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1. S'il y a des artisans au monastère, ils exerceront leur métier en toute humilité, si l'abbé le permet.
2. Si l'un d'eux s'enorgueillit de la connaissance qu'il a de son métier, dans la pensée qu'il rapporte quelque chose au monastère,
3. on l'enlèvera de ce métier et il n'y mettra plus les pieds, à moins qu'il ne s'humilie et que l'abbé l'y autorise.
Quand l'humilité est enjeu, Benoit ne transige pas. L'artisan, qui viendrait à
s'enorgueillir de son art, se le verrait aussitôt enlevé. S'il y a un art sur lequel Benoit invite à
travailler avant tout, c'est bien l'art spirituel. S'il y a une œuvre d'art à créer dans un
monastère, c'est avant tout notre propre vie sous la conduite de l'Esprit. Notre vie comme une
œuvre d'art ... ciselée et creusée par l'humilité, pour être plus libre et plus belle de l'intérieur.
La logique mondaine est inversée: la valeur d'un moine n'est pas donnée par ce qu'il produit
ou réalise, mais par sa manière de vivre et d'être humble, se recevant de Dieu en toute chose.
Hier, nous entendions la conscience forte que Churchill avait de devoir se prouver quelque
chose à lui-même. Au tournant de l'adolescence et de l'âge adulte, une grande ambition
l'habitait afin d'être enfin reconnu par les autres, mais surtout à ses propres yeux. Peut-être
chacun de nous peut-il déceler des traces de ce mécanisme humain à l'œuvre dans sa propre
vie? Une part de nous-même peut vouloir se prouver quelque chose dans ses activités ou son
art. Peut-être s'agit-il plus ou moins inconsciemment de prendre une revanche sur un passé
jugé peu glorieux ou de vouloir exister tout simplement par soi-même. Comme en beaucoup
de choses, il y a un discernement à opérer.Où finit la bonne fierté de faire quelque chose qui
fait grandir et où commence l'orgueil où l'on se prend comme seul maitre et seule mesure de
ce que l'on fait? Un bon critère de discernement se trouve certainement dans notre manière
de faire place aux autres. Faire place aux autres avec qui on travaille: est-ce que le savoir-
faire circule, permettant à chacun de donner le meilleur dans une réelle autonomie? Faire
place aux autres, ce sera aussi faire place au regard que les autres portent sur ce que je fais:
est-ce que je vis une remarque comme une agression ou bien comme une chance de
progresser? Faire place aux autres, c'est pouvoir aussi un jour laisser à d'autres les rênes d'un
emploi en prenant soin de le transmettre. Si nous y sommes attentifs, la vie quotidienne se
charge de nous bousculer pour nous tenir ajustés au réel et abandonner nos rêves enfantins de
toute-puissance. Ainsi elle nous apprend l'humilité que nous acceptons de plus ou moins bon
gré dans un premier temps. Mais en fait, elle nous rend cet immense service de ne pas trop
nous prendre au sérieux. Oui, accueillons tous les enseignements de la vie fraternelle au
quotidien, qui vient faire fondre notre orgueil, comme neige au soleil. .. - 18-08-2017
1. La table de l'abbé sera toujours avec les hôtes et les étrangers.
2. Cependant chaque fois qu'il y a moins d'hôtes, il aura le pouvoir d'inviter ceux des frères qu'il voudra.
3. Cependant il faut toujours laisser un ou deux anciens avec les frères pour le bon ordre.
Cet usage de l'abbé qui mange avec les hôtes et les étrangers-pèlerins nous surprend
aujourd'hui. Il me semble que dans la plupart de nos monastères, ce n'est plus le cas. Je pense
à nos monastères de Subiaco, mais aussi à Solesmes, à Cîteaux, par ex, à celui des sœurs en
général. Pourquoi? L'aspect pratique plus commode l'a peut-être emporté. Ou bien a prévalu
l'aspect symbolique de l'abbé qui préside la communauté sur l'aspect symbolique de l'abbé
qui accueille. Dans les deux cas, l'abbé fait signe du Christ: le Christ qui préside et le Christ
qui accueille. Dans les deux cas, une sorte de vigilance est exercée: sur la communauté pour
que tout se passe bien et sur les hôtes afin qu'ils soient bien accueillis. A propos du bon ordre,
de son côté St Benoit prévoie qu'un ou deux anciens veillera sur les tables des frères.
Concernant l'accueil dans RB 53, Benoit donne un rôle bien précis à l'abbé, pour exercer la
charité envers le Christ qui passe. Cette place prépondérante de l'abbé dans l'accueil trouve
des parallèles dans ce qu'Ambroise, Jérôme ou Augustin disent des évêques. Augustin écrit:
« J'arrivai ensuite à l'épiscopat: je remarquai que l'évêque était obligé d'exercer
continuellement la bienfaisance envers tous ceux qui arrivent ou qui passent. et qu'en ne le
faisant pas, il serait accusé d'être inhumain»(Serm. 355,2 cité dans M. Puzicha, Comt. de la
RB, TIl, p. 171). St Benoit porte-t-il ce même souci « d'humanité» quand il implique l'abbé
dans l'accueil? En BR 53,9, il utilise le mot « humanitas» en recommandant qu'après avoir
lu « la loi divine », on donnera toutes les marques d'humanité aux hôtes. Quelles sont ces
marques d'humanité? Les versets qui suivent mentionnent l'abbé qui lave les mains des
hôtes, puis la communauté qui leur lave les pieds, puis un peu plus loin est abordée la
question du repas. Aujourd'hui, certains monastères ont gardé l'usage selon lequel l'abbé lave
les mains des hôtes avant qu'ils entrent au réfectoire. Ce geste semble difficile à mettre en
œuvre chez nous et peu significatif pour beaucoup. Parfois je me demande s'il ne faudrait pas
que je puisse saluer plus systématiquement les hôtes qui viennent manger avec nous. Je le fais
au cas par cas. Le fait d'être introduit au sein de la clôture peut impressionner, les saluer plus
systématiquement avant pourrait signifier un accueil qui les mette plus à l'aise. Si on a des
lumières ... Je pourrai aussi en reparler avec les hôteliers. (16-08-2017)
16. Cependant ces lits seront fréquemment inspectés par l'abbé, à cause des objets appropriés qui pourraient s'y trouver.
17. Et si l'on trouve chez quelqu'un un objet qu'il n'a pas reçu de l'abbé, il subira une sanction très grave.
18. Et pour retrancher radicalement ce vice de la propriété, l'abbé donnera tout ce qui est nécessaire,
19. c'est-à-dire coule, tunique, chaussons, chaussures, ceinturon, couteau, stylet, aiguille, mouchoir, tablette, pour ôter tout prétexte de nécessité.
20. Cependant l'abbé aura toujours égard à cette phrase des Actes des Apôtres ;: « ;On donnait à chacun selon ses besoins. ;»
21. Ainsi donc l'abbé, lui aussi, aura égard aux infirmités des nécessiteux, non à la mauvaise volonté des envieux.
22. Dans tous ses jugements, cependant, il songera à la rétribution de Dieu.
Comme déjà, au chapitre 33, Benoit insiste ici lourdement sur la nécessité de couper à
la racine le vice de la propriété personnelle. Veut-il ainsi ôter au moine l'illusion d'exister par
lui-même à travers des objets qu'il se serait approprié .. ? Lui éviter d'être possédé lui-même
par ce qu'il croit posséder? Hier, je disais qu'en vie monastique un lien fort et inversé existe
entre « avoir et être». Aujourd'hui, on peut relever un autre lien important, celui entre « avoir
et recevoir». Le moine n'a rien qu'il n'ait reçu. Il n'a rien qu'il n'ait en usage aujourd'hui et
qu'il pourra remettre demain quand il n'en aura plus besoin. Cette pédagogie concrète est des
plus réalistes. Elle nous ancre dans notre réalité la plus humaine qui soit: qu'avons-nous que
nous n'ayons reçu, à commencer par la vie, le souffle, une éducation, une culture, une langue,
une foi ... etc ... Tout recevoir en vie monastique veut nous apprendre à demeurer dans la
conscience de notre dépendance foncière vis-à-vis de Dieu, et une dépendance heureuse. Car
il ne s'agit pas de la dépendance d'un esclave vis-à-vis de son maitre, mais de la dépendance
d'un fils vis-à-vis de son père. En Jésus, nous découvrons que là est notre plus profonde
liberté. Spontanément, nous pensons ou nous rêvons que notre liberté serait de ne dépendre de
personne. Mais avec Jésus, nous apprenons à vivre dans toute sa profondeur la relation qui
nous unit à notre Père des Cieux, notre Créateur, Lui en qui se trouve notre origine et notre
fin. Notre Père des cieux ne veut pas nous attacher à lui comme des esclaves, mais nous faire
découvrir le bonheur plénier qu'il y a de jouir de sa présence. Seuls les fils sont libres, dit
Jésus dans l'évangile. La relation vivante, l'alliance vraie avec notre Père des Cieux scellée
par Jésus nous rend toujours plus libre, parce que toujours plus capable d'aimer, de nous
ouvrir, de nous élargir à la mesure de l'Amour infini de Dieu. A l'inverse, ce qui nous
enchaine, c'est l'illusion de devoir nous débrouiller tout seul, de devoir tout maitriser et de
nous construire par nous-mêmes. Ce qui ressemble à de l'autonomie, ne fait que nous lier un
peu plus à la seule image rêvée de nous-mêmes. Dieu rêve bien mieux pour nous. La
pédagogie monastique où nous recevons tout nous introduit peu à peu à la vie des fils libres.
Je découvre alors qu'il y a une grande joie à recevoir, à me recevoir plutôt qu'à m'accrocher à
vouloir être, faire ou avoir par moi-même. Mon être profond de fils peut s'épanouir peu à peu,
avec Jésus qui s'est fait pauvre pour nous faire riche. Avec Lui, nous apprenons à nous
recevoir du Père, à tout recevoir en cette vie déjà, et à l'heure de notre mort, la Vie éternelle. - 3 Août 2017
9. En recevant du neuf, on rendra toujours l'ancien, qui devra être déposé temporairement au vestiaire pour les pauvres.
10. Il suffit en effet à un moine d'avoir deux tuniques et deux coules pour la nuit et pour laver ces effets.
11. Ce qui serait en plus, c'est du superflu, il faut le retrancher.
12. De même les chaussons et tout ce qui est ancien ;; on le rendra en recevant du neuf.
13. Ceux qui sont envoyés en voyage recevront du vestiaire des caleçons, qu'ils y remettront à leur retour après les avoir lavés.
14. Les coules et tuniques seront un tant soit peu meilleures que celles qu'ils portent d'ordinaire. Ils les recevront du vestiaire en partant en voyage et les remettront au retour.
15. Comme literie, il suffira d'une natte, d'une couverture ordinaire et d'une autre en laine, et d'un chevet.
Le moine n'aime pas le superflu, car dans sa stabilité, il reste fondamentalement un
voyageur. Le superflu, St Benoit recommande de le retrancher. Il utilise ici le même mot,
« amputare», que pour dire « retrancher les vices ». Le superflu n'est pas un vice, mais un
handicap pour le moine qui veut courir sur la voie des commandements de Dieu. Comment
courir lorsque nous sommes trop chargés? Comment courir dans la voie des commandements
de Dieu si nous nous laissons enchainés par trop de mauvaises habitudes? Ce parallèle entre
le superflu vite accumulé dans nos affaires, nos vêtements ou objets de toute sorte, et les vices
ou mauvaises habitudes dont il faut nous libérer est riche d'enseignements. En apprenant à
demeurer vigilants sur la quantité et l'entretien de nos affaires, nous apprenons à demeurer
vigilants vis-à-vis de nos habitudes... et vice versa ... Dans le deux cas, être vigilant signifie
qu'on s'exerce à ne pas se laisser aller, mais qu'on désire rester en alerte afin de toujours
progresser. En vie monastique, il y a toujours un lien très fort entre avoir et être. A voir
beaucoup et être encombré en soi-même ... avoir peu et être libre en soi-même ... Si l'équation
n'est pas mathématique ni automatique, elle peut nous aider à rester en éveil. Le P. Denis était
un bel exemple de cela. Sa cellule était très dépouillée au moment de sa mort. Il était libre.
Concernant nos vêtements, St Benoit nous engage à remettre ce qui est usagé,
inutilisé: « on rendra l'ancien en recevant du neuf» ... N'hésitons pas à faire le vide de
temps en temps, en donnant à notre frère linger, des effets qui ne servent plus.
Soyons heureux aussi de faire usage des communs. N'entassons pas des objets dont
nous n'avons qu'un usage très épisodique. Pourquoi garder chez soi, une valise qu'on utilisera
seulement deux ou trois fois par an ? De même pour certains effets. Cultivons ce réflexe de
liberté où l'on va au commun chercher ce dont on a besoin très occasionnellement, plutôt que
de garder chez soi un objet qu'on n'utilise pas ou très peu ... Détails? Non, c'est une
discipline de vie qui nous éduque concrètement tout autant qu'elle nous garde en alerte
spirituellement. - 2 août 2017
1. On donnera aux frères des vêtements selon la nature des lieux où ils habitent et selon le climat de ceux-ci,
2. car dans les régions froides il faut davantage, dans les chaudes moins.
3. Cette appréciation est donc l'affaire de l'abbé.
4. Pour notre part, cependant, nous croyons que dans les lieux moyens il suffit aux moines d'avoir chacun une coule et une tunique, –
5. coule velue en hiver, lisse ou usée en été, –
6. et un scapulaire pour le travail ; pour se couvrir les pieds, des chaussons et des souliers.
7. Quant à la couleur ou à l'épaisseur de tous ces effets, les moines ne s'en plaindront pas, mais ils les prendront tels qu'on peut les trouver dans la province où ils demeurent, ou ce qui peut s'acheter meilleur marché.
8. Cependant l'abbé veillera à la mesure, de façon que ces vêtements ne soient pas trop courts pour ceux qui les portent, mais à leur mesure.
Dans un commentaire de ce chapitre, le P. Denis écrivait: « Détails matériels sans
importance? Non. Car cela touche directement notre façon d'être avec Dieu. Dans son
vêtement, comme dans son comportement, le moine doit avoir quelque chose qui traduit le
fond de son cœur. Propreté. Simplicité ... »(07.08.1962) Dans un autre commentaire, il ajoute
le mot « liberté ». Nos vêtements, notre manière de les porter et de nous tenir disent quelque
chose de notre manière d'être avec Dieu, avec les autres et avec nous-mêmes. Je retiens ces
trois mots du P. Denis: « liberté. propreté. simplicité» ...
Liberté. Nous recevons nos vêtements du monastère. « On donnera aux frères les
vêtements », dit Benoit. En recevant, sans récrimination ni exigence indue, nous témoignons
de notre désir de liberté intérieure. Soyons jaloux de cette liberté-là, et toujours sourcilleux
pour la défendre intérieurement de tous les faux amis qui se présentent pour nous la ravir.
Soyons libre par rapport à tous les désirs de posséder, ou de trouver notre assurance dans des
vêtements ou des objets qui seraient recherchés. C'est la liberté de cœur de ceux qui
voudraient mettre le Clrrist à la première place de leur préoccupation. Quand Jésus envoie les
disciples, il entre dans les détails, non de ce qu'ils auront à dire, cela leur sera donné, mais
dans les détails de leur sac de voyage: seulement une tunique, une paire de sandale etc ...
Comme si pour Jésus, la manière de nous tenir dans le quotidien, libre de préoccupations
matérielles, était déjà un message, une parole qui l'annonce.
Propreté: St Benoit insiste pour que l'abbé veille à ce que les frères aient une tenue
correcte. Propreté pour être bien soi-même et pour être bien avec les autres. La propreté dit
quelque de la joie d'être et de vivre où tout est ordonné à la beauté. Ne négligeons pas la
propreté: la nôtre corporelle et celle de nos vêtements. Goûtons la joie que nous pouvons en
tirer. Cette joie célèbre notre Créateur qui a voulu que toute chose soit belle et ordonnée.
Simplicité: St Benoit insiste pour que les vêtements ne soient pas recherchés, ceux qui
sont disponibles dans la région. A la différence de cette époque, nous bénéficions d'un choix
bien plus grand. Faut-il pour autant devenir difficile et exigeant? La simplicité toujours
recherchée en toute chose simplifiera notre cœur.Elle eut devenir gardienne de notre désir le
plus profond, notre désir d'être pauvre de cœur, simple devant notre Père des Cieux. - 26 juillet 2017
1. Il ne sera aucunement permis à un moine de recevoir ou de donner, sans permission de l'abbé, lettres, eulogies ou petits présents quelconques, ni de ses parents, ni d'aucun homme, ni entre eux.
2. Même si ses parents lui envoient quelque chose, il ne se permettra pas de l'accepter avant d'en avoir référé à l'abbé.
3. Si l'abbé permet qu'on l'accepte, il sera en son pouvoir de donner la chose à qui il veut,
4. et le frère à qui on l'avait envoyée ne s'en fâchera pas, « pour ne pas donner d'occasion au diable. »
5. Celui qui se permettrait de faire autrement, sera soumis à la sanction de règle.
Sujet délicat que celui des objets reçus ou donnés. Dans une vie comme la nôtre,
comment approcher et rester au plus près de la pauvreté évangélique? Un moyen concret
nous est offert par Benoit: tout mettre sous le regard de l'Abbé. Mesure exigeante qui nous
oblige à ne pas nous appuyer sur notre seul jugement, mais à en référer à un autre pour
recevoir ou donner des choses ... En quelques lignes, un mot revient souvent dans la
traduction française: « permettre-permission» et « se permettre». Demander afin que l'Abbé
permette ou bien se permettre tout seul. .. Un même verbe, deux attitudes. D'un côté une
attitude qui veut incarner par la dépendance à l'Abbé le désir de dépendance foncière vis-à-vis
du Christ.De l'autre, je me prends comme référence, et je me permets de faire ceci ou de
recevoir ceci sans demander à autrui. Entre ces deux attitudes, il ne faut pas être surpris que se
joue un vrai combat intérieur: vais-je vraiment mettre toute ma vie sous la lumière du Christ,
en en référant à l'Abbé? Ou bien vais-j e, en n'en référant à personne, laisser quelques zones
d'ombre dans ma vie? Combat sérieux pour gagner en vraie liberté intérieure au regard de ce
que je reçois ou de ce que je donne. D'autres traditions religieuses, je pense aux sœurs de M.
Térésa tendent à une pauvreté effective qui consiste à n'avoir pratiquement rien à elles, sinon
le strict nécessaire ... Notre pauvreté monastique tend moins à chercher à ne rien avoir, qu'à
être vis-à-vis de posséder ou de ne pas posséder des objets, même ceux reçus en cadeau ...
C'est une pédagogie pour atteindre à une vraie liberté intérieure. Chacun, nous pouvons
vérifier, où nous en sommes. Comment nous situons-nous si on nous fait un cadeau, tel
appareil, tel vêtement, ou autre objet significatif: en parlons-nous à l'Abbé? Comment
faisons-nous lorsque nous pensons devoir faire un cadeau: en parlons-nous au cellérier ou à
l'Abbé? Nous mettons-nous dans la disposition d'accueillir dans la liberté la réponse qui sera
donnée? Ou bien présentons-nous la demande de telle manière qu'il soit impossible à l'Abbé
de répondre autrement que ce l'on désire? Finalement ce qui enjeu n'est pas l'objet lui-
même à donner ou à recevoir, mais la liberté que je désire vivre? L'évangile nous entraine
vers ce travail intérieur pour sans cesse rejoindre notre désir le plus profond, celui qui un jour
nous a conduits à tout laisser pour entrer au monastère. Vais-je reprendre la main sur ce que
j'avais choisi de laisser? Dans ce combat intérieur, pour une vérité et une liberté plus grande,
demandons l'aide du Christ, le pauvre de cœur, qui a été heureux de l'être. - 22 juillet 2017
16. La cuisine de l'abbé et des hôtes sera à part, afin que les hôtes arrivant à des heures incertaines, – ils ne manquent jamais au monastère, – les frères n'en soient pas dérangés.
17. Dans cette cuisine entreront en charge pour l'année deux frères qui remplissent bien la fonction.
18. S'ils en ont besoin, on leur procurera des aides, pour qu'ils servent sans murmure, et inversement, quand ils ont moins d'occupation, ils iront au travail là où on leur commande.
19. Et l'on y veillera, non seulement pour eux, mais aussi dans tous les services du monastère :
20. quand ils en ont besoin, on leur attribuera des aides, et inversement, quand ils sont libres, ils obéiront aux commandements qu'on leur donne.
21. Quant au logement des hôtes, il sera confié à un frère dont l'âme est pénétrée de la crainte de Dieu.
22. Il y aura là des lits garnis en nombre suffisant, et la maison de Dieu sera administrée par des sages et sagement.
23. Celui qui n'en a pas reçu l'ordre n'entrera aucunement en rapport avec les hôtes ni ne conversera avec eux,
24. mais s'il les rencontre ou les aperçoit, il les saluera humblement, comme nous l'avons dit, et demandant une bénédiction, il passera son chemin en disant qu'il n'a pas permission de converser avec un hôte.
Ce chapitre sur les hôtes est formé de deux parties, la première lue la dernière fois qui
concentre toute l'attention sur les hôtes à bien honorer, comme le Christ, et la seconde partie
que nous venons d'entendre qui considère en quelque sorte, ce qui se passe en coulisse.
Quelles sont les conditions à remplir pour un bon accueil des hôtes? Le premier point
d'attention concerne la cuisine. Comment l'organiser pour que ce ne soit pas trop lourd,
pouvons-nous entendre en filigrane? La question des aides est soulignée avec une réelle
insistance. Car la charge de travail n'est pas théorique. Aujourd'hui encore, le critère premier
pour savoir jusqu'où accueillir est celui du nombre de repas. A certaines périodes, il est
difficile de pouvoir honorer toutes les demandes. Comme nous l'avons déjà dit, notamment
dans les réflexions avec Ezalen, je crois qu'il nous faut garder comme repère habituel: que le
nombre d'hôte soit équivalent à celui des frères environ 40-45. J'encourage les hôteliers à
tenir cette limite, même si cela n'est pas facile de résister à la demande. J'invite aussi les
frères à ne pas être exigeants pour imposer tel ou tel ami ou membre de famille alors qu'il y a
déjà beaucoup de monde. Pouvoir tenir habituellement cette limite nous aidera à ne pas porter
plus que nos forces nous le permettent ...
Les deux dernières conditions données par Benoit pour un bon accueil des hôtes sont
d'ordre spirituel: que les hôteliers soient pénétrés de la crainte de Dieu, afin que la maison de
Dieu soit administrée sagement; et que les autres frères gardent une juste réserve à l'égard
des hôtes. La qualité première attendue des hôteliers est spirituelle: qu'il mette vraiment sa
vie sous le regard de Dieu, afin que son vie de foi commande en vérité tout son agir vis-à-vis
des hôtes. Ici, il ne s'agit pas seulement d'être capable de bien parler de Dieu aux hôtes, mais
d'avoir une attitude qui, d'elle-même, parle de Dieu et de la recherche qui anime le moine ...
Attitude faite de prévenance, de disponibilité, d'écoute, de patience, de douceur et de fermeté
à la fois. Quant aux autres frères, à nous tous, il est demandé la discrétion. Une attitude de
liberté vis-à-vis des hôtes. Notre usage de ne pas aller au-devant des hôtes s'ils n'ont rien
demandé, veut nous aider à demeurer dans cette juste posture. Les hôtes viennent ici pour
chercher Dieu avec nous. S'ils ont besoin de parler, les hôteliers sont là pour les conseiller et
les orienter. Face à certains hôtes un peu envahissants, soyons prudents pour rester à notre
place, afin qu'eux-mêmes aillent au bout de ce qu'ils sont venus chercher ici. La discrétion est
autant un bien pour nous que pour eux. - 18 juillet 2017
1. Tous les hôtes qui se présentent doivent être reçus comme le Christ, car il dira : « J'ai été hôte et vous m'avez reçu. »
2. « A tous » on rendra les honneurs qui leur sont dus, « surtout aux frères dans la foi » et aux étrangers.
3. Lors donc qu'un hôte sera annoncé, le supérieur et les frères iront à sa rencontre avec toutes les politesses de la charité.
4. On commencera par prier ensemble, et ensuite on échangera la paix.
5. Ce baiser de paix ne doit se donner qu'après qu'on ait prié, à cause des illusions du diable.
6. En saluant, on donnera toutes les marques d'humilité à tous les hôtes qui arrivent ou qui partent.
7. La tête inclinée, le corps prosterné par terre, on adorera en eux le Christ que l'on reçoit.
8. Une fois reçus, on conduira les hôtes à l'oraison, et après cela le supérieur s'assiéra avec eux, lui ou celui qu'il aura désigné.
9. On lira devant l'hôte la loi divine, pour l'édifier. Après quoi, on lui donnera toutes les marques d'hospitalité.
10. Le supérieur rompra le jeûne à cause de l'hôte, sauf si c'est un jour de jeûne majeur que l'on ne puisse violer,
11. tandis que les frères continueront à observer les jeûnes accoutumés.
12. L'abbé versera l'eau sur les mains des hôtes.
13. L'abbé, ainsi que toute la communauté, lavera les pieds de tous les hôtes.
14. Après le lavement des pieds, on dira ce verset : « Nous avons reçu, ô Dieu, ta miséricorde au milieu de ton temple. »
15. On accordera le maximum de soin et de sollicitude à la réception des pauvres et des étrangers, puisque l'on reçoit le Christ davantage en leur personne, la crainte des riches obligeant par elle-même à les honorer.
De tous les chapitres de la règle, celui-ci est certainement l'un de ceux qui nous offrent
le plus de vivre l'évangile à l'état brut.Benoit prend l'évangile à la lettre. Si le Christ a dit:
«j'ai été hôte et vous m'avez reçu », il faut recevoir tout homme qui passe comme le Christ,
spécialement les plus pauvres. Par l'élaboration d'une manière concrète de recevoir les hôtes,
il s'assure que les moines mettront effectivement l'évangile en pratique, et qu'ils ne
manqueront pas le passage du Christ. Il ritualise en quelque sorte l'évangile. Cette simplicité
de Benoit est belle. Elle nous remet avec vigueur devant l'exigence évangélique sans
mitigation. Comme disait le pape François, il nous offre « l'évangile sans calmant», sans rien
qui puisse l'atténuer.
Comment entendre pour nous cette sève évangélique, alors qu'il nous semble difficile
d'appliquer à la lettre ce que dit St Benoit? Appliquer ce rite, apparaitrait incongru à
beaucoup, et gênerait la plupart. Les marques de déférence et d'honneur ont changé. La
manière de manifester la foi en la présence du Christ en chaque hôte en ressort plus discrète.
Pour autant, comment ne pas perdre cette conviction évangélique de la présence du Christ en
chacun? Comment ne pas se laisser trop vite absorber par ce que les personnes donnent à
voir, au risque de laisser s'installer une sorte de voile qui peut occulter le regard de foi? Il n'y
pas de réponse toute faite. A chacun de nous, dans nos contacts avec nos hôtes, aux frères
hôteliers en particulier, revient une sorte de travail spirituel à opérer dans le regard.
Apprendre à regarder toute personne qui vient, comme le Christ qui passe, surtout le plus
pauvre, celui qui présente moins bien et qui sera un peu décalé par rapport à ce qu'on attend.
Pour chacun de nous, il s'agit d'une vigilance du cœur.Ne jamais s'habituer à une manière
d'être avec les hôtes, mais pouvoir s'adapter à chacun, avec respect et discrétion. Ensuite,
quel signe donner? Quel signe donner dans notre monde marqué par la sécularisation où les
manifestations de la foi sont peu comprises ou peu habituelles? Y -a-t-il à chercher dans notre
manière d'accueillir à offrir comme des clés à ceux qui arrivent? Non seulement, nous leur
donnons les clés de la chambre, mais quelles clés spirituelles leur donnons-nous pour les
introduire dans leur séjour. Pour les personnes qui ne connaissent pas, les hôteliers font déjà la
visite des lieux et en particulier de l'église. Est donné ainsi à voir à travers le centre du
monastère, le cœur de notre vie de prière et de recherche de Dieu. Y-a-t-il d'autres clés à
donner? - 15 juillet 2017
1. L'oratoire sera ce que signifie son nom, et on n'y fera ou déposera rien d'autre.
2. L'œuvre de Dieu achevée, tous sortiront dans un silence complet et l'on aura le respect de Dieu,
3. en sorte qu'un frère qui voudrait prier à par soi en particulier, n'en soit pas empêché par l'importunité d'un autre.
4. Si en outre, à un autre moment, il voulait prier à part soi en privé, il entrera et il priera sans bruit, non à voix haute, mais avec larmes et application du cœur.
5. Donc celui qui ne fait pas ainsi, on ne lui permettra pas de demeurer à l'oratoire, une fois achevée l'œuvre de Dieu, comme il a été dit, de peur qu'un autre n'y trouve un empêchement.
Lieu de la prière communautaire, Benoit prévoit aussi que l'oratoire soit le lieu de la
prière personnelle. Avec ce chapitre, l'occasion est bonne de se demander: qu'en est-il
aujourd'hui de ma prière personnelle? J'invite chacun à s'interroger sur la rigueur qu'il met à
préserver ces espaces de prière personnelle : le temps du matin avant la messe, fait de lectio et
de prière, le temps du soir après vêpres ... A l'exception de services demandés, savons-nous
défendre ces moments privilégiés de toute autre occupation, afin d'avoir un temps substantiel
et nourrissant? Prenons-nous le temps de nous tenir en vérité devant le Seigneur, afin de nous
entretenir avec lui ? Ces moments sont nécessaires à notre vie monastique. Laissés à notre
responsabilité, ils sont ces lieux où va grandir notre intimité avec le Seigneur.Lui qui se
découvre à nous à travers la liturgie, à travers la rumination des Ecritures, désire nous ouvrir
un espace d'intimité où nous pourrons mieux le connaitre, comme notre Père. Espace de
connaissance approfondie aussi de Jésus, notre Seigneur qui veut sauver nos vies. Espace
enfin de reconnaissance de qui nous sommes devant notre Dieu: des enfants aimés, sauvés
par le Christ. Oui mes frères, n'ayons pas peur de ces espaces offerts. Ils peuvent devenir de
vrais temps recréateur en présence de Dieu. En nous remettant ainsi sous son regard, les
choses reprennent leur vraie dimension ... comme un liquide boueux qui peu à peu décante
dans un récipient: la boue reste au fond et l'eau redevient claire. On m'objectera peut-être
qu'on n'a pas le temps. Ici il nous regarder honnêtement notre manière de gérer notre temps
pour vérifier nos équilibres. Le souci de Dieu et des frères est-il toujours premier? Cultiver la
relation avec notre Dieu, nous unir à Lui est le but de notre vie. On me dira, mais la prière
chorale occupe déjà beaucoup de temps. Oui,je crois que l'office choral et la prière-lectio
personnelle ont besoin l'un de l'autre, ils se nourrissent l'un l'autre. L'office soutient et
nourrit notre dialogue intime avec Dieu. Et la prière personnelle nous évite l'écueil de venir à
l'office par simple obligation. Nous venons à l'oratoire pour unir notre voix et notre recherche
personnelle à celle de toute l'Eglise, et même de toute l'humanité ... Seigneur, apprend-nous à
prier.Viens éveiller en nous le goût d'une rencontre toujours plus vraie avec toi. - 14 juillet 2017
1. Un frère qui est envoyé pour une commission quelconque et dont on attend le retour au monastère ce jour-là, ne se permettra pas de manger au dehors, même s'il y est invité tout à fait instamment par quiconque,
2. sauf si son abbé lui en a donné l'ordre.
3. S'il fait autrement, il sera excommunié.
« Un frère qui est envoyé » ... Si le contexte de ce chapitre est limité à celui de
commissions occasionnelles, cette expression peut s'entendre dans un sens plus large et plus
profond ... Le moine qui sort du monastère est toujours un moine « en mission »,« un frère
envoyé ». On peut entendre plusieurs choses ici, à commencer par la profondeur du lien qui
nous unit à la communauté. Le frère qui sort n'est pas à son propre compte. Il demeure uni à
ses frères et il reste avec eux sous la règle de vie qui les fait vivre. Qu'il s'agisse de courses
pour la communauté, de rendez-vous médicaux ou de participation à des réunions, chacun de
nous est mandaté par la communauté, en vue d'œuvrer en lien avec elle et à son service.
Même s'il s'agit d'une sortie à des fins plus personnelles (visite occasionnelle de la famille,
question de santé ... etc ... ), cela se fait avec la permission de l'abbé. Cette permission
manifeste que la communion entre la communauté et le frère reste pleine et entière. Dans cette
mention d'un frère qui est envoyé, nous pouvons entendre ensuite, que toute notre vie est
mission, envoi. Notre appartenance au Christ, médiatisée par notre appartenance à la
communauté, nous transforme en disciple missionnaire. Notre vie ne nous appartient plus,
comme le suggère Paul. Uni au Christ par le baptême, ayant revêtu le Christ, où que nous
soyons, nous sommes à son service. A l'intérieur de la clôture comme à l'extérieur, c'est le
même propos de vie qui nous anime: servir le Christ par la prière et par le renoncement dans
une vie fraternelle simple. C'est ici que nous pouvons entendre la recommandation de Benoit
de ne pas s'arrêter en chemin pour manger chez des personnes. Le faire sans permission ou en
cachette, c'est sortir de notre mission première qui s'enracine dans la clôture et le lien avec la
communauté. Aujourd'hui dans l'évangile, nous entendrons les conditions que Jésus donne à
ses disciples envoyés en mission. Toute l'insistance porte sur le total dépouillement, en signe
de la dépendance totale à l'égard de Dieu et de sa Providence. A l'inverse du disciple de
l'évangile qui court proclamer la bonne nouvelle sur les routes, le moine envoyé ne cherche
pas à trouver sa nourriture sur la route. Il cherche à rentrer sans tarder au monastère. Là est
son lieu de dépendance, là où il se reçoit vraiment de Dieu à travers ses frères. Mais comme
tout disciple du Christ, dans nos sorties, quelles qu'elles soient, nous sommes appelés à
pouvoir dire ou signifier la paix du Christ. Nous pouvons être signe et témoin de cette paix
cherchée sans cesse, et qui déjà nous habite. (3 juillet 2017)