Pour offrir les meilleures expériences, nous utilisons des technologies telles que les cookies pour stocker et/ou accéder aux informations des appareils. Le fait de consentir à ces technologies nous permettra de traiter des données telles que le comportement de navigation ou les ID uniques sur ce site. Le fait de ne pas consentir ou de retirer son consentement peut avoir un effet négatif sur certaines caractéristiques et fonctions.
Le stockage ou l’accès technique est strictement nécessaire dans la finalité d’intérêt légitime de permettre l’utilisation d’un service spécifique explicitement demandé par l’abonné ou l’utilisateur, ou dans le seul but d’effectuer la transmission d’une communication sur un réseau de communications électroniques.
Le stockage ou l’accès technique est nécessaire dans la finalité d’intérêt légitime de stocker des préférences qui ne sont pas demandées par l’abonné ou l’utilisateur.
Le stockage ou l’accès technique qui est utilisé exclusivement à des fins statistiques.
Le stockage ou l’accès technique qui est utilisé exclusivement dans des finalités statistiques anonymes. En l’absence d’une assignation à comparaître, d’une conformité volontaire de la part de votre fournisseur d’accès à internet ou d’enregistrements supplémentaires provenant d’une tierce partie, les informations stockées ou extraites à cette seule fin ne peuvent généralement pas être utilisées pour vous identifier.
Le stockage ou l’accès technique est nécessaire pour créer des profils d’utilisateurs afin d’envoyer des publicités, ou pour suivre l’utilisateur sur un site web ou sur plusieurs sites web ayant des finalités marketing similaires.
64. aimer la chasteté,
65. ne haïr personne,
Que ces deux instruments se suivent n'est peut-être pas fortuit... Tous deux ont à voir
avec la relation, une relation chaste en quête de sa justesse ou une relation blessée par la haine.
Dans les deux cas, la recommandation est de soigner et de préserver à tout prix la relation.
Comme nous le disait f. Xavier en écho à la session de rentrée au Centre Sèvres, la relation est
une composante essentielle de notre humanité et de notre humanisation. Elle est une donnée
majeure de l'anthropologie. Nous sommes des êtres de relation. « Aimer la chasteté» peut
s'entendre dès lors comme une exhortation à aimer la relation juste, celle qui construit et qui
libère. Parler d'aimer, à propos de la chasteté, peut surprendre. Nous pouvons y entendre qu'il
y a une décision à prendre pour s'y engager. Et cette décision n'est pas seulement rationnelle,
« c'est raisonnable de faire cela », mais elle est une décision qui mobilise aussi notre désir,
notre coeur. Choisir la chasteté est aimable et désirable. Cette décision n'est pas un fardeau que
l'on subirait. Non, elle peut emporter notre adhésion profonde, celle de notre coeur, de notre
désir. C'est peut-être à ce seul niveau de profondeur que nous commençons à devenir chastes ...
en désirant, en aimant être chaste en vérité. Et non parce qu'il faut l'être. Deux écueils extrêmes
fragilisent la chasteté et l'annulent. La confusion et la haine. Une relation fusionnelle qui
demande à l'autre d'être comme je suis et qui ne lui laisse pas le droit d'être différent n'est pas
chaste. D'autre part, ne l'est point non plus une attitude qui veut rayer l'autre de son champ de
vision sous prétexte qu'il dérange quelque chose en moi. La haine de l'autre s'inscrit dans ce
registre, avec toutes ses variantes ou ses degrés. L'autre est tellement gênant qu'il ne peut
trouver place dans ma vie. Entre les deux extrêmes de la confusion et de la haine, nous
naviguons à vue ... Nous cherchons la justesse dans nos relations. C'est un combat éprouvant
car jamais fini, jamais achevé. Eprouvant encore car il nous remet en face de nos limites et de
nos impuissances. Pourquoi avec ce1iaines personnes la relation est-elle simple, fluide et
vraiment constructive? Et pourquoi avec d'autres est-elle compliquée, parfois menacée de
rupture? Face à notre impuissance, les deux instruments « aimer la chasteté» et « ne haïr
personne » offrent une balise, un repère. Ils nous entrainent à persévérer dans le travail
intérieur. Avec un certain humour, ils semblent nous dire: « ne te décourage pas, c'est normal
que les relations ne soient pas si simples ni évidentes».
63. Accomplir chaque jour par ses actes les commandements de Dieu,
A l'instar du précédent instrument, ce 63° est d'une simplicité désarmante ...
« Accomplir chaque jour par ses actes les commandements de Dieu )) ... On peut entendre là un
écho de la recommandation de Jésus dans l'évangile quand il achève le sermon sur la
montagne : « Ce n 'est pas en me disant : 'Seigneur. Seigneur ''qu'on entrera dans le royaume
des Cieux, mais c'est en faisant la volonté de mon Père qui est aux cieux ... )) (Mt 7, 21) Et Jésus
ajoute un peu plus loin : « Celui qui entend les paroles que je dis là et les mets en pratique est
comparable à un homme prévoyant qui a construit sa maison sur le roc)). (Mt 7, 24) Jésus met
en garde contre l'illusion de penser faire la volonté de Dieu parce qu'on prie ou qu'on a le désir
d'être avec Dieu. Il s'agit de« faire» et de« mettre en pratique». St Benoit s'inscrit dans cette
ligne d'une vie donnée très concrète, ni rêvée, ni idéalisée ... une vie donnée pour vivre
l'Evangile. Dans cette ligne, j'ai été intéressé et touché d'entendre dans l'homélie du Pape
François pour l'ouverture du mois missionnaire extraordinaire ( ce 01.10.19) une belle invitation
à mettre l'évangile en pratique, de manière vivante et spontanée. Il disait : « Le Seigneur te
demande d'être un don là où tu es, comme tu es, pour celui qui est à côté de toi; de ne pas subir
la vie, mais de la donner de ne pas te lamenter, mais de te laisser loucher par les larmes de
celui qui souffre. Courage, le Seigneur attend beaucoup de toi! » Se donner, être un don pour
celui qui est à côté de nous, n'est-ce pas accomplir toute la loi dans le commandement de
l'amour?
St Benoit précise : « accomplir chaque iour ». En écho, on peut entendre le pape qui
demandait : « Faisons-nous de chaque journée un don pour combler la fracture entre
l'Évangile et la vie ? Chaque jour comme un don pour permettre à la vie humaine, la nôtre et
celles de nos frères, d'être davantage vivante de la Vie de Dieu. Au sein du monastère, avec Ste
Thérèse de Lisieux, nous avons une belle manière d'être missionnaire : faire de nos journées un
don pour le Seigneur, un don pour nos frères. Transfonner la simplicité du quotidien en un don
renouvelé, persévérant et joyeux. Notre vie commune de prière et de travail sera missionnaire
en donnant à voir et à sentir la charité qui nous lie entre nous, mais aussi qui nous garde ouverts
aux autres, à l'étranger, au pauvre. Je laisse les derniers mots au pape François:« Toi, va avec
! 'Esprit Saint. Va, le Seigneur ne te laissera pas seul! Courage, fières et soeurs ! »
62. Ne pas vouloir être appelé saint avant de l'être, mais l'être d'abord, afin d'être appelé ainsi avec plus de vérité.
Spontanément, en entendant cet instrument, on a envie de dire : il est vraiment grotesque
de vouloir être appelé saint et il est évident qu'il vaut mieux l'être vraiment d'abord. Mais en
fait, dans sa simplicité étonnante, cette sentence ne remet-elle pas sous nos yeux une tendance
bien enracinée en notre nature humaine : celle de vouloir soigner les apparences, au risque de
biaiser avec la vérité de nous-mêmes. « Sauver les apparences )) dit le langage commun. « Etre
d'abord)) dit St Benoit.
Vouloir être appelé saint, vouloir être à la hauteur, vouloir sauver la face, vouloir
apparaitre plus ou un peu plus que ce que nous sommes .... Tous ces stratagèmes ne sont-ils pas
seulement des jeux de miroirs ? On a une image de soi. On voudrait à tout prix y correspondre,
et surtout que les autres la reconnaissent. On reste enfermé sur soi, face au miroir d'une image
que l'on cherche désespérément à construire, soigner ou acquérir. .. Mystérieusement, nous
pouvons nous laisser piéger par ce jeu des images, notamment quand les autres semblent nous
renvoyer des signaux qui les confortent. Comment sortir de cette recherche illusoire et stérile
qui ne peut que nous laisser à l'aune de nous-mêmes, toujours insatisfaits ... ?
« Etre d'abord ll nous dit Benoit... Comment pouvons-nous savoir ce que nous
sommes ? Car en bonne part, nous restons une énigme à nos propres yeux ... « Etre d'abord))
peut être une invitation à abando1111er le souci d'exister dans le regard des autres, pour exister
simplement soi. La lumière de la foi nous offre un secours profond dans ce travail de vérité. La
Bonne Nouvelle apportée par Jésus nous assure que nous pouvons exister tel que nous sommes
devant notre Dieu. Sous son regard d'amour, point n'est besoin de masque ou de maquillage,
ni de stratagèmes. Nous pouvons exister tel que nous sommes. Car Dieu nous aime, nous choisit
et nous appelle chacun avec notre faiblesse, nos défauts. notre péché. Car il veut nous sauver
du mensonge. « Etre d'abord >) peut alors équivaloir à « être le fils de Dieu)) que Dieu aime.
L'évangile nous délivre de cette tyrannie du paraitre dans la mesure où nous laissons Dieu le
Père, le Christ nous rejoindre, nous regarder, nous sauver. .. S'il y a un effort à accomplir, n'estil
pas de vouloir nous tenir sous le regard de notre Dieu, en passant du temps dans la prière, en
guettant son regard dans les Ecritures, en nous laissant aimé et regardé par Lui ... ? « Etre
d'abord)) : le sacrement de la réconciliation nous offre une très belle occasion, en présence d'un
frère, d'être vrais et humbles devant Dieu. Autant d'instruments qui nous aident à être aussi
devant nos frères, plus simplement. - 08-10-2019
59. Ne pas assouvir les désirs de la chair,
60. haïr sa volonté propre,
61. obéir en tout aux commandements de l'abbé, même s'il agit lui-même autrement – ce qu'à Dieu ne plaise – en se souvenant du commandement du Seigneur : « Ce qu'ils disent, faites-le ; quant à ce qu'ils font, ne le faites pas. »
Ces trois instruments pris ensemble nous mettent devant un péril assez commun rencontré par les moines et la résolution habituelle que leur propose la Règle... Le péril commun est celui de se laisser prendre ou déborder par les désirs de la chair, ceux qu'énumère Paul dans l'épitre aux Galates (5,20) : « inconduite, impureté, débauche, idolâtrie, haines,
rivalité,jalousie, emportements ...»... Le péril tient encore dans le fait de prendre sa volonté
propre pour seule norme, avec le risque de confondre et de réduire la réalité avec ce qu'on voudrait qu'elle soit. Face à ces deux périls, le 3° instrument recommande l'obéissance à l'abbé, même si celui-ci fait le contraire de ce qu'il enseigne, précise Benoit par rapport au Maitre. Car ajoute-t-il, la norme dernière est toujours « le commandement du Seigneur » qui a dit : « Ce qu'ils disent faites-le ; quant à ceux qu'ils font, ne le faites pas. » Que veut nous dire ici St Benoit quand il insiste sur la fragilité possible de l'abbé, cet homme appelé à enseigner et à transmettre la Parole de Dieu? Peut-être veut-il dire qu'il ne peut en être autrement. Dieu prend le risque de se communiquer à travers des hommes faillibles, comme Jésus a pris le risque
d'appeler parmi les douze, celui qui deviendrait le traitre. Loin de nous décourager, ou de nous entrainer à la facilité ou encore à la duplicité, ce constat peut-être un appel à entrer dans le regard de Dieu sur notre humanité. Voulant l'associer à son dessein de rédemption pour tous, il ne craint pas de nous enrôler à son service tel que nous sommes. Ce constat peut nous rendre à la fois plus confiant en notre Dieu qui est bon pour chacun, et à la fois cela peut nous inciter à plus de responsabilité dans la tâche qui nous est confiée. A l'abbé et à chaque frère, à son poste de travail sur le grand navire de l'Eglise, à chacun il revient d'être plus souple, plus docile dans l'écoute et l'accomplissement de la Volonté du Père. La tâche qui nous est confiée est de chercher à être toujours plus en adéquation. en harmonie dans le service de son dessein d'amour pour les hommes. C'est en cela que nous sommes avant tout des chercheurs de Dieu. Prenant distance par rapport à nos désirs ou à notre volonté immédiate, nous cherchons à demeurer ouvert à ce que Dieu nous dit. Nous cherchons à demeurer disponibles à ce gu'II nous incline à faire, à travers sa Parole qui retentit dans les Ecritures, mais aussi à travers les paroles humaines
ou les évènements. Dans cette fidélité gui ne fait pas de bruit, n'est-ce pas la lutte que nous menons et la joie que nous goûtons ?
57. confesser chaque jour à Dieu dans la prière, avec larmes et gémissements, ses fautes passées,
58. se corriger de ces fautes à l'avenir.
Confèsser ses péchés chaque jour... Se corriger à 1'avenir ... La confession de nos péchés et la reconnaissance de nos fautes n'ont pas leur fin en eux-mêmes. Mais cette attitude d'humilité en présence de Dieu veut permettre à l'avenir un changement de vie. Entre présent et avenir, un élan est rendu possible par cette prise en compte de notre réalité faible et pécheresse, sans faux semblant ni fuite de nous-mêmes. Notre vie monastique porte en elle, en ses racines profondes le désir de progresser vers une plénLude de relation avec Dieu, avec les autres et avec soi-même. Pour cela, les anciens moines avaient la vive conscience de leur péché. Ils n'étaient pas dupes de leur condition pécheresse devant Dieu afin de laisser Dieu vraiment agir en eux. Ce dynamisme de conversion nous est moins accessible aujourd'hui. En effet, dans notre culture contemporaine, nous oscillons entre une culpabilisation à outrance vis-à-vis de soi (je suis nul, je ne vaux rien) comme vis-à-vis des autres (cf la tendance procédurière qui s'installe) et une absence de conscience de la faute et du péché. N'est-ce pas finalement la manifestation d'une conscience humaine gui se pense seule juge d'elle-même, tendue entre deux extrêmes, le désespoir de n'être jamais à la hauteur, et le sentiment de suffisance qui ne doit rien à personne... La Bonne Nouvelle de l'Evangile nous sort de cet isolement mortifère. Elle nous offre la révélation d'un Amour qui nous accueille toujours, et d'une Lumière qui loin de nous accabler nous réconcilie avec nous-même et avec Dieu. Le monsieur dont je présentais hier les photos, partageait dans le courrier joint, sa réflexion sur la lumière et l'obscurité. Je le cite : « La lumière met en perspective l'obscurité ... Sije prends mes obscurités intérieures, sans la lumière déversée par Jésus, je n'aurai pas pu en prendre conscience. Ce ne sont pas mes obscurités qui m'ont dit : 'regarde, il y a une lumière'; mais bien la lumière qui m'a dit : 'regarde, tu vois ces obscurités en toi ? '. La lumière conquiert petit à petit, et avec douceur, l'obscurité ... » N'est-ce pas une expérience que nous pourrions signer... Oui, la Lumière de Jésus vient peu à peu prendre possession de notre être, de plus en plus si nous le lui permettons. Sans intrusion ni dureté, elle manifeste les parts encore sombres en nous. Elle n'accuse pas, elle vient guérir et illuminer. Dans cette perspective, nous reconnaitre pécheur c'est présenter notre part encore obscure, dans l'acceptation qu'il n'est pas en notre pouvoir de la guérir... Un seul est le Sauveur, le Christ Jésus.
56. se prosterner fréquemment pour prier,
« Se prosterner fréquemment pour la prière» ... L'adverbe «.fréquemment» fait écho à l'adverbe « volontiers »... tiré de l'instrument précédent : « écouter volontiers les saintes lectures». Dans les deux cas, l'invitation rejoint et interpelle l'être libre et généreux de chacun d•entre nous, dans sa relation intime avec le Seigneur. Là, pas de cloche qui appelle, et qui scande notre temps humain pour le faire entrer dans le tempo de Dieu ; non, mais simplement une invitation laissée à la liberté de chacun : « se prosterner .fréquemment pour prier ». Il est bon dans notre vie très organisée et structurée d'entendre cet appel à la gratuité d'une attention pour notre Dieu. Dans cette gratuité, la relation avec le Seigneur, comme toute relation s'approfondit et nourrit d'une manière plus profonde. plus suave aussi peut-être... Il arrive d'entendre des couples qui regrettent de n'avoir plus de temps à eux pour se parler, ou d'autres au contraire qui se réjouissent de prendre un WE, ou quelques jours sans les enfants, afin de pouvoir échanger davantage ensemble. Sinon, ils perçoivent le risque qu'il y a de faire beaucoup de choses pour leur famille et leur travail, mais de ne plus prendre de temps pour simplement s'asseoir et se parler... De même, il peut y avoir un risque dans notre vie monastique de faire beaucoup de choses, et même d'accomplir fidèlement notre devoir de prière liturgique, mais de ne pas développer tout au long de la ioumée. ce goût de la rencontre plus gratuite pour Dieu, lui qui nous cherche et que l'on cherche. De quelle rencontre, de quelle prière gratuite s'agit il? Je pense qu'elle est d'abord un élan du cœur à cultiver. Il pourra prendre plusieurs formes: arriver quelques minutes en avance à l'église pour nous poser devant le Seigneur, pour lui déposer ce que nous vivons, et ainsi être plus libre pour psalmodier et l'écouter nous parler durant la liturgie. Cet élan du cœur pourra se manifester par quelques secondes de recueillement tournées vers la croix avant de se mettre au travail, avant de vivre une rencontre... ou durant le travail, il se manifestera par une brève interruption qui permet de ressaisir ce qu'on vit dans la lumière de Dieu. Il peut être vécu aussi durant le travail manuel plus répétitif par la répétition d'une parole de !'Ecriture mémorisée au cours de la lectio, un verset de psaumes, ou encore la prière de Jésus ou le « je vous salue Marie ».... Sorte de prière en boucle qui a la vertu de recentrer le cœur sur un mot, sur le visage de Jésus vers lequel veut ramener toutes ces formes de prière... Essayons de cultiver ce goût pour la rencontre gratuite avec le Seigneur. A travers quelques moments d'intimité plus personnelle, notre vie recevra elle-aussi plus de saveur, s'unifiera davantage ...
55. Écouter volontiers les saintes lectures,
R.B. 4, 55
En entendant cet instrument, le mot « volontiers )) 111'invite à faire un rapprochement avec le début du prologue de la RB : « Ecoute, ô mon fils ces préceptes de ton maitre et tends l'oreille de ton cœur. Cette instruction de ton père qui t'aime, reçois-la cordialement. On potmait aussi traduire « reçois-la volontiers)), car le même mot latin « libenter )) est utilisé... Ecouter volontiers les saintes lectures, en fait les Saintes Ecritures-écouter et recevoir volontiers les préceptes du maitre qui offre la règle... Dans les deux cas, il s'agit d'écouter volontiers ou cordialement pour apprendre à reconnaitre la voix du seul Maitre qu'est le Christ. Il nous parle aussi bien à travers les Ecritures, qu'à travers la règle. Et il est important d'avoir toujours une oreille sur les Ecritures et une oreille sur la RB, sans séparer les deux, en sachant que la Règle se ressource et se nourrit sans cesse des Ecritures, dont e.l.Je se présente comme une mise en pratique concrète. Dans les deux écoutes, nous pouvons comprendre ce matin, qu'elles ne po1ieront vraiment leur fruit, dans une pratique profonde et juste, que si notre écoute est cordiale. En entrant au monastère, et en restant au monastère, c'est le Christ que nous voulons écouter et c'est à lui que nous voulons donner notre cœur. Nous savons d'expérience que nous ne vivons pas toujours au niveau de notre cœur profond, esquivant l'écoute et la vraie rencontre du Maitre. Chercher à disposer notre cœur afin qu'il tende à ce niveau cordial d'écoute, n'est ce pas une part de notre labeur monastique ? Chaque matin, nous lever et nous tenir devant le Christ en nous donnant à Lui, en Lui présentant notre désir d'être à Lui. St Ignace de Loyola recommande ici une prière préparatoire au début de chaque journée pour demander la grâce que nos intentions, nos actions, nos paroles soient toutes ordonnées à l'accomplissement de la Volonté de Dieu pour la manifestation de sa Gloire et son Amour... Chacun nous pouvons trouver une manière de préparer ainsi notre cœur, en demandant l'aide du Seigneur afin que tout notre être se dispose vraiment volontiers, cordialement à son service. De même que plusieurs d'entre nous prennent avec raison un petit temps d'exercice corporel pour entretenir notre frère corps et le garder vivant, de même par une simple prière matinale, nous pouvons demander cette grâce qui nous dispose vraiment à une écoute cordiale vis-à-vis du Seigneur.
51. Garder sa bouche des paroles mauvaises et déshonnêtes,
52. ne pas aimer à beaucoup parler ;
53. ne pas dire des paroles vaines ou qui portent à rire,
54. ne pas aimer le rire prolongé ou aux éclats.
Je fais le lien entre ces instruments autour de la parole et du rire, et l'invitation entendue hier à vivre l'ouverture du cœur, en brisant les mauvaises pensées et en les découvrant à l'ancien spirituel. Nous avons là deux types de paroles : les paroles faciles, légères, voire mauvaises, et les paroles gui coûtent parce qu'elles nous entrainent à parler en vérité devant un autre. Nous sommes capables des deux. Mais si nous pouvons nous distraire et nous égarer, voire nous perdre dans les premières, assurément nous nous trouverons dans la parole vraie et simple vécue dans l'ouverture du cœur. Nous nous trouverons. Oui, peut-être est-ce une constante pour chacun de nous : lorsque nous parlons, quel que soit le type de parole, nous cherchons à advenir à notre vrai visage autant que nous attendons de notre interlocuteur une parole qui vienne confirmer ou bien corriger ce que nous pensons, l'image nous avons de nous-mêmes. Pour une part, nous nous cherchons, car nous restons une énigme à nous-mêmes. Même dans les paroles mauvaises qui dénigrent les autres, nous cherchons vainement à régler les points obscurs avec lequel nous nous battons plus ou moins consciemment. On projette dans l'autre ce qu'on ne parvient pas à regarder en face chez soi.... Si nous prenons conscience de ce mécanisme, nous pouvons apercevoir la part faible en nous qui crie et qui peine, et qui ressemble étrangement à celle que je dénonce chez l'autre. St Benoit invite aussi à laisser les paroles vaines ou qui portent à rire. Je ne crois qu'il refuse toute occasion de rire et de se détendre, mais plutôt cette façon de nous nous chercher nous-mêmes en nous installant dans un personnage. Je n'existe face aux autres qu'à travers les bons mots et j'attends en retour une illusoire reconnaissance qui me place au centre. Si nos relations fraternelles se cantonnent dans ce registre, elles restent de surface.
Dans l'ouverture du cœur, nous cherchons et nous pouvons trouver notre vrai visage humain. notre vrai visage de fils de Dieu. Dire ce que nous vivons concrètement, ce qui est difficile comme ce qui est heureux, ce qui résiste en nous, la manière avec laquelle nous percevons les appels du Seigneur à travers la Parole de Dieu semée quotidiennement... L'ouverture du cœur peut m'apprendre à mettre des mots sur ma relation non seulement avec les autres, mais aussi avec le Seigneur, à travers la prière. Qu'est-ce que je vis dans la lectio, dans la liturgie ou la prière silencieuse? Que se passe-t-il? Le Seigneur me parle, qu'est-ce que j'entends, comment je lui réponds? Il nous cherche et nous le cherchons.
50. Quand des pensées mauvaises se présentent au cœur, les briser aussitôt contre le Christ et les découvrir à l'ancien spirituel.
De tous les instruments nécessaires à une progression fructueuse dans la vie monastique, celui-ci figure dans le peloton de tête. L'ouverture du cœur... Un exercice délicat, parfois pénible qui demande du courage, et toujours de l'humilité. Parler d'exercice, c'est souligner la part de responsabilité qui revient à chacun. Nous pouvons ou non ouvrir notre cœur, nous dévoiler ou non, tel que nous sommes à un ancien spirituel ou à l'abbé. Comme nous l'entendions hier dans la lecture du midi, déjà les Egyptiens considéraient le cœur comme le lieu essentiel de l'être humain. C'est lui qu'ils imaginaient être pesé avant d'entrer dans la vie éternelle... Sur la balance, nous disait-on, le cœur est lourd de ses fautes, de ses péchés ou de tout ce qui le souille ou le blesse. Dans un contexte spirituel différent, nous pourrions cependant dire de manière analogue, que l'ouve1ture du cœur contribue à rendre le cœur plus léger, à lui ôter des fardeaux de ruminations, de fausses idées sur soi ou sur les autres, de pensées obsédantes qui peuvent conduire au mal, ou encore de culpabilités morbides... N'étant souvent pas très fier de certaines pensées qui nous habitent, on les tait. .. et par ce mutisme, elles font leur nid en nous... Elles peuvent alors devenir une manière habituelle de penser, ou bien un ennemi qui, tel un cheval de Troie, demeure une menace perpétuelle ... Et notre cœur se durcit dans la lutte contre lui-même, ou bien il se divertit pour oublier son propre combat... L'ouverture du cœur, au contraire nous humanise. Elle nous rend à nous même, en tant qu'être de parole. Telle est notre dignité. Nous sommes des êtres de parole, créés libre pour parler et devenir pleinement nous-mêmes dans la relation à autrui et avec Dieu. La parole dite à un ancien ou à l'abbé nous permet de quitter ce qui n'est que l'ombre de nous-mêmes, pour oser être tel que nous sommes avec nos pauvretés assumées et nos limites reconnues sans honte, mais aussi avec nos forces, nos désirs profonds. Se tenir ainsi sous le regard d'un autre qui nous écoute au nom de Dieu, c'est nous offrir à l'action salvifigue du Seigneur. Venu sauver les pécheurs, il reste impuissant devant nous tant que nous nous cachons derrière une façade de perfection illusoire. Quand la vitre se brise, et qu'apparait l'enfant blessé et pécheur que nous sommes, alors il peut agir parce que nous lui permettons de nous inonder de sa lumière...
Chacun peut se demander: où en suis-je dans l'ouverture de mon cœur? Est-il léger pour courir sur la voie des commandements de Dieu ou bien est-il lourd de mille tracas, pensées, inquiétudes qui me contraignent hésitant à sans cesse regarder mes pieds, au lieu de lever les yeux vers le Seigneur? Ne négligeons pas cet instrument de vie et de salut. ..
42. Quand on voit quelque bien en soi, l'attribuer à Dieu, non à soi-même ;
43. quant au mal, savoir qu'on en est toujours l'auteur et se l'imputer.
44. Craindre le jour du jugement,
45. redouter la géhenne,
46. désirer la vie éternelle de toute sa convoitise spirituelle,
47. avoir chaque jour la mort présente devant ses yeux.
48. Surveiller à toute heure les actions de sa vie,
49. en tout lieu tenir pour certain que Dieu nous regarde.
Dans leur concision, ces instruments ont un abord abrupt. voire tranchant. Ils vont à l'essentiel, sans préoccupation de nuances. lis nous replacent face à notre condition finie et mortelle devant Dieu l'auteur de tout l'univers, celui qui porte nos vies si éphémères... La distinction fortement soulignée entre le bien et le mal, la vie éternelle et la géhenne, l'enfer, se retrouve ici comme en d'autres passages de la RB. Je cite juste le début du beau chapitre 72 :
« il existe un zèle mauvais et amer qui sépare de Dieu et conduit en enfer, il existe un bon zèle
qui sépare des vices et conduit à Dieu,,. Le thème de l'enfer ou de la géhenne n'a pas beaucoup de place dans notre intelligence de la foi chrétienne aujourd'hui. L'abus outrancier dans le but de faire peur, fait par certains prédicateurs du passé a pu contribuer fortement, et avec raison, à sa relégation. St Benoit appartient à une autre époque. S'il fait un usage assez significatif du thème de l'enfer opposé à la vie éternelle, sans exagération cependant, on peut penser que c'est dans le but que s'opère un discernement dans la vie de chacun. Ainsi pouvons-nous reconnaitre dans son enseignement le bienfait spirituel qu'il y a à regarder les choses en face, notre mort, notre finitude, l'éternité promise. Loin de nous faire peur, ce réalisme voudrait nous enraciner dans la foi, dans la confiance totalement remise au Christ qui fait passer de la mort à la vie. Ensuite, ces instruments nous éclairent sur notre désir le plus profond. Si crainte et désir nous habitent, « désirer la vie éternelle de toute !'ardeur de sa convoitise spirituelle » l'emporte en nous largement sur la crainte du jugement et de la géhenne. En nous, le désir de vivre, d'aimer et d'être aimé est viscéral. Il est comme un moteur puissant qui suscite un élan et aussi un combat. Car il peut se disperser et se perdre en trop de futiles objets. L'horizon de la vie éternelle est alors pour nous chrétien, non un illusoire refuge, comme l'ont dénoncé les philosophes du soupçon, mais une boussole. Tendu vers la vie éternelle, vers la vie vraie, notre désir cultive non ce qui peut le combler ici-bas, mais ce gui le creuse pour l'éternité. N'est-ce pas le sens profond de notre prière régulière qui, dans ses moments de joie comme dans sa monotonie ou ses aspérités. creuse en nous la fidélité persévérante ? N'est-ce pas le sens de toutes nos fidélités dans le travail, le service du frère, les relations, la présence silencieuse à l'autre dans l'écoute ... Elles creusent notre désir pour l'éternité...