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1. La lecture ne doit jamais manquer aux tables des frères. Il ne faut pas non plus que la lecture y soit faite au hasard par le premier qui aura pris un livre, mais un lecteur pour toute la semaine entrera en fonction le dimanche.
2. En entrant, après la messe et la communion, il demandera que tous prient pour lui, afin que Dieu éloigne de lui l'esprit d'orgueil.
3. Et tous, à l'oratoire, diront par trois fois ce verset, qui sera toutefois entonné par lui : « Seigneur, tu m'ouvriras les lèvres, et ma bouche annoncera ta louange. »
4. Et alors, ayant reçu la bénédiction, il entrera en fonction pour la lecture.
5. Et il se fera un silence complet, en sorte que, dans la pièce, on n'entende personne chuchoter ou élever la voix, sinon le seul lecteur.
Quand St Benoit aborde le repas, il commence par la mention de la lecture : « la lecture ne doit jamais manquer à la table desf,-ères ». Seulement ensuite, viendront les deux chapitres sur la quantité de nourriture et de boisson. Petit ou gros détail qui en dit long sur nos repas pensés avant tout comme des lieux de réfection de l'esprit, de l'âme avant la réfection du corps. Cela est bien signifié par le caractère liturgique de l'entrée en service du lecteur, célébrée à l'oratoire. Il invoque alors Dieu en reprenant les mêmes paroles qu'à l'ouverture des vigiles:
« Seigneur, tu m'ouvriras les lèvres, el ma bouche publiera ta louange». Comme dans la liturgie, la Parole de Dieu reste au centre de notre recherche, même au réfectoire. Même lorsque nous lisons des livres très profanes, comme la guerre entre Vercingétorix et César, ou encore l'histoire secrète des arbres. Dans tous les cas, il s'agit d'apprendre à écouter Dieu, à continuer à apprendre sa manière à Lui, mystérieuse et profonde, de conduire son dessein de salut.[br
Je voudrais me contenter ici de citer longuement le P. Denis dans le commentaire qu'il
fait de ce chapitre en 1964. Car il dit cela de manière profonde. « On pourrait résumer ce chapitre en disant: pour le chrétien. pour le moine, il n y a pas de lecture profane. Ou plutôt, ce qui en soi est profane cesse de l'être du fait qu'il est lu ou écoulé avec une mentalité chrétienne. Il n y a qu'une histoire. l'histoire de l'Amour créateur et rédempteur à l 'œuvre dans le monde. Cela nous l'apprenons par la Parole de Dieu, la Bible. L'histoire d'Israël, c'est le
résumé. le condensé de l 'histoire cosmique et de ma propre histoire. Tout le reste, la grande comme la petite histoire, en est l'illustration qu'il nous faut, nous, remettre dans le contexte, dans la pensée de Dieu. Il y a une manière chrétienne de lire ou d'entendre l 'information la plus banale. C'est une parcelle de 1'histoire de Dieu parmi les hommes. En l'écoutant, nous ne sommes pas des auditeurs passifs, nous y entrons. nous en devenons acteurs. Acteur comme le Christ lui-même est l'acteur de l 'histoire. Acteurs par la prière, l'offrande de nous-mêmes. Il n'est rien qui n'intéresse le chrétien, car tout est signe et passage de Dieu. Mais pour être autre chose que des curieux ou des dilettanles, nous avons besoin de la grâce d Dieu. Pour écouter avec les oreilles du Christ. pour aimer avec son cœur : il nous.faut invoquer « Seigneur ouvre mes lèvres ... ». On pourrait ajouter : « Seigneur, ouvre les oreilles de mon cœur ».
1. Bien que la nature humaine incline par elle-même à l'indulgence pour ces âges, celui des vieillards et celui des enfants, l'autorité de la règle doit cependant y pourvoir.
2. On aura toujours égard à leur faiblesse et on ne les astreindra nullement aux rigueurs de la règle en matière d'aliments,
3. mais on aura pour eux de tendres égards et ils devanceront les heures réglementaires.
Avec délicatesse, Benoit prévoit que la Règle ait des égards pour les vieillards et les enfants... Il souhaite même que son autorité pèse de tout son poids pour qu'ils ne soient pas soumis aux même rigueurs, forte à l'époque en matière de jeûne notamment.
Que dans une communauté comme la nôtre, il y ait des jeunes et des anciens est pour les uns et les autres, une chance et une épreuve, et finalement une opportunité pour progresser chacun à l'âge où il en est.
Une chance. Pour les plus anciens, la présence des jeunes apporte joie et soutien dans la vie la plus quotidienne. Un service rendu, un sourire, une blague peuvent donner un vrai rayon de soleil à une journée monotone, souvent vécue dans l'espace réduit de la cellule. Pour les plus jeunes, les anciens sont comme les premiers de cordée qui ouvrent l'ascension vers le sommet. Ils sont témoins que la course ne se gagne que dans la persévérance. La joie simple, la charité qui ne se paie pas de mots, la rugosité qui peut masquer une vraie sensibilité s'offrent à voir comme les fruits d'un combat quotidien avec soi-même et avec Dieu.
Une épreuve. Pour les anciens, les plus jeunes par leur rapidité, leurs raccourcis sans nuance peuvent faire peur ou sembler loin de la réalité, celle-là qu'ils ont apprise au gré d'une longue expérience. Le sentiment de ne plus être pris en compte, voire d'être dépassé peut générer amertume ou dépit sur soi. La tentation serait alors le « à quoi bon rester dans la course
? » ou encore le repli sur soi. Pour les jeunes, l'épreuve est de ne pouvoir avancer ou de voir les
choses bouger comme ils le souhaiteraient. Le sentiment de ne pas voir ses aspirations être écoutées, parce que toujours rabotées par l'expérience de ceux qui précèdent et dont l'ombre peut paraitre si présente. La tentation de l'abandon de la course, ou de l'impatience peut guetter.
Alors entre jeunes et vieux, quelles opportunités saisir pour progresser ensemble ? Car si Dieu nous a réunis ici, c'est certainement parce qu'il y a pour tous un profit à retirer. A travers leur démarche plus hésitante, peineuse parfois mais aussi à travers leur parole plus pondérée les anciens disent aux plus jeunes, le beau poids de la vie, sans taire la mystérieuse part de souffrance de toute existence humaine. Ils font pressentir que la vie devient de plus en plus belle à la mesure des limites acceptées et des faiblesses assumées. Ne gagne pas le plus fort, mais le plus aimant. Les plus jeunes, à travers leur élan humain et spirituel, rappellent aux anciens que leur désir n'a pas d'âge, que celui-ci demeure vivant quand ils continuent de se donner dans la prière et dans la présence aux autres, alors qu'apparemment ils peuvent faire de moins en moins de choses. Le zèle des plus jeunes vient soutenir celui des plus anciens à brûler jusqu'au bout.
1. Il faut prendre soin des malades avant tout et par-dessus tout, en les servant vraiment comme le Christ,
2. puisqu'il a dit : « J'ai été malade, et vous m'avez rendu visite »,
3. et : « Ce que vous avez fait à l'un de ces plus petits, c'est à moi que vous l'avez fait. »
4. Mais les malades, de leur côté, considéreront que c'est en l'honneur de Dieu qu'on les sert, et ils ne peineront pas, par leurs vaines exigences, leurs frères qui les servent.
5. Il faut pourtant les supporter avec patience, car des hommes de cette espèce font gagner une plus grande récompense.
6. L'abbé veillera donc avec le plus grand soin à ce qu'ils ne souffrent d'aucune négligence.
La citation reprise de la parabole du jugement dernier en Mt 25 : « J'ai été malade, et vous m'avez visité » et « ce que vous avez fait à l'un de ces plus petits, c'est à moi que vous l'avez (ait» est plus qu'une norme morale, elle joue le rôle de fond d'écran, comme sur un ordinateur, ou bien le rôle d'un décor sur une scène de théâtre... Benoit ne veut pas tant nous donner de bonnes raisons, les plus théologiques qui soient, pour agir au service de nos frères. Mais il nous fait entrer dans sa grande vision de la réalité présente. Celle-ci trouve toute sa profondeur à la lumière de ce qui vient lorsque le Christ se manifestera et qu'il ressaisira tout dans son Royaume, Entre le temps présent et le temps à venir, il n'y a pas de coupure, mais une profonde continuité. Il s'agit du même Royaume qui est en train de s'élaborer, de prendre consistance.
En nous invitant à reconnaitre le Christ dans chaque frère malade ou affaibli, dans chaque personne blessée en ses facultés mentales ou physiques, Benoit nous entraine à regarder ce monde comme le lieu de l'avènement du Royaume. Les personnes qui souffrent et dont les souffrances nous éprouvent ne sont pas une réalité dont il faudrait au plus vite résoudre la situation pour passer à autre chose ensuite. Non, comme les pauvres, les malades, nous les auront toujours avec nous, les souffrants seront toujours à nos côtés et des mourants nous précèderont toujours dans notre propre mort. Le regard évangélique dans lequel nous entraine Benoit est d'accepter humblement de faire route avec nos frères souffrants, parce qu'avec eux le Royaume advient. Il prend consistance dans leur souffrance accompagnée et soulagée, dans un sourire échangé, dans une attente qui sait patienter... Sur leur visage défiguré, ou bien absent, notre charité active et présente fait apparaitre le visage du Christ. En communauté, c'est une chance de pouvoir accueillir, et si possible garder dans la mesure de nos forces, nos frères anciens et malades. Ils nous sortent de l'illusion d'un monde sans souffrance, du rêve de l'homme augmenté toujours en capacité de dépasser ses limites. Ils nous obligent à aller plus loin dans le don de nous-mêmes en étant avec eux et pour eux présents. Dans le« prendre soin » de leurs souffrances avec patience, nous prenons part à leur côté à ce mystérieux travail d'enfantement du Royaume dont ils sont les principaux acteurs, à travers l'humble offrande d'eux-mêmes. Nous les aidons à vivre ce passage étroit à travers la limite et un jour à travers la mort. Et ils nous aident èn nous permettant de déployer l'amour et la patience dont nous portons les germes, semés par !'Esprit. Le Royaume s'édifie les uns par les autres, les uns à travers les autres.
7. Celui qui va sortir de semaine fera les nettoyages le samedi.
8. Ils laveront les linges avec lesquels les frères s'essuient les mains et les pieds.
9. Ils laveront aussi les pieds de tous, non seulement celui qui sort, mais aussi celui qui va entrer.
10. Il rendra au cellérier, propres et en bon état, les ustensiles de son service.
11. Le cellérier, à son tour, les remettra à celui qui entre, de façon à savoir ce qu'il donne et ce qu'il reçoit.
12. Quand il n'y a qu'un repas, les semainiers recevront auparavant, en plus de la ration normale, un coup à boire et un pain chacun,
13. pour que, au moment du repas, ils servent leurs frères sans murmure et sans trop de fatigue.
14. Mais aux jours sans jeûne, ils attendront jusqu'aux grâces.
15. Le dimanche, aussitôt après la fin des matines, les hebdomadiers entrant et sortant se courberont à tous les genoux à l'oratoire, en demandant que l'on prie pour eux.
16. Celui qui sort de semaine dira ce verset : « Tu es béni, Seigneur Dieu, qui m'as aidé et consolé. »
17. L'ayant dit trois fois, celui qui sort recevra la bénédiction. Puis celui qui entre continuera en disant : « Dieu, viens à mon aide ; Seigneur, hâte-toi de m'aider. »
18. Tous répéteront les mêmes mots par trois fois, et ayant reçu la bénédiction, il entrera.
Les détails ne manquent dans ce chapitre. Ils laissent entendre que pour St Benoit tout est important. dans la gestion des services notamment : lavages des instruments, des linges ainsi que lavement des pieds des frères. Cette organisation porte en elle-même plus gu' elle-même, elle veut faire entrer dans une dynamique profonde de service à la manière du Christ (lavement des pieds). Là où notre mentalité moderne a tendance vouloir tout faire vite, surtout les tâches jugées de moindre importance, soi-disant pour se consacrer à de plus importantes, l'accent est mis ici sur la qualité de chaque geste. Les frères sont ainsi invités à être tout entier dans le service jusqu'au bout et à le transmettre aux autres dans un même esprit, celui du Christ serviteur. De plus, Benoit est soucieux de permettre à chacun d'assumer son service en toute paix et égalité d'âme. Hier, il recommandait qu'on donne des aides aux frères plus faibles afin qu'ils ne travaillent pas« avec tristesse». Ce matin, il permet, qu'aux jours de jeûne où le seul repas se situe vers 16h00, les frères de cuisine prennent « un coup à boire et un pain » afin qu'ils« servenl leursfrères sans murmure et sans trop de {a/igue.» Il arrive aujourd'hui que des frères demandent à prendre quelque chose entre les repas, ce que l'on ne fait pas habituellement, pour tenir bon dans leur activité.
Ces dernières mentions de la tristesse, du murmure ou de la fatigue possible dans le service rejoignent notre expérience commune. Quand nous vivons un service, surtout si on a l'impression d'être seul, ou bien que les autres. sensés aider, semblent déserter, le murmure ou la tristesse s'invitent facilement dans notre cœur. Servir de façon cachée peut être une épreuve qui vient révéler notre fragilité, ce qui habite notre cœur. notre difficulté à être seul, notre besoin de mesurer ce que nous donnons etc... Dans cette lumière s'éclaire bien le petit rituel que propose Benoit pour la désignation hebdomadaire des services, que nous vivons chaque samedi matin. Les frères qui sortent de service remercient Dieu qui « a aidé et consolé », tandis que les frères qui entrent implorent en disant comme au début de l'office : « Dieu viens à mon aide ; Seigneur hâte-/o idem 'aider». Seule la prière peut donner le vrai sens et la paix à nos services souvent cachés, répétitifs, peu valorisants selon un regard mondain. A travers ce rituel, les replacer dans la prière, est une invitation à transformer en prière, nos moments de murmure, de fatigue ou de tristesse qui pourront survenir au cours de nos services. Plutôt que de récriminer contre un frère ou contre le responsable, se tourner vers le Seigneur Jésus gui est avec nous, Lui qui n'a pas craint de revêtir le tablier de service. Lui demander la force. la patience. l'amour de cette tâche... Lui demander la grâce de l'humilité et de la paix.
1. Les frères se serviront mutuellement et personne ne sera dispensé du service de la cuisine, sauf maladie ou si l'on est occupé à une chose d'intérêt majeur,
2. parce que cela procure une plus grande récompense et charité.
3. Aux faibles, on accordera des aides, pour qu'ils ne le fassent pas avec tristesse,
4. mais ils auront tous des aides suivant l'importance de la communauté et l'état des lieux.
5. Si la communauté est nombreuse, le cellérier sera dispensé de la cuisine, ainsi que ceux qui, comme nous l'avons dit, sont occupés à des tâches d'intérêt supérieur.
6. Les autres se serviront mutuellement dans la charité.
« Les frères se serviront mutuellement ....les autres se serviront mutuellement dans la charité». Je repense aux propos de Daniel Marguerat entendu au repas. Face à la crise sanitaire actuelle, il affirmait : « le risque absolu. en ce temps de sauve-qui-peut général, est le repli individualiste ...L'Evangile nous dit que c'est ensemble que nous serons sauvés. Hier, les jeunes défilaient dans les rues en demandant aux ainés: aidez-nous à sauver la planète. Aujourd'hui les ainés demandent aux jeunes: aidez-nous à rester en vie. Nous serons sauvés ensemble. Les Eglises pourraient être ces lieux où l'on cultive l'entraide, où l'on tisse des liens entre les gens et les générations. Plus que jamais, il apparait que sur cette Terre, nous sommes confiés les uns aux autres» (in la Croix du 1 I .04.2020)... Nous sommes confiés les uns aux autres. Cette intuition très juste trouve aujourd'hui une pertinence aigüe. Si l'un faillit par négligence ou désinvolture dans le respect des règles sanitaires, il peut facilement entrainer les autres dans sa chute, dans la maladie. La crise environnementale nous dit la même chose. De plus en plus apparait fortement notre interdépendance en tout lieu de la planète. Nous sommes confiés les uns aux autres. J'ai besoin des autres, sans eux je ne peux rien faire. Et les autres me sont confiés. Une part de leur vie m'est donnée en responsabilité. La prise de conscience, à laquelle
D. Marguerat appelle les Eglises, nous avons déjà la chance d'y être convoqués par Benoit. Comme en ce chapitre sur la cuisine, assurée à tour de rôle dans le service mutuel. Certes ici à la PqV, nous venons d'en confier la charge à un employé, Wadi. Mais j'entends le mouvement inverse en train de se produire à Tournav. Au moment du départ en retraite de leur cuisinier, m'écrivait P. Joël: « nous avons décidé de reprendre nous-mêmes le service, ce que nous faisons depuis mi-mars et qui s'avère possible avec quatre équipes motivées.» Aussi rien n'est inéversible dans nos vies communautaires. J'entends que la cuisine reste un lieu hautement symbolique de notre vivre ensemble, de notre être ensemble où nous sommes confiés les uns aux autres. La présence des frères François d'Assise, Mathias, de f. Barnabé et Jean Marie une matinée à la cuisine, des frères Placide, Rémi, Bruno-Marie, Paul et Toussaint aux pluches, de
f. Jean Noël aux fromages, de f. Guy et Olivier au réfectoire manifestent cette entraide mutuelle. Il faut être attentif à tous nos lieux d'entraide mutuelle, ou simplement de présence communautaire les uns aux autres. Etre à l'heure au début des repas et de l'office, c'est vivre cette mutuelle responsabilité de notre vie commune. Les autres ont besoin de ma ponctualité comme moi je prends appui sur la leur. De même peut s'inscrire dans cette visée l'appel lancé par f. Piene pour donner un coup de main au jardin, dans une entraide mutuelle.
1. Comme il est écrit : « On distribuait à chacun selon ses besoins. ;»
2. Ici nous ne disons pas que l'on fasse acception des personnes, – ;à Dieu ne plaise ! – mais que l'on ait égard aux infirmités.
3. Ici, que celui qui a moins de besoins, rende grâce à Dieu et ne s'attriste pas ;
4. quant à celui qui a plus de besoins, qu'il s'humilie de son infirmité et ne s'enorgueillisse pas de la miséricorde qu'on a pour lui,
5. et ainsi tous les membres seront en paix.
6. Avant tout, que le fléau du murmure ne se manifeste sous aucun prétexte par aucune parole ou signe quelconque.
7. Si l'on y est pris, on subira une sanction très sévère.
Ce chapitre 34 forme avec les deux précédents, une sorte de tryptigue qui permet d'aborder les différentes facettes du rapport aux biens dans une communauté monastique. RB 32 donne la conviction de base : les biens sont la propriété du monastère et tous doivent en prendre soin. RB 33 accentue l'aspect communautaire: dans notre vie commune, tout est commun à tous, aussi « par-dessus /oui, il faut retrancher le vice de la propriété ». Et aujourd'hui RB 34 met en avant la dimension personnelle : sans faire « acception de personnes», il est important de faire droit à des besoins différents des personnes, eu égard aux infirmités. Bel équilibre d'une vision où s'entrelacent désir de bâtir une vie vraiment commune et attention aux personnes toujours uniques. Car comme le suggère le titre, « si tous doivent recevoir également le nécessaire», le nécessaire, l'indispensable n'est jamais complètement similaire pour les uns et les autres. Selon que l'on soit jeune ou ancien, en bonne santé ou non, en situation de travail plus accablant ou non... l'égalité ne réduit pas par l'octroi de rations similaires.
Comment tout faire pour consolider la vie commune en évitant les originalités revendiquées ? Comment tout faire pour permettre aux besoins légitimes d'être honorés? Nous savons combien notre vie communautaire est une force et un soutien. Le régime commun qu'elle propose, s'il vient raboter nos prétentions individuelles à avoir ceci ou à faire cela, se révèle comme une force motrice heureuse et efficace pour nous tirer hors de notre médiocrité. Que serions-nous sans le soutien de la cloche et des frères pour vivre la prière aux heures régulières, ou pour vivre un certain jeûne, etc... pour ne pas nous embourgeoiser? Un frère me disait une fois combien étant seul durant plusieurs jours, il mesurait ce manque fraternel pour demeurer fidèle à la prière. Et en même temps, il est heureux que notre vie commune ne soit pas un rouleau compresseur pour permettre d'honorer de légitimes besoins reconnus et discernés. L'échange de parole avec l'abbé permet au frère d'assumer simplement son besoin et à la communauté de ne pas s'estimer affaiblie dans son élan unanime. Si l'élan unanime dans une pratique commune est une force à sans cesse valoriser, il reste que le vrai ciment d'une communauté réside dans la charité entre ses membres. Pouvoir regarder avec charité un frère à qui sont accordées des facilités, sans jalousie ni mépris, n'est-ce pas peu à peu apprendre le regard de Dieu sur les êtres, tous différents et aimés de lui ? Pouvoir demeurer libre intérieurement par la prière d'action de grâce, si l'on a moins de besoin, et par l'humilité qui ne revendique rien, lorsqu'on en a davantage, nous permettra de vivre dans la paix. Dans les deux, cas, nous décentrer de nous-même pour nous recevoir et de Dieu notre Père et des autres.
1. Par dessus tout, il faut retrancher du monastère ce vice jusqu'à la racine :
2. que personne ne se permette de rien donner ou recevoir sans permission de l'abbé,
3. ni d'avoir rien en propre, absolument aucun objet, ni livre, ni tablette, ni stylet, mais absolument rien,
4. puisqu'on n'a même pas le droit d'avoir son corps et sa volonté à sa propre disposition.
5. Tout ce dont on a besoin, on le demande au père du monastère, et personne n'a le droit de rien avoir que l'abbé ne lui ait donné ou permis.
6. Que « tout soit commun à tous », comme il est écrit, en sorte que « ;personne ne dise sien quoi que ce soit », ni ne le considère comme tel.
7. Si quelqu'un est pris à se complaire dans ce vice extrêmement pernicieux, on l'avertira une et deux fois ;
Si hier, nous voyions que les biens du monastère sont à tous et à chacun, c'est-à-dire au monastère, aujourd'hui St Benoit enfonce le clou avec fermeté : il faut retrancher iusqu 'à la racine le vice de la propriété. Vivre le rapport aux biens qui nous sont confiés avec détachement et liberté. St Benoit s'appuie ici sur Cassien qui dit ceci : «Delà vient que plusieurs, qui avaient méprisé des fortunes considérables, sommes énormes d'or et d'argent et domaines magnifiques, se sont laissé, par après, émouvoir pour un grattoir, pour un poinçon, pour une aiguille, pour un roseau à écrire. S'ils eussent constamment regardé à la pureté du cœur, jamais ils ne seraient tombés pour des bagatelles, après avoir préféré se dépouiller de biens considérables et précieux ...il s'en trouve qui sont si jaloux d'un manuscrit qu'ils ne sauraient souffrir qu'un autre y jette seulement les yeux ou y porte la main ; et cette rencontre qui les invitait à gagner en récompense douceur et charité, leur devient une occasion d'impatience et de mort. Après avoir distribué toutes leurs richesses pour 1'amour du Christ, ils retiennent leur ancienne passion et la me/lent à des fi1tilités, prompts à la colère pour les défendre. » (Conf. I, 6,1). Le même Cassien relate encore ce qu'il a vu dans les monastères d'Egypte: « Dans d'autres monastères aussi, nous voyons celte règle actuellement observée avec une si grande rigidité que personne n ·ose dire -pas même en parole- que quelque chose est sien, et c'est un grave motif de reproche que de la bouche d'un moine sorte l'expression « mon codex» (mon livre), « mes tablettes » (mon cahier ), « mon crayon », « ma tunique », « mes sandales », et il faut accomplir une pénitence proportionnée si à l'occasion, par inadvertance ou ignorance, une telle parole a échappé» (ibid). li est bon je crois, de réentendre ces lignes qui plongent dans la tradition monastique qui nous porte et qui témoigne de la prise au sérieux par les anciens de l'appel à la pauvreté volontaire pour suivre le Christ. Il est intéressant de remarquer que notre désir de nous rassurer par quelques objets va se cristalliser sur des objets finalement sans grande importance : un ordinateur, des vêtements, des chaussures....des objets reçus... Veillons dans notre cœur à la liberté intérieure, et ne perdons pas une occasion de nous alléger, de faire du tri dans nos affaires, de jeter. Car il y a toujours le risque que les objets que l'on croit posséder, nous possèdent eux-mêmes davantage, pour reprendre une expression connue. Nous pouvons nous souvenir d'anciens comme f. Denis ou f. Jacques qui portaient cette belle vigilance de liberté concrète.
1. Pour l'avoir du monastère en outils, vêtements et biens de toute sorte, l'abbé choisira des frères, de vie et mœurs dont il soit sûr,
2. et il leur remettra ces différents objets, comme il le jugera bon, pour qu'ils les conservent et les recueillent.
3. De ces objets, l'abbé gardera l'inventaire. Ainsi, quand les frères se succèdent à tour de rôle dans l'emploi, il saura ce qu'il donne et ce qu'il reçoit.
4. Si quelqu'un traite les biens du monastère sans propreté ou sans soin, on le réprimandera.
5. S'il ne s'amende pas, il subira les sanctions de règle.
Un petit chapitre comme celui-ci, sans prétention, nous rappelle une chose simple : les outils. vêtements et biens de toute sorte sont au monastère. Ils sont sa propriété, c'est-à-dire i! tous et à chacun. De manière différente, la RM a cette formule un peu solennelle : « voici la maxime de la règle: le temporel du monastère (c'est-à-dire « tout objet apporté, trouvé ou fabriqué ou acquis par lui») est à tous et à personne». Je préfère dire que tous les objets du
monastère sont « à tous et à chacun ». Car dire « à personne » peut nous faire tomber dans une mentalité collectiviste qui conduit à se désintéresser des choses si je n'y trouve pas mon intérêt immédiat. .. comme on a pu le voir dans les pays communistes où des tracteurs trainaient à l'abandon dans les champs, faute de réparation. Il nous faut entrer dans une conscience responsable du bien communautaire, qu'il nous soit en partie confié ou qu'il soit confié à d'autres. Cette conscience peut être une bonne manière de nous enraciner en ce lieu, en cette maison dont nous avons plaisir à prendre soin. Le soin porté aux objets me fait approfondir combien mon intérêt personnel est inséparable de l’intérêt communautaire. Ma vie a partie liée avec celle de la communauté. Plus les objets et la pat1ie de la maison dont j'ai la charge sont propres et beaux. utilisables et entretenus, plus tous auront de la joie à les utiliser, et vice versa pour ceux confiés à d'autres et j'utilise. Dans ce lien entre les deux aspects de responsabilité personnelle et communautaire vis-à-vis des objets et biens divers, il y a un équilibre sur lequel nous devons toujours être vigilants. A la fois il est important de respecter la responsabilité d'un frère sur un secteur qui lui est confié, avec la garde des objets afférant, et à la fois demeure la responsabilité de tous sur l'ensemble de la vie de la maison et de son bien. Cet équilibre interdit autant l'immiscion indiscrète que l'indifférence négligente. Il veut au contraire permettre à chacun de pouvoir poser une question à un frère responsable d'un domaine. Ou encore lorsqu'on voit quelque chose gui n'est pas propre ou mal rangé de pouvoir le nettoyer ou le ranger même si ce n'est pas notre service immédiat. Sije vois dans un couloir de grosses tâches ou de la terre.je n'attends pas d'en référer au frère responsable du ménage, mais je les nettoie sans tarder. .. etc... Ce genre d'attitude est proprement fraternel. Elle manifeste combien nous
habitons une maison de frères, dont tous ensemble nous sommes responsable de la bonne
marche. r en profite ici pour remercier les uns et les autres gui assurent le nettoyage de secteurs de la maison, douches toilettes, couloirs. Merci pour leur vigilance et leur régularité. Là encore.
si tel secteur est oublié ou négligé, qu'on n'hésite pas à en parler, au f. Pacôme qui a un regard sur l'ensemble.
13. Qu'il ait avant tout l'humilité, et quand il n'y a rien à donner à quelqu'un, qu'il lui offre en réponse une parole aimable,
14. comme il est écrit : « Une parole aimable surpasse le don le plus précieux. »
15. Tout ce que l'abbé lui enjoindra, il en aura la responsabilité ; ce qu'il lui interdira, il ne se le permettra pas.
16. Il fournira aux frères la ration prescrite sans arrogance ni délai, de peur qu'ils ne s'irritent, en se souvenant de ce que mérite, selon la parole divine, « celui qui irritera un des petits. »
17. Si la communauté est nombreuse, on lui donnera des auxiliaires, pour que lui aussi, grâce à leur aide, il remplisse la charge qui lui est confiée sans perdre la paix de l'âme.
18. On donnera ce qui est à donner et on demandera ce qui est à demander au moment voulu,
19. afin que personne ne soit troublé ou peiné dans la maison de Dieu.
Dans le monastère de St Benoit, le cellérier est plus qu'un « distributeur de biens divins » pour reprendre les mots de RM 16, 11. Il est un facteur de paix, essentiel à la vie de la communauté. Par sa manière d'être et d'agir, il fait en sorte que « personne ne soit troublé ou peiné dans la maison de Dieu,,. S'il a un réel pouvoir en vertu de la garde de tous les biens du monastère qui lui sont confiés, son rôle de père de la communauté s'exprimera dans la manière avec laquelle il remplit sa charge. Humilité, parole aimable, sans arrogance, ni délai, au moment voulu ... St Benoit est conscient qu'il demande beaucoup à un seul homme puisqu'il propose qu'il soit aidé afin qu'il ne perde pas « la paix de l'âme ». Ce matin, je redis ma confiance au f. Benoit et notre gratitude pour le don de lui-même à notre service.
De ces lignes, je retiens comme pleine d'enseignement l'attention de Benoit sur la manière de nous rapporter les uns aux autres. Car ce qui vaut du cellérier vaut pour tous aussi. Dans une situation où je suis en position de pouvoir, que ce soit pour donner quelque chose qui m'est confié, pour rendre un service ou pour dépanner, comment est-ce que j'accueille une demande 9 Si cette demande dépasse mes forces, vais-je être capable de donner une bonne parole ou vais-je m'énerver en renvoyant le frère, au risque de le culpabiliser et de le laisser meurtri. Par deux fois, dans une semblable situation, Benoit parle d'humilité. Ne veut-il pas m'entrainer à une sorte de travail intérieur sur la vision que j'ai de ma charge? Ai-je que je me pense tout puissant, voulant absolument tout maitriser et étant vexé quand ce n'est pas le cas ? li faut m'exercer pour ne pas m'identifier avec ce que je fais, afin de ne pas vivre comme une atteinte à ma personne les difficultés de faire face, les impossibilités parfois aussi... Sans me culpabiliser. Je reste un serviteur de quelque chose qui est à la communauté et pour la communauté. Et en même temps, il est toujours bon de vérifier. si je ne m'approprie pas le pouvoir que j'exerce. Faire attendre un frère qui me demande quelque chose peut être une manière déguisée de lui faire sentir mon pouvoir et que son sort dépend de moi. « Il peut bien attendre!" Illusoires sentiments d'être quelqu'un parce qu'on oblige les autres à adopter son propre tempo. St Benoit met encore en garde contre le mépris ou l'arrogance dans une réponse ou une fin de non-recevoir. Là, je regarde le frère de haut, je le tiens à distance pour mieux lui faire sentir que je suis quelqu'un d'important... Enfantillages stériles. Misérables que nous sommes lorsque nous utilisons nos charges pour préserver notre égo idéal. Alors que celles-ci sont destinées à nous construire en profondeur dans la mesure où nous nous donnons avec générosité et simplicité.
1. On choisira pour cellérier du monastère un membre de la communauté qui ait sagesse, maturité de caractère, sobriété ; qui ne soit pas grand mangeur, hautain, turbulent, injuste, lent, prodigue,
2. mais qui ait la crainte de Dieu. Il sera comme un père pour toute la communauté.
3. Il prendra soin de tout,
4. il ne fera rien sans l'ordre de l'abbé ;
5. il observera les ordres reçus,
6. il ne fera pas de peine aux frères.
7. Si un frère lui présente une requête déraisonnable, il ne le peinera pas en le repoussant avec mépris, mais avec humilité il opposera à cette mauvaise demande un refus raisonnable.
8. Il veillera sur son âme, en se souvenant toujours de cette parole de l'Apôtre : « Qui fait bien son service, se procure une belle place. »
9. Il prendra soin des malades, des enfants, des hôtes et des pauvres avec toute sa sollicitude, sachant sans aucun doute qu'il devra rendre compte pour toutes ces personnes au jour du jugement.
10. Il considérera tous les vases du monastère et tout son avoir comme les vases sacrés de l'autel ;
11. il ne tiendra rien pour négligeable.
12. Il ne cédera pas à l'avarice ni ne sera prodigue ou dissipateur de l'avoir du monastère, mais il fera tout avec mesure et selon les ordres de l'abbé.
« Il fera tout avec mesure et selon les ordres de l'abbé.» Le cellérier n'est-il pas par excellence l'homme de la mesure? Mesure au sens où beaucoup des choses qu'il doit traiter sont mesurées, comptées, afin d'être évaluées au plus juste. Mesure aussi au sens d'équilibre et de justesse dans la gestion des choses et des personnes. Si en son premier sens, la mesure a quelque chose de rationnel et de mathématique, ce qui est bien nécessaire, dans le second sens, elle n'est jamais donnée à l'avance. Elle doit être sans cesse discernée. A côté de cette part de responsabilité propre, le cellérier est invité à demeurer en lien étroit avec l'abbé pour les décisions à prendre. St Benoit le répète deux fois comme pour mieux souligner l'union profonde dans la vie monastique entre les orientation spirituelles données par l'abbé et les dispositions pratiques dans la vie quotidienne dont le cellérier est chargé. Deux personnes, deux types de tâches, mais en fait une profonde union entre les deux activités dans notre vie qui cherche à tout unifier. La mesure en tant que quantité exacte et en tant que juste équilibre s'avère nécessaire pour tous les aspects de notre vie.
Elle participe de la justice comme de la sagesse. Justice pour que chacun ne se sente pas lésé. Justice dans le respect des attributions, des devoirs et des droits. Chacun, nous désirons cette justice viscéralement pour nous-même d'abord, et de plus en plus vertueusement pour tous. Et en même temps, nous le savons si la justice ne se réduisait qu'à la justesse des comptes et des calculs, elle deviendrait invivable. Au XX0 s, les idéologies communistes s'y sont essayées en vain, jusqu'à transformer des pays entier en vaste prison. Dans la vie monastique, la sagesse vient élargir le champ de vision de la justice, en faisant place au discernement des situations et des cas particuliers. Les personnes ne se réduisent pas à des quantités comptables. Elles appellent toujours une appréciation de leur histoire, de leurs possibilités, de leurs désirs, de leurs faiblesses aussi. Le P. Abbé, comme le cellérier, mais finalement chaque frère, ne cessent de mettre en œuvre la justice et la sagesse lorsqu'ils jugent d'une situation, en vue d'une prise de décision. JI est important pour chacun de nous de cultiver ce double regard fait de justice et de sagesse sur les situations et sur les personnes. Je suis frappé de voir chez les plus anciens combien cet alliage peut avoir de profondeur et de vérité, et combien il est générateur de paix. L'expérience leur a appris qu'il faut se méfier des jugements péremptoires, des raccourcis rationnels trop évidents qui risquent de casser les personnes. Les êtres et la vie restent un mystère devant lequel il faut nous tenir avec respect, avec empathie. Ils ont toujours quelque chose à nous dévoiler de notre propre mystère.