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1. Un frère qui est envoyé pour une commission quelconque et dont on attend le retour au monastère ce jour-là, ne se permettra pas de manger au dehors, même s'il y est invité tout à fait instamment par quiconque,
2. sauf si son abbé lui en a donné l'ordre.
3. S'il fait autrement, il sera excommunié.
Entre le chapitre entendu hier sur les frères qui partent au loin, et celui sur ceux qui ne partent pas très loin, je relève une différence de ton. Paradoxalement, une plus grande gravité ressort du chapitre concernant les frères qui ne partent pas très loin. La mention de l'excommunication lui donne d'emblée une note de sévérité. Tout se passe comme si Benoit était davantage vigilant à la manière de vivre les relations avec les personnes de l'entourage immédiat, qu'avec celles rencontrées dans des périmètres plus éloignés. Lorsque l'on sort à proximité du monastère, on n'acceptera que rarement de prendre quelque chose chez des voisins, et seulement.avec la permission de l'abbé. En fait cette attention aux relations proches qui peuvent devenir habituelles voudrait éviter aux frères d'entretenir des liens extérieurs non ajustés à la vie de la communauté. Il est parfois plus facile d'établir des relations avec le proche voisinage qu'avec ses frères. Si une habitude se prend qui n'est pas parlée, discernée, celle-ci peut devenir nuisible pour le frère. Cette question peut nous faire réfléchir, et sur notre vie commune et sur notre relation avec le voisinage. Sur notre vie commune tout d'abord. Celle-ci est fondamentalement le rassemblement de frères qui ne sont pas choisis. A travers tous les aspects de la vie quotidienne (prière, travail, repas, moments de détente, rencontres) va se tisser une relation fraternelle où chacun est invité à sortir de lui-même et à s'ouvrir au monde des autres. Appelés les uns et les autres par Dieu comme des étrangers, nous acceptons de nous laisser façonner au gré du quotidien comme des frères et des fils de Dieu. Et dans ce façonnage, lorsqu'un frère mangue, non seulement il se manque lui-même, mais il manque au processus communautaire. D'où l'importance de notre vivre ensemble et de notre faire communautaire. Concernant la relation avec notre voisinage, la régularité de certaines relations peut créer une fonne d'amitié. Celle-ci souvent plus gratifiante va-t-elle nous tirer hors du labeur communautaire? C'est ici qu'intervient le discernement avec l'abbé. 11 est heureux que nous puissions tisser des liens avec nos voisins, nos fournisseurs, nos collaborateurs en divers domaines. Mais il est important de pouvoir leur donner leur juste mesure. Beaucoup seraient heureux de nous inviter à leur table par ex. En général, nous déclinons l'offre, pour manifester le primat de notre appartenance communautaire. Une exception s'imposera parfois. Mais il y a une autre manière de vivre ce lien, c'est lorsqu'un frère peut inviter l'une ou l'autre personne de notre voisinage à venir nous partager quelque chose de leur vie, par ex le dimanche soir. De cette manière, le lien d'amitié se trouve honoré et le lien fraternel affermi ...
1. Les frères qui sont au travail tout à fait loin et qui ne peuvent se rendre à l'oratoire à l'heure voulue, –
2. et l'abbé estime qu'il en est bien ainsi, –
3. célébreront l'œuvre de Dieu sur place, là où ils travaillent, en fléchissant les genoux avec crainte de Dieu.
4. De même ceux qui sont envoyés en voyage ne laisseront point passer les heures prescrites, mais les célébreront de leur côté comme ils pourront, et ne négligeront pas de s'acquitter de cette prestation de leur service.
« Ils ne négligeront pas de s'acquitter de cette prestation de leur service». J'entends en écho la recommandation que nous trouvons dans notre coutumier : « Ayons à cœur, en voyage, de rester fidèle à notre vocation de moine, et de rester en communion avec nos fi·ères, en particulier par la récitation de la prière des Heures». Avons à cœur.... Oui, la récitation de notre office, la fidélité aux heures de la prière, même en voyage, permet de mesurer où est notre cœur, alors qu'il est à l'extérieur. La prière nous tient-elle à cœur, ou bien est-elle simplement une chose à accomplir lorsque nous sommes au monastère ? Nos voyages, nos sorties représentent une ce1iaine épreuve pour notre liberté. Personne ne nous regarde. il nous revient à nous seul de décider quand nous allons réserver un moment pour la prière... pour « rester fidèle à notre vocation de moine», poursuit le coutumier. .. La sortie, le voyage vont-ils être une mise entre parenthèse de notre vocation de moines, ou bien au contraire, une occasion de l'approfondir dans la solitude d'une petite chambre, ou bien dans le désir de rejoindre un autre lieu de prière pour honorer l'heure... Bien sûr, il est souvent impossible ni souhaitable de vouloir reproduire la manière de faire du monastère, surtout si l'on est pris dans un autre horaire. li va souvent falloir faire preuve d'ingéniosité pour dégager du temps. Ici, chacun est invité à discerner devant le Seigneur, ce qui possible. Sans vouloir remplir toutes les cases, et dire le nombre de psaumes et lire toutes les lectures, il nous revient plutôt de savoir nous arrêter pour rendre gloire à notre Dieu, et honorer son Nom par ce temps à lui consacré. « La prestation de notre service » pour reprendre les mots de St Benoit, consiste moins en l'exécution d'une prière au modèle standard, qu'à pouvoir donner un peu de notre temps pour entretenir le cœur à cœur avec notre Dieu, pour le service de sa gloire. Le coutumier conclue en mettant en lumière un dernier aspect de la prière durant le voyage : celui de nous garder en communion avec nos frères. La prière est un lieu privilégié de cette communion vécue. Que l'on réussisse ou non à prier en même temps que la communauté, elle nous relie dans un commun service de la louange de Dieu, dans notre commune vocation de veilleur pour le monde. Lorsqu'il m'arrive d'être à Paris et de vivre ainsi un temps de prière seul, dans une petite chambre perchée au 3°-4° étage d'une grande maison, alors que la ville entre dans la nuit par ex, ce sentiment d'être veilleur pour le monde et avec les frères et bien d'autres personnes, prend tout à coup un éclairage très sensible... « Oui, ayons à cœur en voyage, de rester fidèle à notre vocation de moine ! »
1. Bien que la vie du moine doive garder en tout temps l'observance du carême,
2. cependant, comme il en est peu qui aient cette vertu, nous recommandons que pendant ces jours du carême on garde sa vie en toute pureté,
3. et que l'on efface en ces jours saints à la fois toutes les négligences des autres temps.
4. Nous y parviendrons en renonçant à tous les vices et en nous appliquant à l'oraison avec larmes, à la lecture et à la componction du cœur, ainsi qu'à l'abstinence.
5. Donc en ces jours ajoutons quelque chose aux prestations ordinaires de notre service : oraisons particulières, abstinence d'aliments et de boisson,
6. en sorte que chacun offre à Dieu, de son propre mouvement, avec la joie de l'Esprit-Saint, quelque chose en plus de la mesure qui lui est imposée,
7. c'est-à-dire qu'il retranche à son corps sur la nourriture, la boisson, le sommeil, la loquacité, la plaisanterie, et qu'il attende la sainte Pâque avec la joie du désir spirituel.
8. Cependant ce que chacun offre, il doit le proposer à son abbé et le faire avec l'oraison et l'agrément de celui-ci,
9. car ce qui se fait sans la permission du père spirituel sera mis au compte de la présomption et de la vaine gloire, non de la récompense.
10. Tout doit donc s’accomplir avec l’agrément de l’abbé.
A l'approche de !'Avent, il est un peu curieux d'entendre ce chapitre sur le Carême. Et pourtant, il y a dans ce chapitre plusieurs points d'accrochage avec le temps de ]'Avent qui sont suggestifs. En effet, nous avons là les deux seules utilisations du mot « joie », la « joie » étant un des traits spirituels marquants pour le temps de ]'Avent. Ensuite, c'est la seule fois que l'on trouve le verbe « attendre », dans toute la règle, à l'exception du prologue et corpus spirituel (les chap I à 7). Et enfin, nous trouvons en bonne place un autre mot important pour le temps de l'Avent, c'est le mot« désir». S'il est présent plusieurs fois dans la règle, le plus souvent pour exprimer le versant négatif du désir qui se dévoie, en ce chapitre sur le Carême, nous avons sa plus haute expression quand Benoit parle de « désir spirituel » ... « En sorte que chacun offre à Dieu ...avec la joie de !'Esprit Saint ...quelque chose en plus de la mesure qui lui est imposée ... et qu'il attende la sainte Pâque avec la joie du désir .1pirituel » ... Joie. attente. désir : ces trois mots que St Benoit utilisait pour caractériser l'élan du moine tendu vers Pâques, nous les entendrons réso1mer de diverses manières durant l' Avent. Depuis St Benoit, la spécification du temps de 'Avent a élargi le spectre des couleurs pour dire le mystère du Christ. A l'instar des couleurs liturgiques qui se diversifient, s'est déployé le mystère du Christ qui était exclusivement concentré, en son sommet, sur sa mort et sa résurrection accompli dans le don de !'Esprit à la Pentecôte. Ainsi le temps de !'Avent s'est imposé comme le moment privilégié pour célébrer le Christ dans son avènement futur. Tendue vers les derniers temps, la liturgie nous apprend à aiguiser notre désir et notre joie dans l'attente de sa venue. Là, où spontanément nous pourrions avoir peur, à l'idée des catastrophes qui pourraient s'abattre sur nous, la liturgie nous remet au diapason du désir de notre Dieu. Comme nous 1'entendrons aux premières vêpres de Samedi prochain : « le Seigneur prend plaisir à notre bonheur, comme il a pris plaisir au bonheur de nos pères» (Dt 30, 9). Les semaines qui nous sépareront de Noël, nous redirons comment ce désir de notre Dieu a pris toute sa mesure dans l'accomplissement de ses promesses, avec la venue de Jésus, le Messie, son Fils bien-aimé. Aussi, fort de l'assurance que nous donne la venue de Jésus Sauveur, mort et ressuscité pour nous, pouvons nous tendre avec élan. amour et confiance vers Lui qui viendra pour achever toute chose. Cet achèvement ouvrira les portes du bonheur plénier qui nous est promis...
22. Le dimanche, de même, tous vaqueront à la lecture, sauf ceux qui sont affectés à différents services.
23. Cependant si quelqu'un est négligent et paresseux au point de ne pas vouloir ou pouvoir apprendre ou lire, on lui assignera un ouvrage à faire, pour qu'il ne reste pas inoccupé.
24. Aux frères malades ou délicats on assignera un ouvrage ou métier approprié, de façon qu'ils ne soient pas oisifs et que la violence du travail ne les accable point ou ne les mette en fuite.
25. L'abbé doit avoir égard à leur faiblesse.
Nous reprenons ce chapitre après une bonne interruption. Après avoir décrit la répartition entre travail et lectio, selon les saisons, st Benoit conclue par le dimanche. Que se passe+il en ce jour pour les moines ? A part les tâches indispensables dans lesquels sont affectés quelques frères pour le service des autres, le temps est laissé à chacun pour vaguer à la lecture dit Benoit. Je suis frappé par la crainte qu'il exprime de voir un frère « négligent 011 paresseux au point de ne vouloir ou pouvoir apprendre ou lire » ... St Benoit veut éviter à tout prix le mal de l'oisiveté, même le dimanche. Cette remarque laisse penser que pour lui le dimanche est un jour où l'on demeure actif. Oui, il s'agit de se reposer du travail habituel de la semaine. Mais, non pour s'installer dans une paresseuse oisiveté. J'entends ici combien St Benoit souhaite que les moines gardent bien vivante leur recherche de Dieu, à travers notamment la lectio divina et la lecture.
Aujourd'hui, nous pouvons entendre cette question et peut-être la reformuler ainsi : Comment vivre nos moments de détente en lien profond avec notre recherche de Dieu? Nos loisirs sont-ils des parenthèses dans lesquels nous oublions ce que nous sommes et ce que nous cherchons ? Ou bien sont-ils aussi intégrés et au service de notre vie sous le regard de Dieu ? Au dése1t, les anciens moines utilisaient volontiers l'image de l'arc dont la corde doit parfois se détendre afin de ne pas risquer de la briser si elle reste constamment tendue... Les moments de détente que nous prenons veulent nous apprendre cela. Ils sont des temps où le plaisir d'une activité différente de l'ordinaire nous fait du bien, nous nourrit le cœur ou l'esprit, vient revivifier notre corps, nous donne de la joie... Il est important pour chacun de nous de ne pas négliger de tel moment. Nous savons et apprenons peu à peu où se trouve cette possibilité de nous retrouver de façon heureuse et constructive. Le plaisir le plus réel est toujours celui qui vient au service de notre unité profonde. Sachons rendre grâce pour tel moment, en les remettant au Seigneur qui a fait toute chose bonne. Il y a d'autres plaisirs gui nous tiraillent, qui nous sortent de nous-même, pour nous laisser finalement insatisfait, vide en quelque sorte. Ils ne sont pas faits pour nous. Discernons sous le regard du Seigneur, ce gui est bon pour notre corps, pour notre cœur et pour notre esprit. Notre désir trouve son compte non dans l'assouvissement avide de plaisirs, mais dans la juste mesure qui refait vraiment les forces et donne de la joie.
14. Aux jours de carême, depuis le matin jusqu'à la fin de la troisième heure, ils vaqueront à leurs lectures, et jusqu'à la fin de la dixième heure ils feront ce qui leur est assigné.
15. En ces jours de carême, chacun recevra un livre de la bibliothèque, qu'il devra lire à la suite et intégralement.
16. Ces livres doivent être distribués au début du carême.
17. Avant tout, bien sûr, il faut désigner un ou deux anciens qui circulent dans le monastère aux heures où les frères vaquent à la lecture.
18. Ils veilleront à ce qu'il ne se trouve pas de frère atteint d'acédie, qui vaque à l'oisiveté ou au bavardage au lieu de s'appliquer à la lecture, et qui non seulement se fait tort à lui-même, mais en outre distrait les autres.
19. Si l'on en trouve un, – à Dieu ne plaise, – on le réprimandera une fois, deux fois ;
20. s'il ne s'amende pas, il subira la réprimande de règle, de telle façon que les autres en conçoivent de la crainte.
21. Un frère n'entrera pas en rapport avec un autre frère à des heures qui ne conviennent pas.
Ce paragraphe sur le Carême se centre plus particulièrement sur la lectio, en lien avec le livre reçu pour cette période. St Benoit prend très au sérieux cet exercice de lecture pour lequel du temps est dégagé. Sans trop exagérer, on peut dire que pour St Benoit, la lectio est aussi un travail, un travail spirituel certes, mais un vrai travail. En effet, il s'agit de« s'appliquer à la lecture». Et si on ne le fait pas,« on se fait du tort à soi-même ».
Considérer la lectio comme un travail est une bonne porte pour aborder ce temps dédié et pour en tirer le maximum de profit. Penser la lectio comme un travail, c'est dire qu'il y a une exigence face à laquelle aucun d'entre nous n'a à déroger, sauf situation particulière vue avec l'abbé. Nous avons là tous une tâche à accomplir. A la différence du travail manuel cependant, nous ne voyons pas immédiatement les fruits de ce labeur spirituel. Le bénéfice n'est pas quantifiable. Et pourtant... Je me souviens d'un supérieur qui disait reconnaitre à son comportement dans la vie quotidienne lorsqu'un frère ne faisait pas lectio. Un frère qui ne sait pas s'arrêter pour lire les Ecritures, pour méditer, pour prier en silence, finalement pour perdre du temps avec Dieu afin de mieux le connaitre et l'aimer, est un frère qui risque fort de ne pas savoir écouter ses frères, se rendre disponible pour eux, perdre du temps pour eux... Chacun de nous peut s'interroger sur sa pratique effective de lectio, que je distingue des études proprement dites. Certes pour nos frères étudiants, il est normal que la période d'études empiète sur le temps de lectio. Mais il demeure important pour chacun de savoir conserver un temps gratuit de mise à l'écoute de la Parole, que cette écoute se fasse plus à travers la lecture par ex. continue d'un livre biblique, ou plus à travers la lecture méditative et priante d'un passage... Dans ce temps gratuit, et soigné d'écoute de la Parole se vit un vrai travail. Si nous désirons vraiment aller à la rencontre de notre Dieu, pour mieux le connaitre avec le cœur, pas seulement avec la tête et les idées, quelque chose va travailler en nous. Car il s'agit de nous laisser travailler par !'Esprit. En nous, Celui-ci nous apprend à nous tourner en vérité vers notre Père, vers le Christ. Au début de chaque temps de lectio, maintenons-nous en tenue de travail, en faisant une courte prière pour demander l'aide du Seigneur, afin qu'il nous guide en ce temps vers une plus grande connaissance intérieure de son mystère, de Jésus notre Sauveur, de notre place dans son dessein d'amour pour le monde. Dieu n'est pas chiche, il fera po1ter du fruit à notre fidélité quotidienne.
10. Des Calendes d'octobre au début du carême, ils vaqueront à la lecture jusqu'à la fin de la deuxième heure.
11. À la deuxième heure, on célébrera tierce, et jusqu'à none tous travailleront à l'ouvrage qui leur est assigné.
12. Au premier signal de la neuvième heure, chacun quittera son ouvrage, et ils se tiendront prêts pour le moment où retentira le second signal.
13. Après le repas, ils vaqueront à leurs lectures ou aux psaumes.
Ce chapitre sur la répartition des temps de lecture et de travail, intercalés entre les heures de la prière montre une subtile combinaison entre souci d'efficacité et humanité. Ainsi en été, le travail manuel est-il prévu tôt le matin, et en seconde partie de l'après-midi quand le soleil est moins haut, et la lecture en fin de matinée quand il commence à faire chaud. En hiver, à l'inverse la lecture est-elle au début de matinée lorsqu'il ne fait pas bien jour et encore froid, et le travail manuel en fin de matinée et en début d'après-midi jusqu'à None. Vient alors le repas suivi d'un temps de lecture et d'études. En Carême, le régime est sensiblement le même, avec un temps de travail plus long jusqu'à la 10° heure, le repas se prenant après Vêpres. Efficacité et humanité se conjuguent ainsi très bien : en s'adaptant au rythme de la nature, on facilite la disponibilité pour la lecture et l'efficacité au travail. Pour reprendre le propos de Ph. Nicolas au sujet des enfants qu'ils rencontrent, les moines d'alors étaient parfaitement connectés au
·rythme de la nature, liés à elle pour tout. La comparaison avec notre époque est éclairante : nous sommes de notre côté davantage connectés avec l'horloge. Grâce à l'électricité. notre horaire peut être uniforme toute l'année, et nos temps de lectio-étude et de travail restent inchangés quelles que soient les saisons. D'une certaine manière, c'est plus commode, et d'une autre nous sommes de fait un peu plus hors sol, pas complètement connectés à la nature. Autre différence de taille avec Benoit, est la nature du travail. Aujourd'hui, il se fait essentiellement dans les services de l'accueil, du magasin et de la marche de la maison (cuisine, entretien, économat, lingerie, transport, reliure, santé... ). Le jardin de la permaculture et le projet de frênette voudraient rééquilibrer notre travail vers une activité plus productive. en lien avec les ressources locales, la terre et les plantes. Les impératifs d'équilibre de budget demandent de penser finement et précisément, alors que nos forces sont peu nombreuses. Les diapos sur Buta étaient éclairantes. Grâce à l'apport de forces nouvelles, la communauté a pu développer les activités de subsistance pour assurer non seulement l'équilibre alimentaire propre, mais aussi tendre à l'équilibre budgétaire en vendant une partie des récoltes. Nous percevions aussi combien le fait que tous mettent la main à la pâte étaient facteur d'unification et d'énergie pour toute la communauté. Avec nos forces moindres certes, n'aurions-nous pas quelque chose de cet ordre à retrouver par exemple par des temps de travaux en commun, au jardin ou dans l'entretien de la maison? Est-ce que l'après-midi du mercredi ne pourrait pas être plus communautaire, en rassemblant aussi d'autres frères que les seuls jeunes frères actuellement ? Je me pose la question, peut-être faut-il chercher dans cette direction ?
1. L'oisiveté est ennemie de l'âme. Aussi les frères doivent-ils être occupés en des temps déterminés au travail manuel, et à des heures déterminées aussi à la lecture divine.
2. Nous croyons donc que ces deux occupations seront bien réparties selon les temps dans l'horaire que voici :
3. de Pâques aux Calendes d'octobre, depuis le matin en sortant de prime ils travailleront, là où c'est nécessaire, presque jusqu'à la quatrième heure.
4. De la quatrième heure jusqu'à l'heure où ils célébreront sexte, ils vaqueront à la lecture.
5. Après sexte, en sortant de table, ils se reposeront sur leurs lits dans un silence complet, ou si quelqu'un veut lire pour son compte, il lira de façon à ne déranger personne.
6. On célébrera none à l'avance, au milieu de la huitième heure, et ils se remettront au travail qui est à faire jusqu'aux vêpres.
7. Si les conditions locales ou la pauvreté exigent qu'ils s'occupent de rentrer les récoltes par eux-mêmes, ils n'en seront pas fâchés,
8. car c'est alors qu'ils sont vraiment moines, s'ils vivent du travail de leurs mains, comme nos Pères et les apôtres.
9. Cependant tout doit se faire avec mesure à cause des faibles.
«L'oisiveté est ennemie de ! 'âme». Il est heureux que cette sentence devenue proverbiale introduise ce chapitre consacré à la répartition des activités du moine, aussi bien celle de la lecture et l'étude que celle du travail manuel. En laissant entendre que le bien de l'âme est concernée par les deux types d'activités, st Benoit met en lumière la profonde unité de notre vie monastique. En elle, tout voudrait contribuer au bien de l'âme, pas seulement les temps de prière à l'église ou en cellule. Cette conviction est bien manifestée dans cette autre phrase souvent citée: « ils sont vraiment moines, s'ils vivent du travail de leurs mains». On pourrait paraphraser, ils sont vraiment «monos». unifié. un, s'ils vivent du travail de leurs mains... Venus ici pour chercher Dieu, nous le faisons à travers tout ce que nous vivons. La recherche de Dieu ne peut se cantonner à certains domaines jugés plus nobles ou dignes. Elle veut embrasser tout notre quotidien. Et en retour, elle tend à unifier tout notre être, corps, âme, esprit... A travers la lectio ou l'étude, nous comprenons plus spontanément quel travail d'unification peut s'opérer. Dans l'écoute de la Parole de Dieu, à travers la lecture des Ecritures, nous aiguisons notre capacité à écouter et à nous laisser rejoindre par le Seigneur. Son but profond voudrait nous introduire dans la connaissance plus intérieure de Jésus, du Père et de son dessein d'amour. De même, dans l'étude intellectuelle de la tradition et du mystère chrétien, dans nos lectures mêmes assez profanes, c'est toute notre intelligence de la vie humaine et chrétienne qui se structure et se fortifie. Le dessein d'amour de Dieu obéit à une cohérence profonde qu'il nous faut sans cesse scruter pour tenter de la repérer. Cette cohérence va nourrir notre être et le soutenir notamment dans les moments plus rudes que nous pouvons vivre personnellement et collectivement. Comment se joue le travail d'unification de notre être dans le travail, manuel ou plus administratif? Certainement dans le consentement à mettre la main à la pâte, à faire les choses qui sont demandées ou qui s'imposent. D'une manière engagée, nous nous donnons à la communauté et aux frères. Plus profondément, nous nous donnons à l'œuvre créatrice de Dieu qui a besoin de l'énergie et du travail de chacun. Chacun à notre part, nous contribuons à ce que la vie circule, qu'elle se déploie pour la gloire de Dieu. Pour entrer dans ce mouvement de vie, la prière peut être une réelle force de levier. Offrir notre travail, demande l'aide du Seigneur quand nous peinons, ou encore ruminer un verset d'Ecriture quand c'est possible, va donner une toute autre dimension à nos tâches les plus simples. Nous devenons plus conscients d'être vraiment les ouvriers dans la vigne du Seigneur, ses serviteurs...
1. L'annonce de l'heure de l'œuvre de Dieu, jour et nuit, sera confiée aux soins de l'abbé, soit qu'il l'annonce lui-même, soit qu'il en remette le soin à un frère assez attentif pour que tout s'accomplisse aux heures voulues.
2. Quant aux psaumes et antiennes, ils seront imposés, après l'abbé, par ceux qui en recevront l'ordre, suivant leur rang.
3. Quant à chanter et lire, on ne s'y risquera pas si l'on ne peut accomplir cette tâche de façon à édifier les auditeurs.
4. Cela se fera avec humilité, gravité et crainte, et sur l'ordre de l'abbé.
« De façon à édifier les auditeurs » ... Voilà un critère de discernement pour savoir qui peut lire et chanter. St Benoit le répète après l'avoir déjà énoncé au chapitre 38 sur les lecteurs au réfectoire. Plus largement ce critère vaut pour l'ensemble de notre vie commune. Est-ce que chacun fait va construire les frères et la communauté dans son ensemble ? Poser cette question nous rappelle que le but de notre vie monastique est de permettre la croissance harmonieuse de chacun et de tous au cœur de notre vivre ensemble. En dernier lieu, il revient à l'abbé d'en faire le discernement lorsqu'il confie les tâches et les responsabilités au service de la communauté. Ce rôle n'est pas aisé car il bute parfois sur des incompréhensions. Tel frère se pense apte à remplir telle fonction qui ne l'est pas effectivement. Tel autre se sent dévalorisé de ne pas être pressenti ou appelé à certaines responsabilités. Rude épreuve de la prise en compte de la réalité. Tous ne peuvent pas tout faire. Au gré des appels de la vie communautaire, chacun doit apprendre à regarder ses limites ou encore à accepter que le moment ne soit pas opportun. Comment faire face à cette difficulté qui peut devenir une occasion de grandir dans la connaissance de soi ? Certainement en parlant de son incompréhension, voire de sa colère. Parler permet de faire venir à la lumière les motivations gui m'habitent quand je rêve de faire telle ou telle chose ? Est-ce que je désire réaliser un idéal de performance ou de carrière ? Ou bien est-ce que je désire me tenir disponible pour servir là où on me demandera? Vais-je être jaloux on vais-je me réjouir pour les autres qui sont choisis et avec eux ? Plus profondément, cette difficulté de n'être pas appelé à certaines fonctions, peut nous faire entrer plus avant dans la compréhension de notre place dans la communauté, finalement dans le projet de Dieu. Si c'est la volonté de Dieu que je suis venu chercher et vivre au monastère, il me faut d'abord accepter de ne pas tout connaitre de moi-même, pour le découvrir peu à peu. Je consens à devenir sans savoir bien gui je suis encore, en me laissant façonner par le Seigneur, à travers la vie de la communauté. Comme le décrit très bien le livre sur le Père Tuan et le frère Van, lu au réfectoire, le Seigneur conduit nos vies. Nous croyons qu'à travers les évènements, il nous guide pour que nos vies servent à l'édification de la justice du Royaume qui déborde largement tout ce qu'on peut imaginer. Seule la foi nous permet de voir les choses ainsi. Aussi faut-il nous exercer à ce regard. Comme une lumière sûre, il nous pe1111et de rebondir face à l'épreuve du doute sur nous-mêmes, ou bien de la jalousie ou de la révolte. L'offrande de notre bonne volonté dans la confiance en Celui qui nous veut du bien inséparablement de celui de la communauté et de l'Eglise, peut devenir source de force et de joie.
1. Si quelqu'un, en travaillant à n'importe quel travail, à la cuisine, au cellier, au service, au pétrin, au jardin, à quelque métier, ou n'importe où, commet quelque manquement
2. ou brise ou perd quoi que ce soit ou tombe dans quelque autre faute où que ce soit,
3. et ne vient pas de lui-même aussitôt faire satisfaction spontanément devant l'abbé et la communauté et avouer son manquement,
4. si on l'apprend par un autre, il sera soumis à une pénitence plus sévère.
5. Mais s'il s'agit d'un péché de l'âme dont la matière est restée cachée, il le découvrira seulement à l'abbé ou à des anciens spirituels,
6. qui sachent soigner leurs propres blessures et celles des autres, sans les dévoiler et les publier.
En ce chapitre, St Benoit nous offre deux outils précieux pour avancer plus léger et pour progresser dans la vie spirituelle : la reconnaissance publique, spontanée de nos manquements dans la vie commune et l'ouverture du cœur à l'abbé ou au père spirituel pour les fautes plus cachées. Ces deux instruments veulent libérer la vie en nous lorsque celle-ci est cadenassée par le mal commis, et plus encore par la peur d'en parler... Mystérieuse et profonde prison qui se construit alors, nous enfermant sur nous-mêmes et notre misère. Etonnante situation qui en se prolongeant risque soit de nous enfermer dans le déni de la réalité, soit de nous assimiler au mal commis. Parler nous libère. Sur le moment, cela nous éprouve de recormaitre nos manquements explicites ou plus cachés. L'image de nous-même semble se flétrir soudain et nous laisser nu. Mais qu'est-ce qui est le plus important l'image construite ou bien la réalité de ce que nous sommes ? C'est-à-dire des êtres en chemin de conversion. Parler est un exercice salutaire pour nous apprendre à exister en vérité sous le regard du Seigneur, en nous tenant humblement sous le regard d'un ou des autres. Lui, le Seigneur nous connait et nous aime. Il sait que nous valons bien plus que le mal commis. Parler nous libère d'un poids que !"on ne garde pas pour soi, mais qu'on confie à la bienveillance de la communauté, par exemple lors du chapitre des coulpes, ou qu'on offre au Seigneur dans l'ouverture du cœur et le sacrement de la réconciliation. La communauté accueille toujours avec indulgence l'aveu d'une faute humblement reconnue. Car elle entend alors le désir d'avancer d'un frère. De même le père spirituel ou le confesseur reçoit toujours avec un profond respect la confiance et l'humilité de celui qui confie sa détresse ou son péché. S'il en est ainsi entre les hommes, combien grande doit être la miséricorde du Seigneur pour chacun de nous pécheur ! Sur le chemin de la vie spirituelle, chaque moment où nous sommes en vérité devant les autres et devant le Seigneur nous propulse vers plus de liberté et d'aisance. Nous sommes rendus à nous-mêmes, à cette part profonde et encore embryonnaire qui ne demande qu'à naitre... Nous devenons un peu plus fils de Dieu et frères en Christ.
1. Si quelqu'un se trompe en récitant un psaume, un répons, une antienne ou une leçon, et s'il ne s'humilie pas sur place et devant tous par une satisfaction, il subira une punition plus sévère,
2. pour n'avoir pas voulu réparer par l'humilité le manquement qu'il avait commis par négligence.
3. Quant aux enfants, pour une faute de ce genre ils seront battus.
St Benoit prend très au sérieux les fautes commises à l'oratoire. On peut penser qu'il s'agit de fautes qui ont des conséquences pour l'ensemble du chœur. A faute publique, demande de pardon publique. St Benoit voudrait par là nous aider à demeurer dans la conscience forte de la présence de Dieu en laquelle on se trouve pendant l'office. Devant lui, tout ce qui pourrait paraitre comme une négligence appelle réparation. A l'égard de nos fautes durant l'office, il me semble que nous oscillons toujours entre une certaine complaisance avec notre faiblesse et une certaine rigidité qui voudrait tout maitriser. L'office reste une exigence qui voudrait surtout nous sortir de nous-même, soit de notre laisser-aller paresseux, soit de notre désir égocentré de perfection... Il nous convie à une veille d'amour, faite de présence et de don à la présence de Dieu. Notre Dieu vient à notre rencontre par sa Parole, celle qui arrive à nos oreilles comme celle qui sort de notre bouche. Comme le disait si bien f. Hubert, il nous revient de prendre de plus en plus conscience que nous venons à un rendez-vous d'amour. Là, pas de demi-mesure dans le don, ni de rigidité dans la quête d'une prétendue perfection... Quelqu'un nous parle qui nous aime. Et nous lui parlons avec ces mots patinés par des siècles de récitation, ou dans le cœur à cœur en silence. Plus que dire les mots et bien les dire, il nous faut entrer dans la profondeur et le goût qu'ils ont. Parfois durant tout un office, seulement un mot restera comme en résonnance, parfois un verset. A travers ce mot ou ce verset, nous percevons quelque chose d'un peu nouveau peut-être. La Parole de Dieu nous rejoint. Son amour, son exigence aussi se dévoilent. Peu à peu, Dieu ne parait plus aussi lointain. Il nous parle et nous entrons davantage en relation. Parfois, il ne se passe rien du tout. Avant d'invoquer la nuit mystique ou la nuit de la foi, il est toujours bon de vérifier que nous avons bien pris les moyens d'être là. Si l'on prend conscience qu'on est resté sur le quai alors que le train passait, absorbé par nos pensées et nos distractions, simplement le reconnaitre, exprimer notre désir de revenir, demander pardon au Seigneur, constitue souvent alors une belle mise en présence de Dieu. Le dialogue semblait absent, ou bien rompu. Mais par cette simple prise de conscience et remise de soi devant Celui que nous désirons honorer, la relation se trouve rétablie. Notre grandeur est là : dans la capacité à s'humilier et à désirer revenir devant notre Père des Cieux. Alors, nous faisons certainement le bonheur de notre Dieu et le nôtre. Car nous demeurons en relation...