dans la juste réalité des choses sous le regard de Dieu. S'arrêter pour se reposer,

et se détendre, pour donner plus de temps au Seigneur dans la prière, pour rencontrer un

frère ... tout cela nous rappelle que nous valons plus que notre travail. .. d'autant que pour

reprendre l'intuition de Calvin nous sommes nous-mêmes l'ouvrage de Dieu... Dieu désire

réaliser son œuvre en chacun de nous, pour notre bonheur, et en vue du bien de tous.

Paradoxalement pour cela, il a aussi besoin de notre passivité ... de cet espace de gratuité dans

lequel nous nous offrons à ses mains de potier comme une terre meuble, disponible, ouverte.

Chacun, nous pouvons nous demander: à quelle rupture consentons-nous, pour ne pas être

toujours dans la tension ou le désir de faire le plein d'activités ou d'informations? Quel

moment de gratuité sous le regard de Dieu? Quel espace recréateur nous donnons-nous? Ces

temps de respiration profonde pourront faire de nos temps libres, mais aussi de nos jours de

solitude, des moments ressources pour notre quotidien. 27 juin 2017

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 48 v 10-21 Du travail manuel de chaque jour. écrit le 24 juin 2017
Verset(s) :

10. Des Calendes d'octobre au début du carême, ils vaqueront à la lecture jusqu'à la fin de la deuxième heure.

11. À la deuxième heure, on célébrera tierce, et jusqu'à none tous travailleront à l'ouvrage qui leur est assigné.

12. Au premier signal de la neuvième heure, chacun quittera son ouvrage, et ils se tiendront prêts pour le moment où retentira le second signal.

13. Après le repas, ils vaqueront à leurs lectures ou aux psaumes.

14. Aux jours de carême, depuis le matin jusqu'à la fin de la troisième heure, ils vaqueront à leurs lectures, et jusqu'à la fin de la dixième heure ils feront ce qui leur est assigné.

15. En ces jours de carême, chacun recevra un livre de la bibliothèque, qu'il devra lire à la suite et intégralement.

16. Ces livres doivent être distribués au début du carême.

17. Avant tout, bien sûr, il faut désigner un ou deux anciens qui circulent dans le monastère aux heures où les frères vaquent à la lecture.

18. Ils veilleront à ce qu'il ne se trouve pas de frère atteint d'acédie, qui vaque à l'oisiveté ou au bavardage au lieu de s'appliquer à la lecture, et qui non seulement se fait tort à lui-même, mais en outre distrait les autres.

19. Si l'on en trouve un, – à Dieu ne plaise, – on le réprimandera une fois, deux fois ;

20. s'il ne s'amende pas, il subira la réprimande de règle, de telle façon que les autres en conçoivent de la crainte.

21. Un frère n'entrera pas en rapport avec un autre frère à des heures qui ne conviennent pas.

Commentaire :

Après avoir parlé du travail, il peut être bon de s'arrêter sur la lecture. Avec le travail,

la lecture est considérée à égalité comme une activité principale du moine. A ce titre, nous le

savons, il serait plus juste de parler à propos de la vie monastique selon St Benoit, pas

seulement de « ora et labora » mais de « ora, labora et lege». A égalité avec les activités

manuelles auxquelles chacun est assigné, la lecture peut ici être considérée comme un travail.

De même que nous travaillons de nos mains, de même nous travaillons de notre esprit quand

nous lisons, et cela à plusieurs titres. Tout d'abord, s'agissant principalement de la lecture des

Ecritures, il serait plus juste de dire qu'en lisant nous nous laissons travailler par la Parole de

Dieu. Ensuite, la lecture en général est un travail en ce sens où nous ouvrons notre esprit à

d'autres visions des choses et de la réalité. Cela peut nous bousculer, remettre en cause des

évidences. La lecture est aussi un travail dans le sens où elle nous permet d'édifier notre

intelligence, de la structurer en organisant notre pensée, en nous permettant d'établir des

hiérarchies et en nous donnant des repères. La formation spirituelle et théologique que l'on

reçoit au début et tout au long de notre vie monastique a pour but de nous apprendre à nous

repérer dans toutes nos lectures. Tout ne se vaut pas, tout n'est pas profitable. Nous apprenons

à discerner les livres qui vont au fond des choses et qui s'inscrivent dans la tradition profonde

de l'Eglise. Nous apprenons à reconnaitre et à situer la valeur et les apports d'auteurs qui

n'appartiennent pas à la tradition catholiques. Le livre sur Luther lu au réfectoire en ce

moment est un bon exemple d'un livre qui expose avec précision et justesse une pensée qui a

marqué la réflexion théologique chrétienne, et dont on reconnait mieux aujourd'hui la valeur.

Que lire? St Benoit ne le dit pas explicitement ici. Si ailleurs, il parle des écrits des

Pères tel Cassien ou les Pères du désert, ici il s'agit vraisemblablement ici des Ecritures qui

devaient se présenter non sous la forme d'une bible globale, comme aujourd'hui, mais plutôt

sous la forme de manuscrits séparés. Pour Benoit, les Ecritures sont le livre dont le moine doit

se pénétrer jusqu'à en savoir des passages par cœur, notamment les psaumes. Si aujourd'hui,

bien d'autres livres nous sont offerts, il nous est bon de garder cet axe premier et fondamental

en mettant au centre de notre intérêt, les Ecritures, à travers la lectio divina. Avec elles,

grandira notre désir de mieux connaitre notre Dieu pour mieux entrer dans son projet d'amour

pour les hommes. A elles, les Ecritures, s'articuleront ensuite toutes nos autres lectures, plus

théologiques pour nourrir notre intelligence du mystère de Dieu, ou plus spirituelles pour

24 juin 2017

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 48 v 1-9 Du travail manuel de chaque jour. écrit le 22 juin 2017
Verset(s) :

1. L'oisiveté est ennemie de l'âme. Aussi les frères doivent-ils être occupés en des temps déterminés au travail manuel, et à des heures déterminées aussi à la lecture divine.

2. Nous croyons donc que ces deux occupations seront bien réparties selon les temps dans l'horaire que voici :

3. de Pâques aux Calendes d'octobre, depuis le matin en sortant de prime ils travailleront, là où c'est nécessaire, presque jusqu'à la quatrième heure.

4. De la quatrième heure jusqu'à l'heure où ils célébreront sexte, ils vaqueront à la lecture.

5. Après sexte, en sortant de table, ils se reposeront sur leurs lits dans un silence complet, ou si quelqu'un veut lire pour son compte, il lira de façon à ne déranger personne.

6. On célébrera none à l'avance, au milieu de la huitième heure, et ils se remettront au travail qui est à faire jusqu'aux vêpres.

7. Si les conditions locales ou la pauvreté exigent qu'ils s'occupent de rentrer les récoltes par eux-mêmes, ils n'en seront pas fâchés,

8. car c'est alors qu'ils sont vraiment moines, s'ils vivent du travail de leurs mains, comme nos Pères et les apôtres.

9. Cependant tout doit se faire avec mesure à cause des faibles.

Commentaire :

«L'oisiveté est ennemie de l'âme » ... Aujourd'hui beaucoup de personnes au

chômage ne contrediraient pas ce précepte. Ne pas avoir de travail, et cela dans la durée, est

pour beaucoup une source de souffrance morale. Le sentiment d'être inutile ou bon à rien peut

générer une profonde tristesse et un grand dépit sur soi. Le travail créé de l'estime de soi en

même temps qu'il tisse le lien social en associant des personnes diverses à une œuvre

commune ou à la recherche du bien commun.

Dans une communauté monastique, nous n'échappons pas à cette dynamique humaine

fondamentale: le travail permet de grandir dans l'estime de soi, de tisser des liens avec les

frères en œuvrant au projet communautaire. Ces trois pôles sont importants à tenir ensemble.

Une recherche de l'estime de soi qui serait centrée sur elle-même au point d'oublier le souci

des frères et la part prise pour le bien commun, serait illusoire et mortifère. Finalement elle ne

serait qu'un égoïsme stérile. De même, les liens fraternels tissés dans le travail qui

gommeraient l'attention au bien commun et à celui des frères, pourraient n'être qu'une belle

activité entre amis. Le travail qui unit des moines veut être au service d'un double objectif:

œuvrer pour que la communauté vive, et permettre à chacun d'être ce chercheur de Dieu

jusque dans son travail.Enfin, la recherche du bien de la communauté qui ne prendrait pas en

compte le bien de chacun et la qualité des liens fraternels pourrait devenir une activité mue

simplement par la recherche de rendement et d'efficacité. En chacune de nos activités, travail

plus manuel ou plus administratif ou plus intellectuel, service d'entretien plus régulier ou

occasionnel, prenons conscience des dons qui nous sont faits. Il ne s'agit pas seulement de

faire ce qui nous est demandé, mais de vivre le travail dans toutes ces dimensions. Notre

travail est porteur d'une vie qui ne réduit pas au seul résultat tangible. Accueillons la bonne

estime de nous-même à travers la joie de bien faire les choses sous le regard de Dieu, même

les plus simples, à travers aussi la fierté de faire des choses dont on ne serait pas cru

capable ... Cultivons les liens fraternels en sachant dire merci aux frères de notre emploi, en

veillant à les informer, en veillant aussi à leurs besoins. Enfm recherchons le bien de la

communauté en donnant vraiment notre temps, en étant disponible pour un extra imprévu. En

vivant ainsi le travail, nous nous communiquerons beaucoup de joie. 22 juin 2017

Voir le commentaire de Père Abbé Luc / Chapitre 47 v 1-4 Du signal de l'heure de l'oeuvre de Dieu. écrit le 09 juin 2017
Verset(s) :

1. L'annonce de l'heure de l'œuvre de Dieu, jour et nuit, sera confiée aux soins de l'abbé, soit qu'il l'annonce lui-même, soit qu'il en remette le soin à un frère assez attentif pour que tout s'accomplisse aux heures voulues.

2. Quant aux psaumes et antiennes, ils seront imposés, après l'abbé, par ceux qui en recevront l'ordre, suivant leur rang.

3. Quant à chanter et lire, on ne s'y risquera pas si l'on ne peut accomplir cette tâche de façon à édifier les auditeurs.

4. Cela se fera avec humilité, gravité et crainte, et sur l'ordre de l'abbé.

Commentaire :

« Cela se fera avec humilité, gravité et crainte ». A plusieurs reprises, Benoit insiste

sur la « gravité»dans la manière de vivre la liturgie ou de s'en approcher: ici, il s'agit de la

manière de chanter ou de lire. Benoit recommande encore la gravité lorsqu'il faut s'aider à

sortir du sommeil pour aller aux Vigiles (22, 6), ou encore lorsqu'il faut hâter pour aller à

l'office (43, 2), ou si l'on doit exceptionnellement parler après Complies (42,11) ... La gravité

préconisée par Benoit veut avant tout faciliter l'entrée dans la prière et le silence de la nuit, ou

tout simplement favoriser la juste manière d'être dans le chant et la prière. Comment penser et

vivre aujourd'hui cette gravité? Le contraire de la gravité, c'est la légèreté ... Aucun de nous

n'aimerait qu'on pense ou dise de lui qu'il est léger... Nous mesurons combien derrière la

gravité se joue la profondeur de notre réalité humaine devant Dieu. Celle-ci à son poids,

parfois aussi sa pesanteur qui impose le respect. Nos vies humaines portent un poids qui nous

échappe en partie, et dont nous ne prenons conscience que peu à peu. Poids d'une histoire

familiale qui nous précède, poids de notre propre parcours dans la vie, poids de notre réalité

physique et psychologique sur lesquels nous avons peu de prise. Faire comme si ce poids

n'existait pas, c'est faire preuve de méconnaissance de soi-même. Vouloir l'oublier, c'est

faire preuve de légèreté. Quand St Benoit associe en notre chapitre au mot « gravité» ceux

« d'humilité et de crainte », il nous donne des pistes pour assumer le poids de notre réalité.

Avec humilité, c'est-à-dire avec ce consentement confiant en Dieu qui conduit nos vies: il a

donné et il donnera encore ce qui est nécessaire pour avancer. Avec crainte, c'est-à-dire avec

responsabilité devant Dieu au service duquel nous voulons être.

Comme le soulignait hier f. Jean Loup quand il partageait ses réflexions à l'approche

de son ordination: face à la gravité de la mission confiée, il y a la légèreté de la grâce. Cette

dernière nous permet de vivre notre vie avec gravité sans nous prendre trop au sérieux. La

grâce est là comme un cadeau de Dieu qui reste le maitre de nos vies. Elle vient nous

apprendre cette docilité à l'Esprit et cet humour sur nous-mêmes. Elle nous rappelle que nous

ne sommes que serviteurs d'un projet, à commencer par celui de notre vie, dont bien des

tenants et aboutissants nous échappent. La légèreté de la grâce met de l'huile dans les rouages,

du baume sur nos blessures. Elle donne la joie paisible d'être dans la main de Dieu. Avec

Jeanne d'Arc, nous pouvons demander: « Si je ne suis pas dans la grâce, que Dieu m'y

mette; sij'y suis, qu'il m'y garde». 9 juin 2017