Pour offrir les meilleures expériences, nous utilisons des technologies telles que les cookies pour stocker et/ou accéder aux informations des appareils. Le fait de consentir à ces technologies nous permettra de traiter des données telles que le comportement de navigation ou les ID uniques sur ce site. Le fait de ne pas consentir ou de retirer son consentement peut avoir un effet négatif sur certaines caractéristiques et fonctions.
Le stockage ou l’accès technique est strictement nécessaire dans la finalité d’intérêt légitime de permettre l’utilisation d’un service spécifique explicitement demandé par l’abonné ou l’utilisateur, ou dans le seul but d’effectuer la transmission d’une communication sur un réseau de communications électroniques.
Le stockage ou l’accès technique est nécessaire dans la finalité d’intérêt légitime de stocker des préférences qui ne sont pas demandées par l’abonné ou l’utilisateur.
Le stockage ou l’accès technique qui est utilisé exclusivement à des fins statistiques.
Le stockage ou l’accès technique qui est utilisé exclusivement dans des finalités statistiques anonymes. En l’absence d’une assignation à comparaître, d’une conformité volontaire de la part de votre fournisseur d’accès à internet ou d’enregistrements supplémentaires provenant d’une tierce partie, les informations stockées ou extraites à cette seule fin ne peuvent généralement pas être utilisées pour vous identifier.
Le stockage ou l’accès technique est nécessaire pour créer des profils d’utilisateurs afin d’envoyer des publicités, ou pour suivre l’utilisateur sur un site web ou sur plusieurs sites web ayant des finalités marketing similaires.
16. Il ne fera pas de distinction entre les personnes dans le monastère.
17. Il n'aimera pas l'un plus que l'autre, à moins qu'il ne l'ait reconnu meilleur dans les bonnes œuvres ou l'obéissance.
18. A l'homme venu de l'esclavage qui entre en religion, il ne préférera pas l'homme libre, à moins qu'il n'existe une autre cause raisonnable.
19. Que si l'abbé en décide ainsi, la justice l'exigeant, il fera de même pour le rang de qui que ce soit ; sinon, ils garderont leur place normale,
20. car « esclave ou libre, nous sommes tous un dans le Christ », et sous un même Seigneur nous portons d'égales obligations de service, car « Dieu ne fait pas acception de personnes. »
21. Notre seul titre à être distingués par lui, c'est d'être reconnus meilleurs que les autres en bonnes œuvres et humbles.
22. L'abbé doit donc témoigner une charité égale à tous, avoir les mêmes exigences dans tous les cas suivant les mérites.
Dans ces lignes entendues, St Benoit demande à l'abbé d'être un témoin de l'égale
charité de Dieu pour tous. Sa position d'autorité doit montrer que ce qui est important n'est
pas la condition ou les qualités humaines des personnes, mais la recherche menée par chacun
pour servir le Christ dans l'humilité et l'obéissance ... L'autorité de l'abbé voudrait faire signe
de cette autorité divine qui autorise chacun à prendre toute sa mesure ... Tâche rude, voire
impossible pour un homme, ou du moins tâche toujours en quête d'être accomplie ... L'enjeu
spirituel est pourtant important puisqu'il s'agit de manifester à chacun qu'il est aimé à part
entière par le Christ qui est mort pour tous. Lui ne regarde que les dispositions intérieures de
chacun à s'engager dans le bien et la conversion.
Comment ensemble, l'abbé et la communauté avec lui, nous entrainer et nous habituer
à développer ce regard du Christ sur nos frères, un regard qui perçoit le mouvement profond,
l'élan du coeur? Nous devons nous méfier des fascinations que peuvent exercer les qualités
humaines ou les aptitudes intellectuelles, artistiques ou manuelles. Les reconnaitre, c'est bien.
Mais leur donner une trop grande importance porte toujours le risque d'introduire des
discriminations entre celui qui a ces aptitudes et celui qui ne les a pas. Sans s'en rendre
compte alors, cela risque toujours de laisser quelqu'un dans l'ombre. Peut-être aussi devons-
nous être vigilants lorsque nous soulignons les qualités humaines de quelqu'un. Qu'est-ce
qu'on fait en pareille occasion? Il peut arriver que plus ou moins inconsciemment on dévalue
un autre en montant un frère sur le pinacle ... Je me souviens du f. Martin à qui je disais de
bonnes choses sur lui en présence de sa famille, réunie autour de lui. Il m'avait répondu assez
fermement: « le Seigneur a dit: « tu ne jugeras pas » ... Qui sommes-nous en effet pour juger
même des bonnes choses? Aux yeux de st Benoit, seuls méritent d'être mis en valeur les
frères qui se distinguent par leur obéissance, leur humilité ou leurs bonnes œuvres. Faire
ressortir ainsi ces qualités vise en fait moins à mettre un frère en valeur qu'à rappeler à tous ce
que nous devons sans cesse rechercher. « Tous nous portons d'égales obligations de service »
tous nous sommes dignes du même amour de la part de Dieu. Son amour nous prend comme
nous sommes, et en même temps nous entraine à faire fructifier l'amour reçu... -20.12.2017
11. Quand donc quelqu'un prend le titre d'abbé, il doit diriger ses disciples par un double enseignement,
12. c'est-à-dire qu'il montrera tout ce qui est bon et saint par les actes plus encore que par la parole. Ainsi, aux disciples réceptifs il exposera les commandements du Seigneur par la parole, aux cœurs durs et aux plus simples il fera voir les préceptes divins par ses actes.
13. Inversement, tout ce qu'il enseigne aux disciples à regarder comme interdit, qu'il fasse voir par ses actes qu'on ne doit pas le faire, « ;de peur qu'en prêchant aux autres, il ne soit lui-même réprouvé »,
14. et qu'un jour Dieu ne lui dise, à cause de ses péchés : « ;Pourquoi proclames-tu mes ordonnances et recueilles-tu dans ta bouche mon alliance, alors que tu hais la discipline et que tu as rejeté mes paroles derrière toi ? ;»
15. Et : « Toi qui voyais le fétu dans l'œil de ton frère, dans le tien tu n'as pas vu la poutre. »
Dire et faire ce que l'on dit... Un défi pour nous tous, et plus spécialement pour l'abbé
qui enseigne souvent. Une exigence rude, et en même temps, cette exigence est salutaire. Car
elle nous évite de vouloir changer le monde, en oubliant qu'il faut commencer par nous-
même. Un journaliste demandait une fois à Mère Térésa de Calcutta: « Que faut-il faire, que
faut-il changer pour que le monde devienne meilleur? » Elle avait répondu: « Vous et moi».
Se changer soi-même est la seule voie efficace pour changer notre monde et pour changer
notre communauté. Quand nous nous plaignons au sujet d'un frère ou de tel aspect de notre
communautaire qui se perd, c'est peut-être le signe qu'il nous faut travailler un peu plus sur
nous-même. Selon la parole de Jésus, nous risquons toujours de voir le fétu dans l'œil de
notre frère, alors que la poutre en nous, nous ne la voyons pas. Derrière notre plainte se cache
souvent l'aveu de notre propre incapacité et de nos mangues. Car aucun de nous ne peut
s'estimer quitte au regard du propos de vie monastique. Tous nous pouvons progresser.
Progresser, c'est un beau mot de la règle. Progresser dans le don de nous-mêmes dans la
prière et la lectio, dans la qualité de notre présence aux frères, dans notre investissement pour
la vie de la communauté. Dans quelques jours, nous aurons la célébration de la réconciliation.
Elle est l'occasion de nous remettre sous la lumière, non d'un règlement que l'on aurait plus
ou moins bien accompli, mais sous la lumière d'une parole, celle du Christ. Ce dernier nous
interpelle pour aller toujours plus loin dans le don de nous-même, dans l'abandon à sa volonté
et dans le service de nos frères. Sa parole ne nous juge pas, elle nous montre avec délicatesse
nos insuffisances pour que peu à peu grandisse et s'affermisse notre désir d'être davantage uni
à Lui. De célébration en célébration de la réconciliation, s'affine en nous le sens de notre
condition de pécheur, d'homme qui, laissé à lui-même, peine à se tourner vers Dieu et ses
frères. Nous savons, nous disons, mais nous peinons à faire, à accomplir la Parole. En ce jour,
l'antienne « 0 » nous fait acclamer « le Rameau de Jessé» qui, sur la croix, est signe pour les
nations, « signum populorum ». Jésus a fait ce qu'il a dit: il a aimé jusqu'au bout, en
consentant par amour à être livré. Il avait remis le souci de lui-même à Dieu son Père. Il nous
a ainsi libérés de cet excessif souci de soi pour nous apprendre l'abandon dans la confiance.
Avec les humbles de la terre, bénissons-le, Lui vaingueur sur le bois d'infamie.- 19.12.2017
6. L'abbé se rappellera toujours que son enseignement et l'obéissance des disciples, l'une et l'autre chose, feront l'objet d'un examen au terrible jugement de Dieu.
7. Et l'abbé doit savoir que le pasteur portera la responsabilité de tout mécompte que le père de famille constaterait dans ses brebis.
8. En revanche, si le pasteur a mis tout son zèle au service d'un troupeau turbulent et désobéissant, s'il a donné tous ses soins à leurs actions malsaines,
9. leur pasteur sera absous au jugement du Seigneur et il se contentera de dire au Seigneur avec le prophète : « Je n'ai pas caché ta justice dans mon cœur, j'ai dit ta vérité et ton salut. Mais eux s'en sont moqués et ils m'ont méprisé. »
10. Et alors, les brebis qui auront désobéi à ses soins auront enfin pour châtiment la mort triomphante.
L'idée d'un jugement de Dieu, ici jugement de l'enseignement de l'abbé et de
l'obéissance des disciples, n'est pas d'emblée une idée très réjouissante. Elle peut faire peur et
renvoyer à l'image d'un Dieu terrible ou impitoyable ... Si St Benoit ne craint pas de l'utiliser
assez souvent, on peut penser qu'elle devait avoir une visée pédagogique utile pour les gens
de son époque. De nos jours, nous savons qu'elle pourrait avoir l'effet contraire de celui
recherché, et contribuer à éloigner plus qu'à rapprocher de Dieu. Que retenir donc de ces
lignes qui s'adressent en premier lieu à l'abbé, et ensuite à tous les moines? Je retiens un
appel au sens de la responsabilité de chacun au regard de sa conduite et de son propos de
conversion. Chacun aura à rendre compte de sa conduite et de sa vie. Qu'est-ce que cela veut
dire? Comment le comprendre? Je cherche moi aussi. Une première chose nous est dite:
notre vie ici-bas nous accompagne dans l'au-delà. Ce que nous aurons été en ce monde n'est
pas sans relation avec ce que nous serons dans l'autre. En second lieu, plus cela va, plus
j'aurai tendance à voir ce jugement, moins comme celui de Dieu, que comme celui de nous-
mêmes vis-à-vis de nous-mêmes. En effet Dieu nous apparaitra tel qu'il est, amour, pardon et
bonté lumineuse. Face à la lumière magnifique et face à l'amour immense de Dieu, nous
apparaitrons tels que nous sommes. En st Jean (Jn 3,19), Jésus dit: « Dieu a envoyé son Fils dans le 'monde, non pas pour juger le monde, mais pour que par lui le monde soit sauvé. Celui qui
croit en lui échappe au jugement ... Et le jugement le voici: la lumière est venue dans le
monde et les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs œuvres étaient
mauvaises » ... A travers ce passage, je comprends que, face à la lumière, le jugement s'opère
si on la refuse et si on se replie sur les ténèbres de ses œuvres mauvaises. C'est la lumière qui
manifeste en elle-même le jugement face aux ténèbres, ou encore l'amour face à tout ce qui
n'est pas amour. Devant Dieu, chacun de nous aura à affronter cette épreuve de voir
apparaitre tout ce qui n'a pas été amour, ni lumière, nijustice ... tous ces manques à l'amour
dont notre vie aura été pleine. Ce jugement aura prise sur nous si nous nous replions sur nous-
mêmes, sur nos ténèbres en nous culpabilisant. Mais si par notre foi, notre confiance en Jésus
nous nous tournons vers lui, en nous reconnaissant humblement pécheur, et en nous ouvrant à
son pardon, nous échapperons au jugement. Oui, confions-nous avec lucidité sur nous-mêmes
à sa grande miséricorde, Lui Jésus qui est venu sauver ce qui était perdu. -16.12.2017
1. L'abbé qui est digne de gouverner le monastère, doit toujours se rappeler le titre qu'on lui donne, et vérifier par ses actes le nom du supérieur.
2. Il apparaît en effet comme le représentant du Christ dans le monastère, puisqu'on l'appelle d’un des noms de celui-ci,
3. selon le mot de l'Apôtre : « Vous avez reçu l'esprit d'adoption filiale, dans lequel nous crions : abba, père ! »
4. Aussi l'abbé ne doit-il rien enseigner, instituer ni commander qui soit en-dehors du précepte du Seigneur,
5. mais son commandement et son enseignement s'inséreront dans l'esprit de ses disciples comme un levain de justice divine.
En relisant ce chapitre, je suis frappé par la répétition du verbe « devoir»avec lequel
Benoit décline les différents points d'attention qui reviennent à l'abbé: «l'abbé doit toujours
se rappeler le titre qu'on lui donne et vérifier par ses actes son nom de supérieur» et « l'abbé
ne doit rien enseigner, instituer ni commander qui soit en dehors du précepte du Seigneur ... »
En arrière fond de tout ce chapitre, on peut entendre la volonté de Benoit d'en découdre avec
une autorité de l'abbé qui serait trop mondaine, pour lui opposer une autorité selon l'évangile.
L'abbé est au service du Christ. En son nom, il guide ses frères dans une vie de disciple
toujours plus fidèle à l'évangile. Il lui faut alors épouser la manière du Christ d'exercer
l'autorité et se garder en tout temps de la manière du monde. Ainsi va-t-il exercer son autorité
à la manière d'un père et à la manière d'un frère. A la manière d'un père que les frères
reconnaissent comme un serviteur du Christ. A la manière d'un frère, qui comme tout un
chacun conforme ses actes à ses paroles. A la manière d'urI père à qui les frères obéissent
parce qu'ils veulent obéir au Christ. A la manière d'un frère qui se souvient qu'il est faible lui
aussi et qu'il doit être vigilant à sa propre vie. Par cette autorité reconnue comme paternelle et
vécue comme fraternelle, l'abbé est, à l'instar de bien d'autres dans l'Eglise, au service de
l' œuvre de salut que le Christ poursuit. En effet, depuis son incarnation, sa passion et sa
résurrection, le Christ n'a de cesse de se révéler aux hommes afin qu'ils découvrent la joie de
vivre uni à Lui, le Vivant.Et il le fait à travers des hommes. Quand Benoit insiste pour que
l'abbé n'enseigne, n'institue ou ne commande rien en dehors du précepte du Seigneur, il veut
lui rappeler dans quelles limites s'exerce sa fonction. Ces limites, il ne se les donne pas, il les
reçoit du Christ. Fonction et mission redoutables qui oblige à un discernement continuel pour
que ce qui est dit et fait soit comme « un levain de justice divine»dans le cœur de chacun ...
De part en part, Benoit nous entraîne dans une vision sacramentelle de l'autorité, c'est-à-dire
une vision qui fait signe et qui met en œuvre la seule autorité qui soit : celle du Christ.Il nous
provoque tous à la foi: foi du p. abbé lui-même en sa mission qui dépasse ce qu'il peut en
concevoir, foi des frères dans le Christ qui se sert d'homme fragile pour parler et agir. Dans
cette aventure de foi, que l'Esprit Saint nous vienne en aide, et qu'il nous trouve chacun
docile à ses inspirations. - 08.12.2017
10. La quatrième espèce de moines est celle que l'on nomme gyrovague. Toute leur vie, allant par les différentes provinces, ils se font héberger trois ou quatre jours par les celles des différents moines,
11. toujours errants et jamais stables, asservis à leurs propres volontés et aux tentations de la bouche, et en tout plus détestables que les sarabaïtes.
12. La misérable conduite de tous ces gens-là, mieux vaut la passer sous silence que d'en parler.
13. Laissons-les donc et venons-en, avec l'aide du Seigneur, à organiser la valeureuse espèce des cénobites.
« Toujours errants. jamais stables» ... Nous peinons aujourd'hui à imaginer à quoi
pouvaient ressembler ces moines gyrovagues sur lesquels Benoit ne souhaite pas s'attarder. A
l'inverse, il désire s'arrêter sur « la valeureuse espèce des cénobites» qui, elle, est stable,
avec un vœu spécifique de stabilité. Mais de quelle stabilité s'agit-il? Nous savons qu'au long
des siècles, cette stabilité « bénédictine» a pu connaitre des expressions diverses, jusqu'à
notre P. Muard qui ne voyait pas d'incompatibilité entre ce vœu de stabilité et l'activité
missionnaire. C'est encore le cas dans certains monastères des USA aujourd'hui, ou d'une
congrégation comme St Ottilien. Et aujourd'hui, un autre défi se présente à nous dans des
proportions nouvelles: nous pouvons vivre la stabilité physique, et par internet nous
comporter un vrai gvrovague. Comment ne pas devenir des gyrovagues sur la toile ? Quel
sens chercher et donner à notre stabilité au regard des nouveaux moyens de communication?
Ces questions sont grandes et il n'est pas facile d'y répondre. Elles sont pourtant cruciales
pour chacun de nous. Il y va de la qualité de notre quête intérieure.
« Toujours errants. jamais stables », pourraient donc aussi caractériser des moines qui
ne savent pas maitriser leur rapport à internet. Ici à la Pq V, nous avons fait le choix de laisser
l'accès libre à chacun en faisant confiance à son sens de la responsabilité. Que faisons-
nous de cette liberté? Quel temps passons-nous sur internet Ge ne parle pas des nécessités du
travail) et en parallèle quel temps consacrons-nous à la lectio et à la prière? S'il y a un doute
sur l'équilibre, notons le temps passé, et parlons-en avec le p. abbé ou avec le p. spirituel. Nos
équilibres profonds sont enjeu. Si nous sommes ici, c'est pour demeurer des veilleurs dans la
prière et la charité. Cette veille, commencée dans la prière liturgique, est un labeur de tous les
instants. Tout ce que je fais voudrait servir cette veille pour Dieu afin de mieux l'aimer, le
connaitre et le servir. Même notre détente et nos loisirs, nous voulons les vivre sous son
regard, avec action de grâce et reconnaissance pour le beau cadeau de la vie qu'Il nous offre.
Notre stabilité recherchée en Lui et dans le service de nos frères souffrira de distractions ou de
trop longs temps vécus comme des mises entre parenthèses, ou comme des fuites de notre
réalité présente. Ces fuites créent en nous des tiraillements, voire des dichotomies où l'on ne
sait plus où l'on en est ... Au contraire la veille pour Dieu, avec nos frères, nous unifie. Elle
nous comble en même temps qu'elle nous creuse. Car Dieu n'est pas chiche dans ses dons. - 07.12.2017
6. La troisième et détestable espèce de moines est celle des sarabaïtes. Aucune règle ne les a éprouvés, grâce aux leçons de l'expérience, comme l'or dans la fournaise, mais ils sont devenus mous comme du plomb.
7. Par leurs œuvres, ils restent encore fidèles au siècle, et on les voit mentir à Dieu par leur tonsure.
8. A deux ou trois, voire seuls, sans pasteur, enfermés non dans les bergeries du Seigneur, mais dans les leurs, ils ont pour loi la volonté de leurs désirs.
9. Tout ce qu'ils pensent et décident, ils le déclarent saint ; ce qu'ils ne veulent pas, ils pensent que c'est interdit.
« Aucune règle ne les a éprouvés grâce aux leçons de l'expérience» ... Telle est la
grande caractéristique des sarabaïtes, ils n'arrivent pas à se mettre sous une règle, ils sont ~
eux-mêmes leur propre loi. Ou encore, ils prennent leur propre volonté ou leurs désirs pour
loi. N'y-a-t-il pas en chacun de nous une part de sarabaïte cachée? Celle-ci montre le bout du
nez quand quelque chose ne va pas comme nous le voudrions, ou lorsqu'on fait des choses
sans en parler à qui de droit ou encore sous prétexte d'aller plus vite, lorsqu'on décide sans
consulter les collaborateurs etc ...
Comme le dit St Benoit, la règle nous éprouve ... mais pas pour le plaisir de nous
éprouver. De même que l'or est purifié dans la fournaise, la règle vient affiner en nous le
meilleur. Sans règle, nous n'irions pas au bout de ce que nous pouvons donner et devenir. Elle
vient nous chercher au lieu de nos faiblesses pour nous entrainer plus loin. « Grâce aux leçons
de l'expérience»ajoute St Benoit ... Comme tout corpus de lois, la règle est un condensé
d'expériences passées. Dans sa composition, déjà, elle est un tissu de citations ou d'allusions
à d'autres règles, fruits expériences du passé. De plus, à plusieurs reprises, Benoit fait appel à
l'expérience: à celle des anciens au chap.7 ou encore à une expérience négative sur la manière
de nommer le prieur, etc ... Ainsi, en nous laissant guider par la règle, nous nous appuyons sur
les recherches et les tâtonnements des moines qui nous précèdent. Sans que l'on en connaisse
toutes les raisons, ils nous signalent: ici attention danger, ou là, laisse toi-faire tu
comprendras plus tard, ou vas-y fais confiance ... Cette obéissance n'est pas une obéissance
aveugle, mais plutôt une obéissance abandon. J'accepte de ne pas connaitre tous les tenants et
aboutissants, mais je consens à avancer sur la parole et l'expérience de ceux qui me précèdent.
Et chemin faisant, je vais découvrir que ma vie prend de la consistance. Quelque chose de
profond et de solide se construit. Je suis moins le jouet de mes envies ou de mes caprices. Peu
à peu, je comprends les raisons profondes de la règle. Une intelligence plus large de ma vie
monastique dans le dessein de Dieu se dégage. Partagée avec les frères, elle est une pièce
nécessaire dans la communauté, et plus largement dans le grand corps de l'Eglise. - 06.12.2017
3. Ensuite la seconde espèce est celle des anachorètes, autrement dit, des ermites. Ce n'est pas dans la ferveur récente de la vie religieuse, mais dans l'épreuve prolongée d'un monastère
4. qu'ils ont appris à combattre le diable, instruits qu'ils sont désormais grâce à l'aide de plusieurs,
5. et bien armés dans les lignes de leurs frères pour le combat singulier du désert, ils sont désormais capables de combattre avec assurance les vices de la chair et des pensées, sans le secours d'autrui, par leur seule main et leur seul bras, avec l'aide de Dieu.
Entre cénobites et ermites, il y a toujours eu, au mieux une émulation qui engendre
l'estime et le respect réciproque, et au pire une rivalité source de jugements et de mépris.
Avec St Benoit, nous pouvons considérer la vocation érémitique comme un fruit de la vie
cénobitique dans laquelle elle s'est préparée, sans qu'il y ait nécessité à rechercher qui est
plus ceci ou qui est moins cela. La vocation érémitique, un peu comme celle des chartreux, est
une vocation limite qui nous rappelle à tous le cœur de toute vocation chrétienne: être tout à
Dieu, totalement consacré à Lui. En effet, on peut dire que toute vocation porte en elle
quelque chose de limite. Selon l'évangile, suivre Jésus se présente non comme une voie large
et facile, mais comme une voie étroite. Cette voie invite chacun à aller toujours au-delà de
quelque chose, à toujours dépasser les limites d'un confort ou d'une situation qu'on pourrait
croire enfin établie. Oui, l'appel initial comme l'appel renouvelé chaque jour, nous engage à
nous donner, et à nous donner encore. Car l'appel porte en même temps et l'exigence et la
grâce d'y répondre. Que ce soit dans le mariage vécu selon l'évangile, dans une vie de célibat,
dans la vie consacrée ou dans la vie sacerdotale, chaque baptisé est appelé à aller aux limites
de ce qu'il peut donner. Une vocation chrétienne vivante ne supporte pas la demi-mesure. Elle
s'accommode mal de la tiédeur. Aussi est-ce la raison pour laquelle nous restons tous des
pèlerins tendus vers le Royaume où s'accomplit toute vie humaine. En ce sens, on pourrait
dire que la vocation chrétienne, c'est que notre vie soit accomplie en Christ. Qu'avec lui, en
lui, par lui, comme nous le célébrons en chaque eucharistie, notre vie prenne toute sa mesure
de don dans l'amour reçu et offert. Et pour chacun la mesure est propre. Ce n'est pas l'état
(marié, célibataire, consacré) qui détermine cette mesure. Celle-ci, chacun la cherche et la
recherche sans cesse dans l'écoute attentive de la Parole, afin de tenter de répondre le plus
fidèlement pour sa propre joie, pour celle de ceux qui nous entourent et pour la joie de notre
Père des Cieux qui aime nous voir venir et revenir à lui. En ce jour, nous entourons nos frères
Jean Noël, Placide et Fernando. Nous rendons grâce pour leur vie qui fut réponse à l'appel
initial. Nous remercions Dieu pour la belle partie du chemin déjà parcouru 70 et 50 ans, avec
constance et patience dans les épreuves, avec fidélité et amour dans le service le plus souvent
caché des frères, avec humilité dans le cœur à cœur avec Dieu qui guide chacun dans le secret.
Leur don au Seigneur et à la communauté est un beau cadeau pour nous tous. - 29.11.2017
1. Il est clair qu'il existe quatre espèces de moines.
2. La première est celle des cénobites, c'est-à-dire vivant en monastères ; ils servent sous une règle et un abbé.
Une nouvelle fois, nous entendons cette belle définition de la vie monastique
cénobitique : « vivant en monastère, ils servent sous une règle et un abbé ». Cette définition
est précieuse car elle exprime un équilibre subtil qui, comme tout équilibre, est toujours à
intérioriser afin de le garder vivant et vivifiant.Equilibre donc entre un groupe: la
communauté, une loi: la règle et une autorité: l'abbé. Au cœur de cet équilibre, il y a le
moine qui s'engage à vivre et à servir. Ici, « l'esprit de service» pourrait être regardé comme
l'huile qui permet aux trois éléments de s'articuler ensemble harmonieusement. En effet,
Benoit dit: « ils servent» sous une règle et un abbé ... Cet esprit de service est l'huile ou
encore la sève qui rend la vie communautaire possible. Les frères veulent servir ensemble le
Christ sous une règle et un abbé. L'abbé lui-même, sous la règle, est invité par la règle à servir
ses frères comme le Christ. Et la règle elle-même a pour vocation de servir la vie en Christ de
chacun et de tous. Elle n'est pas un absolu intangible qui imposerait un ordre immuable.
Parfois elle s'adaptera aux nécessités du moment et aux besoins des uns et des autres.
Chaque moine apprend ainsi à servir le Christ dans une triple référence à un groupe, à
une loi et à une autorité. Quand une des références manque, ou bien qu'elle est délaissée,
quelque chose de bancal peut s'instaurer. Le moine risque alors de passer à côté des fruits que
la vocation monastique veut offrir à chacun, et en même temps à l'Eglise et au monde. Si le
moine s'isole du groupe, il perd le soutien, l'encouragement mais aussi la garde que peuvent
lui offrir les frères. Il devient plus vulnérable à ses propres démons ainsi qu'aux illusions de
toute sorte. Il se dessèche pour avoir oublié que le Christ se donne et se reçoit à travers chaque
frère aimé et servi. Si le moine s'habitue à une fausse liberté vis-à-vis de la règle, il risque de
se prendre pour la seule norme. Son imaginaire personnel devient sa propre loi avec toutes les
errances fâcheuses et toutes les conséquences de cet aveuglement. Il oublie que la règle est
une balise précieuse pour une suite concrète du Christ. Si le moine s'émancipe de l'autorité
pour s'autogérer à son gré, il perd ce lien vivant de dépendance dans lequel s'incarne son
désir d'être tout au Christ. L'autorité non reconnue dans la foi, devient pour lui une source
d'oppression. Comme tout équilibre, celui-ci proposé par Benoit se vit dans le mouvement.
Que l'Esprit Saint nous donne de nous y inscrire avec souplesse, profondeur et générosité. - 28.11.2017
45. Il nous faut donc instituer une école pour le service du Seigneur.
46. En l'organisant, nous espérons n'instituer rien de pénible, rien d'accablant.
47. Si toutefois une raison d'équité commandait d'y introduire quelque chose d'un peu strict, en vue d'amender les vices et de conserver la charité,
48. ne te laisse pas aussitôt troubler par la crainte et ne t'enfuis pas loin de la voie du salut, qui ne peut être qu'étroite au début.
49. Mais en avançant dans la vie religieuse et la foi, « le cœur se dilate et l'on court sur la voie des commandements » de Dieu avec une douceur d'amour inexprimable.
50. Ainsi, n'abandonnant jamais ce maître, persévérant au monastère dans son enseignement jusqu'à la mort, nous partagerons les souffrances du Christ par la patience, afin de mériter de prendre place en son royaume. Amen.
Cette fin du prologue se veut réaliste et encourageante à propos de la trajectoire de la
vie monastique. Réaliste, elle ne cache pas les difficultés qui peuvent susciter de la crainte,
voire engendrer le désir de fuir. Encourageante, elle nous fait entrevoir que « l'école du
service du Seigneur» tient la promesse de toute école: elle fait grandir, plus exactement, elle
élargit le cœur.. .En cela, la vie monastique est vraiment « une voie du salut». A la suite du
Christ, elle nous entraine sur un chemin exigeant, mais qui est source de vie. Jésus proposait à
qui voulait le suivre de prendre sa croix. St Benoit ne parle pas de croix, mais de « partager
les souffrances du Christ par la patience». Cette façon de parler est très éclairante. En effet,
tous, nous ne sommes pas appelés au témoignage suprême du sang versé. Mais tous, nous
pouvons participer au mystère de la croix. Et pour les moines, Benoit résume cela en un mot:
« la patience». Patience dans la persévérance fidèle et cachée jusqu'à la mort. Patience dans
la retenue et le respect opposé à un frère qui fait ou dit des choses désagréables. Patience dans
la présence offerte au frère que l'on porte davantage car il ne peut assumer vraiment un travail
ni même la vie quotidienne. Patience quand les choses ne vont pas comme ni aussi vite que je
le voudrais. Cette patience-là est sans éclat, mais elle est bienfaisante pour soi-même et pour
ceux qui nous entoure. Elle nous libère de nous-même, en même temps qu'elle soutient,
rassure, réconforte le frère qui est mal et qui ne peut pas faire autrement. Durant sa passion,
Jésus a affronté le mal des injures, et la violence des coups en leur opposant la patience de
l'amour et du pardon. Sans connaitre le paroxysme de la mort offerte de Jésus, notre patience
fidèle de plus en plus aimante vient collaborer à l'œuvre de salut que Jésus ne cesse de
réaliser dans son Eglise et dans le monde. Au sein de la communauté, elle distille la paix et
l'amour. Vécue jusqu'à la mort dans la persévérance, elle exhale la bonne odeur de
l'espérance. Celui qui persévère dans la patience, malgré les épreuves et les adversités,
témoigne qu'il met son espérance non dans la jouissance immédiate de ce monde, mais dans
le Royaume à venir.Il sait que ce monde ne peut lui donner une joie parfaite. Celle-ci est à
venir. Déjà goûtée dans le cœur qui aime par la patience avec plus de liberté et de vérité, la
joie présente nous tourne un peu plus vers celle du Royaume. - 25.11.2017
38. Car le Seigneur dit, dans sa bonté : « Je ne veux pas la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse et qu'il vive. »
39. Nous avons donc interrogé le Seigneur, frères, au sujet de celui qui habitera dans sa demeure, et nous avons entendu le précepte donné pour y habiter, mais pourvu que nous remplissions les devoirs incombant à l'habitant.
40. Il nous faut donc tenir nos cœurs et nos corps prêts à servir sous la sainte obéissance due aux préceptes.
41. Et pour ce que la nature en nous trouve impossible, prions le Seigneur d'ordonner au secours de sa grâce de nous l'accorder.
42. Et si, fuyant les châtiments de la géhenne, nous voulons parvenir à la vie perpétuelle,
43. tandis qu'il en est encore temps et que nous sommes en ce corps et qu'il reste le temps d'exécuter tout cela à la lumière de cette vie,
44. il nous faut à présent courir et accomplir ce qui nous profitera pour toujours.
« Il nous faut à présent courir et accomplir» ... Courir et accomplir.Ces deux verbes
nous disent et le désir et l'engagement concret. Notre vie monastique est portée par le désir
d'être au Christ.Et elle consiste en un agir à son service. Un verset du Ps 44 nous dit bien
cela. On le chante le samedi soir, en mémoire du Christ ressuscité: « Ton honneur, c'est de
courir au combat, pour lajustice, la clémence et la vérité» CPs 44,5) ... Le psaume 44 se
présente comme un poème adressé à un roi qui est beau, mais surtout qui remplit vraiment sa
mission royale en exerçant la justice. Il est tout empli de l'onction reçue de Dieu. Vers lui se
tourne une fille de roi, toute parée, vêtue d'étoffe d'or. Ce psaume a été relu par la tradition,
comme un psaume éminemment christologique. Il nous parle et du Christ et de l'Eglise qui
s'avance vers Lui. On reconnait aussi dans la jeune fille de roi, une figure de la Vierge Marie.
Ce matin, j'aime bien relire le passage du prologue qui exhorte le moine « à courir et
à accomplir» dans la lumière de ce psaume 44. D'une manière très cachée, le moine est
associé au grand combat du Christ,«pour la justice, la clémence et la vérité ». Cette lutte ne
se mène pas contre des ennemis extérieurs ou contre des structures insatisfaisantes, mais avant
tout contre les tendances égoïstes qui nous replient sur nous-mêmes, plus ou moins à notre
insu. Quand nous nous plaçons sous l'autorité du Christ en prenant les armes de l'obéissance,
nous choisissons de faire de notre existence entière, une œuvre de « justice, de clémence et de
vérité». Avec des frères, nous menons le combat du Christ pour qu'advienne dans notre chair,
et dans nos relations mutuelles le Royaume. Dans le psaume, le roi combat certes, mais il
coure au combat.L'évangile nous montre Jésus qui se hâte vers Jérusalem. Autrement dit,
Jésus coure vers le combat ultime. Il se hâte vers la mort pour la traverser librement afin
qu'elle puisse être vaincue. Jésus ne traine pas, il ne tergiverse pas. Il se hâte. Puissions-nous
ce matin, faire nôtre quelque chose de cette hâte du Christ sur nos propres chemins. Il n'y a
pas à trainer pour choisir de nous convertir et de nous donner plus résolument dans ce que
nous avons à faire. Chacun, nous pouvons repérer un point ou un autre à propos duquel nous
nous laissons aller, où sur lequel nous sommes tièdes, voire injustes. Avec le Christ, courons
pour la« justice, la clémence et la vérité». Puissions-nous découvrir que là est notre honneur,
notre joie profonde. - 24.11.2017