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1. Par dessus tout, il faut retrancher du monastère ce vice jusqu'à la racine :
2. que personne ne se permette de rien donner ou recevoir sans permission de l'abbé,
3. ni d'avoir rien en propre, absolument aucun objet, ni livre, ni tablette, ni stylet, mais absolument rien,
4. puisqu'on n'a même pas le droit d'avoir son corps et sa volonté à sa propre disposition.
5. Tout ce dont on a besoin, on le demande au père du monastère, et personne n'a le droit de rien avoir que l'abbé ne lui ait donné ou permis.
6. Que « tout soit commun à tous », comme il est écrit, en sorte que « ;personne ne dise sien quoi que ce soit », ni ne le considère comme tel.
7. Si quelqu'un est pris à se complaire dans ce vice extrêmement pernicieux, on l'avertira une et deux fois ;
8. s'il ne s'amende pas, il subira une réprimande.
Pourquoi une telle insistance de Benoit pour que les moines arrachent à la racine Je vice de la propriété? N'est-ce pas par désir de porter à sa plénitude l'idéal de la première communauté chrétienne : « La multitude de ceux qui étaient devenus croyants avait un seul cœur et une seule âme ; et personne ne disait que ses biens lui appartenaient en propre, mais ils avaient tout en commun» (Ac 4, 32). Les moines sont appelés, au nom de leur foi, à mettre en pratique une totale mise en commun des biens, pour témoigner. Mais finalement pour témoigner de quoi? Paul nous offre un élément de réponse : « Aucun d'entre nous ne vit pour soi-même, et aucun ne meurt pour soi-même : si nous vivons nous vivons pour le Seigneur ; si nous mourons, nous mourons pour le Seigneur. Ainsi dans noire vie comme dans notre mari, nous appartenons au Seigneur »(Rm 14, 7-8). Oui, nous sommes appelés à témoigner que nous appartenons au Seigneur, en tout notre être et jusque dans l'usage des biens que nous ne retenons pas comme étant nôtres. Au milieu du monde, nous chrétiens qui sommes au Christ, sommes appelés à manifester qu'il y a une vraie joie à vivre légers, non encombrés de pleins d'objets ou de possessions, parce que notre vrai bien est ailleurs. Il est dans le Christ Jésus. Déjà celui-ci nous donne part à sa vie et sa force, et il nous donnera après notre mort de partager en plénitude sa dignité de Fils de Dieu.
C'est à cette lumière de la foi qu'il nous faut sans cesse revenir pour bien vivre Je renoncement exigent que Benoit nous demande. Si nous Je vivons seulement comme un règlement ou comme un« c'est comme cà » ou encore au nom d'un certain communautarisme qui ne supporte pas qu'une tête dépasse l'autre, nous ne trouverons jamais la vraie joie d'être léger et libre. Nous resterons des frustrés, jaloux de ce quel'autre peut avoir et pas moi, toujours sourcilleux de peser etc... En fait, ce petit chapitre nous rappelle que nos différentes règles en la matière sont une pédagogie pour nous entrainer à une vraie liberté intérieure. Lorsque nous ne nous attachons pas à un certain type de matériel lié à un emploi, lorsque nous laissons les clés dont nous n'avons plus usage, lorsque nous donnons à la lingerie du linge qui nous est offe1i en voyant avec Je linger si nous avons un besoin etc, nous nous exerçons à ne pas entretenir l'esprit de propriétaire en nous. Si nous avons besoin, nous gardons, sinon nous redonnons... Ce critère du besoin est très instructif. Car, il est bien à l'image de notre condition de pèlerin. Nous utilisons les choses pour les besoins de notre vie sur cette terre. Nous passerons, et nous ne les emporterons pas au ciel... A quoi bon nous y attacher?
1. Pour l'avoir du monastère en outils, vêtements et biens de toute sorte, l'abbé choisira des frères, de vie et mœurs dont il soit sûr,
2. et il leur remettra ces différents objets, comme il le jugera bon, pour qu'ils les conservent et les recueillent.
3. De ces objets, l'abbé gardera l'inventaire. Ainsi, quand les frères se succèdent à tour de rôle dans l'emploi, il saura ce qu'il donne et ce qu'il reçoit.
4. Si quelqu'un traite les biens du monastère sans propreté ou sans soin, on le réprimandera.
5. S'il ne s'amende pas, il subira les sanctions de règle.
Dans la plaquette, on trouve cette réflexion de F. J.Noël « le travail me fait découvrir l'obéissance réelle, le respect de la matière, de l'outil, du temps et des temps, du frère avec qui je travaille... »
« Obéissance au réel, respect de la matière, de l'outil» voilà en d'autres mots ce que veut nous transmettre ce petit paragraphe sur les outils. Après avoir exhorté le cellérier à considérer « tout son savoir», comme les vases sacrés de l'autel, Benoît développe la même attention à l'égard de « l'avoir du monastère». Sa manière d'en parler avec exigence et précision traduit bien la haute conception qu'il se fait de l'ensemble des objets, « outils, vêtements et bien de toute sorte » qui sont au monastère. Il parle un peu comme le ferait un artisan à propos des outils de travail qui sont pour lui, avec ses mains, toute sa richesse... aussi précieuse que la prunelle de ses yeux. L'abbé est présenté ici en quelque sorte comme cet artisan gui veille à tous les outils du monastère.
Aujourd'hui, il nous est bon d'entendre cela et de pouvoir recueillir cette notion de respect des outils, qui se dégage. Dans notre société de consommation qui produit sans cesse de nouveaux objets pour éliminer les anciens, ces lignes de la Règle nous enseignent une belle sagesse. Elle nous invite à porter un juste regard sur les objets, la matière : un regard d'artisan qui sait prendre soin de tout ce dont il dispose, un regard d'artisan qui aime ranger pour ne pas perdre, un regard qui sait la valeur des choses pour les conserver en son état et pour s'en détacher quand elles sont hors d'usage. En communauté, nous pouvons nous aider à avoir de juste regard de respect gui ne méprise ni ne fait de l'objet une idole dont on ne peut se séparer. Dans le présent, je crois qu'il nous faut veiller à ne pas laisser des secteurs autrefois utilisés s'encombrer d'objets qui, non rangés ou répertoriés, sont en quelque sorte perdus. Parfois il vaut mieux donner que de garder ce dont on n'a plus usage... mais que tout cela se fasse en concertation avec le cellérier ou l'abbé. Il s'agit des biens du monastère, acquis à la sueur du travail des générations passées qu'on ne peut brader à la légère.
13. Qu'il ait avant tout l'humilité, et quand il n'y a rien à donner à quelqu'un, qu'il lui offre en réponse une parole aimable,
14. comme il est écrit : « Une parole aimable surpasse le don le plus précieux. »
15. Tout ce que l'abbé lui enjoindra, il en aura la responsabilité ; ce qu'il lui interdira, il ne se le permettra pas.
16. Il fournira aux frères la ration prescrite sans arrogance ni délai, de peur qu'ils ne s'irritent, en se souvenant de ce que mérite, selon la parole divine, « celui qui irritera un des petits. »
17. Si la communauté est nombreuse, on lui donnera des auxiliaires, pour que lui aussi, grâce à leur aide, il remplisse la charge qui lui est confiée sans perdre la paix de l'âme.
18. On donnera ce qui est à donner et on demandera ce qui est à demander au moment voulu,
19. afin que personne ne soit troublé ou peiné dans la maison de Dieu.
«Qu'il ait avant tout l'humilité ... » S'il y a une qualité entre toutes qui est demandée au cellérier, c'est l'humilité. L'humilité est cette vertu qui a le pouvoir d'imprégner toutes nos actions et toutes nos attitudes. lei, elle permet d'accueillir un frère dans la paix, avec une
« parole aimable», alors qu'on ne peut satisfaire sa demande... ou encore elle permet au cellérier de rester attentif à chacun, « en donnant ... sans arrogance ni délai » afin de n'irriter. ni de contrister personne« dans la maison de Dieu». L'humilité sera aussi de reconnaitre que la tâche est lourde et que des aides peuvent être nécessaires pour ne pas perdre la paix de l'âme... Nous disons merci à f. Benoit qui ne ménage pas sa peine et son temps au service de la communauté. Je mesure, au poids de la charge qu'il porte, qu'il va faudra repenser notre organisation dans tout le secteur cellérerie. Nous en reparlerons dans les prochaines semaines.
Je reviens sur l'invitation de Benoit: «qu'il ait avant tout l'humilité» ... Nous retrouvons là une constante forte de sa pensée qui traverse toute la règle... Le moine, quel que soit son rôle en communauté, de l'abbé au dernier arrivé, est invité à demeurer vigilant sans cesse en recherche de !'humilité. On pourrait se demander pourquoi cette insistance ? En écoutant la lecture suivie de l' Apocalypse que nous avons à Vigiles, on peut réentendre que l'humilité est au cœur de la révélation chrétienne. Dans le combat géant qui se déroule, l'auteur de l'Ap révèle que c'est un Agneau qui est vainqueur face à la Bête qui lui fait la guerre. La victoire contre le mal symbolisée par la Bête ne s'obtient pas par la force ou la puissance, mais par l'humilité du Christ, symbolisé
par !'Agneau comme égorgé. Si l'Ap l'appelle« Seigneur des seigneurs et Rois des rois» (Ap 17, 14), c'est par qu'il règne désormais sur le mal et ses puissances, en vertu de sa Résurrection. Et celle-ci est fruit de son abandon confiant entre les mains de son Père, au moment de sa mort. Jésus a accepté d'être comme un Agneau conduit à l'abattoir, et ne pas opposer la violence à la violence. Son humilité, manifestation de son Amour pour nous et pour le Père, a désarmé les puissances d'orgueil et de luxe de la Bête. Le jugement de la Prostituée, figure des puissances terrestres, dont parle I' Ap n'est que la conséquence de la victoire du Christ, l'Agneau Immolé. Face à son humilité aimante, toutes les richesses de la Prostituée, (perles précieuses, bois odorants, objets en ivoire... etc... ) sont comme réduites à néant. En vue du Royaume de Dieu, tout ceci s'évanouit comme un songe. Aussi lorsque le moine laisse l'humilité imprégner son agir et sa vie jour après jour, il participe déjà à la victoire de l' Agneau. Il lui donne déjà pleine consistance dans notre histoire... anticipation de ce que sera la vie dans le Royaume.
1. On choisira pour cellérier du monastère un membre de la communauté qui ait sagesse, maturité de caractère, sobriété ; qui ne soit pas grand mangeur, hautain, turbulent, injuste, lent, prodigue,
2. mais qui ait la crainte de Dieu. Il sera comme un père pour toute la communauté.
3. Il prendra soin de tout,
4. il ne fera rien sans l'ordre de l'abbé ;
5. il observera les ordres reçus,
6. il ne fera pas de peine aux frères.
7. Si un frère lui présente une requête déraisonnable, il ne le peinera pas en le repoussant avec mépris, mais avec humilité il opposera à cette mauvaise demande un refus raisonnable.
8. Il veillera sur son âme, en se souvenant toujours de cette parole de l'Apôtre : « Qui fait bien son service, se procure une belle place. »
9. Il prendra soin des malades, des enfants, des hôtes et des pauvres avec toute sa sollicitude, sachant sans aucun doute qu'il devra rendre compte pour toutes ces personnes au jour du jugement.
10. Il considérera tous les vases du monastère et tout son avoir comme les vases sacrés de l'autel ;
11. il ne tiendra rien pour négligeable.
12. Il ne cédera pas à l'avarice ni ne sera prodigue ou dissipateur de l'avoir du monastère, mais il fera tout avec mesure et selon les ordres de l'abbé.
« Sicut pater», « il sera comme un père». Cette formule de comparaison « il sera comme» laisse entendre que le cellérier a un rôle à jouer. Dans le monastère, il n'est pas le père, mais il est «comme» le père. Il lui revient d'endosser des traits de la figure paternelle. Jouer un rôle, ici, ce n'est pas faire la comédie, mais c'est prendre sur soi, de faire et de dire des choses que spontanément on n'aurait pas nécessairement fait ou dit. C'est la grâce de toute vie en commun où nous sommes responsables les uns des autres, de faire et de dire des choses pour que la vie circule. Dans une famille, un jeune papa va apprendre peu à peu à endosser son rôle de père qui déborde largement son statut de géniteur. Et nous savons les dommages lorsque manque le rôle ou la fonction paternelle dans l'éducation des enfants. De même dans la société, on a besoin que le président de la république tienne son rôle, ou encore le professeur, ou le policier ou le magistrat pour que notre vivre ensemble soit vivable. Parler ainsi peut nous aider les uns et les autres dans nos rapports mutuels à assumer nos rôles et nos fonctions. Plus leur charge symbolique est forte, plus il nous faut veiller à la manière avec laquelle nous les vivons. Ils ne sont pas qu'un emploi ou un métier. Ils nous demandent d'aiguiser notre conscience d'être au service du déploiement de la vie qui circule entre nous. Et je pense que c'est une grâce de vivre ces rôles les uns envers les autres sous la lumière de la foi au Christ. En lui, et à sa suite, nous nous mettons les uns les autres au service du corps du Christ, à travers le corps communautaire, et le corps ecclésial. Ce regard de la foi nous rend attentif à la subtilité des liens et des interactions entre nous. Car ceux-ci sont les médiations à travers lesquelles Dieu diffuse sa grâce et sa vie, utilisant les pauvres instruments que nous sommes. Les uns et les autres, les uns par les autres, Dieu nous fait entrer dans son Alliance.
Parler de rôle fait poser inévitablement la question : suis-je encore moi-même dans mon rôle? Tout l'art théâtral ne consiste-t-il pas à permettre à l'acteur d'être vraiment lui-même alors qu'il joue un rôle? Ici, il est heureux de penser que dans la vie chrétienne, chaque rôle est un rôle reçu, comme un appel à remplir une mission. Chacun de nous est pressenti pour tenir tel rôle, parce qu'il en a des aptitudes pour le remplir, mais aussi parce qu'à travers lui, il va pouvoir se donner et déployer des dons qu'il ne soupçonnait peut-être pas... Car en régime chrétien, tous nos rôles ont un dénominateur commun: celui du service. Personne n'est à son propre compte: pas plus le cellérier que l'abbé ou le linger ou l'hôtelier.
1. Tout âge et degré d'intelligence doit recevoir un traitement approprié.
2. Aussi chaque fois que des enfants et des adolescents par l'âge, ou des adultes qui ne peuvent comprendre ce qu'est la peine d'excommunication,
3. quand donc ceux-là commettent une faute, on les punira par des jeûnes rigoureux ou on les châtiera rudement par des coups, afin de les guérir.
Comment corriger les enfants? Alors que nos monastères n'accueillent plus d'enfants, on pourrait transposer la question : comment corriger , éduquer, la part d'enfant qui, en nous, nous joue des tours, si l'on n'y prend garde? Adulte, nous désirons le devenir toujours un peu plus, pour atteindre notre pleine stature humaine et spirituelle dans le Christ ? Et pourtant, parfois nous nous surprenons à avoir des attitudes ou des réflexes qui ne sont pas vraiment ceux d'une personne mûre : telle susceptibilité face une remarque, tel mouvement de bouderie face une parole de travers, tel agacement parce le plat n'est pas comme il faudrait, tel mouvement de tristesse ou de découragement parce qu'on a le sentiment d'être oublié, telle crainte de manquer de quelque chose, telle angoisse panique disproportionnée au regard de ce qui l'a provoquée,
tel désir irrésistible de prendre ou de consommer, tel mouvement de paresse où l'on traine les pieds pour faire les choses, tel agissement face à une contrariété. ... Nous sommes ainsi parfois traversés par ces mouvements plus ou moins rationnels qui nous débordent. Ils nous font faire ou ne pas faire des choses dont on n'est pas toujours très fiers après coup. Tout ceci n'a-t-il pas à voir avec cette part d'enfant plus ou moins enfouie en nous, plus ou moins blessée par notre histoire et qui nous surprend à nos dépends ? Heureux sommes-nous si nous en prenons conscience. Heureuse est notre vie commune qui, souvent, nous permet de mettre le doigt dessus. Le jeu des relations révèle ces parts encore immatures en nous. De même, notre règle de vie et nos coutumes en proposant un cadre précis obligent à regarder en face certains de nos écarts qui font signe de quelque chose encore à guérir en nous. Quand je fais différemment de ce que la règle commune propose, c'est un clignotant qu'il me faut savoir regarder en face. Devenir adulte, ce sera pouvoir le repérer et en parler pour éventuellement en rendre compte, voire pour le dépasser. Demeurer vigilant vis à-vis de nous-mêmes, pouvoir nous corriger ou nous laisser corriger, est des beaux labeurs de notre cheminement humain et spirituel. Peu à peu, nous apprenons à ne plus être le jouet de l'enfant ou de l'adolescent encore immature en nous. Car si nous le laissons nous conduire par le bout du nez, il peut devenir tyrannique pour nous-mêmes, et nous rendre insupportable pour les autres. Aussi soyons courageux et regardons en face ces habitudes ou épisodes infantiles pour ne pas les laisser occuper tout notre espace. Chemin d'humilité en ce qu'il nous apprend à prendre toute notre réalité au sérieux. Chemin d'humilité qui nous invite aussi à sourire vis-à
vis de ces parts infantiles en nous, pour les reprendre et éduquer avec douceur. mais aussi détermination.
1. Un frère qui est sorti du monastère par sa propre faute, s'il veut revenir, commencera par promettre de s'amender complètement du défaut qui l'a fait sortir,
2. et alors on le recevra au dernier rang, pour éprouver par là son humilité.
3. S'il s'en va de nouveau, il sera reçu ainsi jusqu'à trois fois, en sachant qu'ensuite on lui refusera toute autorisation de retour.
En filigrane à ce chapitre, on peut entendre la question : combien de fois ? Celle que Pierre pose à Jésus: « Seigneur, lorsque mon frère commettra des fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner ? Jusqu'à sept fois? ». Jésus lui répondit: « Je ne dis pas jusqu'à sept fois, mais jusqu'à soixante-dix fois sept fois » (Mt 18, 21). St Luc reprend la même suggestion d'un pardon continuellement offert quand Jésus suggère : « Même si sept fois par jour, il commet un péché contre toi, et que sept fois de suite il revienne vers toi en disant : je me repens ', tu lui pardonneras » (Lc 17, 4).
St Benoit est-il trop prudent en proposant le retour d'un frère parti seulement jusqu'à trois fois? Nous touchons du doigt ici combien la mesure communautaire ne peut être égale à la mesure personnelle. Si chacun est appelé, avec les dons et les grâces qui lui sont propres, à tendre au pardon de la manière divine, une communauté ne peut tendre à une telle perfection. Faite de personnes diverses dans leurs capacités à assumer les blessures occasionnées par le départ d'un frère, la communauté fait déjà beaucoup si elle parvient à accueillir le frère repentant,jusqu'à trois fois. Au-delà, non seulement cela dépasse peut-être ses forces, mais cela fait signe d'une incapacité du frère lui-même à trouver là un lieu de vie pour lui-même, un lieu de croissance heureuse dans la vocation qu'il pensait percevoir.
Nous pouvons en même temps entendre dans ce « jusqu'à trois fois» une belle expression de la foi de Benoit en la possibilité offerte à chacun de rebondir. La communauté, comme groupe, est appelée à cultiver ce regard d'espérance vis-à-vis de chacun de ces membres. Personne n'est irrémédiablement attaché, lié à ses ornières. Si l'expérience nous montre combien la glaise peut coller à nos pieds, et sembler nous tirer toujours vers le bas, chacun reste plus grand en son mystère de don et de naissance à lui-même. Renaitre d'en haut, selon 1'Esprit, de telle sorte que toute notre humanité en soit comme soulevée pour être entrainée à une nouvelle capacité à aimer, prend du temps. Chacun connait ses avancées et ses reculades, ses moments où rien ne semble bouger, et ces autres moments où quelque chose se passe qui nous tire vers le haut... Travail secret de la grâce qui ne nous abandonne jamais, et cela encore moins, si nous cherchons à nous offrir à son œuvre. Jour après jour, c'est ce que nous voudrions faire.
1. Si un frère a été fréquemment repris pour une faute quelconque, si même après excommunication il ne s'amende pas, on lui infligera une punition plus rude, c'est-à-dire qu'on lui fera subir le châtiment des coups.
2. S'il ne se corrige pas non plus par ce moyen, ou que même, ce qu'à Dieu ne plaise, il se laisse emporter par l'orgueil et veuille défendre sa conduite, alors l'abbé agira comme un médecin sagace :
3. s'il a appliqué tour à tour les cataplasmes, l'onguent des exhortations, la médecine des divines Écritures, enfin le cautère de l'excommunication et des coups de verge,
4. et s'il voit que son industrie ne peut plus rien désormais, il aura encore recours à un remède supérieur : sa prière pour lui et celle de tous les frères,
5. afin que le Seigneur, qui peut tout, procure la santé à ce frère malade.
6. S'il ne se rétablit pas non plus de cette façon, alors l'abbé prendra le couteau pour amputer, comme dit l'Apôtre : « Retranchez le pervers du milieu de vous » ;
7. et encore : « Si l'infidèle s'en va, qu'il s'en aille »,
8. de peur qu'une brebis malade ne contamine tout le troupeau.
« Il aura recours à un remède supérieur : sa prière pour lui et celle de tous les frères ». On peut être surpris qu'intervienne ici la prière, en final de tout le processus visant à la réconciliation d'un frère retord, car st Benoit l'a déjà recommandée dans le chapitre précédent. Ici, il la présente comme l'ultime recours, dans un total abandon au «Seigneur qui peut tout», jusqu'à procurer «la santé à ce frère malade». Aussi la prière que l'abbé et la communauté sont invités à vivre n'est pas une prière dite du bout des lèvres. Je pense que la prière dont il s'agit est vraiment une prière qui coûte et qui a du poids. Elle demande aux frères de s'engager vraiment. En effet, devant l'échec apparent de tous les moyens disponibles pour retrouver la relation, prier profondément pour le frère demande de passer au-dessus de bon nombre de ressentiments, de jugements voire d'hostilités que l'attitude rebelle a pu générer,« la légion de démons » dont parlait hier f. Brice. Elle requiert aussi une belle dose de foi, et de confiance dans la grâce du Seigneur, à laquelle croit profondément Benoit.
Ces lignes nous interrogent sur notre manière de prier, notamment les uns pour les autres. Comment vivons-nous cette prière ? Quel travail intérieur entraine-t-elle sur notre regard vis à vis du frère ? Est-ce une prière qui nous fait regarder le frère de haut ? Jusqu'où, en pensée, nous mettons nous à ses pieds pour le servir vraiment ? La prière profonde, quelle que soit son objet, appelle toujours de notre part une conversion du regard. Si je peux prendre un exemple personnel, lorsque je prie pour la paix en Ukraine et pour que Mr Poutine change son attitude guerrière injustifiée, je me surprends au sein même de ma prière à avoir des pensées vengeresses vis-à-vis de cet homme ou de son armée. Comme si je voulais moi-même régler par la violence cette situation injuste, imaginant par ex une riposte guerrière qui l'écrase. Mais est-ce cela le cœur de la prière qui m'est demandée ? N'est-ce pas d'entrer dans le regard de Dieu qui souffre en tant de personnes victimes de ce déchainement de violence et de mensonge. Comme Jésus sur la croix, il semble impuissant. Et pourtant, seul le regard de miséricorde de Jésus, sa force de pardonner et son abandon dans l'amour du Père ont pu renverser le déchainement du mal. Il me semble qu'à la place où je suis, c'est-à-dire pas sous les bombes russes, ma prière doit rejoindre celle du Christ en croix pour entrer dans le mystère de l'amour qui sauve, et ne pas donner prise au mal en moi sous toutes ses formes. N'est-ce pas à ce même lieu qu'il nous faut nous tenir lorsque nous prions pour un frère qui peut nous faire souffrir par son endurcissement?
1. C'est avec toute sa sollicitude que l'abbé prendra soin des frères délinquants, car « ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin du médecin, mais les malades. »
2. Aussi doit-il user de tous les moyens comme un médecin sagace ;: envoyer des senpectas , c'est-à-dire des frères anciens et sagaces,
3. qui comme en secret consoleront le frère hésitant et le porteront à satisfaire humblement, et le « consoleront pour qu'il ne sombre pas dans une tristesse excessive »,
4. mais comme dit encore l'Apôtre : « Que la charité s'intensifie à son égard », et que tous prient pour lui.
5. En effet, l'abbé doit prendre un très grand soin et s'empresser avec tout son savoir-faire et son industrie pour ne perdre aucune des brebis qui lui sont confiées.
6. Qu'il sache en effet qu'il a reçu la charge des âmes malades, non une autorité despotique sur celles qui sont en bonne santé.
7. Et qu'il craigne la menace du prophète, par laquelle Dieu dit : « ;Ce qui vous paraissait gras, vous le preniez, et ce qui était chétif, vous le rejetiez. »
8. Et qu'il imite l'exemple de tendresse du bon pasteur, qui abandonnant ses quatre-vingt-dix-neuf brebis sur les montagnes, partit à la recherche d'une seule brebis qui s'était perdue ;
9. sa misère lui fit tellement pitié, qu'il daigna la mettre sur ses épaules sacrées et la rapporter ainsi au troupeau.
Dans ce chapitre« presqu 'entièrement neuf» au regard de la RM, selon les mots du P. Adalbert, nous avons en acte une belle manifestation de profonde compassion pour le pécheur. La sollicitude de l'abbé qui est requise est invitation à un mouvement de décentrement de sa part, mais aussi de toute la communauté. L'abbé doit dans un premier temps déléguer des sempects, des frères avisés et habiles à rejoindre le frère. L'abbé doit« s'empresser»,« prendre très grand soin» afin de ne perdre aucune des brebis qui lui sont confiées... en « imitant l'exemple de tendresse du bon pasteur». La communauté doit, de son côté, intensifier la charité et prier pour le frère. A travers toutes ces notations empreintes de bonté, st Benoit laisse entendre que le frère excommunié à la suite de sa faute, est surtout victime de son propre péché. Alors que le frère excommunié a pu faire des choses graves ou avoir des attitudes inacceptables pour la communauté, comme le laissaient entendre les chapitres précédents, on le regarde plus ainsi. St Benoit suggère même une attitude presque maternelle à son égard. Ainsi à deux reprises il recommande que les frères sempects « consolent le frère ...pour qu'il ne tombe pas dans une tristesse excessive ». Ce frère qui s'est enfermé dans une certaine posture, est en fait un frère qui est enfermé en lui-même... Loin de le laisser seul, il faut tout faire pour tenter de le rejoindre. En plus de cette compréhension de Benoit toute imprégnée de l'exemple du Christ Bon pasteur. on pourrait aussi aujourd'hui, appuyer cette démarche d'aller vers le frère en peine, simplement par le fait que nous sommes tous pécheurs. Appartenant à la même humanité, et plus précisément à la même communauté, nous connaissons cette solidarité foncière dans le péché. Celui-ci a pu aussi envenimer les relations, et conduire le frère en peine à la situation d'écart dans laquelle il se trouve. Solidaire dans le péché, mystérieusement celui-ci nous isole les uns des autres. Unis dans le Christ Sauveur, il nous revient humblement à chacun de laisser la charité offerte par le Christ s'intensifier pour que se renoue la relation profonde qui fait de nous désormais des frères. Renonçons à nos conceptions de notre bon droit toujours un peu illusoire pour accueillir le dynamisme de la charité qui cimente la communion. Prions avec amour les uns pour les autres.
1. Si un frère se permet, sans permission de l'abbé, d'entrer en rapport avec un frère excommunié de n'importe quelle façon, ou de lui parler ou de lui faire parvenir un message,
2. il subira une peine d'excommunication similaire.
Dans ces quelques lignes, on peut entendre comme une mise en pratique du conseil adressé à l'abbé:« qu'il haïsse les vices et qu'il aime les frères» (RB 64, 11). L'abbé qui prenait cette décision d'excommunier un frère ne pouvait le faire que s'il aimait ce frère, tout en haïssant sa faute. S'il n'aimait pas le frère, en le mettant ainsi à distance, la mesure ne pouvait qu'être inopérante, totalement inutile. Pour mettre en évidence une faute, un égarement chez un autre, pour l'aider à comprendre sa conduite, selon la visée de l'excommunication, il faut beaucoup d'amour. Dans le chapitre entendu, st Benoit met en garde contre une contrefaçon de l'amour: une forme de complaisance avec celui est en faute, une sorte de complicité qui ne dit pas son nom. Ce petit chapitre peut nous interroger sur la qualité de notre amour, vis-à-vis d'un frère qui est en faute, ou bien vis à vis d'un frère qui est en marge ou se met en marge. Comment l'aimer vraiment? Qu'est-ce que l'aimer vraiment? Peut-être, faut-il reconnaitre tout d'abord notre incapacité en la matière, ou à tout le moins, notre peu de dextérité. L'amour est souvent parasité par des jugements sur le frère... Jugements qui nous traversent et qu'on peut entretenir, souvent sans vergogne, sans réaliser que nous nous mettons à une place gui n'est pas la nôtre. Un seul est Juge, et jamais de notre manière. Nous fonctionnons alors comme si nous avions édicté la loi ou la règle, ou pire, comme si nous étions à la hauteur de la loi... L'amour doit encore se frayer une route à travers l'apesanteur de notre indifférence.« Après tout, c'est son affaire», « qu'il gère sa situation». Ce faisant, nous abandonnons le frère à son errance ou à son attitude marginale comme si notre amour fraternel se limitait à un minimum vital pour que la vie soit suppo1iable. Si elle ne l'est pas, je me retire. Face à un frère en faute ou qui se marginalise, il nous revient de cultiver en nous le regard de Jésus sur les pécheurs... et pour cela peut-être nous faut-il commencer par accueillir vraiment son regard sur les pécheurs que nous sommes, débiteurs insolvables. Cultiver le regard de Jésus en demandant la grâce de son amour sur chacun, un amour qui ne juge jamais, un amour qui n'invective jamais sinon les endurcis, un amour qui interpelle en posant des questions, comme pour toujours ouvrir une issue... Oui par la prière, demandons la grâce de ne jamais être indifférent à la souffrance d'un frère qui peine, la grâce de la compassion qui est toujours ouverte à un possible.
1. Quant au frère qui est coupable de faute grave, il sera exclu à la fois de la table et de l'oratoire.
2. Aucun frère n'entrera aucunement en rapport avec lui sous forme de compagnie ou d'entretien.
3. Qu'il soit seul au travail qu'on lui aura enjoint, persistant dans le deuil de la pénitence, sachant cette terrible sentence de l'Apôtre :
4. « Cet homme-là a été livré à la mort de la chair, pour que son esprit soit sauf au jour du Seigneur. »
5. Quant à la nourriture de son repas, il la prendra seul, dans la mesure et à l'heure que l'abbé aura jugées convenables pour lui.
6. Personne ne le bénira en passant, pas plus que la nourriture qu'on lui donne.
Chers amis, - Voilà ce qui fonde notre assemblée de ces Jours. Ne pas, ne plus faire le malheur de celles et ceux qui vivent près de nous sans méfiance. En confiance, même.
Le théologien canadien Jean-Marie Tillard dans l'ensemble de son œuvre - des années 19ï0-1985 - toujours actuelle sur la vie religieuse, évoque nombre de fois la vie religieuse comme un hommage, comme un souci, une préoccupation, « tournée vers Dieu et en même temps rongée par l'inquiétude du monde ». Nous sommes là à cause du Christ et en faveur de ce temps. Elle s'insère. disait-il encore en 1986, « dans le dynamisme de ce que l'Évangile décrit comme l'entrée de Dieu dans la chair du monde. au cœur du réalisme du drame humain, en pleine communion à la détresse et aux espérances des hommes. »
C'est bien en cet endroit que s'enracine notre décision de la vie religieuse chrétienne. A cause du Christ et travaillée par l'inquiétude du monde.
Pourtant. Nous avons découvert un continent de ténèbres. Non pas en ce monde. Mais en nous. Non pas chez les autres mais chez nous, en notre Église, en notre histoire, en nos communautés. Ténèbres engendrées par les morts intimes infligées au corps, à l'âme, à l'esprit, à l'enfance, à l'espérance, de celles et ceux, petits et grands, qui vivaient sans méfiance dans nos maisons, nos institutions, notre proximité, notre aura, notre autorité, notre réputation, et partageaient nos liturgies et sacrements.
Là où la paix, la croissance, la sûreté d'être aimé en vérité, dans le respect le plus absolu devaient être signifiées, c'est la violence sournoise, la peur, le mal qui dévore se sont déchaînés. Sans bruit.
Alors aujourd'hui, en cette Assemblée générale, il s'agit de signifier dans nos actes nous sommes « rongés par l'inquiétude », oui, celle du monde, ô combien. Mais aussi celles des victimes d'abus spirituels, de confiance, de pouvoir, de conscience et d'agressions sexuelles. Cette indignation et cette inquiétude-là ne sont pas périphériques. Elles ne sont pas conjoncturelles en attendant, enfin, des jours meilleurs. Elles font désormais partie de nous-même. De notre engagement. Il ne s'agit pas d'un dossier que nous espérons enfin clore dans 3 jours ou quelques mois. C'est de notre chair et cela nous entame. Non pour renoncer à cette vie religieuse à laquelle je crois de toute mon âme, comme chacune et chacun ici. Mais pour qu'elle soit honnêtement « à cause du Christ ».
Je sais l'implication, le labeur de nous tous. Depuis la décision de la mise en place de la CIASE nous n'avons pas chômé. Et beaucoup, dans leur Institut ont œuvré sans relâche en faveur des victimes, pour la justice et la vérité. Cela coûte cher moralement, spirituellement. Que chacun soit ici chaleureusement, profondément remercié. Dans ce drame et ce scandale, nous pouvons être fiers - paradoxalement- de ce qui se fait pauvrement, maladroitement sans doute mais réellement et qui nous oblige à continuer.
Contemplant lors de l'office du Vendredi saint les femmes et les hommes de tous âges qui venaient vénérer la Croix, je ne pouvais pas ne pas penser aux corps brisés dont nous connaissons - ou non -- les visages marqués tout au creux des yeux. Je pensais à la torture qu’a été la croix pour Jésus. Qu'elle est pour chaque victime de cette infamie que sont la trahison de la générosité, de l'enthousiasme et l'intrusion, la prédation. Nous incliner devant la croix c'est nous incliner devant leur courage, leur attente de reconnaissance, de justice et de clarté. Et humblement, pauvrement, promettre du fond de l'âme que nous avons et que nous allons changer. Le faire non sans notre émotion. Celle qui est nécessaire à la prise de décision car elle nous prend aux entrailles. Comme la honte, la douleur, l'inquiétude qui tenaille, le désir du vrai.
Les événements et révélations dans les médias de ces dernières semaines pourraient pourtant nous en faire douter et en faire douter surtout les victimes, celles qui ont pris douloureusement la parole, celles qui ne peuvent le faire. De quoi encore craindre que nous restions dans le discours qui peut désormais être convenu de « l'écoute des victimes » ou dans des actes périphériques. Mais repérer les risques, nommer les emprises, quitter nos ingénuités coupables, déceler les abus de pouvoir, les corporatismes, en sommes-nous vraiment là? Faire le plus de vérité possible, mesurer ce que sont des vies dévastées, y sommes-nous ? Quant à la question du consentement, en 2023, dans ces domaines si sensibles dont nous parlons, continuons-nous à croire au dramatique adage « qui ne dit mot consent ? » ou croire encore que « céder c'est consentir » ? ou encore qu'il n'y aurait pas des oui qui sont extorqués ? Le consentement repose sur la conversation mutuelle, sur un « consentement de vous à vous-même » écrivait Pascal. Tout autre chose laisse une marque ineffaçable.
Bref les gardes à vue et mises en examen des derniers jours obligent, s'il en est besoin, à ne pas oublier que la « toile de systémicité » dont parle le groupe conjoint CEF/CORREF « sur les causes des violences sexuelles » dans notre Église, n'est pas seulement celle d'hier. Mais d'aujourd'hui, comme d'ailleurs le rapport de la CIASE nous en mettait en garde. C'est là le réel et il est et reste notre maître.
Nous sommes ici ces jours - et je vous remercie chaleureusement toutes et tous d'avoir bravé les intempéries sociales et autres circonstances - pour poursuivre la mise en œuvre des recommandations de la CIASE grâce aux 10 groupes de travail mis en place fin 2021. 5 spécifiques à la CORREF et 5 conjoints avec la CEF. J'en remercie pour nous tous les pilotes et membres pour leurs ouvrages fondamentaux et denses. Entamer ainsi une authentique transformation de nos manières de vivre - « un changement de culture » disant Mgr Éric de Moulins Beaufort lors de son discours de clôture de l'Assemblée plénière de Lourdes il y a quelques jours. Le faire afin que nous sortions des empêtrements pour reprendre un autre terme de ce même groupe de travail « où chaque évènement est comme une clef de voûte située à la croisée d'un ensemble de lignes de forces et non le résultat d'une cause unique. » Il nous fallait alors voir large dans les questions abordées et les travaux effectués en témoignent avec une grande rigueur. Non pour nous démoraliser. Mais au contraire comprendre qu'à crimes systémiques réponse systémique. Aussi toute décision qui renforce la liberté et la dignité, protège des confusions, empêche les cumuls de positionnements, se prémunit contre les corporatismes, l'enclos de l'entre-soi et les idéalisations, qui nomme les choses telles qu'elles sont, toutes ces décisions luttent contre la chaîne des abus et des agressions. Pour nous-mêmes, nos propres membres, notre sens à être dans la vie religieuse avec liberté, comme pour celles et ceux dont nous avons mission de prendre soin.
Alors durant nos 3 jours, écouter, converser, débattre, chercher, argumenter, décider. Nous mettre à l'école des uns et des autres. Des groupes de travail que nous recevrons, de Frédéric Mounier notre coordonnateur et qui a suivi tous les travaux, de M. le juge Édouard Durand à qui je vais céder la parole avec beaucoup de gratitude, de la CRR et de son président Antoine Garapon, des victimes-témoins et supérieurs majeurs qui témoigneront du chemin fait avec la Commission.
Jeudi il faudra nous prononcer, du lieu de notre responsabilité, dans notre institut et pour la vie religieuse en France. Le conseil de la CORREF - que je remercie particulièrement ainsi que SG et toute équipe de la rue Duguay Trouin - à partir des recommandations des groupes, a fait un travail d'appropriation afin de vous le présenter et qu'il puisse être débattu et soumis au vote, « Les bonnes pratiques et les préconisations » sont la façon dont nous avons ensemble tenté une interprétation aussi fidèle que possible des propositions des groupes. Comme vous l'avez vu, pour nos votes nous ne prendrons en compte que les travaux que nous avons pu vous envoyer en temps et heure selon nos statuts, à savoir les 5 groupes spécifiques. Non que les 5 autres ne soient pas tout aussi essentiels. Aussi nous les écouterons et échangerons avec eux. Mais les votes concernant leurs travaux n'interviendront qu'à notre AG de novembre. Ce qui est aussi une façon de nous signifier qu'il ne s'agit pas de passer tranquillement à « autre chose ».
Nous vivons notre Assemblée au cœur dans cette grande semaine pascale.
Peut-être sommes-nous comme ces deux hommes, qui entrent et sortent du tombeau vidé de la mort. Comme le mouvement d'une vie, de toute vie. Leur corps épouse ce qui est advenu au corps de Jésus qui est entré, mort, en ce tombeau, et en est ressorti, vivant Métaphore de la foi. Métaphore - nous l'espérons tant - du sens de l'existence. Ces deux hommes qui sortent du tombeau sont nos précurseurs. Leur corps passe du lieu de la mort, du silence, du scandale de la souffrance et de l'injustice, à l'espace ouvert, incertain et risqué de la vie vivante,
Anne Marie Pelletier écrivait magnifiquement, lors du chemin de croix à Rome en 2017, à, propos de la 14e et dernière station à propos des femmes : « s'apprêtent-elles seulement, par ce geste, à embaumer leur espérance ? Et si Dieu avait préparé une réponse à leur sollicitude qu'elles ne peuvent deviner, imaginer, pressentir même... La découverte d'un tombeau vide... , l'annonce qu'il n'est plus ici, parce qu'il a brisé les portes de la mort... ». C'est là notre foi. Croire à la sollicitude de notre Dieu qui en son Fils ressuscité nous témoigne qu'il est juste et bon, d'essayer de Le suivre jusque là où son corps fut déposé. Il fera le reste.
Pourtant, des pierres doivent encore être roulées. Ensemble.
Et décidément : « Ne travaille pas au malheur de ton prochain alors qu'il vit sans méfiance auprès de toi ». Pr 3, 28
Merci encore à vous tous ici, aux supérieurs/es majeurs/es, aux membres des groupes de travail, aux victimes-témoins, à Jean Christophe Meyer, délégué de la CEF, aux journalistes et à leur intérêt pour nos travaux. Merci à Catherine Shirk Lucas et sa magnifique initiative des Rubans contre l'oubli.
Bonne assemblée à nous tous.
Je vous remercie
sr Véronique Margron,
présidente de la CORREF