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5. Après cela il sera dans le logement des novices, où ils apprennent, mangent et dorment.
« Après cela, il sera dans le logement des novices, où ils apprennent, mangent et
dorment». Longtemps, cette phrase m'a semblé très insignifiante dans sa banalité. Il
m'apparaissait étonnant de définir ainsi le noviciat: un lieu où l'on apprend, mange et dort.
Peu à peu, je mesure que dans sa grande simplicité, elle dit beaucoup de cette étape de
formation dans la vie religieuse. En quelque sorte, le nouveau venu va devoir tout
réapprendre, même à manger et à dormir.Après le postulat où il découvre cette vie pour
mesurer si oui ou non, il désire la choisir, le noviciat fait entrer plus avant dans une nouvelle
vie. Le novice reçoit un habit, un nom et le statut de celui qui apprend pendant un temps
défini. Il prend place dans la communauté pour recevoir d'elle cette nouvelle facon de vivre.
Celle-ci n'est pas seulement spirituelle, au sens paulinien de la vie nouvelle en Christ. Le
novice, baptisé, en fait déjà l'expérience. Elle est vie nouvelle à travers un ensemble de
pratiques concrètes, d'activités réparties en un horaire précis et de façons de vivre les
relations ... Plus qu'un code de conduite, comme tout groupe peut en générer, notre vie
monastique voudrait offrir un art de vivre. Est-ce trop prétentieux de parler ainsi? Dans la
mesure où nous vivons 24h ensemble, pour nous entraider à servir Dieu, parler d'art de vivre
n'est pas surfait. En effet cet art de vivre s'impose à nous. Une vie commune, les uns avec les
autres, tous les j ours de l'année, pour louer Dieu, ne s'improvise pas. Elle demande beaucoup
de soins au risque sinon d'être insipide ou franchement impossible. Dans tout ce que nous
vivons, tout fait sens pour nous aider à unifier notre vie dans l'Amour de Dieu et des frères,
mais cela s'apprend. Il y a peu, j'ai rappelé des règles sur la facon de vivre les repas, manger
ensemble comme des frères cela s'apprend, manger avec mesure et justesse, cela s'apprend;
dormir, pour donner toute sa place à la prière nocturne, cela s'apprend; travailler dans un
esprit de service, attentif aux autres, cela s'apprend; vivre les relations fraternelles avec
respect et charité dans une juste distance, cela s'apprend; savoir habiter la solitude, sans peur
ni repli sur soi, sous le regard de Dieu, cela s'apprend; prier, faire lectio, entrer dans
l'intelligence du dessein aimant de Dieu pour le monde et pour chacun, cela s'apprend ... L'art
de vivre monastique ne veut rien laisser en friche dans nos existences, car celles-ci sont
appelées à donner le meilleur d'elle-même. Le novice va apprendre cet art et le moine déjà
ancien voudrait garder un élan de novice, dans le désir d'apprendre et de progresser encore. - 23-08-2017
1. Quand un nouveau venu arrive pour la vie religieuse, on ne lui accordera pas facilement l'entrée,
2. mais comme dit l'Apôtre : « Éprouvez les esprits, pour voir s'ils sont de Dieu. ;»
3. Si donc l'arrivant persévère à frapper, se montre patient à supporter, au bout de quatre ou cinq jours, les mauvais traitements qu'on lui inflige et les difficultés d'entrée, et persiste dans sa demande,
4. on lui permettra d'entrer, et il sera dans le logement des hôtes pendant quelques jours.
« De lafaçon de recevoir les frères » ... Le moins qu'on puisse dire, est que Benoit ne
fait pas dans le « cocooning», ou pour parler plus français, il ne propose pas aux nouveaux
venus de vivre dans un cocon douillet. Le nouveau venu, celui qui postule, est invité à faire
l'expérience d'un changement radical entre sa vie passée et la vie qu'il souhaite embrasser. La
rudesse proposée par Benoit qui laisse le nouveau venu à la porte s'inspire-t-elle de ce que le
Christ dit à ceux qui veulent le suivre: « Les renards ont des tanières, les oiseaux des nids,
mais le Fils de l'homme n'a pas où reposer la tête (Le 9, 58) » ? Dans l'évangile, suivre le
Christ ne se présente jamais, comme une évidence mais toujours comme une contradiction ...
Contradiction par rapport à la famille à laquelle le disciple est appelé à préférer le Christ.
Contradiction par rapport à ceux qui nous entourent dont l'incompréhension suscitera peut-
être opposition voire persécution. Contradiction enfin par rapport à soi éprouvée à travers le
renoncement à soi-même auquel Jésus nous exhorte ...
Notre vie monastique, dans sa forme de vie et dans sa pédagogie, met en œuvre cette
contradiction évangélique afin qu'elle porte son fruit de liberté. Le nouveau venu doit
percevoir assez vite la radicalité évangélique de la nouvelle manière de vivre qu'il approche.
La rudesse de l'accueil proposée par Benoit n'a pas d'autre but. Aujourd'hui, nous sommes
moins abruptes, mais devons-nous pour autant être moins exigeants? Ici il nous faut être
attentif et précis, afin de ne pas confondre exigence et dureté. L'exigence donne sens, montre
la direction. La dureté risque de casser. Notre forme de vie pour être pleinement évangélique
doit d'abord faire signe de la Bonne Nouvelle que nous cherchons tous à vivre et à accueillir:
le salut offert par le Christ.Tous, nous sommes venus et nous venons pour nous laisser
réconcilier par le Christ, pécheur et malade que nous sommes. L'exigence est là, pour nous
rappeler que le chemin de réconciliation sera long. Car il engage tout notre être dans une
conversion profonde et persévérante. Qu'il n'y ait pas d'illusions sur ce point. Peut-être est-ce
la raison qui nous incline aujourd'hui à donner du temps à chacun dans les premières années
de formation. Le postulat pourra prendre plusieurs mois avec une durée variable pour
permettre à chacun de s'engager plus en profondeur. Postuler, cela signifie demander. Le
postulat voudrait aider chacun à être vraiment lui-même dans sa demande, dans son désir de
s'engager à la suite du Christ. - 22-08-2017
4. S'il faut vendre quelque objet fabriqué par les artisans, ceux par les mains desquels se fera la transaction prendront garde de ne commettre aucune fraude.
5. Ils se souviendront toujours d'Ananie et de Saphire, de peur que la mort infligée à ceux-ci en leur corps
6. ne les atteigne en leur âme, eux et tous ceux qui feraient quelque fraude sur les biens du monastère.
7. Le fléau de l'avarice ne doit pas s'insinuer dans les prix,
8. mais on vendra toujours un peu meilleur marché que ne peuvent le faire les autres producteurs séculiers,
9. « pour qu'en tout Dieu soit glorifié ».
« Pour qu'en tout Dieu soit glorifié » ... On aurait pu attendre que cette phrase soit dite
à propos de la charité fraternelle, ou bien à propos du service mutuel.C'est ainsi d'ailleurs
que la comprend St Pierre dans son épitre quand il dit: « Chacun selon la grâce reçue,
mettez-vous au service les uns des autres, comme les bons intendants d'une multiple grâce de
Dieu. Si quelqu'un parle que ce soit comme les paroles de Dieu; si quelqu'un assure le
service que ce soit comme par un mandat reçu de Dieu, afin qu'en tout Dieu soit glorifié par
Jésus Christ ... »(1 P. 4, 10-11). Mais, ici St Benoit utilise cette recommandation à propos de
notre manière de faire du commerce. On pourrait paraphraser l'épitre de St Pierre: « Si
quelqu'un fait du commerce que ce soit comme par un mandat reçu de Dieu, afin qu'en tout
Dieu soit glorifié ... ». Aucune de nos activités humaines n'est tenue hors de la lumière de
Dieu, pas même le commerce et l'usage de l'argent. De cette manière juste et toujours en
quête d'ajustement, on témoigne de notre choix fondamental pour Dieu, et non pour
Mammon, le dieu argent. Jusque dans nos activités économiques, nous sommes appelés à
vivre et à témoigner de notre confiance première en Dieu. Nous croyons que notre vie est
reçue de Lui qui veille sur nous, et nous voulons par notre liberté vis-à-vis de l'argent dire au
monde que nous nous savons entre ses mains. Autrefois, avant la Révolution, les moines et les
religieux étaient mal vus parce qu'ils ne travaillaient pas. Ils vivaient sur leurs rentes et
beaucoup les regardaient avec mépris comme des parasites. La fameuse « commission des
réguliers» se chargea avant la Révolution de supprimer ainsi bon nombre de maisons, n'ayant
plus que quelques religieux, jugés inutiles. Aujourd'hui, ce serait un autre contre témoignage
si les moines qui veulent vivre du travail de leurs mains se présentaient comme des hommes
durs en affaire. Nous partageons le sort de tous les humains de devoir travailler pour vivre.
Les gens nous regardent beaucoup à travers nos activités manuelles et économiques. En ces
lieux très humains, nous leur sommes proches, et des liens naturels d'échange se tissent avec
beaucoup. Plus nous serons professionnels dans notre manière de travailler, sérieux et
cohérents, plus nous pourrons marquer notre différence dans une manière qui veut privilégier
la justice et l'humain. Une manière qui voudrait avant tout servir les personnes et glorifier
Dieu. Notre monde qui peut être dur en affaire et dur dans les relations professionnelles attend
sûrement de notre part ce double signe de cohérence professionnelle et de profonde humanité
dans la relation. - 19-08-2017
1. S'il y a des artisans au monastère, ils exerceront leur métier en toute humilité, si l'abbé le permet.
2. Si l'un d'eux s'enorgueillit de la connaissance qu'il a de son métier, dans la pensée qu'il rapporte quelque chose au monastère,
3. on l'enlèvera de ce métier et il n'y mettra plus les pieds, à moins qu'il ne s'humilie et que l'abbé l'y autorise.
Quand l'humilité est enjeu, Benoit ne transige pas. L'artisan, qui viendrait à
s'enorgueillir de son art, se le verrait aussitôt enlevé. S'il y a un art sur lequel Benoit invite à
travailler avant tout, c'est bien l'art spirituel. S'il y a une œuvre d'art à créer dans un
monastère, c'est avant tout notre propre vie sous la conduite de l'Esprit. Notre vie comme une
œuvre d'art ... ciselée et creusée par l'humilité, pour être plus libre et plus belle de l'intérieur.
La logique mondaine est inversée: la valeur d'un moine n'est pas donnée par ce qu'il produit
ou réalise, mais par sa manière de vivre et d'être humble, se recevant de Dieu en toute chose.
Hier, nous entendions la conscience forte que Churchill avait de devoir se prouver quelque
chose à lui-même. Au tournant de l'adolescence et de l'âge adulte, une grande ambition
l'habitait afin d'être enfin reconnu par les autres, mais surtout à ses propres yeux. Peut-être
chacun de nous peut-il déceler des traces de ce mécanisme humain à l'œuvre dans sa propre
vie? Une part de nous-même peut vouloir se prouver quelque chose dans ses activités ou son
art. Peut-être s'agit-il plus ou moins inconsciemment de prendre une revanche sur un passé
jugé peu glorieux ou de vouloir exister tout simplement par soi-même. Comme en beaucoup
de choses, il y a un discernement à opérer.Où finit la bonne fierté de faire quelque chose qui
fait grandir et où commence l'orgueil où l'on se prend comme seul maitre et seule mesure de
ce que l'on fait? Un bon critère de discernement se trouve certainement dans notre manière
de faire place aux autres. Faire place aux autres avec qui on travaille: est-ce que le savoir-
faire circule, permettant à chacun de donner le meilleur dans une réelle autonomie? Faire
place aux autres, ce sera aussi faire place au regard que les autres portent sur ce que je fais:
est-ce que je vis une remarque comme une agression ou bien comme une chance de
progresser? Faire place aux autres, c'est pouvoir aussi un jour laisser à d'autres les rênes d'un
emploi en prenant soin de le transmettre. Si nous y sommes attentifs, la vie quotidienne se
charge de nous bousculer pour nous tenir ajustés au réel et abandonner nos rêves enfantins de
toute-puissance. Ainsi elle nous apprend l'humilité que nous acceptons de plus ou moins bon
gré dans un premier temps. Mais en fait, elle nous rend cet immense service de ne pas trop
nous prendre au sérieux. Oui, accueillons tous les enseignements de la vie fraternelle au
quotidien, qui vient faire fondre notre orgueil, comme neige au soleil. .. - 18-08-2017
1. La table de l'abbé sera toujours avec les hôtes et les étrangers.
2. Cependant chaque fois qu'il y a moins d'hôtes, il aura le pouvoir d'inviter ceux des frères qu'il voudra.
3. Cependant il faut toujours laisser un ou deux anciens avec les frères pour le bon ordre.
Cet usage de l'abbé qui mange avec les hôtes et les étrangers-pèlerins nous surprend
aujourd'hui. Il me semble que dans la plupart de nos monastères, ce n'est plus le cas. Je pense
à nos monastères de Subiaco, mais aussi à Solesmes, à Cîteaux, par ex, à celui des sœurs en
général. Pourquoi? L'aspect pratique plus commode l'a peut-être emporté. Ou bien a prévalu
l'aspect symbolique de l'abbé qui préside la communauté sur l'aspect symbolique de l'abbé
qui accueille. Dans les deux cas, l'abbé fait signe du Christ: le Christ qui préside et le Christ
qui accueille. Dans les deux cas, une sorte de vigilance est exercée: sur la communauté pour
que tout se passe bien et sur les hôtes afin qu'ils soient bien accueillis. A propos du bon ordre,
de son côté St Benoit prévoie qu'un ou deux anciens veillera sur les tables des frères.
Concernant l'accueil dans RB 53, Benoit donne un rôle bien précis à l'abbé, pour exercer la
charité envers le Christ qui passe. Cette place prépondérante de l'abbé dans l'accueil trouve
des parallèles dans ce qu'Ambroise, Jérôme ou Augustin disent des évêques. Augustin écrit:
« J'arrivai ensuite à l'épiscopat: je remarquai que l'évêque était obligé d'exercer
continuellement la bienfaisance envers tous ceux qui arrivent ou qui passent. et qu'en ne le
faisant pas, il serait accusé d'être inhumain»(Serm. 355,2 cité dans M. Puzicha, Comt. de la
RB, TIl, p. 171). St Benoit porte-t-il ce même souci « d'humanité» quand il implique l'abbé
dans l'accueil? En BR 53,9, il utilise le mot « humanitas» en recommandant qu'après avoir
lu « la loi divine », on donnera toutes les marques d'humanité aux hôtes. Quelles sont ces
marques d'humanité? Les versets qui suivent mentionnent l'abbé qui lave les mains des
hôtes, puis la communauté qui leur lave les pieds, puis un peu plus loin est abordée la
question du repas. Aujourd'hui, certains monastères ont gardé l'usage selon lequel l'abbé lave
les mains des hôtes avant qu'ils entrent au réfectoire. Ce geste semble difficile à mettre en
œuvre chez nous et peu significatif pour beaucoup. Parfois je me demande s'il ne faudrait pas
que je puisse saluer plus systématiquement les hôtes qui viennent manger avec nous. Je le fais
au cas par cas. Le fait d'être introduit au sein de la clôture peut impressionner, les saluer plus
systématiquement avant pourrait signifier un accueil qui les mette plus à l'aise. Si on a des
lumières ... Je pourrai aussi en reparler avec les hôteliers. (16-08-2017)
16. Cependant ces lits seront fréquemment inspectés par l'abbé, à cause des objets appropriés qui pourraient s'y trouver.
17. Et si l'on trouve chez quelqu'un un objet qu'il n'a pas reçu de l'abbé, il subira une sanction très grave.
18. Et pour retrancher radicalement ce vice de la propriété, l'abbé donnera tout ce qui est nécessaire,
19. c'est-à-dire coule, tunique, chaussons, chaussures, ceinturon, couteau, stylet, aiguille, mouchoir, tablette, pour ôter tout prétexte de nécessité.
20. Cependant l'abbé aura toujours égard à cette phrase des Actes des Apôtres ;: « ;On donnait à chacun selon ses besoins. ;»
21. Ainsi donc l'abbé, lui aussi, aura égard aux infirmités des nécessiteux, non à la mauvaise volonté des envieux.
22. Dans tous ses jugements, cependant, il songera à la rétribution de Dieu.
Comme déjà, au chapitre 33, Benoit insiste ici lourdement sur la nécessité de couper à
la racine le vice de la propriété personnelle. Veut-il ainsi ôter au moine l'illusion d'exister par
lui-même à travers des objets qu'il se serait approprié .. ? Lui éviter d'être possédé lui-même
par ce qu'il croit posséder? Hier, je disais qu'en vie monastique un lien fort et inversé existe
entre « avoir et être». Aujourd'hui, on peut relever un autre lien important, celui entre « avoir
et recevoir». Le moine n'a rien qu'il n'ait reçu. Il n'a rien qu'il n'ait en usage aujourd'hui et
qu'il pourra remettre demain quand il n'en aura plus besoin. Cette pédagogie concrète est des
plus réalistes. Elle nous ancre dans notre réalité la plus humaine qui soit: qu'avons-nous que
nous n'ayons reçu, à commencer par la vie, le souffle, une éducation, une culture, une langue,
une foi ... etc ... Tout recevoir en vie monastique veut nous apprendre à demeurer dans la
conscience de notre dépendance foncière vis-à-vis de Dieu, et une dépendance heureuse. Car
il ne s'agit pas de la dépendance d'un esclave vis-à-vis de son maitre, mais de la dépendance
d'un fils vis-à-vis de son père. En Jésus, nous découvrons que là est notre plus profonde
liberté. Spontanément, nous pensons ou nous rêvons que notre liberté serait de ne dépendre de
personne. Mais avec Jésus, nous apprenons à vivre dans toute sa profondeur la relation qui
nous unit à notre Père des Cieux, notre Créateur, Lui en qui se trouve notre origine et notre
fin. Notre Père des cieux ne veut pas nous attacher à lui comme des esclaves, mais nous faire
découvrir le bonheur plénier qu'il y a de jouir de sa présence. Seuls les fils sont libres, dit
Jésus dans l'évangile. La relation vivante, l'alliance vraie avec notre Père des Cieux scellée
par Jésus nous rend toujours plus libre, parce que toujours plus capable d'aimer, de nous
ouvrir, de nous élargir à la mesure de l'Amour infini de Dieu. A l'inverse, ce qui nous
enchaine, c'est l'illusion de devoir nous débrouiller tout seul, de devoir tout maitriser et de
nous construire par nous-mêmes. Ce qui ressemble à de l'autonomie, ne fait que nous lier un
peu plus à la seule image rêvée de nous-mêmes. Dieu rêve bien mieux pour nous. La
pédagogie monastique où nous recevons tout nous introduit peu à peu à la vie des fils libres.
Je découvre alors qu'il y a une grande joie à recevoir, à me recevoir plutôt qu'à m'accrocher à
vouloir être, faire ou avoir par moi-même. Mon être profond de fils peut s'épanouir peu à peu,
avec Jésus qui s'est fait pauvre pour nous faire riche. Avec Lui, nous apprenons à nous
recevoir du Père, à tout recevoir en cette vie déjà, et à l'heure de notre mort, la Vie éternelle. - 3 Août 2017
9. En recevant du neuf, on rendra toujours l'ancien, qui devra être déposé temporairement au vestiaire pour les pauvres.
10. Il suffit en effet à un moine d'avoir deux tuniques et deux coules pour la nuit et pour laver ces effets.
11. Ce qui serait en plus, c'est du superflu, il faut le retrancher.
12. De même les chaussons et tout ce qui est ancien ;; on le rendra en recevant du neuf.
13. Ceux qui sont envoyés en voyage recevront du vestiaire des caleçons, qu'ils y remettront à leur retour après les avoir lavés.
14. Les coules et tuniques seront un tant soit peu meilleures que celles qu'ils portent d'ordinaire. Ils les recevront du vestiaire en partant en voyage et les remettront au retour.
15. Comme literie, il suffira d'une natte, d'une couverture ordinaire et d'une autre en laine, et d'un chevet.
Le moine n'aime pas le superflu, car dans sa stabilité, il reste fondamentalement un
voyageur. Le superflu, St Benoit recommande de le retrancher. Il utilise ici le même mot,
« amputare», que pour dire « retrancher les vices ». Le superflu n'est pas un vice, mais un
handicap pour le moine qui veut courir sur la voie des commandements de Dieu. Comment
courir lorsque nous sommes trop chargés? Comment courir dans la voie des commandements
de Dieu si nous nous laissons enchainés par trop de mauvaises habitudes? Ce parallèle entre
le superflu vite accumulé dans nos affaires, nos vêtements ou objets de toute sorte, et les vices
ou mauvaises habitudes dont il faut nous libérer est riche d'enseignements. En apprenant à
demeurer vigilants sur la quantité et l'entretien de nos affaires, nous apprenons à demeurer
vigilants vis-à-vis de nos habitudes... et vice versa ... Dans le deux cas, être vigilant signifie
qu'on s'exerce à ne pas se laisser aller, mais qu'on désire rester en alerte afin de toujours
progresser. En vie monastique, il y a toujours un lien très fort entre avoir et être. A voir
beaucoup et être encombré en soi-même ... avoir peu et être libre en soi-même ... Si l'équation
n'est pas mathématique ni automatique, elle peut nous aider à rester en éveil. Le P. Denis était
un bel exemple de cela. Sa cellule était très dépouillée au moment de sa mort. Il était libre.
Concernant nos vêtements, St Benoit nous engage à remettre ce qui est usagé,
inutilisé: « on rendra l'ancien en recevant du neuf» ... N'hésitons pas à faire le vide de
temps en temps, en donnant à notre frère linger, des effets qui ne servent plus.
Soyons heureux aussi de faire usage des communs. N'entassons pas des objets dont
nous n'avons qu'un usage très épisodique. Pourquoi garder chez soi, une valise qu'on utilisera
seulement deux ou trois fois par an ? De même pour certains effets. Cultivons ce réflexe de
liberté où l'on va au commun chercher ce dont on a besoin très occasionnellement, plutôt que
de garder chez soi un objet qu'on n'utilise pas ou très peu ... Détails? Non, c'est une
discipline de vie qui nous éduque concrètement tout autant qu'elle nous garde en alerte
spirituellement. - 2 août 2017
1. On donnera aux frères des vêtements selon la nature des lieux où ils habitent et selon le climat de ceux-ci,
2. car dans les régions froides il faut davantage, dans les chaudes moins.
3. Cette appréciation est donc l'affaire de l'abbé.
4. Pour notre part, cependant, nous croyons que dans les lieux moyens il suffit aux moines d'avoir chacun une coule et une tunique, –
5. coule velue en hiver, lisse ou usée en été, –
6. et un scapulaire pour le travail ; pour se couvrir les pieds, des chaussons et des souliers.
7. Quant à la couleur ou à l'épaisseur de tous ces effets, les moines ne s'en plaindront pas, mais ils les prendront tels qu'on peut les trouver dans la province où ils demeurent, ou ce qui peut s'acheter meilleur marché.
8. Cependant l'abbé veillera à la mesure, de façon que ces vêtements ne soient pas trop courts pour ceux qui les portent, mais à leur mesure.
Dans un commentaire de ce chapitre, le P. Denis écrivait: « Détails matériels sans
importance? Non. Car cela touche directement notre façon d'être avec Dieu. Dans son
vêtement, comme dans son comportement, le moine doit avoir quelque chose qui traduit le
fond de son cœur. Propreté. Simplicité ... »(07.08.1962) Dans un autre commentaire, il ajoute
le mot « liberté ». Nos vêtements, notre manière de les porter et de nous tenir disent quelque
chose de notre manière d'être avec Dieu, avec les autres et avec nous-mêmes. Je retiens ces
trois mots du P. Denis: « liberté. propreté. simplicité» ...
Liberté. Nous recevons nos vêtements du monastère. « On donnera aux frères les
vêtements », dit Benoit. En recevant, sans récrimination ni exigence indue, nous témoignons
de notre désir de liberté intérieure. Soyons jaloux de cette liberté-là, et toujours sourcilleux
pour la défendre intérieurement de tous les faux amis qui se présentent pour nous la ravir.
Soyons libre par rapport à tous les désirs de posséder, ou de trouver notre assurance dans des
vêtements ou des objets qui seraient recherchés. C'est la liberté de cœur de ceux qui
voudraient mettre le Clrrist à la première place de leur préoccupation. Quand Jésus envoie les
disciples, il entre dans les détails, non de ce qu'ils auront à dire, cela leur sera donné, mais
dans les détails de leur sac de voyage: seulement une tunique, une paire de sandale etc ...
Comme si pour Jésus, la manière de nous tenir dans le quotidien, libre de préoccupations
matérielles, était déjà un message, une parole qui l'annonce.
Propreté: St Benoit insiste pour que l'abbé veille à ce que les frères aient une tenue
correcte. Propreté pour être bien soi-même et pour être bien avec les autres. La propreté dit
quelque de la joie d'être et de vivre où tout est ordonné à la beauté. Ne négligeons pas la
propreté: la nôtre corporelle et celle de nos vêtements. Goûtons la joie que nous pouvons en
tirer. Cette joie célèbre notre Créateur qui a voulu que toute chose soit belle et ordonnée.
Simplicité: St Benoit insiste pour que les vêtements ne soient pas recherchés, ceux qui
sont disponibles dans la région. A la différence de cette époque, nous bénéficions d'un choix
bien plus grand. Faut-il pour autant devenir difficile et exigeant? La simplicité toujours
recherchée en toute chose simplifiera notre cœur.Elle eut devenir gardienne de notre désir le
plus profond, notre désir d'être pauvre de cœur, simple devant notre Père des Cieux. - 26 juillet 2017
1. Il ne sera aucunement permis à un moine de recevoir ou de donner, sans permission de l'abbé, lettres, eulogies ou petits présents quelconques, ni de ses parents, ni d'aucun homme, ni entre eux.
2. Même si ses parents lui envoient quelque chose, il ne se permettra pas de l'accepter avant d'en avoir référé à l'abbé.
3. Si l'abbé permet qu'on l'accepte, il sera en son pouvoir de donner la chose à qui il veut,
4. et le frère à qui on l'avait envoyée ne s'en fâchera pas, « pour ne pas donner d'occasion au diable. »
5. Celui qui se permettrait de faire autrement, sera soumis à la sanction de règle.
Sujet délicat que celui des objets reçus ou donnés. Dans une vie comme la nôtre,
comment approcher et rester au plus près de la pauvreté évangélique? Un moyen concret
nous est offert par Benoit: tout mettre sous le regard de l'Abbé. Mesure exigeante qui nous
oblige à ne pas nous appuyer sur notre seul jugement, mais à en référer à un autre pour
recevoir ou donner des choses ... En quelques lignes, un mot revient souvent dans la
traduction française: « permettre-permission» et « se permettre». Demander afin que l'Abbé
permette ou bien se permettre tout seul. .. Un même verbe, deux attitudes. D'un côté une
attitude qui veut incarner par la dépendance à l'Abbé le désir de dépendance foncière vis-à-vis
du Christ.De l'autre, je me prends comme référence, et je me permets de faire ceci ou de
recevoir ceci sans demander à autrui. Entre ces deux attitudes, il ne faut pas être surpris que se
joue un vrai combat intérieur: vais-je vraiment mettre toute ma vie sous la lumière du Christ,
en en référant à l'Abbé? Ou bien vais-j e, en n'en référant à personne, laisser quelques zones
d'ombre dans ma vie? Combat sérieux pour gagner en vraie liberté intérieure au regard de ce
que je reçois ou de ce que je donne. D'autres traditions religieuses, je pense aux sœurs de M.
Térésa tendent à une pauvreté effective qui consiste à n'avoir pratiquement rien à elles, sinon
le strict nécessaire ... Notre pauvreté monastique tend moins à chercher à ne rien avoir, qu'à
être vis-à-vis de posséder ou de ne pas posséder des objets, même ceux reçus en cadeau ...
C'est une pédagogie pour atteindre à une vraie liberté intérieure. Chacun, nous pouvons
vérifier, où nous en sommes. Comment nous situons-nous si on nous fait un cadeau, tel
appareil, tel vêtement, ou autre objet significatif: en parlons-nous à l'Abbé? Comment
faisons-nous lorsque nous pensons devoir faire un cadeau: en parlons-nous au cellérier ou à
l'Abbé? Nous mettons-nous dans la disposition d'accueillir dans la liberté la réponse qui sera
donnée? Ou bien présentons-nous la demande de telle manière qu'il soit impossible à l'Abbé
de répondre autrement que ce l'on désire? Finalement ce qui enjeu n'est pas l'objet lui-
même à donner ou à recevoir, mais la liberté que je désire vivre? L'évangile nous entraine
vers ce travail intérieur pour sans cesse rejoindre notre désir le plus profond, celui qui un jour
nous a conduits à tout laisser pour entrer au monastère. Vais-je reprendre la main sur ce que
j'avais choisi de laisser? Dans ce combat intérieur, pour une vérité et une liberté plus grande,
demandons l'aide du Christ, le pauvre de cœur, qui a été heureux de l'être. - 22 juillet 2017
16. La cuisine de l'abbé et des hôtes sera à part, afin que les hôtes arrivant à des heures incertaines, – ils ne manquent jamais au monastère, – les frères n'en soient pas dérangés.
17. Dans cette cuisine entreront en charge pour l'année deux frères qui remplissent bien la fonction.
18. S'ils en ont besoin, on leur procurera des aides, pour qu'ils servent sans murmure, et inversement, quand ils ont moins d'occupation, ils iront au travail là où on leur commande.
19. Et l'on y veillera, non seulement pour eux, mais aussi dans tous les services du monastère :
20. quand ils en ont besoin, on leur attribuera des aides, et inversement, quand ils sont libres, ils obéiront aux commandements qu'on leur donne.
21. Quant au logement des hôtes, il sera confié à un frère dont l'âme est pénétrée de la crainte de Dieu.
22. Il y aura là des lits garnis en nombre suffisant, et la maison de Dieu sera administrée par des sages et sagement.
23. Celui qui n'en a pas reçu l'ordre n'entrera aucunement en rapport avec les hôtes ni ne conversera avec eux,
24. mais s'il les rencontre ou les aperçoit, il les saluera humblement, comme nous l'avons dit, et demandant une bénédiction, il passera son chemin en disant qu'il n'a pas permission de converser avec un hôte.
Ce chapitre sur les hôtes est formé de deux parties, la première lue la dernière fois qui
concentre toute l'attention sur les hôtes à bien honorer, comme le Christ, et la seconde partie
que nous venons d'entendre qui considère en quelque sorte, ce qui se passe en coulisse.
Quelles sont les conditions à remplir pour un bon accueil des hôtes? Le premier point
d'attention concerne la cuisine. Comment l'organiser pour que ce ne soit pas trop lourd,
pouvons-nous entendre en filigrane? La question des aides est soulignée avec une réelle
insistance. Car la charge de travail n'est pas théorique. Aujourd'hui encore, le critère premier
pour savoir jusqu'où accueillir est celui du nombre de repas. A certaines périodes, il est
difficile de pouvoir honorer toutes les demandes. Comme nous l'avons déjà dit, notamment
dans les réflexions avec Ezalen, je crois qu'il nous faut garder comme repère habituel: que le
nombre d'hôte soit équivalent à celui des frères environ 40-45. J'encourage les hôteliers à
tenir cette limite, même si cela n'est pas facile de résister à la demande. J'invite aussi les
frères à ne pas être exigeants pour imposer tel ou tel ami ou membre de famille alors qu'il y a
déjà beaucoup de monde. Pouvoir tenir habituellement cette limite nous aidera à ne pas porter
plus que nos forces nous le permettent ...
Les deux dernières conditions données par Benoit pour un bon accueil des hôtes sont
d'ordre spirituel: que les hôteliers soient pénétrés de la crainte de Dieu, afin que la maison de
Dieu soit administrée sagement; et que les autres frères gardent une juste réserve à l'égard
des hôtes. La qualité première attendue des hôteliers est spirituelle: qu'il mette vraiment sa
vie sous le regard de Dieu, afin que son vie de foi commande en vérité tout son agir vis-à-vis
des hôtes. Ici, il ne s'agit pas seulement d'être capable de bien parler de Dieu aux hôtes, mais
d'avoir une attitude qui, d'elle-même, parle de Dieu et de la recherche qui anime le moine ...
Attitude faite de prévenance, de disponibilité, d'écoute, de patience, de douceur et de fermeté
à la fois. Quant aux autres frères, à nous tous, il est demandé la discrétion. Une attitude de
liberté vis-à-vis des hôtes. Notre usage de ne pas aller au-devant des hôtes s'ils n'ont rien
demandé, veut nous aider à demeurer dans cette juste posture. Les hôtes viennent ici pour
chercher Dieu avec nous. S'ils ont besoin de parler, les hôteliers sont là pour les conseiller et
les orienter. Face à certains hôtes un peu envahissants, soyons prudents pour rester à notre
place, afin qu'eux-mêmes aillent au bout de ce qu'ils sont venus chercher ici. La discrétion est
autant un bien pour nous que pour eux. - 18 juillet 2017