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1. Pour l'avoir du monastère en outils, vêtements et biens de toute sorte, l'abbé choisira des frères, de vie et mœurs dont il soit sûr,
2. et il leur remettra ces différents objets, comme il le jugera bon, pour qu'ils les conservent et les recueillent.
3. De ces objets, l'abbé gardera l'inventaire. Ainsi, quand les frères se succèdent à tour de rôle dans l'emploi, il saura ce qu'il donne et ce qu'il reçoit.
4. Si quelqu'un traite les biens du monastère sans propreté ou sans soin, on le réprimandera.
5. S'il ne s'amende pas, il subira les sanctions de règle.
Un petit chapitre comme celui-ci, sans prétention, nous rappelle une chose simple : les outils. vêtements et biens de toute sorte sont au monastère. Ils sont sa propriété, c'est-à-dire i! tous et à chacun. De manière différente, la RM a cette formule un peu solennelle : « voici la maxime de la règle: le temporel du monastère (c'est-à-dire « tout objet apporté, trouvé ou fabriqué ou acquis par lui») est à tous et à personne». Je préfère dire que tous les objets du
monastère sont « à tous et à chacun ». Car dire « à personne » peut nous faire tomber dans une mentalité collectiviste qui conduit à se désintéresser des choses si je n'y trouve pas mon intérêt immédiat. .. comme on a pu le voir dans les pays communistes où des tracteurs trainaient à l'abandon dans les champs, faute de réparation. Il nous faut entrer dans une conscience responsable du bien communautaire, qu'il nous soit en partie confié ou qu'il soit confié à d'autres. Cette conscience peut être une bonne manière de nous enraciner en ce lieu, en cette maison dont nous avons plaisir à prendre soin. Le soin porté aux objets me fait approfondir combien mon intérêt personnel est inséparable de l’intérêt communautaire. Ma vie a partie liée avec celle de la communauté. Plus les objets et la pat1ie de la maison dont j'ai la charge sont propres et beaux. utilisables et entretenus, plus tous auront de la joie à les utiliser, et vice versa pour ceux confiés à d'autres et j'utilise. Dans ce lien entre les deux aspects de responsabilité personnelle et communautaire vis-à-vis des objets et biens divers, il y a un équilibre sur lequel nous devons toujours être vigilants. A la fois il est important de respecter la responsabilité d'un frère sur un secteur qui lui est confié, avec la garde des objets afférant, et à la fois demeure la responsabilité de tous sur l'ensemble de la vie de la maison et de son bien. Cet équilibre interdit autant l'immiscion indiscrète que l'indifférence négligente. Il veut au contraire permettre à chacun de pouvoir poser une question à un frère responsable d'un domaine. Ou encore lorsqu'on voit quelque chose gui n'est pas propre ou mal rangé de pouvoir le nettoyer ou le ranger même si ce n'est pas notre service immédiat. Sije vois dans un couloir de grosses tâches ou de la terre.je n'attends pas d'en référer au frère responsable du ménage, mais je les nettoie sans tarder. .. etc... Ce genre d'attitude est proprement fraternel. Elle manifeste combien nous
habitons une maison de frères, dont tous ensemble nous sommes responsable de la bonne
marche. r en profite ici pour remercier les uns et les autres gui assurent le nettoyage de secteurs de la maison, douches toilettes, couloirs. Merci pour leur vigilance et leur régularité. Là encore.
si tel secteur est oublié ou négligé, qu'on n'hésite pas à en parler, au f. Pacôme qui a un regard sur l'ensemble.
13. Qu'il ait avant tout l'humilité, et quand il n'y a rien à donner à quelqu'un, qu'il lui offre en réponse une parole aimable,
14. comme il est écrit : « Une parole aimable surpasse le don le plus précieux. »
15. Tout ce que l'abbé lui enjoindra, il en aura la responsabilité ; ce qu'il lui interdira, il ne se le permettra pas.
16. Il fournira aux frères la ration prescrite sans arrogance ni délai, de peur qu'ils ne s'irritent, en se souvenant de ce que mérite, selon la parole divine, « celui qui irritera un des petits. »
17. Si la communauté est nombreuse, on lui donnera des auxiliaires, pour que lui aussi, grâce à leur aide, il remplisse la charge qui lui est confiée sans perdre la paix de l'âme.
18. On donnera ce qui est à donner et on demandera ce qui est à demander au moment voulu,
19. afin que personne ne soit troublé ou peiné dans la maison de Dieu.
Dans le monastère de St Benoit, le cellérier est plus qu'un « distributeur de biens divins » pour reprendre les mots de RM 16, 11. Il est un facteur de paix, essentiel à la vie de la communauté. Par sa manière d'être et d'agir, il fait en sorte que « personne ne soit troublé ou peiné dans la maison de Dieu,,. S'il a un réel pouvoir en vertu de la garde de tous les biens du monastère qui lui sont confiés, son rôle de père de la communauté s'exprimera dans la manière avec laquelle il remplit sa charge. Humilité, parole aimable, sans arrogance, ni délai, au moment voulu ... St Benoit est conscient qu'il demande beaucoup à un seul homme puisqu'il propose qu'il soit aidé afin qu'il ne perde pas « la paix de l'âme ». Ce matin, je redis ma confiance au f. Benoit et notre gratitude pour le don de lui-même à notre service.
De ces lignes, je retiens comme pleine d'enseignement l'attention de Benoit sur la manière de nous rapporter les uns aux autres. Car ce qui vaut du cellérier vaut pour tous aussi. Dans une situation où je suis en position de pouvoir, que ce soit pour donner quelque chose qui m'est confié, pour rendre un service ou pour dépanner, comment est-ce que j'accueille une demande 9 Si cette demande dépasse mes forces, vais-je être capable de donner une bonne parole ou vais-je m'énerver en renvoyant le frère, au risque de le culpabiliser et de le laisser meurtri. Par deux fois, dans une semblable situation, Benoit parle d'humilité. Ne veut-il pas m'entrainer à une sorte de travail intérieur sur la vision que j'ai de ma charge? Ai-je que je me pense tout puissant, voulant absolument tout maitriser et étant vexé quand ce n'est pas le cas ? li faut m'exercer pour ne pas m'identifier avec ce que je fais, afin de ne pas vivre comme une atteinte à ma personne les difficultés de faire face, les impossibilités parfois aussi... Sans me culpabiliser. Je reste un serviteur de quelque chose qui est à la communauté et pour la communauté. Et en même temps, il est toujours bon de vérifier. si je ne m'approprie pas le pouvoir que j'exerce. Faire attendre un frère qui me demande quelque chose peut être une manière déguisée de lui faire sentir mon pouvoir et que son sort dépend de moi. « Il peut bien attendre!" Illusoires sentiments d'être quelqu'un parce qu'on oblige les autres à adopter son propre tempo. St Benoit met encore en garde contre le mépris ou l'arrogance dans une réponse ou une fin de non-recevoir. Là, je regarde le frère de haut, je le tiens à distance pour mieux lui faire sentir que je suis quelqu'un d'important... Enfantillages stériles. Misérables que nous sommes lorsque nous utilisons nos charges pour préserver notre égo idéal. Alors que celles-ci sont destinées à nous construire en profondeur dans la mesure où nous nous donnons avec générosité et simplicité.
1. On choisira pour cellérier du monastère un membre de la communauté qui ait sagesse, maturité de caractère, sobriété ; qui ne soit pas grand mangeur, hautain, turbulent, injuste, lent, prodigue,
2. mais qui ait la crainte de Dieu. Il sera comme un père pour toute la communauté.
3. Il prendra soin de tout,
4. il ne fera rien sans l'ordre de l'abbé ;
5. il observera les ordres reçus,
6. il ne fera pas de peine aux frères.
7. Si un frère lui présente une requête déraisonnable, il ne le peinera pas en le repoussant avec mépris, mais avec humilité il opposera à cette mauvaise demande un refus raisonnable.
8. Il veillera sur son âme, en se souvenant toujours de cette parole de l'Apôtre : « Qui fait bien son service, se procure une belle place. »
9. Il prendra soin des malades, des enfants, des hôtes et des pauvres avec toute sa sollicitude, sachant sans aucun doute qu'il devra rendre compte pour toutes ces personnes au jour du jugement.
10. Il considérera tous les vases du monastère et tout son avoir comme les vases sacrés de l'autel ;
11. il ne tiendra rien pour négligeable.
12. Il ne cédera pas à l'avarice ni ne sera prodigue ou dissipateur de l'avoir du monastère, mais il fera tout avec mesure et selon les ordres de l'abbé.
« Il fera tout avec mesure et selon les ordres de l'abbé.» Le cellérier n'est-il pas par excellence l'homme de la mesure? Mesure au sens où beaucoup des choses qu'il doit traiter sont mesurées, comptées, afin d'être évaluées au plus juste. Mesure aussi au sens d'équilibre et de justesse dans la gestion des choses et des personnes. Si en son premier sens, la mesure a quelque chose de rationnel et de mathématique, ce qui est bien nécessaire, dans le second sens, elle n'est jamais donnée à l'avance. Elle doit être sans cesse discernée. A côté de cette part de responsabilité propre, le cellérier est invité à demeurer en lien étroit avec l'abbé pour les décisions à prendre. St Benoit le répète deux fois comme pour mieux souligner l'union profonde dans la vie monastique entre les orientation spirituelles données par l'abbé et les dispositions pratiques dans la vie quotidienne dont le cellérier est chargé. Deux personnes, deux types de tâches, mais en fait une profonde union entre les deux activités dans notre vie qui cherche à tout unifier. La mesure en tant que quantité exacte et en tant que juste équilibre s'avère nécessaire pour tous les aspects de notre vie.
Elle participe de la justice comme de la sagesse. Justice pour que chacun ne se sente pas lésé. Justice dans le respect des attributions, des devoirs et des droits. Chacun, nous désirons cette justice viscéralement pour nous-même d'abord, et de plus en plus vertueusement pour tous. Et en même temps, nous le savons si la justice ne se réduisait qu'à la justesse des comptes et des calculs, elle deviendrait invivable. Au XX0 s, les idéologies communistes s'y sont essayées en vain, jusqu'à transformer des pays entier en vaste prison. Dans la vie monastique, la sagesse vient élargir le champ de vision de la justice, en faisant place au discernement des situations et des cas particuliers. Les personnes ne se réduisent pas à des quantités comptables. Elles appellent toujours une appréciation de leur histoire, de leurs possibilités, de leurs désirs, de leurs faiblesses aussi. Le P. Abbé, comme le cellérier, mais finalement chaque frère, ne cessent de mettre en œuvre la justice et la sagesse lorsqu'ils jugent d'une situation, en vue d'une prise de décision. JI est important pour chacun de nous de cultiver ce double regard fait de justice et de sagesse sur les situations et sur les personnes. Je suis frappé de voir chez les plus anciens combien cet alliage peut avoir de profondeur et de vérité, et combien il est générateur de paix. L'expérience leur a appris qu'il faut se méfier des jugements péremptoires, des raccourcis rationnels trop évidents qui risquent de casser les personnes. Les êtres et la vie restent un mystère devant lequel il faut nous tenir avec respect, avec empathie. Ils ont toujours quelque chose à nous dévoiler de notre propre mystère.
1. Tout âge et degré d'intelligence doit recevoir un traitement approprié.
2. Aussi chaque fois que des enfants et des adolescents par l'âge, ou des adultes qui ne peuvent comprendre ce qu'est la peine d'excommunication,
3. quand donc ceux-là commettent une faute, on les punira par des jeûnes rigoureux ou on les châtiera rudement par des coups, afin de les guérir.
De manière un peu surprenante, St Benoit envisage aussi dans ce chapitre sur la correction des enfants, le cas « d'adultes qui ne peuvent comprendre ce qu'est la peine d'excommunication. » Un même critère semble réunir ici les deux catégories: la capacité à comprendre la peine d'excommunication. A cette peine qui s'adresse à l'intelligence du cœur et à la conscience d'avoir blessé le corps communautaire, doit alors faire place la peine des jeûnes rigoureux ou celle des coups, « afin de les guérir».
Je retiens ce lien fait entre enfant et adulte qui ne comprennent pas. Il me semble que si l'on est attentif à notre vie, on remarque assez aisément des parts de nous-mêmes que l'on ne comprend pas. Certains comportements nous débordent, des pensées nous obsèdent, des paroles nous échappent, des habitudes nous pèsent dont on aimerait bien se libérer. Bref, une part de nous-même nous échappe. Est-il possible de se corriger, de progresser? Heureux sommes-nous si au moins nous pouvons les reconnaitre et si nous en avons le désir de nous corriger. C'est le signe que nous sommes encore vivants, même à un âge avancé. Car avec l'âge, nous mesurons combien une habitude prise peut vite devenir comme un fait acquis, voire une sorte de droit. Ici, nous avons une grâce qui une grâcequi'.coûte : celle de vivre dans une communauté. Nos frères sont un soutien précieux pour la vie quotidienne par leur présence, par les services échangés et par leur affection discrète. Ils peuvent aussi être une aide vis-à-vis de défauts que nous ne voyons pas toujours, ou que nous ne voulons pas voir. Parfois discrètement par un mot, ou par une question, voire par une remarque, ils nous font sentir combien ce défaut pèse sur la communauté. Comment réagissons-nous? Est-ce que je les envoie balader ou bien est-ce que je me dis qu'il y a peut-être quelque chose à entendre, une chance à saisir pour moi ? Et si, au lieu de me sentir humilié en 111011 amour propre, j'acceptais de me regarder en face sans peur. La vérité ne nous rend-elle pas libre et plus léger?
Oui, ne perdons pas les occasions que la vie commune nous offre de nous garder vivant et vigilant sur nous-mêmes. Rien de plus triste qu'une personne murée en elle-même. Nous sommes appelés à demeurer vivants, attentifs les uns aux autres jusqu'au bout. Même si la fatigue est là, et bien compréhensible avec l'âge qui avance, ne relâchons rien de cette vigilance du cœur. Elle est assurément un acte de charité vis-à-vis de nous-même et des autres. Elle est comme une fenêtre qui baigne de sa lumière la maison. Ne nous en privons pas.
1. Un frère qui est sorti du monastère par sa propre faute, s'il veut revenir, commencera par promettre de s'amender complètement du défaut qui l'a fait sortir,
2. et alors on le recevra au dernier rang, pour éprouver par là son humilité.
3. S'il s'en va de nouveau, il sera reçu ainsi jusqu'à trois fois, en sachant qu'ensuite on lui refusera toute autorisation de retour.
Dans un chapitre identique dont on peut penser qu'il a inspiré St Benoit, le Maitre (RM
64) propose globalement la même procédure pour un frère qui« abandonne le monastère et qui revient de son erreur». Mais son attention ne po1ie pas sur le même point. Il recommande de permettre le retour jusqu'à trois fois car« la fidélité de son service divin auprès du Seigneur peut se mesurer à la stabilité de ses pieds auprès des hommes » (RM 64, 2). Le Maitre met donc en avant la capacité d'être stable au milieu des frères pour le service de Dieu. St Benoit, lui, porte son attention sur l'humilité. « On le recevra au dernier rang, pour éprouver par là son humilité». St Benoit invite le frère qui revient à s'éprouver et à vérifier jusqu'à quelle profondeur va son désir de revenir. Est-il capable d'assumer le dernier rang, le rang du nouveau venu qui ne tient pas compte de son ancienneté préalable ?
Cette attention de Benoit sur !'humilité proposée au moine prodigue est en fait un bon indicateur de ce qui nous fait vraiment tenir dans la vie monastique. Sans l'humilité cherchée et désirée, est-il possible de demeurer dans cette vie cachée, où ne manquent pas, un jour ou l'autre, les contrariétés, les accrochages et les humiliations de quelque nature qu'elles soient? Se pose alors la question de vérité: quelle est ma référence première? Le Seigneur ou bien une certaine image de moi-même? Le Christ suivi et aimé jusqu'à la mort dans la patience ou bien mes projets et désirs de réussite ? Dans notre vie monastique,!'humilité est comme cette aiguille aimantée de la boussole. Elle indique toujours la bonne direction. Si elle oscille et hésite, elle revient sur le bon cap. L'humilité n'a de cesse de montrer un autre que soi, comme l'aiguille aimantée sous la poussée de la force magnétique. Personne ne peut dire exactement ce qu'est l'humilité, sinon le Christ doux et humble de cœur. Mais chacun de nous peut tendre à rejoindre le bon champ magnétique, en se tenant au plus près du Christ. Il nous revient de nous remettre chaque jour à l'ouvrage pour cela, regarder Jésus le désarmé, pour demander la grâce d'épouser toujours davantage ses sentiments d'humilité....Tant de choses en nous s'hérissent contre l'humilité, en supportant mal jusqu'à l'idée. Et pomiant elle seule ne nous trompera jamais. Nos vaines gloires comme d'ailleurs le ressentiment négatif sur soi, font toujours manquer le but et nous éloigner du Christ, en nous centrant sur nous-mêmes. Le moine prodigue qui revient à l'école de l'humilité n'est, en fait, pas très différent du moine qui est resté au monastère. L'un est l'autre sont appelés à revenir vers Dieu, à faire retour vers Lui avec les armes glorieuses de l'obéissance.
1. Si un frère a été fréquemment repris pour une faute quelconque, si même après excommunication il ne s'amende pas, on lui infligera une punition plus rude, c'est-à-dire qu'on lui fera subir le châtiment des coups.
2. S'il ne se corrige pas non plus par ce moyen, ou que même, ce qu'à Dieu ne plaise, il se laisse emporter par l'orgueil et veuille défendre sa conduite, alors l'abbé agira comme un médecin sagace :
3. s'il a appliqué tour à tour les cataplasmes, l'onguent des exhortations, la médecine des divines Écritures, enfin le cautère de l'excommunication et des coups de verge,
4. et s'il voit que son industrie ne peut plus rien désormais, il aura encore recours à un remède supérieur : sa prière pour lui et celle de tous les frères,
5. afin que le Seigneur, qui peut tout, procure la santé à ce frère malade.
6. S'il ne se rétablit pas non plus de cette façon, alors l'abbé prendra le couteau pour amputer, comme dit l'Apôtre : « Retranchez le pervers du milieu de vous » ;
7. et encore : « Si l'infidèle s'en va, qu'il s'en aille »,
8. de peur qu'une brebis malade ne contamine tout le troupeau.
Si le précédent chapitre témoignait de l'extrême sollicitude de l'abbé pour un frère récalcitrant, celui-ci en montre les limites. L'endurcissement d'un frère peut conduire à la rupture complète avec la communauté, non sans que celle-ci ait instamment prié pour lui.
On pourrait se demander si cette façon de faire est en accord avec l'évangile, entendu il y a quelques jours, où Pierre demande à Jésus : « Seigneur. quand mon fi·ère commettra des fètutes contre moi, combien de fàis doi.1·:ie lui pardonner ? Jusqu'à sept .fi,is ? Jésus lui répondit : « Je ne te dis pas jusqu'à sept.fois, mais jusqu'à soixante-dix fàis sept {Ois. » (Mt 18, 21-22) Aux yeux de Jésus, chacun doit tendre au pardon plénier. puisqu'il est lui-même un débiteur insolvable. Ainsi le suggère+il dans la parabole qui suit, entre l'homme gui devait au maitre 60 millions de pièces d'argent, et gui se montre intraitable vis-vis de son collègue qui lui en doit 100. St Benoit ne doit pas ignorer cette péricope, puisqu'au chapitre 23, il a fait allusion au commandement du Seigneur à propos de la correction fraternelle, péricope qui se trouve quelques versets avant la question de Pierre. De toute évidence, on a à faire à deux problématiques différentes, l'une de vie communautaire, et l'autre d'élan spirituel personnel. Dans une dynamique communautaire, comme l'évangile le suggère, la rupture peut s'avérer nécessaire, pour éviter qu'une brebis malade contamine tout le troupeau, commente St Benoit. Dans une dynamique personnelle, chacun est appelé à ne jamais fermer la porte une fois pour toute au pardon, car Dieu lui-même ne le fait jamais à notre égard. Reste que chacun fait ce qu'il peut ensuite avec la grâce de Dieu.
On peut encore se poser une question : si, comme je le disais, avec notre culture moderne nous rechignons à l'idée d'en arriver à ce genre de rupture, quels sont les moyens à notre disposition pour porter un frère qui peine à se laisser porte ? Je n'en vois guère d'autre que la charité et la prière. Il s'agit ensemble de creuser toujours plus profondément la capacité d'aimer ce frère envers et contre tout. Creuser le puits sans fond de la charité dont Paul nous dit qu'elle
« prend patience ...., supporte tout, fait col?fÎance en tout, espère tout, endure tout» (I Co 13,
4,7). La prière sera notre principal instrument pour creuser ce puit, c'est-à-dire pour nous laisser creuser nous-même par le Seigneur qui est Amour sans fond... Chacun mènera ce modeste travail intérieur de vigilance, de patience et de persévérance pour ne pas relâcher son désir et pour ne pas laisser les pensées négatives gui tuent si facilement l'autre prendre le dessus.« Que ton amour Seigneur soit sur nous, comme notre espoir est en toi. » (Ps 32, 22)
1. C'est avec toute sa sollicitude que l'abbé prendra soin des frères délinquants, car « ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin du médecin, mais les malades. »
2. Aussi doit-il user de tous les moyens comme un médecin sagace ;: envoyer des senpectas , c'est-à-dire des frères anciens et sagaces,
3. qui comme en secret consoleront le frère hésitant et le porteront à satisfaire humblement, et le « consoleront pour qu'il ne sombre pas dans une tristesse excessive »,
4. mais comme dit encore l'Apôtre : « Que la charité s'intensifie à son égard », et que tous prient pour lui.
5. En effet, l'abbé doit prendre un très grand soin et s'empresser avec tout son savoir-faire et son industrie pour ne perdre aucune des brebis qui lui sont confiées.
6. Qu'il sache en effet qu'il a reçu la charge des âmes malades, non une autorité despotique sur celles qui sont en bonne santé.
7. Et qu'il craigne la menace du prophète, par laquelle Dieu dit : « ;Ce qui vous paraissait gras, vous le preniez, et ce qui était chétif, vous le rejetiez. »
8. Et qu'il imite l'exemple de tendresse du bon pasteur, qui abandonnant ses quatre-vingt-dix-neuf brebis sur les montagnes, partit à la recherche d'une seule brebis qui s'était perdue ;
9. sa misère lui fit tellement pitié, qu'il daigna la mettre sur ses épaules sacrées et la rapporter ainsi au troupeau.
Après 4 chapitres de type disciplinaires sur l'excommunication, ce 5° chapitre nous donne la vraie perspective du problème. Ce chapitre « presqu'entièrement neuf» au regard de la RM laisse bien entrevoir l'esprit que Benoit veut promouvoir au sein de sa communauté. Loin d'exclure un frère, il s'agit de tout faire pour le réintégrer. Et l'abbé joue un rôle essentiel, soutenu par la prière et la charité de la communauté.
Puisque Benoit parle de « l'abbé comme médecin », quels sont les remèdes en son pouvoir pour
ramener un frère qui est excommunié pour fautes ? Je relève une série de mots qui vont tous dans le même sens, celui « d'une charité qui s'intensifie » : « sollicitude, prendre soin (2x), consoler (2x), s'empresser, ne pas perdre, tendresse, pitié, mettre sur ses épaules ... » Oui, ce genre de maladie ne peut être guéri que par la charité, une charité active, qui s'empresse. Une charité qui paie de sa personne. Le Christ reste l'icône à imiter pour l'abbé. Est-il seulement une icône, au sens d'un modèle qu'il suffirait de reproduire?
S'il s'agit de charité, de ce don inestimable autant qu'insaisissable, regarder le Christ, le contempler ne suffit pas. Il s'agit de le laisser vivre lui-même un peu plus en moi, en nous. C'est ainsi que je comprends ce chapitre. Car cette œuvre de salut d'un frère ne peut qu'être celle du Christ, celle de sa charité qui continue d'être active dans l'Eglise et nos communautés, par l'action de l'Esprit Saint. C'est Lui, Jésus, gui peut renouveler le jugement et changer les cœurs, le mien comme celui du frère qui peine. Lui seul connait la blessure secrète, en sa source et en sa souffrance, qui a pu rendre conduire ce frère à se mettre en marge, voire à s'entêter dans ce qui lui semblait être son bon droit. Jésus aide chacun de nous à sortir du«)'avais droit à», ou bien« c'est moi qui ai raison». Il nous apprend que nous sommes aimés par Lui et son Père, dans la douceur de !'Esprit, gratuitement. Il n'y a rien à produire, rien à payer pour être digne de l'amour divin. Et ce n'est pas si facile que cela à accepter vraiment. Jésus entraine l'abbé et la communauté dans son regard à Lui qui n'est jamais jugement, mais toujours accueil. Car le regard de Jésus espère toujours notre retour. Juger une personne, c'est l'enfermer dans son présent qui nous échappe le plus souvent, car manque à notre connaissance son passé et son terreau humain. Laisser Jésus conduire en nous et par nous son œuvre de charité, c'est nous laisser dérouter dans nos appréciations. Accepter de ne pas savoir. Jésus connait le secret de la nouveauté qui peut germer en chacun, telle une graine enfouie depuis des années et qui n'attend que le moment opportun pour sortir. L'espérance de Jésus peut devenir la nôtre.
1. Si un frère se permet, sans permission de l'abbé, d'entrer en rapport avec un frère excommunié de n'importe quelle façon, ou de lui parler ou de lui faire parvenir un message,
2. il subira une peine d'excommunication similaire.
Ce petit chapitre sur les excommuniés peut trouver quelques résonances avec notre situation présente de « guerre sanitaire » pour reprendre les mots du Président Macron. Si on remplace le mot « excommunié » par « confiné », on peut faire un certain nombre de parallèle. Dans les deux cas, des mesures sont prises pour tenter de guérir un mal qui touche une, voire plusieurs personnes, et qui n'est pas sans implication sur le groupe. Dans les deux cas, il s'agit de protéger le groupe et d'éviter une contamination qu'elle soit morale ou physique. Cependant la situation de confinement nationale que nous vivons aujourd'hui présente une différence notable. La lutte est menée avant tout contre un ennemi commun qui est invisible. Avec ces quelques nanomètres, il défie toutes nos vigilances et nos défenses, nous rendant tout d'un coup vulnérables, comme rarement nous l'avons éprouvé. Nous l'avions peut-être oublié depuis des décennies. Et si un frère est malade, certes des mesures de quarantaine seront prises plus strictement à son endroit, mais il ne sera pas pour autant exclu car l'ennemi ne sera jamais lui.
Comment vivre ce confinement? Comment en faire non un temps d'exclusion mais un temps favorable pour une autre manière de vivre la communion ? Pour cela, nous devons vivre avec sérieux les mesures de prudence édictées. Elles sont la première façon de marquer notre
solidarité. Le lavage des mains notamment avant le repas, et plus particulièrement pour les frères qui ont un service au réfectoiire, cuisine, pluches, infirmerie; une certaine distance ; le fait de mettre sa main devant la bouche
lorsqu'on tousse ou éternue... Solidarité oui mais non peur ou méfiance de l'autre, car encore une fois, !"ennemi, ce n'est pas lui. Si un frère semble ne pas être assez vigilant, on peut le lui dire fraternellement. Certains ont peut-être plus de temps disponible, en raison d'obligations qui tombent. Ne le perdons pas. Comme habituellement, il est à la disposition de la communauté. Veillons à ne pas nous noyer dans les informations qui peuvent à la longue créer une forme de psychose qui n'apporte rien. Mettons à profit notre distance monastique pour cultiver l'écoute profonde de la Parole en ces temps où le Seigneur nous appelle à être des veilleurs pour son peuple en désarroi. Cultivons la paix et la prière. Mettons à profit ce temps de carême pour lire notre livre de Carême. Ce temps d'épreuve nous requiert en profondeur.
Vivre la distance sans pour autant être isolés. N'oublions pas les frères plus vulnérables. N'oublions pas non plus peut-être certaines personnes dans le monde qui, dans cette situation d'isolement forcé, peuvent se retrouver très seules. Si nous en connaissons. un courrier, un mail, voire un téléphone peuvent être pour elle un vrai réconfort.
1. Quant au frère qui est coupable de faute grave, il sera exclu à la fois de la table et de l'oratoire.
2. Aucun frère n'entrera aucunement en rapport avec lui sous forme de compagnie ou d'entretien.
3. Qu'il soit seul au travail qu'on lui aura enjoint, persistant dans le deuil de la pénitence, sachant cette terrible sentence de l'Apôtre :
4. « Cet homme-là a été livré à la mort de la chair, pour que son esprit soit sauf au jour du Seigneur. »
5. Quant à la nourriture de son repas, il la prendra seul, dans la mesure et à l'heure que l'abbé aura jugées convenables pour lui.
6. Personne ne le bénira en passant, pas plus que la nourriture qu'on lui donne.
Lors du précédent chapitre.je soulignais l'importance de distinguer entre faute et péché.
La faute qui est une manifestation du péché n'en épuise pas toute la réalité. Mystérieuse réalité du péché dont la présence se dévoile au fur et à mesure que nous avançons en âge et dans le chemin de la foi. Car le péché ne se comprend vraiment qu'à la lumière de notre relation avec Dieu. Je cite le Catéchisme de l'Eglise Catholique : « Pour essayer de comprendre ce qu'est le péché, il faut d'abord reconnaitre le lien profond de l'homme avec Dieu, car en dehors de ce rapport, le mal du péché n'est pas démasqué dans sa véritable identité de refi1s et d'opposition à Dieu, tout en continuant à peser sur la vie del 'homme er sur l'histoire,, (CEC n° 386). Plus s'affine notre relation avec le Seigneur et avec les autres, plus nous mesurons la prégnance du péché dans notre vie. plus nous éprouvons la force de ses racines en nous. Les saints sont souvent les premiers témoins de cette prise de conscience. Dire cela n'est pas faire preuve de pessimisme envers la nature humaine, mais d'une certaine lucidité sur soi, lucidité qui ne sera jamais totale non plus. Nous restons en partie des aveugles. Cette lucidité vis-à-vis du péché augmente à la mesure que grandit notre connaissance et notre conscience de l'Amour de Dieu et des autres à notre égard. Devant « l'Amour plus grand que les cieux » de notre Dieu, nous mesurons la part de notre ingratitude. de nos fermetures. de nos révoltes peut-être à certains jours. Si « l'Amour du Seigneur est de toujours à toujours » (Ps 102), le nôtre se révèle souvent
« comme une brume du matin. une rosée d'aurore quis'en va» (Os 6,4) pour reprendre les
mots du prophète Osée que nous chantons les dimanches à Laudes. Souligner notre faiblesse, la reconnaitre et la confesser nous place en vérité devant notre Père, avec ce quelque chose qui est là en nous qui nous blesse et nous pèse. Mais la conscience de ce mal qui peut prendre bien des formes, des plus subtiles aux plus lourdes, peut se transfonner en amour de confiance quand elle nous retourne vers notre Père à la manière du fils prodigue : « Père, j'ai péché contre le ciel el contre toi». Lui, qui apparemment était dans son droit, a pris conscience du mal qu'il s'était fait à lui-même, avant peut-être de mesurer (cc que le texte ne dit pas) la blessure qu'il avait infligée à son père. La tendresse débordante, aucunement demandeuse de compte de son père, laisse pressentir cet amour immense qui ne pouvait qu'être blessé par l'ingratitude du fils. Dans l'étreinte du père et du fils est offert à nos yeux. le mystère de la grâce toujours offe1te qui lave notre péché.
1. C'est à la gravité de la faute que doit se mesurer la portée de l'excommunication ou du châtiment.
2. Cette gravité des fautes est remise au jugement de l'abbé.
3. Si toutefois un frère se trouve coupable de fautes légères, on le privera de la participation à la table.
4. Celui qu'on aura privé de la table commune sera au régime suivant ;: à l'oratoire, il n'imposera pas de psaume ou d'antienne ni ne récitera de leçon jusqu'à satisfaction.
5. Quant à la nourriture de son repas, il la prendra seul après le repas des frères :
6. si par exemple les frères ont leur repas à la sixième heure, ce frère aura le sien à none ; si les frères l'ont à none, il l'aura à vêpres,
7. jusqu'à ce que, par une satisfaction convenable, il obtienne son pardon.
St Benoit s'attache à mettre une graduation dans le processus d'excommunication, en distinguant celle qui serait liée à des fautes légères, ainsi dans notre chapitre, et celle qui serait liée à des fautes graves, dans le prochain chapitre. St Benoit ne précise pas la nature de ces fautes, la laissant au jugement de l'abbé pour en déterminer la gravité. Il est heureux que nous n'ayons pas ainsi une sorte de catalogue comme cela se fera plus tard.
Ici Benoit parle de faute (culpa). non de péché (peccatum). Est-il possible de les distinguer? Est-ce souhaitable? S'il n'est pas aisé de les distinguer dans la RB, je crois qu'il est toujours souhaitable de chercher à le faire. Le péché est une notion plus large que celle de la faute. Elle est une notion théologique. La faute appm1ient davantage à la catégorie de !'agir moral, alors que le péché, tout en touchant notre agir, le déborde largement. Dans la société, une faute est sanctionnée (comme infraction au code de la route, comme délits et crimes au regard du code pénal). Dans le l'Eglise, le péché est présenté à Dieu et aux frères pour être pardonné. Dans la société, le fautif est puni d'amendes ou de prison pour lui apprendre à ne pas recommencer et à ne plus nuire à autrui. Dans l'Eglise, le pécheur est invité à se convertir et à se tourner plus personnellement vers Dieu et vers ses frères. Cependant à l'heure des affaires d'abus, il est intéressant de constater qu'aujourd'hui, pour les cas graves, l'Eglise demande que certaines affaires soient d'abord jugées par la justice civile du lieu, avant qu'au sein de l'Eglise, une mesure concrète soit prise pour réordonner les relations qui ont été blessées ou déviées au sein de la communauté ecclésiale. Les affaires montrent q•1e, sous couvert de miséricorde, on ne peut ignorer le préjudice grave qui a été fait à des personnes, souvent plus vulnérables. Une faute doit être sanctionnée. Ensuite. par exemple, un prêtre fautif sera suspendu de ministère pour un temps ou pour toujours, voire relevé de l'état clérical. Les affaires d'aujourd'hui nous remettent devant les yeux combien face à certains comportements inadmissibles, la distinction entre faute et péché est nécessaire. La miséricorde pour le pécheur ne peut faire l'économie de la justice pour le fautif. Mais en dernier lieu, demeure la prévenance envers les malfaiteurs, les abuseurs ou autres personnes fautives autm1t que pour leurs victimes. Car si le fautif est puni par la loi, le pécheur reste encore à guérir. La sollicitude de l'Eglise pour tout homme rappelle qu'elle est porteuse d'une grâce qui ne lui appartient pas : la grâce de manifester la miséricorde de Dieu qui n'est jamais épuisée par aucun de nos crimes si terrible soit-il. En ce temps de Carême. nous ne cessons de chanter et de confesser que notre Dieu est accueillant les bras ouverts à tout prodigue qui se tourne vers lui.